« Alpha playing beta not to upset your ego
Kept inside a cage because the power too real
Tried to tell me that I'm nothing and to know my worth
Well big bad daddy I'm a wolf yeah »
Little Destroyer, Alpha
Il me lâcha sur le matelas, retournant à la porte pour la bloquer de son armoire qu'il poussa à la seule force de ses bras. Il avait raison. Il avait raison, une simple gifle de sa part me tuerait s'il ne maîtrisait pas sa force. Ou bien cela m'arracherait la tête.
Son regard se tourna vers moi tandis qu'il se désintéressait de l'entrée.
—Maintenant, à nous deux.
À nous deux ? Hoho, mais je ne préférais pas.
—Tu as raison Ryan, je vais rester ici bien sagement finalement. Et promis-juré je ne tenterai plus de fuir.
—Parce que tu penses que je vais te croire ?
—Ne t'approche pas ou j'hurle.
Ma menace sembla plus l'amuser que lui faire peur.
—Ton cri ne m'a encore jamais affecté vraiment.
Il monta sur le lit, je reculais. Sa main se saisit de ma cheville, m'attirant brusquement à lui alors qu'il se plaçait au-dessus de moi. Et j'insistais sur ce détail, mais il était nu.
Je n'étais pas du genre hyper pudique ou gênée pour la moindre petite chose, même si une robe moulante et les tenues très révélatrices n'étaient pas ma tasse de thé. Mais un homme nu, sur moi...
« Si mon père voyait ça, il te tuerai »
—Maintenant tu vas m'expliquer ce qu'il se passe. Est-ce que c'est seulement cette histoire entre moi et Ava ou bien...
—Juste une histoire !? Tu te fous de moi Ryan, le coupais-je dans sa question.
—Tu m'as coupé la parole.
—Et je le referai encore si nécessaire, connard. C'est pas toi qui m'a dit « Avant toi » ? Tu ne sors pas avec Ai Dai mais tu l'embrasses. Tu ne sors pas avec Ava mais tu couches avec elle. Ne te fous pas de moi.
—Je ne les aime pas, le reste n'est pas important. Tu t'emportes sur des détails.
—Des détails...Comme dirait France Gall, c'est peut-être un détail pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup ! Laisse-moi maintenant ! J'en ai assez de Colombe. Je veux rentrer. Laisse-moi rentrer chez moi !
—Jamais.
Et je craquais, pleurant de nouveau.
—Je ne te comprends pas, et j'en ai marre de prendre sur moi. Tu me fais tourner en bourrique. Arrête de jouer avec moi. Tue-moi ou fais ce que tu as à faire mais par pitié, finis-en avec tout ça.
—Je suis ce que l'on appelle un Sauvage, Layla.
—Un Sauvage. C'est censé m'expliquer quelque chose ?
—Non, bien sûr que non puisque tu ne connais rien des Psychiques.
Un rire sarcastique lui échappa, ce qui me vexa un peu. Ce n'était pas de ma faute si les humains avec des super-pouvoirs n'étaient pas un domaine que je maîtrisais. Je ne connaissais leur existence que depuis quelques jours.
—Les Sauvages sont des psychiques un peu particuliers, naturellement immunisés contre la plupart des capacités psychiques.
—C'est pour ça que tu ne crains pas mon crie.
—Non, c'est pour une autre raison. Ce que tu émets n'est pas vraiment un cri. Enfin si, tu cris. Mais ce dernier est normal, il est seulement accompagné d'ultrasons très puissants. Ta voix émet des fréquences suffisamment puissantes pour briser le verre, mais surtout briser des tympans et faire...exploser un cerveau. En quelque sorte. Mes oreilles sont habituées à ce genre de son. Mon corps s'en protège naturellement.
—Comment ça ?
—La raison pour laquelle les Sauvages s'appellent ainsi, c'est à cause d'une capacité bien particulière. Ils peuvent reproduire l'apparence de n'importe quel animal qu'ils ont vu. Et s'ils le touchent, ils peuvent s'en approprier également toutes les caractéristiques. J'ai ainsi l'ouïe très sensible mais lorsque les sons sont trop dangereux, ce sens disparaît pour redevenir celui d'un humain. Etant habitué à entendre tout en plus forts et à ne pas en ressentir de gêne, ton cri lorsque je l'entends avec mon ouïe humaine, voire celle d'animaux entendant bien moins que l'Homme, me parait normal. Quoiqu'un peu désagréable, c'est vrai.
