Le Dernier Vol des Oiseaux de...

By JHaltRoen

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Roxane vit dans un des plus beaux appartements de l'Upper East Side de New York, entourée d'un père aimant et... More

Avant-Propos
.
Prologue
Chapitre 1 - Partie I
Chapitre 1 - Partie II
Chapitre 2 - Partie I
Chapitre 2 - Partie II
Chapitre 3 - Partie I
Chapitre 3 - Partie II
Chapitre 4 - Partie I
Chapitre 4 - Partie II
Chapitre 4 - Partie III
Chapitre 5 - Partie I
Chapitre 5 - Partie II
Chapitre 5 - Partie III
Chapitre 6 - Partie I
Chapitre 6 - Partie II
Chapitre 6 - Partie III
Chapitre 7 - Partie I
Chapitre 7 - Partie II
Chapitre 7 - Partie III
Chapitre 8 - Partie I
Chapitre 8 - Partie II
Chapitre 9 - Partie I
Chapitre 9 - Partie II
Chapitre 9 - Partie III
Chapitre 10 - Partie I
Chapitre 10 - Partie II
Chapitre 10 - Partie III
Chapitre 11 - Partie I
Chapitre 11 - Partie II
Chapitre 12 - Partie I
Chapitre 12 - Partie II
Chapitre 12 - Partie III
Chapitre 13 - Partie I
Chapitre 13 - Partie II
Chapitre 13 - Partie III
Partie Temporaire
Chapitre 14 - Partie I
Chapitre 14 - Partie II
Chapitre 15 - Partie I
Chapitre 15 - Partie II
Chapitre 16 - Partie I
Chapitre 16 - Partie II
Chapitre 17 - Partie I
Chapitre 17 - Partie II
Chapitre 17 - Partie III
Chapitre 18 - Partie I
Chapitre 18 - Partie II
Chapitre 18 - Partie III
Joyeux Noël
Chapitre 19 - Partie I
Chapitre 20 - Partie I
Chapitre 20 - Partie II
Chapitre 21 - Partie I
Chapitre 21 - Partie II
Joyeuse Saint-Valentin
Chapitre 22 - Partie I
Chapitre 22 - Partie II
Chapitre 23 - Partie I
Chapitre 23 - Partie II
Chapitre 24 - Partie I
Chapitre 24 - Partie II
Épilogue
.
Remerciements
Informations

Chapitre 19 - Partie II

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By JHaltRoen


Roxane


Les battements de mon cœur résonnent longuement dans tout mon être. Le temps semble s'être figé tout autour de moi et mes lèvres tremblent encore du dernier nom qu'elles ont prononcé.

— C'est impossible, je...

— C'est elle ! Demandez-lui à elle !

Brusquement, Eddy se redresse et se débat dans les bras de son bourreau avec une fureur rarement égalée. Je me recule en direction de Robin, déboussolée. De quoi parle-t-il ? Que se passe-t-il ? La pièce oscille sous mes yeux effarés, me transportant du même coup dans un véritable cauchemar rythmé par de violentes sueurs froides et les chuchotements incessants qui résonnent toujours à mes oreilles. Lorsque je me retourne vers le maître des lieux, le regard empli d'interrogations, celui-ci retire son arme à feu de sa cachette puis la pose nonchalamment sur la petite table de marbre, avant de se laisser tomber dans le canapé en soupirant :

— Finalement, ramène-moi ce petit merdeux par ici. Je sens qu'il va m'amuser.

Obéissant aux ordres, le sbire traîne sa victime jusqu'au pilier central de l'estrade auquel il l'attache à nouveau. Je reste prostrée, incapable d'articuler le moindre mot.

— C'est elle, je vous en supplie, écoutez-moi ! J'avoue tout ! C'est elle !

