« Hé assume-moi ou brise-moi, 7 ans de malheur tu auras
Autocritique morale, j'ai rien qu'un miroir pour tutorat
Un jour tu me tueras d'un coup de mic dans la vitraille
Au coeur de la galerie des glaces du castle de Versailles »
Sinik ft Médine, Les 16 vérités
Les images défilaient, les réponses tentaient de se frayer un chemin jusqu'à la surface. Jusqu'à la conscience. Et de l'autre côté, les informations de la journée voulait prendre place. Le chaos régnait, c'était une véritable anarchie.
À deux, nous tentions de tout retenir, aidé de Papa. Mais tout allait déborder. Certaines idées avaient déjà fuité. Sans oublier que nous commencions à nous mélanger, moi et Subconscient.
—Ce n'est pas bon. Ce n'est vraiment pas bon, constatais-je l'évidence même.
Les murs construits tombaient. Je décidais de cesser cette résistance veine, tout comme Subconscient.
—Plan B ?
—Je n'en ai pas, Subconscient. Même ma prison a volé en éclat.
—Non, je ne parlais pas de ton plan B. Je te demandais si j'utilisais le mien, de plan B.
—Tu en as un ?
—Oh que oui. Mais ça m'étonnerait que tu l'aimes.
Au point où nous en étions...
Alors Inconscient se mit à sourire. Elle était moins vulgaire, plus calme. Ma politesse et ma fermeté semblaient partir. Le mélange entre nous deux n'étaient pas bon.
—Nous avons été créées ensembles. Au pire nous mourrons ensembles, comprenais-je.
Mais Inconscient n'était pas du même avis. Et elle appela sa propre arme.
—Mama, détruit les méchants.
Et notre mère apparue, tel un ange descendu du ciel pour nous apporter son aide. Elle était belle, c'était certain. De longs cheveux ondulés, dorés, les yeux bandés. Elle souriait. Et, épée en main, elle se mit en position.
—Non mais quelle idiote ! Inconscient, tu vas tout détruire !
Et Mama fit son travail de mère protectrice. Elle détruisit tout de son épée, aveuglée par ce désir de venir en aide à son enfant. Ne faisant pas de différence entre ce qu'il était bon de conserver ou non, tout se brisa.
Le virus fut exterminé, ne laissant aucune trace de résidus.
—Voilà qui est fait. Le virus ne se répandra plus.
Tout était redevenu calme. Plus de souvenirs, plus de murs. Juste le blanc pur, le vide. Et au loin, un soleil noir.
—Un tel calme...
—Mais à quel prix ?
Nous nous regardions une dernière fois alors que déjà nos corps se brisaient pour disparaître à tout jamais.
***
Pavati parlait avec l'eau, la chouchoutait, la caressait. Les ressources d'Abondance allaient survivre grâce à elle. Cela aurait dû rassurer Ryan et le faire se sentir mieux. Le problème était que rien ne le soulageait en cet instant.
Il avait besoin de...
Ava posa une main sur son bras qu'il repoussa aussitôt. Elle tiqua.
—Ryan, qu'est-ce que tu as ?
—Rien. Occupe-toi plutôt de ta sœur.
—Elle s'amuse avec l'eau, aucun danger. Mais en te touchant...
—Ne sonde pas mes émotions. Jamais.
Les poings de la jeune femme se serrèrent. Peu importait pour Ryan.
—Ryan, personne n'osera jamais te le dire mais depuis que cette étrangère est arrivée, tu es obsédé par elle et tu vas de plus en plus mal.
Il grogna en signe d'avertissement.
—Et tu me grognes dessus maintenant ?
—Qu'est-ce qui se passe ? s'inquiéta Pavati en entendant le ton monter entre eux deux.
—Rien Pavati, lui assurait sa sœur. Rentre à la Maison.
Après un regard hésitant mais la confirmation de l'ordre par Ryan, la fillette finit par s'en aller. Et Ava se tourna de nouveau vers lui.
Elle avait toujours été une femme forte, sûre d'elle. Lorsqu'il l'avait connu, elle utilisait déjà ses dons pour détruire tous ses ennemis, pour protéger sa sœur et demeurer maîtresse de ses faits et gestes. Il lui avait appris à se servir de ses capacités pour lui. Pour l'aider à garder le contrôle.
—Ryan, cela fait plus d'une semaine que tu ne me laisses plus rien faire. Je veux t'aider.
Elle s'était approchée de lui, ses mains s'étaient posées sur le visage de Ryan qui attendait de voir ce qu'elle allait faire, bien qu'il en ait eu une vague idée. Ava connaissait les limites, elle savait rester à sa place, attendre qu'il réclame. Si elle franchissait le pas...
—Ryan, la bête veut sortir. Donne-moi l'ordre de la soulager, de te soulager, et je le ferai.
Son regard partit pour se fixer un instant sur la fenêtre de sa chambre. La Maison était éloignée, suffisamment pour que personne de là-bas ne les voit. Ava avait raison, il allait de pire en pire. Ses instincts revenaient de plus en plus souvent. Si la situation empirait, Layla pourrait être blessée. Elle ne savait pas se défendre. Ses capacités ne l'atteindraient pas, ne l'arrêteraient jamais.
