Mickaël Spellman
- J'ai eu peur que tu ne veuilles pas m'épouser. » M'annonce Elias alors qu'il referme la porte de notre appartement derrière nous.
- Vraiment ? Pourquoi ? » Je m'étonne tout en me laissant tomber dans le canapé.
Elias retire sa veste de costume puis me rejoint et s'assoit à côté de moi avant de me répondre.
- Tu m'as évité toute la matinée. Et je sais que je ne suis pas le mari rêvé.
- Ne dis pas n'importe quoi ! » Je le gronde immédiatement tout en le regardant avec surprise.
Elias plonge son regard dans le mien, un léger sourire sur le visage.
- On sait tous les deux que j'ai raison. Je t'ai même fait faire des cauchemars. » Ajoute-t-il en détournant le regard.
- Quoi ? Sûrement pas ! J'ai seulement fait un cauchemar et c'était parce que j'avais peur de te perdre ... J'avais peur de m'attacher, de construire mon avenir avec toi ... et de te perdre au pied du « mur des fusillés » ... » Je lui avoue à mon tour avant de prendre son visage entre mes mains pour l'obliger à me regarder.
- Tu parles d'avoir un enfant ... » Comprend-t-il alors même que j'ai soigneusement éviter de parler du fait que j'étais enceinte dans mon cauchemar.
- On nous oblige à avoir un enfant afin de pouvoir s'en servir comme d'une arme ... Ils ont peur de toi ... » Je lui rappelle avec tristesse.
- Je donnerai ma vie pour te protéger et protéger notre enfant. » Me promet Elias d'une voix solennelle.
- C'est bien ce qui m'inquiète ... C'est ce qu'ils veulent eux aussi ... Mais tu ne peux pas abandonner tes convictions ...
- Je crois que tu as oublié la mission que t'a confié l'Assemblée, Ange ! » Ironise-t-il tout en me riant au nez.
- On ne se connaît pas encore parfaitement mais je sais une chose à propos de toi. Tu as des convictions bien ancrées et jamais tu ne rentreras dans le rang. L'Assemblée m'a confiée une mission impossible. Même si nous sommes mariés maintenant et même si je vois bien que tu essayes de me protéger de tes actions depuis que nous nous sommes rencontrés, tu n'arrêteras pas. Tu ne supportes pas notre société. Et si nous avons un enfant ensemble ...
- Tu as raison, je garderai mes convictions, quoiqu'il arrive. Mais je ne veux pas t'attirer d'ennuis, à toi, ou à notre futur bébé. » M'assure Elias tout en prenant mes mains dans les siennes.
- Je suis terrifiée à l'idée de mettre au monde un enfant qui sera l'outil de l'Assemblée et de la Garde ... Je ne veux pas d'un enfant comme cela, Elias ... » Je lui confie alors que des larmes gagnent mes yeux.
- Moi non plus ... » M'avoue-t-il dans un soupir.
- Nous nous sommes mariés. Est-ce que cela pourrait être suffisant pour la Garde et l'Assemblée ? Après tout, je pourrais très bien ne pas être ... fertile, non ? » Je lui propose alors qu'il libère mes mains pour se laisser glisser au fond du canapé.
- Je ne sais pas. Je suppose que cela pourrait marcher l'espace de quelques semaines, voire quelques mois.
- Mais ? » J'insiste, voyant qu'il reste sur la retenue.
- Ils vont nous surveiller de très près jusqu'à ce que tu tombes enceinte. Ce qui veut dire que je vais devoir laisser tomber certaines choses ... » Murmure-t-il plus pour lui même que pour moi.
- Quelles choses ?
- Ma réponse à cette question est toujours la même, Ange. » Me rappelle-t-il simplement, toujours en pleine réflexion.
- Je suis ta femme maintenant ! Tu pourrais me faire confiance ! » Je m'énerve malgré moi.
- On en a déjà parlé. Je ne veux pas me disputer avec toi le jour de notre mariage, Ange. » Soupire-t-il tout en plantant son regard dans le mien.
- Dis-moi au moins une chose ... Est-ce que tu savais pour l'attentat, l'autre jour ? » Je continue tout de même avec hésitation.