Eddy ne cesse de crier après moi sans que je n'y prête une réelle attention. Mes yeux inspectent les plus petits recoins de la pièce, à la recherche d'une échappatoire à ce nouvel enfer, en vain. Un sentiment de déjà vu s'empare de moi et me donne la nausée. Mon cœur refuse d'admettre qu'il m'a de nouveau abandonnée à mon triste sort, aux mains d'un tortionnaire dont la prestance n'a d'égal que le cynisme. J'étais venue ici chercher la chaleur de ses bras, la douceur de ses lèvres... Je n'y ai trouvé que l'écho tragique de l'éternelle violence, sanctifiée par le psychopathe le plus sadique de cette ville. D'un signe de la tête, ce dernier ordonne à son homme de main de quitter la pièce, puis pose ses yeux de glace sur moi :

— Ma belle, je t'ai fait venir ici pour toute autre chose, mais au point où nous en sommes... Approche.

Je déglutis avec difficultés, retenant le torrent de larmes que je sens poindre en moi, puis m'avance lentement vers le petit fauteuil juxtaposé au canapé. Robin engloutit un nouveau verre de whisky, sans lâcher Eddy des yeux. Ce dernier continue ses supplications fébriles et ses accusations à mon sujet, mais tout cela m'est bien égal. Mes pensées sont uniquement tournées vers la déception, l'amertume et l'inquiétude qui tissent leurs toiles morbides au fin fond de mon crâne. Je prends une inspiration tremblante, sans parvenir à défaire mon regard du pistolet posé sur le plateau de marbre. Son propriétaire s'enfonce un peu plus dans le canapé et s'adresse alors à moi sur un ton anormalement calme et doucereux :

— Alors comme ça, vous vous connaissez tous les deux ?

— Oui ! C'est elle ! C'est Roxane Preston !

— Toi, tu la fermes ! Tu parleras quand je te l'aurai demandé.

Une cascade de frisson me remonte l'échine en même temps qu'un silence pesant s'installe à la suite du rugissement de Robin. Les battements de mon cœur s'emballent dans ma poitrine. Je bloque mes mains entre mes genoux et prends une brève inspiration tremblante avant de relever la tête vers lui, le regard fuyant :

— Oui, on... on était ensemble à l'université. Mais il n'a jamais été mon ami.

Le chef affiche un léger sourire rassurant dans ma direction avant de reprendre avec nonchalance :

— Tant mieux. Tant mieux. Je vais t'expliquer la situation, Roxane. La raclure que tu vois là était un rabatteur de Desmond à Columbia. Il se chargeait de ramener de nouveaux clients à notre cher ami et comme je suis un patron honnête, je lui donnais une petite enveloppe pour le récompenser. Sauf qu'un jour, il a cru bon de faire chanter Desmond pour récupérer ma marchandise, gratuitement, pour lui tout seul.

Robin marque un temps d'arrêt. La fureur qui monte en lui à chaque seconde qui passe transparaît de plus en plus sur son visage aux traits tirés. Ses iris gris déversent leur haine sordide sur Eddy, qui se contente de garder la tête basse, confus.

— Alors bien sûr, je n'allais pas laisser cette erreur impunie. Mais tu vois, le problème c'est que ce salopard a refilé ma came à quelqu'un pour la planquer et qu'il refuse catégoriquement de me donner son nom. Du moins, jusqu'à présent...

— Elle me l'a volé ! C'est elle, elle est folle ! Elle m'a tout volé ! C'est elle qui a...

Sans me laisser le temps de rétorquer, Robin se lève d'un bond, s'empare de son arme à feu et assène un violent coup de crosse à Eddy. Ce dernier crache alors une large giclée de sang sur le côté avant de s'affaler sur le sol en gémissant. Je ravale un petit cri de terreur et ferme les yeux de toutes mes forces. Le bourdonnement dans mes oreilles s'amplifie. Robin enrage et aboie :

— La prochaine fois que tu l'ouvres sans que je te le demande, je te fracasse le crâne contre cette estrade, c'est compris ?!

