Carnet d'observation de Sophia :
Note n°15 : "Il y a quelques temps, j'ai vu une jeune sirène, nouvellement arrivée, se rendre au conseil. Elle voulait redevenir humaine. Je ne l'ai jamais revue."
Alors que la chaleur entre eux n'avait fait qu'augmenter depuis plusieurs minutes, William arrêta tout mouvement à la suite de ses mots. Elle les aurait presque regrettés mais la jeune femme n'était malheureusement pas capable d'aller plus loin. Rouvrant les yeux pour les planter dans les siens, Sophia y lut un désir farouche et une attention complète qui mirent ses émotions à l'épreuve.
Reprenant un instant sa respiration, William fronça immédiatement les sourcils.
- Tu as mal ? La questionna-t-il alors qu'une inquiétude discrète perçait peu à peu les flammes qui avaient dansé dans son regard.
Confirmant d'un hochement de tête, elle vit avec regret William se laisser tomber sur le côté avec un soupir.
- Désolée... S'excusa-t-elle timidement.
- Ne le sois pas, la contredit-il calmement tout en lui jetant un regard doucereux. Ce n'est pas ta faute.
Malgré tout face aux douleurs qui avaient regagné ses jambes, Sophia se sentait fautive. Il avait été si bon de sentir ses caresses sur sa peau qu'elle avait l'impression d'avoir tout gâcher. Lui jetant un rapide regard, William entoura la sirène de son bras et la rapprocha de lui. Elle se pelotonna avec joie contre son pirate et posa une main distraite sur son torse.
- Tu as eu une journée épuisante, repose-toi, lui glissa-t-il à l'oreille d'une voix qui la rassurait. Demain, tu seras à nouveau pleine d'énergie.
Rassérénée par les mots tendres de son amant, la sirène s'obligea à prendre une profonde inspiration avant de fermer les yeux. Oui, aujourd'hui avait été épuisant en tout point et ce repos ne pourrait que l'aider... tant qu'il était à ses côtés. La main sur son torse chaud, elle pouvait le sentir se soulever à un rythme encore légèrement rapide.
- Dors ma douce, je serais là à ton réveil, lui assura-t-il, faisant naître un petit sourire sur les lèvres de la jeune femme pendue aux siennes.
Bien que sa fatigue soit présente, s'il continuait à la dorloter de cette manière, elle ne pourrait pas se reposer à ses côtés, bien trop occupée à l'admirer. Dans un souffle qu'elle ne put retenir, trois petits mots lui échappèrent.
- Je t'aime... Soupira-t-elle alors que sous sa main le torse de son pirate se tendit brusquement.
Ouvrant à nouveau les yeux, Sophia les ouvrit en grand... Avait-elle vraiment laissé ça lui échapper ? S'exclama-t-elle intérieurement face à sa propre stupéfaction. C'était sorti si naturellement qu'elle n'y avait pas pensé mais encore jamais ils ne s'étaient dit ces mots-là ! Bien sûr, ils s'étaient déjà montrés tant de marques d'affection mais soudain alors que William ne bougeait plus à ses côtés elle eut un doute. Et si ses sentiments à lui n'en étaient pas à ce niveau ? Prise de panique, Sophia ne savait plus quoi faire et son cœur s'emballa. Faire semblant que rien n'avait été dit ? Attendre ? Le répéter au cas où il n'ait pas entendu ?
William n'osait plus bouger et questionnait silencieusement son audition. Sa journée aussi avait été fatigante et il avait encore l'esprit occupé à marquer au fer rouge l'image de sa belle sirène au visage désireux dans son esprit. Ses oreilles avaient-elles bien entendu ? Son cœur avait décidé de jouer la mélodie du bonheur sans son accord car déjà son esprit était persuadé de ce qu'elle avait prononcé avec tant de douceur. Pour le prouver à sa raison, il releva légèrement la tête et obligea d'une main Sophia à le regarder. Ses yeux étaient brillants, à la fois plein d'espérance et craintif. Oui, sa raison en était désormais convaincue elle aussi. Ces mots précieux venaient de franchir ses lèvres.
Un sourire éclatant s'étendit lentement sur sa bouche alors qu'il posait sur elle son regard le plus tendre. Jamais il n'avait été aussi heureux qu'en cet instant. Il passa délicatement une main sur sa joue et posa un baiser protecteur sur son front.
- Je t'aime Sophia, plus que tout, lui sourit-il d'une voix rauque.
Les yeux de sa belle se mirent à briller de bonheur et il sut qu'elle était aussi heureuse que lui. Prise d'un élan d'assurance, elle se leva sur ses coudes et, à moitié reposée sur son torse, elle l'embrassa à son tour. Surpris et conquis, le capitaine sentit son pouls s'accélérer alors que son corps ne faisait que lui signifier le désir qu'il ressentait pour cette femme. Il répondit à son baiser avec délectation avant de la laisser se lover à nouveau à ses côtés. Dieu ce qu'il l'aimait...