- Il y a plusieurs groupes de rebelles différents, Ange, avec des degrés d'actions différents. J'avais entendu une rumeur mais ce n'est pas mon groupe qui a orchestré cette attaque. Nous faisons des actions plus discrètes et sans victimes collatérales. » M'assure-t-il avant de se lever du canapé.
- Et mon frère ? » Je m'exclame en le suivant jusqu'à la salle de bain.
- Ton frère ? » Répète-t-il bêtement.
- Est-ce qu'il fait partie de ce groupe-là ? » Je le questionne, mal à l'aise.
- Comment est-ce que je le saurais ? Je ne le connais pas. Et je ne suis pas en contact avec les autres groupes, seulement les leaders de chaque groupe communiquent entre eux. Maintenant, je t'en ai dit bien assez pour aujourd'hui. » Termine-t-il tout en commençant à déboutonner sa chemise.
Je le regarde faire bêtement pendant qu'il termine de défaire les boutons et qu'il retire complètement sa chemise. Mon désir pour lui renaît immédiatement pendant qu'il me fixe avec un sourire en coin. Lentement, il réduit la distance qui nous sépare et attrape la fermeture éclair de ma robe blanche. Son regard plonge dans le mien, en attente de mon consentement. Incapable de prononcer le moindre mot, je me contente de hocher légèrement la tête tout en m'approchant encore davantage de lui. Avec douceur, Elias commence à descendre la fermeture éclair de ma robe d'une main pendant que l'autre caresse la peau nue de mon dos. Des frissons me parcourent le corps pendant que je laisse échapper un léger soupir. Tendrement, il se penche vers moi et embrasse mon cou. Mes mains s'aventurent alors sur son torse nu pendant que mes lèvres cherchent les siennes. Elias m'embrasse avec passion pendant que ses mains font glisser ma robe à mes pieds. Soudain, la sonnerie de la porte d'entrée me fait sursauter et je manque de trébucher à cause de ma robe. Elias m'enlace afin de me retenir tout en riant.
- J'ai bien failli te perdre ! » Se moque-t-il alors que quelqu'un frappe à la porte avec insistance.
- Je ferais bien de me rhabiller ... » Je murmure, encore toute tremblante après ses caresses.
- Sûrement pas ! Qui que ce soit, il peut forcément attendre demain ! » M'assure Elias tout en m'embrassant de nouveau.
Mais les coups contre la porte ne s'arrêtent pas et bientôt, la voix de George nous parvient. Elias grogne alors que je décide de m'éloigner de lui pour enfiler de nouveau ma robe.
- Tu m'aides ? » Je le questionne alors qu'il me regarde me rhabiller avec déception.
- Bien sûr ! Et ensuite, je vais tuer George ! » Me répond-t-il avec tout le sérieux du monde.
Il remonte la fermeture éclair qu'il venait juste de descendre avec sensualité puis quitte la salle de bain sans même remettre sa chemise. Je la ramasse par terre puis me regarde rapidement dans le miroir de la salle de bain afin de m'assurer que je suis présentable. Lorsque j'arrive dans le salon, George est entré et me salue à peine.
- Ange, tu devrais aller faire un tour. » M'ordonne soudain Elias d'une voix froide alors qu'il se tient torse nu dans notre salon.
Je peux voir à ses muscles qu'il est soudain très tendu.
- Quoi ? » Je bégaye, prise au dépourvu.
- Je suis désolé. » Ajoute George d'un air tendu lui aussi.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? » J'insiste tout de même tout en m'approchant.
Elias m'arrache sa chemise des mains et l'enfile rapidement sans même un regard pour moi.
- Fais ce que je te dis. » Répète-t-il en se tournant vers moi cette fois-ci.
Son regard est froid comme de la glace et même si j'ai très envie de jouer à la têtue, je suis si blessée que je décide d'obéir. Sans un mot de plus, je quitte le salon pour aller me changer dans notre chambre. Je mets cinq bonnes minutes à réussir à descendre la fermeture éclair de ma robe. Il n'y a plus rien de sensuel cette fois-ci alors que j'enfile un jean, un tee-shirt et des baskets. Je retire les bijoux de ma mère avec un pincement au cœur avant de quitter la chambre.