Les pulsations qui résonnent dans ma tête se mêlent à la cacophonie insupportable de mon esprit troublé. Le chef se rassoit sur le canapé, repose son pistolet sur la table et se ressert un verre de whisky avant de poursuivre, sur le ton le plus calme que son état lui permet encore :

— Donc, je disais. Jusque là, ce fumier était parti pour jouer au super héros en tenant sa petite langue, mais étrangement, maintenant que tu es là, il se sent d'humeur bavarde. Tu as une explication ?

Je secoue nerveusement la tête et balbutie alors, d'une voix fébrile :

— Non... Je ne sais pas. Je n'ai rien à voir là-dedans, ce n'est pas moi.

Robin acquiesce en signe de compréhension avant de me faire signe de me rapprocher de lui, sur le canapé. Tremblante de peur, j'obéis en fuyant maladroitement le regard foudroyant de Eddy sur moi. Une fois installée à ses côtés, le chef se tourne un peu plus vers moi et déplace une mèche de mes cheveux sur mon dos d'un geste délicat. Je me crispe et mords mes lèvres, mal à l'aise. Il s'approche alors de mon oreille à laquelle il murmure :

— Oh, mais j'espère bien, belle Roxane. Parce que tu sais ce qu'il risque d'arriver si jamais tu as osé me mentir et si c'est bien toi qui cache ma came quelque part.

Sa respiration effleure mon lobe, puis le haut de mon cou. Je reste droite, comme figée par le souffle glacial de la mort elle-même. Il reprend, d'une voix à peine audible :

— Après tout... Tu as le meilleur des maîtres en la matière, pas vrai ? C'est d'ailleurs bien dommage qu'il ne soit pas là pour apprécier ta progression...

Mon cœur se serre dans ma poitrine. L'évocation de son souvenir ravive en moi une flamme dangereuse. Un mélange d'inquiétude, d'amour, de douleur et de haine que je peine à contrôler.

— Où est-il ? Il devait te rejoindre, il...

— Shane est là où je veux qu'il soit. Et toi en attendant, tu vas répondre à ma question. Est-ce que oui ou non tu as quelque chose à voir dans cette affaire comme cette petite ordure semble le dire ?

Éreintée par la situation, je me redresse et réplique avec froideur et mépris :

— Je n'ai rien à voir là-dedans. Pourquoi j'aurais fait une chose pareille ? Moi, je veux juste...

Soudain, Robin s'empare de mon bras et me tourne violemment face à lui. La douleur m'arrache un gémissement tandis que ses yeux, noirs de haine, torturent les tréfonds de mon âme à travers la fenêtre de mes yeux.

— Oh, je sais très bien ce que tu veux ! Tu veux ton Shane. Alors, vas-y ! Sauve-le ! À qui ce fils de pute a pu donner ma came ? Qui est assez proche de lui pour se voir accorder une telle confiance ? Pourquoi il t'accuse, toi ? Tu vas répondre, Roxane. Je te jure devant Dieu que tu vas répondre.

Sans me laisser le temps de réagir, il empoigne mes cheveux et me tire en arrière contre son épaule. La rage qui émane de son souffle tremblant me fige dans une stature d'effroi. De son autre main, il extirpe son téléphone portable de sa poche et compose un numéro. Les voix de mes démons se mêlent et s'entremêlent, vociférant des propos incohérents à mon esprit désarçonné. Derrière moi, le bar se met à trembler et les bouteilles d'alcool s'explosent sur le sol dans un vacarme de tous les diables. Son emprise m'afflige et arrache deux larmes à mes yeux tandis qu'il me désigne son téléphone d'un rapide mouvement de la tête :

— Tu as trois secondes, Roxane. Trois secondes, ou je fais abattre Shane comme un chien.

— Robin, je ne sais rien ! Rien du tout, je te le jure ! Je t'en supplie, ne fais pas ça... !