Il se saisit des mains d'Ava, la poussant à le lâcher.
—J'ai autre chose à faire. Je me maîtrise parfaitement bien.
Il s'écarta d'elle qui en semblait choquée. Elle rentra à la Maison.
Ryan ne comprenait pas vraiment pourquoi mais il avait l'impression étrange que coucher avec Ava ne le soulagerait plus.
—Je suppose qu'elle est partie pleurer, supposait Anselm.
Il leva la tête, repérant son ami assit sur la branche d'un arbre.
—Si je l'avais fait avec Ava, tu aurais eu le droit à des scènes assez inédites.
—Bah, ce ne serait pas la première fois que je suis témoin de choses secrètes.
—Anselm, l'homme invisible. Tu portes bien ton nom.
—Tu parles, tu as surement senti ma présence depuis le début.
—Mais je ne pouvais pas te voir.
—Sinon tu vas courir pour la réconforter ?
—Ava ? Pourquoi est-ce que je m'embêterai à lui courir après ?
—Elle est amoureuse de toi.
—Non, de mon titre de dominant sur territoire Abondance et de ma puissance.
—Comme le trois quart des nanas d'Abondance. Enfin, à l'exception d'une qui doit encore réfléchir à un moyen de te fuir.
Ryan se mit à sourire. Oui, il était vrai que Layla ne cessait de le fuir, d'avoir peur de lui, d'esquiver son regard dès qu'elle le pouvait. Elle ne s'intéressait qu'à une chose ici, à Colombe. Elle voulait la liberté.
Mais à Colombe, la liberté n'était qu'un doux rêve sans reflet.
***
Quelque chose n'allait pas. Ce fut la première chose que je compris en ouvrant mes yeux ce matin.
Repoussant les draps avec une brusquerie peu habituelle, je couru droit vers la salle de bain, tombant à genoux devant la cuvette. Les nausées eurent raison du peu de nourriture que je mangeais ces derniers temps.
—Tu as besoin d'aide ?
Ava venait d'entrer dans la salle de bain.
Je me levais, tirais la chasse d'eau et me nettoyait la bouche, utilisant ensuite ma brosse à dent. Elle s'approcha de moi, un sourire étrange sur le visage. Je pouvais voir son reflet dans le miroir. Elle me regardait, elle m'observait.
—Je suis née à Colombe, toute ma vie je n'ai connu que cette ville. Et lorsque tu es une femme ici, tu as intérêt à avoir plus de couilles que les mecs parce que sinon tu te fais massacrer, humilier. Et pour finir, tu deviens la chose d'un gars dont tu ne connaitras que la queue entre tes cuisses et le rire sadique.
Entendre ça me donna de nouveau la nausée. Pourquoi me racontait-elle ça ? Alors même que je commençais à me dire que peut-être ici, dans la Maison, je pourrai oublier les horreurs de Colombe.
—Moi, j'ai eu la chance d'avoir le pouvoir d'influer sur les émotions. C'est d'ailleurs ça qui a attiré Ryan. Mon don.
Elle attrapa mes cheveux délicatement, les coiffant entre ses doigts.
—Ryan est celui qui m'a tendu la main. Il m'a offert une place dans la Maison. Et cette place, tout le monde la veut dans la ville. La Maison protège de tous les dangers de Colombe.
Et soudain son regard changea.
—Mes capacités le soulagent de son don si particulier, si violent. Mais toi, tu es arrivée telle une petite pute chaudasse avec tes chouineries et tes caprices de princesses et depuis il ne m'accorde plus rien !
Sa poigne se referma sur ma tignasse alors qu'elle prenait de l'élan pour fracasser ma tête contre le lavabo. Je protégeais juste à temps mon front de mes bras qui amortirent le choc mais ne m'empêchèrent pas de tomber contre la baignoire alors qu'Ava m'y envoyait valser.
Sa main me saisit par le cou et son autre alluma l'eau de la douche pour lui permettre de passer ma tête sous le jet d'eau. Je tentais bien de me défendre, de lever les mains, les jambes, mais l'eau m'empêchait de voir et de respirer... J'allais mourir.
Mais ma tête ainsi maintenue sous l'eau, un calme étrange m'envahi. Mes pensées devinrent plus limpides, mes nausées disparaissaient, emportant avec elles mes maux de tête.
Un déclic.
Ava arrêta l'eau, me balançant par terre pour écraser son pied sur ma cage thoracique.
—Tu me fais penser à ces nanas prêtes à écarter leurs cuisses à tous les mecs qui seraient à même de ne pas les tuer et de leur offrir un semblant de sécurité.
—N'est-ce pas plutôt ce que toi tu fais avec Ryan ?
La provoquer était stupide, et ce qui devait arriver arriva. Le pied d'Ava me frappa au niveau des côtes, me faisant cracher des poumons. La douleur fut vive. Me plaçant à quatre pattes, ma main sur mon côté blessé, je me relevais difficilement.