- Puisque je n'ai même pas le droit à une simple journée de noces, je vais travailler à l'hôpital. » J'informe simplement en passant dans le salon.
Elias me suit jusqu'à la porte d'entrée et m'arrête avant que je ne puisse sortir.
- Non, je n'en ai pas pour longtemps, je ...
- Je m'en fiche Elias ! Moi, je risque d'en avoir pour longtemps, je vais rentrer tard, ne m'attend pas ! » Je termine avant de passer la porte et de la claquer derrière moi.
Je suis frustrée d'avoir été coupée dans ce moment de plaisir qu'on partageait et énervée par son comportement. Je décide que, à partir de maintenant, il pourra toujours rêver pour me retirer le moindre vêtement à nouveau. Je marche comme une furie dans les rues de Lume Noua. Les hommes de la Garde me regardent passer d'un air soupçonneux mais je suis tellement en colère que je n'y prête pas attention. Lorsque j'arrive à l'hôpital de la ville, Maïa est surprise mais heureuse de me voir. Elle me demande pourquoi je ne profite pas de ma journée de noces et je lui mens pour ne pas avoir à lui expliquer pourquoi je me suis disputée avec Elias. Elle ne se doute de rien et m'apprend que je suis la bienvenue car tous les médecins et toutes les infirmières sont débordés. Je me lance alors dans mon travail comme si ma vie en dépendait. Je donne tout ce que j'ai pour tenter d'oublier que George et Elias ont gâché ma journée de mariage. Après tout, ce n'est rien de plus qu'un mariage arrangé et forcé, à quoi est-ce que je m'attendais ?
Lorsque je quitte l'hôpital, il fait déjà nuit. A ma plus grande déception, Elias ne m'attend pas devant l'hôpital. J'aurai aimé qu'il s'inquiète pour moi mais les problèmes de George devaient sûrement être plus importants que moi. En réalité, George semblait vraiment inquiet, ce qui ne lui ressemble pas. Je ne peux pas m'empêcher de me demander de quoi ils ont bien pu parler après mon départ pendant que je commence à rentrer à pieds. Les rues sont pratiquement désertes à cette heure-ci, à part quelques hommes de la Garde qui font des rondes. Ils sont plusieurs à m'arrêter sur mon chemin pour vérifier mon identité et savoir ce que je fais si tard dans les rues. Heureusement, en tant qu'infirmière, j'ai le droit d'être dans les rues à tout heure, contrairement aux écoliers ou aux personnes qui ont des postes à heures fixes. Ils me laissent donc tous continuer mon chemin.
Je suis presque arrivée au pied de mon petit immeuble lorsque deux bras m'attrapent et me tirent en arrière. J'essaye de crier mais immédiatement, une main se plaque sur ma bouche et mon nez et j'arrive à peine à respirer. Les bras m'entraînent dans une sombre ruelle et me plaquent presque brutalement contre un mur. Je suis terrifiée et comme paralysée alors qu'un visage apparaît devant moi. Je ne peux m'empêcher d'écarquiller les yeux lorsque l'homme abaisse le foulard qui cachait la moitié de son visage et que je le reconnais.
- Mickaël ?! » J'articule difficilement sous sa main toujours plaquée contre ma bouche.
Il me libère, visiblement soulagé de voir que je l'ai reconnu. Je remarque alors qu'il n'a toujours pas coupé ses cheveux blonds qui commencent à être vraiment longs, trop longs pour respecter le Code. Il semble également plus musclé et plus sûr de lui. Mais ce qui me choque, c'est cette grande cicatrice qui lui barre la joue droite. Mickaël s'écarte légèrement de moi puis caresse tendrement ma joue pendant que j'examine la sienne à distance.
- Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? » Je le questionne alors qu'il me sourit.
- On aura tout le temps de discuter une fois que l'on sera à l'abri. » M'assure-t-il tout en glissant sa main dans la mienne.
- Qu'est-ce que tu veux dire ? » Je bégaye pendant qu'il tente de m'entraîner avec lui plus loin dans la ruelle.
- Viens avec moi cette fois, Ange. » Me supplie mon jumeau tout en continuant à tirer sur mon bras.
- Quoi ?! Mais je ne peux pas ! » Je m'exclame un peu trop fort.