Ma voix s'étrangle et disparaît dans les prémices de mon sanglot. Le chef pousse un profond soupire et appelle le numéro qu'il vient de composer sous mes yeux effarés. En désespoir de cause, mon cœur crie alors le seul nom qui me vient à l'esprit :

— Joanna Garvey !

Eddy relève soudainement la tête vers moi. L'écho de ce nom résonne encore dans la pièce. Robin abaisse son portable avec désinvolture puis coupe la conversation téléphonique lancée au préalable avant de m'interroger avec lassitude :

— Joanna ? Qui c'est ça, encore ?

Eddy se redresse et rétorque alors, d'une voix mal assurée :

— Ne l'écoutez pas ! Elle est folle, je vous dis !

Je reste muette, prisonnière de ma propre vérité. Mon regard oscille entre Robin, son téléphone et sa victime. Sa main relâche brutalement mes cheveux et je m'empresse de remettre une certaine distance entre lui et moi.

— Espèce de petite garce, de quel droit tu te permets de parler d'elle !

Mon cœur est à deux doigts d'exploser dans ma poitrine. La peur dévastatrice enfantée par le danger qui menace Shane m'emporte. Je reporte brusquement mon attention sur Eddy et rétorque alors, sans en avoir pleinement conscience :

— Pourquoi est-ce que je ne dirais rien ? Tu ne sais pas qui je suis, tu n'as jamais su ! Je n'ai aucune envie de t'aider, je suis de son côté ! De son côté, tu entends ?

Robin s'enfonce lentement dans le canapé et reste silencieux. Perdant peu à peu tout contrôle sur mes émotions, je me retourne vers lui et vide alors mon sac :

— Joanna Garvey est sa petite amie.

— Mais tu vas la fermer, oui ?!

Les battements furibonds dans ma poitrine et l'angoisse de faire à nouveau face à mes visions me poussent à continuer sur ma lancée :

— Elle habite sur Columbus Avenue, Upper West Side. Elle est grande, mince, elle a la peau très pâle et les yeux...

— Pauvre folle, tout ça, c'est de ta faute ! Tout est de ta faute ! Je comprends maintenant ! C'est toi qui as tué Jordan ! J'en étais sûr !

— Je ne l'ai pas tué ! Ce n'était pas de ma faute ! Pas de ma faute !

— Allons, allons, les enfants ! Calmez-vous deux secondes, vous me faites mal à la tête...

Robin s'interpose subitement d'un geste de la main. Aussitôt, Eddy et moi nous murons dans une haine mutuelle et silencieuse. Le maître des lieux reprend alors avec patience :

— Bien. Merci pour ces précisions, Roxane. Mais j'ai tout de même un petit problème. Comment être sûr que tu n'es pas en train d'inventer tout ça juste pour sauver la vie de ton chevalier servant ?

Ses iris couleur acier se promènent sur moi, écorchant au passage chaque parcelle de mon corps. Je déglutis avec difficultés et prends une profonde inspiration avant de poser mon dernier as dans ce jeu de survie morbide :

— Il a été arrêté par le FBI.

Le chef se redresse lentement et plonge son regard de glace dans le mien. Sa voix se met à trembler de fureur :

— Pardon... ?

— Ils sont venus le chercher à Columbia, c'est Jordan qui me l'a dit.

Eddy se recroqueville alors auprès du poteau d'acier, clamant sa fausse innocence et je sais, à ce moment-là, que je viens de signer son arrêt de mort. Le maître des lieux affiche un petit sourire au coin tout en perdant son regard sur l'objet macabre posé devant lui. Je prends une profonde inspiration et suis ses mouvements avec attention. D'un geste précis et délicat, Robin se penche sur son pistolet, retire la sécurité, puis l'arme avec patience. Le cliquetis qui résonne alors dans la pièce me glace le sang dans les veines. Je déglutis, le regard rivé sur le néant obscur du canon qui médite sur toute cette scène, comme l'œil impartial de la mort. Après quelques instants d'hésitation, le maître des lieux le retourne et me tend la crosse avec nonchalance.