Ce jour-là, ce furent des sueurs froides qui firent sortir la sirène de son sommeil. Etonnamment elle ne se réveilla ni en sursaut ni prise de panique. Un lointain sentiment de malaise la laissait perplexe mais il restait bien préférable à la frayeur que faisait naître les cauchemars habituels. Reposée et l'esprit encore embrumé par les vapeurs de la nuit, la sirène se retourna à sa gauche quand elle entendit la respiration profonde de son compagnon, encore assoupi à ses côtés. Esquissant un sourire amoureux, Sophia remercia le ciel de lui avoir permis de connaître un tel amour malgré toutes les horreurs qu'elle avait commises. La vision de cet homme qui lui montrait tant d'attention laissa son cœur virevolter alors qu'une chaleur bienvenue montait à ses joues. Elle resta un long moment à le détailler du regard et en profita pour fixer chacun de ses traits, chacune de ses cicatrices et les graver dans sa mémoire. Elle souhaitait tout connaître de lui.
Finalement, le pirate inspira un peu plus profondément avant de doucement ouvrir les yeux. Il les referma aussitôt et l'attira à lui à nouveau dans un geste possessif. D'un sourire heureux, Sophia vînt se loger sur son torse et continua de le détailler malgré tout.
- Je devrais me réveiller comme ça tous les matins. Avec toi à mes côtés, qui me dévisage jusqu'à n'en avoir plus soif, sourit-il alors que son regard reflétait un éclat particulier.
Sophia tiqua et rougit violemment avant de tenter de se reculer un peu mais il la coinça bien vite.
- Reste, lui souffla-t-il d'une voix rauque de sommeil qui la fit craquer.
Elle s'affaissa sur son torse et se contenta de poser son oreille contre sa poitrine pour écouter inlassablement le son de son cœur battant.
Une heure plus tard, les deux amoureux quittèrent la chambre de Sophia pour gagner le centre du village où on les attendait pour déjeuner. Là, William avait déjà repris son air serein et assuré de conquérants parti à l'aventure. Un visage qu'il ne montrait plus quand ils n'étaient que tous les deux, remarqua Sophia avec une légère satisfaction. Ses jambes légères d'une nuit tranquille et reposante, la sirène était d'une humeur indubitablement joyeuse. Comme un rappel à l'ordre silencieux, son capitaine lui prit la main discrètement pour lui signifier de manger un peu plus de ce qu'on lui proposait. Elle obtempéra sans protestation quelconque.
L'après-midi fut réconfortante pour Sophia. Lochlainn et son capitaine n'avaient pas menti quand ils parlaient de cet endroit empli d'une énergie phénoménale. Selon l'elfe il s'agissait d'un ancien site de sorcellerie et de sacrifices. La jeune sirène n'avait pas souhaité en savoir bien plus. Elle se dégoûtait déjà assez de se servir de l'énergie de sacrifices. Posant ses mains à même le sol, la puissance des lieux se manifesta immédiatement et Sophia se sentit forte et capable de résister à l'appel de l'océan. Bien sûr cela ne durerait pas mais pour l'instant, cela lui procurait une sensation de pouvoir qui lui donnait confiance en sa destinée. Et elle aimait voir dans les yeux de William à quel point il était content d'avoir pu lui apporter cette source d'espoir. Se relevant finalement, elle adressa un sourire reconnaissant à l'elfe et rejoignit les deux hommes afin de rentrer au village.
- A présent que Sophia s'est ressourcée, vous ne devriez pas tarder à partir, entama Lochlainn gravement. La mer s'agite et je crains que vous ne vous retrouviez dans une course contre la montre.
Alors que le cœur de Sophia se serrait face à cette nouvelle annonce, la main de William qui se glissait dans le sienne lui apporta un sentiment de réconfort.
- Il va nous falloir trouver cette Lacovie au plus vite, affirma le capitaine du Flyting Heil avant de se tourner vers la sirène.
Il la jaugea un instant du regard, se demandant si le sujet sensible de la créature pouvait désormais être abordé. La veille, l'énonciation même de son nom avait mis sa belle dans un état intenable et il ne voulait pas provoquer une réaction similaire de sa part. Malgré ses craintes, il l'avait rassurée et elle semblait reposée, il décida donc d'emprunter le chemin glissant.
- Sophia, que sais-tu de cette créature ? La questionna-t-il alors qu'il percevait un frisson la traverser.
La jeune femme baissa instinctivement les yeux et il douta même qu'elle réalisa son geste. La Lacovie était indéniablement une source de trouble chez elle et il nota dûment qu'il lui faudrait découvrir en quoi cela était relié au Kolasi Vatos.
- Je ne sais pas grand-chose, se dédouana-t-elle d'une petite voix. La Lacovie est une créature si gigantesque qu'elle passe inaperçue aux yeux des humains. Elle se cache à la surface de l'eau et selon mes connaissances, elle n'a pas été réveillée depuis des centaines d'années...
Un instant après avoir entendu ces mots, William en prit réellement conscience et retourna vers sa sirène un regard mélange de stupéfaction et d'inquiétude.
- Des centaines d'années ? S'étonna-t-il d'une voix où perçait l'incrédulité.