—Des animaux...En toi...
—Ils ne sont pas en moi. Je suis chacun d'eux. C'est pour ça que j'ai...que je couche avec Ava.
—Je ne vois aucun rapport.
—J'ai été en contact avec des prédateurs, Layla. Leurs instincts sont dangereux. Ava libère ces instincts pour ensuite prendre le contrôle de mes émotions dans ce qu'elles ont de plus primaire. Et elle les apaise, me permettant de reprendre le contrôle.
—Tu perds le contrôle sur tes animaux ?
—C'est assez rare, mais ça arrive. Des émotions trop puissantes, des sons stimulants, une odeur particulière...
Son regard était insistant, voulant me pousser à comprendre un sous-entendu qui m'apparaissait très clairement. Je secouais de la tête.
—Non, mon odeur est normale Ryan. Tu es juste bizarre.
—Ton odeur n'est pas normale, Layla. Tu dégages des phéromones particulières de temps à autres, notamment après avoir poussé tes cris. Et si j'en crois certains bouquins concernant les psychiques, tu pourrais produire des hormones spécifiques. C'est ce que je dois surement sentir sur toi en ce moment-même, Layla. Ava a raison sur ce point. Tu me fais perdre le contrôle.
Cela me surprenait que des livres concernant les psychiques puissent exister. Il me faudrait les trouver et les étudier. Ce pourrait être utile dans le futur.
—Raison de plus pour me laisser partir.
—Hors de question. Tu es à moi.
—Je ne suis pas un objet.
—Je n'ai jamais prétendu le contraire. Mais tu es quand même à moi.
—Mais arrête à la fin ! Franchement ça devient ridicule cette obsession, cette fixette que tu fais sur moi.
Ses mains se déplacèrent, ses bras cédèrent avec maîtrise pour lui permettre de se rapprocher encore davantage de moi, son visage si proche du mien que mon souffle s'arrêta. Comme pour m'empêcher de fuir alors même qu'aucune issu ne se présenterait jamais, ma chevelure fut retenue dans ses doigts, me dissuadant de ne serait-ce que bouger la tête.
—C'est plus fort que moi, Layla. Tu es si différente des autres femmes de Colombe.
Ses yeux se fixaient sur des endroits précis de mon visage, ses doigts les illustraient.
—Si naïve, les larmes pures et sincères. Tu ne calcules rien, ne manipules pas. Le pouvoir ne t'intéresse pas, ton seul désir est celui de la liberté. Et malgré tout ça, malgré ton apparence, ta personnalité, proches de ceux d'un ange, quelque chose de bien plus sombre sommeil en toi. Je veux tout savoir, tout découvrir de toi, Layla. Rien de plus, rien de moins. Je ne veux que toi, dans ta simplicité, dans ta complexité. Tout de toi.
—Et je voudrais partir de Colombe, loin de ses habitants, de son quotidien et de sa violence. Apparemment aucun de nous deux n'aura ce qu'il veut.
***
Lorsqu'il fermait les yeux, il lui arrivait de se souvenir, de se remémorer ces instants oubliés de tous sauf de lui et de quelques personnes.
Il se souvenait de sa fille, jeune enfant d'à peine cinq ou six ans, courant dans les bois, un sourire pur sur les lèvres, l'innocence dans le regard. Et cette lueur de défis dans les yeux. Elle courrait partout, toujours, s'inventant des obstacles parmi les arbres de la forêt, grimpant sur les rochers. Ni les racines ni les cailloux, pas même les trous dangereux n'avaient raison d'elle.
Ni le jour, ni la nuit.
Pourtant, lorsque le soleil disparaissait à l'horizon, Gautier se souvenait de la fillette qui ne pouvait pas dormir, cherchant la lune.
« Papa, est-ce que maman reviendra ? »
Mais la vérité était que sa mère ne reviendrait plus.
« Est-ce qu'elle te manque ? » lui demandait-il alors.
Et elle se tournait vers lui avec un grand sourire dont elle seule avait le secret.