— Alors c'est le moment de me prouver ta loyauté, poupée.

Les mugissements de mes démons s'amplifient au fur et à mesure qu'il approche l'arme à feu de mes mains. Mon cœur, éreinté par les affres de l'amour et de la peur, tressaille dans ma poitrine. Une nouvelle larme s'échappe de sous ma paupière et vient s'écraser sur le métal froid du contour de la crosse que mes doigts enserrent alors dans une étreinte morbide. Robin sourit en dirigeant lentement le canon du pistolet vers Eddy qui se terre aussitôt le plus loin possible de nous, gémissant et implorant pour sa vie.

— Non ! Je ne leur ai rien dit, je vous le jure ! Je vous en supplie, laissez-moi ! Roxane, ne tire pas. Par pitié !

Les larmes qui brûlent mes iris brouillent ma vision. Mon souffle tremble en même temps que mon bras tendu supporte de moins en moins la terreur et le poids de l'arme à feu à son extrémité. Mon chef s'approche lentement de mon oreille pour y susurrer, à la manière d'un serpent perfide :

— Fais-le. Prouve-moi que tu es digne de confiance et que tu peux te hisser aussi haut que ton Shane...

Sa voix fiévreuse et suintante l'excitation malsaine me déclenche une nouvelle série de sueurs froides sordide. Je pose lentement mon doigt sur la détente. Les idées se bousculent dans ma tête, mes pensées me malmènent. Je ferme un instant les yeux et me retrouve plongée dans le néant de ma propre conscience meurtrie où le bien et le mal se livrent à présent un combat sans merci. Shane ou Eddy, ce soir l'un des deux doit payer le tribut d'une loyauté bafouée. Ma phalange se crispe sur la détente, en même temps que mon souffle s'accélère. Le brouhaha insupportable à mes oreilles m'empêche de penser.

Est-ce que tout ceci est bien réel?

J'ouvre lentement les yeux sur Eddy, pleurant et se lamentant sur l'estrade. Derrière lui se tient le cadavre de Jordan qui me fixe avec le même regard empli de douleur et de peine que le dernier qu'il m'a lancé avant de mourir.

— Tu ne m'as pas sauvé, Roxane ! Tu l'as laissé me tuer, comme tu vas le laisser tuer Shane. Regarde !

Il pointe alors du doigt l'angle de la pièce où se dresse une silhouette macabre, vêtue d'un long manteau noir et au visage ensanglanté. Les larmes brouillent totalement cet horrible spectacle et je détourne la tête.

Tout ceci n'est pas réel.

Rien n'est réel.

Rien du tout...

— Non !

Je capitule. Mes paupières se ferment sur un Eddy terrorisé et deux nouvelles gouttes salées roulent sur mes joues au moment où la détonation parvient à mes oreilles. La puissance de recul de l'arme à feu fait vaciller ma main et mon bras. J'ouvre la bouche, mais aucun son n'en sort. L'écho de la mort résonne encore dans la pièce, avant de s'évanouir dans les abîmes de l'enfer dans lequel je viens de plonger. Mon souffle tremble et je reste perdue dans les méandres de l'irréel. Une odeur de poudre et de fer imprègne mes narines. La même que cet autre soir maudit...

Tout ceci n'est pas vrai.

Il ne s'est rien passé.

Ou peut-être que si?

— Eh bien, eh bien...

La voix de Robin me sort de ma stupeur tandis que mon esprit martèle que toute cette scène n'est rien d'autre que l'une des nombreuses farces mes démons. Le maître des lieux s'avance lentement de moi et s'empare de l'arme qu'il libère de mes doigts crispés. Il abaisse ensuite mes bras encore tétanisés et me tourne délicatement face à lui. Mes prunelles suivent ses mains, sans que j'en aie réellement conscience. Plongée dans un état second, je suis le pantin de sa volonté, de ses envies, de ses vices et de sa folie. Il noie alors son regard dans le mien et redresse mon visage face au sien :

— Je te félicite, ma belle. Tu viens de te hisser à la hauteur de Shane. Je suis extrêmement content de toi.