Un souvenir, un flash passa devant mon regard. Il fut trop fugace pour ma mémoire mais suffisant pour une analyse cérébrale d'un tout autre type.
—À Colombe, si tu ne sais pas te battre, t'es morte.
Ça, j'étais bien au courant. Je l'avais expérimenté une ou deux fois.
Et lorsqu'elle arriva à moi, un poing dressé à destination de ma face, quelque chose se produisit. L'attaque arrivait presque au ralentis, me permettant de voir et d'anticiper. Un bras en protection, j'esquivais et couru jusqu'à la sortie de la salle de bain. Et je chutais, ce qui m'arracha un cri de douleur tandis que j'atterrissais sur mon côté blessé.
Ava m'avait fait un croche-pied.
Elle s'installa sur moi, me frappant une première fois au visage. Une simple claque qui me coupa la lèvre. La deuxième n'arriva jamais alors que j'attrapais ses poignets, l'attirant vers moi et projetant mon crâne tel un bélier pour un coup de boule. Une attaque aussi douloureuse pour elle qui hurlait, le nez en sang et pour moi qui pu ainsi de nouveau me lever.
Son nez cassé, elle couru en poussant un genre de cri de guerre. Et de nouveau, des réflexes me revinrent. Je voyais, j'anticipais. Et ma claque s'abattit sur elle, la partie dure de la paume directement contre sa tempe. Elle tomba, complètement sonnée.
—Mais qu'est-ce qu'il se passe ici !? Ava !
Anselm se tenait à la porte, essoufflé. Ryan était juste derrière, son regard rivé sur moi qui tenait encore mes côtes. Il ordonna à son ami d'emmener Ava, ce que ce dernier fit en prenant soin de fermer derrière lui.
Il fit un pas vers moi, je reculais en réponse.
—Ne me fuis pas, Layla.
—Je...Tu as vu ce que j'ai fait.
—Oui.
Il devait être furieux. Je venais de frapper son amie devant ses yeux. Et je doutais que lui dire qu'elle avait commencé allait changer quoique ce soit. D'autant que si Ava couchait bien avec lui, il était fort probable qu'il soit attaché à elle.
—Je vais m'approcher, Layla. Et toi, tu ne vas pas bouger.
Mon visage se baissa, mes cheveux vinrent le cacher alors que je commençais déjà à trembler.
Je ne comprenais pas moi-même ce qu'il venait de se passer. D'où m'était venu ces réflexes, et ces coups ? Je n'avais jamais frappé personne avant. Je n'avais jamais été frappée par personne ! Et à présent que tout était fini, je tremblais sans pour autant avoir froid.
Les mains de Ryan prirent doucement mon visage en coupe, le soulevant vers lui.
—Elle ne t'a pas raté. Tu as la lèvre coupée et quelques égratignures. Ça te fera un beau bleu, constatait-il. Pourquoi est-ce que tu caches ton côté ?
Il prit ma main, l'écartant pour relever mon T-shirt.
—Cette garce...Je vais la tuer. Anselm, je sais que tu es là.
On ouvrit la porte. Anselm entrait.
—Ses côtes...
—Rien.
Il m'offrit une sourire réconfortant.
—J'ai une vision X, me confia-t-il.
—Tu peux partir. Ne laisse personne monter.
—Et pour Ava ?
Ryan ne répondit rien, semblant hésiter. Il devait vraiment beaucoup l'apprécier et je me sentais soudain de trop, une étrangère qui avait fait germer inutilement la jalousie en Ava...
Mes mains se posèrent sur celles de Ryan.
—Ce...Ne t'en fais pas Ryan. Je vais bien, va plutôt t'occuper d'elle.
Sa main se leva lentement vers mon visage. Il recueillit une larme, puis une deuxième, les léchant.
—Ne pleure pas.
—Je ne pleure pas.
Pourquoi est-ce que je pleurais bon sang ? C'était plus fort que moi.
—Va prendre de ses nouvelles, elle semblait plus mal en point que moi.
—Si tu veux tant que ça que je parte, pourquoi est-ce que tu t'agrippes à moi ?
Mes mains s'étaient saisies de son T-shirt. Pourquoi ?
Je m'écartais aussitôt, les yeux rivés au sol.
—Ne la défend pas. Elle t'a fait du mal.
—Je...Ce n'est pas grave, je t'assure.
—Pourquoi est-ce que tu la défends ?
—Mais parce que vous êtes ensembles ! Je ne veux pas qu'elle croit que tu...que nous...Enfin qu'elle se méprenne. Elle semble croire que tu l'abandonnes pour moi.
Il haussa un sourcil tandis qu'Anselm éclatait de rire.
—Anselm, je t'ai dit de dégager.
Et il décampa aussitôt.
—Moi et Ava ? Tu penses sérieusement qu'il y a quelque chose ?
—Vous ne couchez pas ensemble ?
—Si, ça m'arrivait de temps en temps. Avant.
—Avant quoi ?
—Avant toi, Layla.