« Non, parce que j'ai papa »
Elle pensait sa mère être partit avec un homme. Et il n'en saurait jamais plus puisque la mémoire d'un enfant à cet âge ne valait rien.
« Papa, j'ai peur »
Layla avait toujours eu peur de beaucoup de choses. La curiosité était le paradoxe de sa personnalité.
—A-t-elle véritablement tout oublié ?
Gautier leva le visage. Parmi toutes les personnes qu'il avait cru voir ici, face à lui, Ingrid n'en avait jamais fait partie. La jeune femme s'approchait de sa cage avec une démarche qu'il ne reconnaissait pas. Elle était déterminée. Fini le déhanché presque vulgaire.
Mais un détail lui revint. Ne venait-elle pas de répondre à ses pensées ? Et surtout, que faisait-il ici ? N'était-elle pas censée se trouver à Colombe ?
—Les caméras ont été débranchées et j'ai pris soin de détruire les micros, Monsieur Eden.
Elle accourait vers lui, s'arrêtant au niveau du système de verrou qui demandait surement plus qu'un mot de passe.
—Que fais-tu ici, Ingrid ? N'étais-tu pas avec...
Oh. Il venait de comprendre.
—Tu es l'agent Poséidon, celui qui a envoyé Layla dans cet enfer.
—En partie. Les agents sont toujours deux. Un Psychique et un contrôleur pour nous surveiller.
—Le tien n'est pas très doué.
—Il est facile à manipuler, je vous l'accorde.
—Tu as livré ma fille. Que me veux-tu maintenant ?
—Vous aider à sortir.
Il fronça les sourcils, méfiant. Ingrid sembla s'en rendre compte.
—Je sais tout, Monsieur Eden.
—Tout ?
—Oui. Ce qu'a fait votre fille, ce que vous avez été obligé de faire pour la protéger. Mais à jouer avec le feu, vous allez provoquer une explosion, Monsieur Eden.
—Je ne vois pas de quoi tu parles.
—Bien sûr que si. Peu nombreuses sont les personnes au courant, mais je suis en partie une télépathe.
—Je ne savais pas qu'il y en avait autant.
—Vous devez parler d'Amanda, devinait-elle tout en sortant un objet étrange de son sac à dos.
Elle fixa des fils sur le « boitier-verrou », jouant avec ce qui ressemblait à un portable.
—Amanda est une Psychique très rare, très puissante et surtout très instable. Mais comme l'agence ne possède pas beaucoup de télépathe compétent, Amanda a été sortie. Vous devriez être honoré que ce soit à cause de vous.
—Pas vraiment. Mais il y a une chose qui m'intrigue. Si personne ne sait que tu es télépathe, que pensent-ils que tu sois ?
Une esquisse se dessina sur les lèvres de la jeune femme qui le regarda un instant.
—Il ne vaut mieux pas que vous sachiez.
—Pourquoi ?
Elle s'arrêta dans ce qu'elle faisait, levant complètement le visage vers lui
—Monsieur Eden, je ne suis pas ici simplement par charité. Je suis là pour aider Layla. Ils savent. Et si le soleil venait à se lever sur Colombe...
Gautier se leva brusquement, terrifié par ce qu'Ingrid lui apprenait.
—Fais-moi sortir, Ingrid. Si ce que tu dis est vrai...
—C'est la vérité. Peut-être devriez-vous rendre une petite visite à Dorian ?
Il blêmit, même si elle avait raison. Dorian...
Gautier l'avait aidé, il avait fait au mieux. Mais entre lui et Layla, la relation fusionnelle qui les liait l'un à l'autre...Il n'avait pas eu le choix.
—Monsieur Eden, lorsque la cage sera ouverte, vous partirez en courant.
—Et toi ?
—J'ai une alliée puissante ici. Elle doit me couvrir pour que rien ne m'accuse quant à votre évasion.
Après un « Bingo » de la part d'Ingrid, un clic retentit. La cage s'ouvrait. Gautier, déterminé à sauver sa fille, se mit à courir tandis qu'Ingrid décida de rester pour ne pas être liée à son évasion. Plus rien ne l'arrêterait.
Si Colombe était vouée à tomber, jamais elle n'entraînerait Layla dans sa chute. Il ne le permettrait pas.