Je relève les yeux vers lui, persuadée d'être toujours la pauvre victime de mes hallucinations. L'ombre de Jordan se dessine encore à côté du cadavre d'Eddy, dont le thorax transpercé cesse peu à peu de déverser le sang de la haine et de l'amour sur l'estrade souillée. Je m'apprête à jeter un œil au coin de la pièce où est apparue la seconde silhouette cauchemardesque, quand la porte s'ouvre à la volée et se referme tout aussi vite, dans un claquement sourd :

— Mais qu'est-ce qui te prend de tirer sans silencieux à cette heure-ci ? Oh, c'est pas vrai... Y en a partout.

Robin caresse ma joue, puis replace la sécurité de son arme avant de se relever et d'avancer vers la voix féminine en provenance de l'entrée.

— Viens là, ma princesse.

Je tourne délicatement la tête, juste assez pour apercevoir la longue crinière blonde de Zara virevolter entre les bras de Robin. Une nouvelle larme roule sur ma joue.

Rien n'est réel.

Rien du tout...

— Les nouvelles, Z ?

Ma rivale se détache un peu de son étreinte et me lance un bref coup d'œil avant de reporter son attention sur son compagnon.

— Quelques soucis avec Finn et ses deux guignols. Une bonne bande d'incapables, mais ne t'en fais pas, j'ai réglé l'affaire.

— Bien. Très bien, Z. comme toujours.

Le cœur serré, je me détourne des roucoulades du couple et focalise mon attention sur mes mains.

Tout ceci n'est pas réel.

Il ne s'est rien passé.

— Je dois retrouver Joanna Garvey, il semblerait que ce soit elle qui planque ma marchandise. En attendant, occupe-toi d'elle, soigne-la, habille-la et explique-lui à ma place pour ce soir. Vous me rejoindrez comme prévu, à deux heures.

Je relève des yeux interrogateurs vers le couple qui me toise maintenant avec un grand intérêt. Zara grimace et replace le visage de son compagnon face au sien en faisant la moue :

— Est-ce qu'on a vraiment besoin d'elle, ce soir ? Je veux dire, on peut très bien faire comme on a toujours fait. Toi, moi et Desmond. Je...

Robin dégage violemment les mains de son visage et rétorque, sur un ton glacial :

— Elle doit être là. Elle sera là. Tu vas t'occuper d'elle comme je te l'ai demandé et tu vas me l'amener, ce soir. Et sans discuter, c'est bien clair ?

Zara pince les lèvres, baisse la tête puis finit par acquiescer d'une voix morne :

— Bon, très bien. Je l'emmène chez Jack, je passerai lui récupérer des vêtements et je veillerai sur elle jusqu'à ce soir.

— J'aime mieux ça, Zara.

Elle affiche un petit sourire contrit à l'attention de Robin, avant de me faire signe de la suivre d'un geste de la tête.

— Viens avec moi.

Je jette un rapide coup d'œil au chef qui me tourne littéralement le dos, puis repose mon regard sur Zara. Cette dernière me toise, sans exprimer la moindre émotion à mon égard. Elle m'attend, les bras croisés sur sa poitrine, ses longs cheveux blonds en bataille sur le haut de son crâne et une légère ombre de crainte au cœur de ses grands yeux clairs.

Rien n'est réel.

Après une brève seconde d'hésitation, je me redresse sur mes jambes tremblantes, en prenant bien garde à ne pas poser le regard sur l'estrade ou le coin de la pièce tant redouté. Mes pieds douloureux foulent de nouveau la moquette noire. J'avance à pas comptés en direction de Zara quand le son de la voix de Robin m'interpelle alors :

— Merci pour tout, Roxane. Je sens que tu n'as pas fini de m'émerveiller, ce soir.

Rien du tout...

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