-Donc comme j'étais entrain de vous dire il y a mes quatre fils, dont voici les trois que vous ne connaissez pas encore.
Il s'approche du premier garçon, aux cheveux aussi noirs que ses autres frères, et à la carrure également baraquée malgré la jeunesse de ses traits.
-Le plus jeune, Honoré, dix-neuf ans. Voici ensuite Modeste, vingt-cinq ans et enfin Fidèle, vingt-huit.
Oxelle trouvait déjà le prénom « Prosper » plutôt atypique mais cette fois c'est tout un florilège qui s'offre à elle et elle doit retenir son visage de montrer le moindre étonnement exagéré.
-Ma femme, Victorine.
En disant son prénom il s'approche d'elle et pose sa main autour de sa taille en déposant un regard emplie de tendresse sur elle ce qui n'échappe pas à Oxelle. Elle trouve ça beau de voir autant d'amour dans leurs yeux après elle imagine tant d'années de mariages.
La femme a tout juste un peu plus d'une cinquantaine d'années. Ses cheveux poivre et sel sont relevés en chignon sur sa tête et elle est habillée d'une robe et d'un tablier faisant très siècle dernier. Son sourire est particulièrement contagieux et les petites pattes d'oies au coin de ses yeux illuminent gracieusement son visage.
-Ravis de vous rencontrer. J'espère que vous passerez un très bon séjour en notre compagnie, en plus vous avez de la chance, il n'y a pas d'autres hôtes cette semaine. Surtout si vous avez besoin de quoi que ce soit durant votre séjour n'hésitez pas une seconde à faire appel à nous.
Sa voix est aussi douce que ce qu'elle dégage.
Line lui répond avec ce même sourire sincère:
-Merci beaucoup.
Soudain un rire d'enfant surgit du couloir et tous les regards se posent sur un petit garçon arrivant en courant dans l'embrasure de la porte. Il regarde les deux filles une seconde puis commence à s'avancer vers elles en rendant ses petits bras, un large sourire sur le visage. Modeste, le second de la fratrie, sort alors aussitôt du rang et le prend dans ses bras.
Silvain éclate d'un rire jovial:
-Haha oui j'allais oublier le petit roi de cette maison. Je vous présente Hyppolite, le fils de Modeste. Il vient d'avoir tout juste trois ans. Sa mère est partie rendre visite à de la famille à elle dans l'Est, mais vous la verrez peut-être en fin de semaine avant votre départ. Bon, allez retournez tous à vos occupations pour ne pas oppresser nos convives, je vais leur montrer leur chambre.
Et aussitôt, comme s'il avait appuyé sur un bouton pour commander des robots, tous se dispersent dans la maison avec une rapidité fulgurante.
-Suivez-moi, c'est à l'étage.
Ils avancent jusqu'à l'escalier en bois usé et Silvain se retourne pour proposer de porter la valise mais Line refuse en affirmant qu'elle peut aisément le faire.
Les marches sont atrocement grinçantes et Oxelle a un frisson qui lui parcourt la colonne vertébrale. Elle déteste ces petits bruits des vieilles maisons, mais elle est prête à subir ça pour profiter de ce lieu sûrement si riche d'histoires.
Il n'y a qu'un seul étage. Le corridor donne sur de nombreuses portes, sûrement les chambres de chaque habitants de cette maison. Ils vont jusqu'au bout du couloir et Silvain ouvre une porte sur la droite.
-Voici votre chambre, avec évidemment salle de bain et toilettes personnelles. Tenez voici la clef. Le petit déjeuné est servi le matin de huit heures à dix heures et vous avez accès à la plage directement depuis la porte de derrière. Le déjeuné à midi et demi et le dîner à dix-neuf heures trente précise, la femme est assez stricte sur les horaires haha... Sur ce je vous laisse vous installer.
-Merci beaucoup!
Et après un sourire Silvain sort en refermant la porte derrière lui.
Aussitôt Line lâche un long soupire de satisfaction et se laisse tomber sur le lit les bras en croix.
-Enfin en vacances!
Oxelle dépose son sac à dos au pied d'une chaise et jette un coup d'œil dans la salle de bain.
-En tout cas la chambre elle est vraiment super belle et la salle de bain aussi d'ailleurs même si elle date un peu.
Elle avance jusqu'à la grande fenêtre qui donne, comme Line l'avait demandé, sur la mer.
-Wahou viens voir! La vue est magnifique!
Line se lève et va rejoindre son amie à la fenêtre.
-Rien à perte de vue à part le sable et l'océan... À droit et à gauche les arbres. Aucun voisin. Personne pour venir nous déranger. Cette maison est vraiment idéalement située, et puis pas si cher le séjour quand on y réfléchit...
-Nan c'est vrai, tu as vraiment assuré!
-On dit merci qui?
-Merciii Liiine!
Cette dernière effectue une petite danse sur elle même pour en rajouter puis s'agenouille au sol près de la valise et l'ouvre pour commencer à ranger.
Oxelle replonge alors encore un instant son regard vers l'horizon et cette sensation de liberté qui lui avait tant manqué et soudain ses yeux se posent sur une silhouette marchant près de la maison. Il s'agit de Prosper, torse nu, un paquet de corde roulée sur elle même posé sur son épaule. Sortant de Dieu sait où il avance vers la porte la trappe de la cave de la maison. Il déverrouille un cadenas et ouvre la porte, près à descendre les marches tandis que la jeune femme l'observe attentivement, les yeux plissés, quand soudain il lève son visage vers elle et vient croiser férocement son regard.
Oxelle sursaute et s'écarte aussitôt de la fenêtre comme si elle avait fait quelque chose de mal.
-Qu'est ce que tu as?...
-Rien je...
Elle sent son cœur battre rapidement dans sa poitrine. Elle pousse un long soupire pour calmer son rythme cardiaque.
-J'ai simplement vu Prosper. Il m'a surprise c'est tout.
Un rictus apparaît au coin des lèvres de Line:
-Dis donc il te fait tant d'effet que ça le petit ténébreux?
Oxelle se contente de lever les yeux au ciel.
-A peine célibataire à peine en chasse...
-Je t'en prie Line arrête. Je ne sais pas où j'en suis avec Maxence mais ce qui est sûr c'est que je ne suis pas ici pour draguer qui que ce soit. Au contraire. Je veux penser à autre chose.
-Je rigolais...
-En tout cas... il ne m'inspire pas moi ce Prosper.
-En même temps il peut inspirer qui avec un prénom pareil celui-là ?!
Cette fois Oxelle ne peut s'empêcher d'éclater de rire et Line vient l'accompagner de bon cœur, faisant envoler au passage tous les pressentiments de la jeune femme.