Mickaël plaque de nouveau sa main contre ma bouche et me fait les gros yeux. Je le repousse doucement et il me laisse faire sans résister.
- Tu n'es pas en sécurité avec ce type ! » Crache-t-il alors, me prenant par surprise.
- Elias ? » Je m'étonne sincèrement.
- Il a commis plus d'horreurs que tu ne le crois ! C'est un rebelle dangereux ! Lui, et le leader de son groupe, George, ils préparent un gros coup, un coup qui va faire des morts ! Si tu restes avec lui, soit tu mourras, soit la Garde s'occupera de toi ! Viens avec moi, je te mettrais en sécurité avec Luana ! » M'explique-t-il précipitamment tout en agrippant de nouveau mon bras.
- Je ne comprends rien à ce que tu dis ! » Je m'énerve alors que ses paroles tournent en boucle dans ma tête.
- Viens avec moi ! Tu es ma jumelle ! Tu étais prête à risquer ta vie pour me sauver le jour de l'exécution ! Toi et moi, on n'est pas fait pour être séparés ! Tu me manques et je m'inquiète pour toi tous les jours depuis que je t'ai vu avec ce type ! » Insiste-t-il avant de m'attirer contre lui.
Tout est chamboulé dans ma tête mais je profite tout de même de son étreinte. Il m'a tellement manqué ! Et je me suis tellement inquiétée pour lui, moi aussi ! Mais je ne peux pas le suivre, je le sais. Même si je commence à questionner le Code et l'Assemblée, je ne suis pas une rebelle. Et je sais à quel point une guerre civile serait désastreuse alors que nous sommes déjà si peu à avoir survécu à la dernière guerre.
- Je ne viendrais pas avec toi, je murmure alors dans l'oreille de mon jumeau, si ce que tu dis est vrai, alors je dois empêcher Elias de commettre une erreur ... Je ne suis pas une rebelle Mick, je ne suis pas une combattante ... Je suis contente d'avoir pu te revoir ... Fais attention à toi, et à Luana ...
- Ce n'est pas la bonne décision ! » S'énerve alors mon jumeau tout en mettant fin à notre étreinte.
- Ange ! » S'exclame soudain une nouvelle voix dans la ruelle.
Elias apparaît à mes côtés et se place immédiatement entre mon frère et moi.
- Toi ! » Crache Mickaël avec colère.
- Ne l'approche pas ! » Réplique rapidement Elias d'une voix menaçante.
- C'est ma jumelle ! C'est à toi d'en rester éloigné ! » Continue mon jumeau en avançant d'un pas.
- Et c'est ma femme ! » Annonce Elias tout en m'obligeant à reculer.
Cette annonce arrête immédiatement Mickaël dans son élan et il me regarde avec étonnement.
- Tu as épousé ce type ?! » Bégaye-t-il, visiblement sous le choc.
- Je n'ai pas eu le choix ... » Je réponds seulement.
Je vois Elias se crisper devant moi lorsqu'il entend ma réponse mais il n'ajoute rien.
- Tu devrais y aller. Si la Garde te trouve, cette fois-ci, elle ne te laissera pas le temps de fuir la mort. » Termine Elias avant d'attraper ma main et de m'entraîner vers la sortie de la ruelle.
- Pense à ce que je t'ai dit ! » S'exclame alors mon frère avant de disparaître à son tour.
- Qu'est-ce qu'il t'a dit ? » Me questionne rapidement Elias sans cesser de marcher en direction de notre appartement.
- Qu'est-ce que t'a dit George ? » Je l'attaque immédiatement d'une voix mauvaise.
Elias soupire longuement et n'ajoute rien. Il me tient fermement la main, comme s'il avait peur que je disparaisse tout d'un coup. Il ne me lâche que lorsque nous passons la porte de notre appartement. Une fois à l'intérieur, il tente de revenir sur le sujet mais je l'ignore et m'enferme dans la chambre. Je me change rapidement puis plonge la pièce dans le noir et me glisse sous les draps. Ce n'est qu'à ce moment-là que je m'autorise à pleurer, alors même que j'ai retenu mes larmes toute la journée. Je ne sais plus quoi penser maintenant, ni de mon frère, ni de Elias et de mon mariage. Et je déteste cela.