Purple

By CamilleThomas7

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Dans ce monde apocalyptique en ruines, les Yeux-Morts représentent l'ancienne génération et une menace à anéa... More

Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18

Chapitre 4

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By CamilleThomas7


« Quoi ? Comment ça tu t'es fait punir ? »

Après la dernière expédition avortée prématurément, les choses avaient repris – après quelques larmes – comme elles étaient censées reprendre, c'est-à-dire l'entraînement aussi. La voix outrée et surprise de Luc résonnait dans le compartiment vide dans lequel les trois amis s'étaient réunis pour parler et s'exercer après que Alix fut revenu de son compte-rendu. S'il les avait eu ouverts, ce dernier aurait levé les yeux au ciel. A la place il attaqua le rouquin par derrière, le frappant à l'arrière des genoux pour le faire tomber.

« Ne te laisse pas déconcentrer pour si peu. »

Luc jura et se releva d'un bond, attaquant en retour le général qui esquiva, se retrouvant alors aux prises avec Léa.

« Commença, si peu ? Continua-t-il, combattant la jeune femme. C'est injuste. Tu n'y es pour rien dans sa mort.

-Cela ne fait qu'un an que je suis général. C'est la première fois que je perds un soldat de mes troupes. C'est normal que je me fasse punir pour ça. »

Léa ayant réussi à envoyer le plus petit au sol et à le faire capituler, Alix esquiva un coup qui lui était destiné, parant les attaques de son amie.

« Même, protesta-t-elle à son tour, je trouve ça injuste moi aussi.

-C'est pour m'encourager à faire en sorte que ça ne se reproduise plus. Les précédents généraux avaient la même punition lorsque ça arrivait, je ne suis pas le premier. »

Il se prit un coup dans la mâchoire et répliqua aussitôt, faisant une clé de bras à son assaillante tout en la plaquant au mur. Léa jura, tapant trois fois sur la paroi pour se reconnaître vaincue, et Alix la lâcha. Les trois rouvrirent les yeux, une lumière violette se mettant à baigner la pièce.

« Et c'est quoi exactement comme punition ? questionna Luc, assis en tailleurs par terre et frottant son épaule douloureuse.

-Cinq coups de bâtons.

-Cinq ? s'indigna-t-il. Je comprends l'intérêt, mais je trouve tout de même ça... trop.

-C'était plus un avertissement qu'autre chose. Ce n'est pas si douloureux. »

Léa haussa un sourcil dubitatif, pas convaincue.

« Ah oui ? Et si je fais ça ? »

Elle se rapprocha en rouvrant le poing, donnant une tape avec la paume de sa main dans le dos du soldat. Incapable de retenir une exclamation de douleur, le garçon se cambra en chuintant sous le choc.

« Sérieusement Léa ?

-C'est toi qui fais le malin à fanfaronner en disant que tu n'as pas mal.

-Bon, ok, j'ai mal, mais je vous maitrise quand même.

-Aie. Touché. »

Alix eu un sourire satisfait, tapotant l'épaule de la jeune femme blessée dans son ego avant de tendre la main à Luc pour l'aider à se relever, le tirant pour le remettre sur ses pieds. Le rouquin se laissa faire avec dépit, époussetant son bas pour en retirer toute la saleté.

« Tu t'es soigné au moins ?

-Ce ne sont que des bleus et des égratignures, je n'ai rien de cassé. Ils partiront tout seuls. Sauf si Léa continue d'être une abrutie et de me frapper volontairement. »

La principale concernée laissa échapper un rire, haussant les épaules avec nonchalance, avant de passer sa main dans le dos du brun, plus doucement cette fois, pour ne pas lui faire mal. Cela n'empêcha pas le général de frissonner, jetant un regard noir à son amie. Même si la punition était innocente et servait plutôt comme une prévention plutôt pour que réellement les blesser, la peau écorchée allait rester sensible quelques jours.

« C'était pour te taquiner, c'est tout. Je le referais plus !

-J'espère bien.

-Et Jess ? Comment elle va ? »

Profitant de l'insonorisation relative de la salle sombre mais murmurant tout de même de peur que la conversation soit surprise, Luc s'était penché vers ses amis pour se renseigner.

« Elle a été punie aussi. Dix coups de bâtons et entrainement intensif. Elle culpabilise mais elle s'en remettra. Ce n'est pas de son état qu'il faudrait s'inquiéter.

-Oui, Niel m'inquiète vraiment plus, continua Léa en comprenant le sous-entendu, croisant ses bras sur sa poitrine. Comme s'il avait perdu une part de lui-même. Jack essaie de le maintenir actif, mais il ne réagit plus à rien. »

Le silence plana un instant entre eux, l'atmosphère devenant plus lourde. Finalement, Alix verbalisa à voix haute leurs inquiétudes, ce qui ne fit que rendre la chose plus réelle :

« S'il ne se reprend pas en main, il ne pourra pas rester un Chien.

-Il a juste besoin de temps, se refrogna Léa. Il a perdu sa sœur. C'est normal qu'il soit plus atteint que nous.

-Même, insista Luc, il risque de devenir un danger pour nous s'il continue. Peut-être qu'il sera envoyé à la caste des recherches. »

Pour confirmer ses dires, Alix acquiesça. Pendant son rapport, Néo lui avait déjà fait part de cette éventualité. Un chien qui ne pouvait plus en être un, c'était une perte de temps. Autant le mettre à un endroit où il serait plus efficace. Le numéro 1 donnait une semaine à Niel pour se rétablir ; passé ce délai, il sera envoyé dans la caste des recherches pour servir à d'autres intérêts.

« On va arriver à le remotiver, assura Léa comme pour s'auto-persuader. Jack ne le lâche plus d'une semelle, et on va tous s'y mettre. Il n'a que vingt ans, c'est dix ans trop tôt pour tirer sa révérence et nous quitter ! »

Passé un certain âge, les adultes y étaient tous envoyés. C'était un profond honneur que de pouvoir continuer à servir le système là-bas. Leurs recherches sur le monde étaient impératives et considérées comme une priorité pour le futur.

L'âge à partir duquel les Yeux-Violets étaient envoyés dans cette caste variait selon les factions. Un Chien ne peut plus en être un passé ses trente ans : son corps étant alors trop faible et trop sollicité pour continuer d'être un soldat, il doit s'en aller. Pour la caste du mariage par exemple, c'est quarante ans pour les femmes, quarante-cinq pour les hommes, lorsque le corps n'est plus assez fertile. Les seuls adultes n'y allant pas étaient ceux de la classe dirigeante.

« D'ailleurs Léa, continua Luc d'un air pensif, tes parents y sont déjà, non ? »

La jeune fille acquiesça avec un petit sourire satisfait. Née directement dans la caste des Chiens, ses parents avaient passés les trente ans lorsqu'elle était encore toute jeune.

« Ouaip ! Je ne les ai pas encore revus, mais la caste dirigeante m'envoie souvent de leurs nouvelles. Je suis tellement fière d'eux !

-Ils ne te manquent pas ?

-Pas du tout. Je sais que je pourrais les retrouver quand j'aurais trente ans à mon tour. En attendant, je vais tout faire pour qu'ils soient fiers de moi aussi. »

Avec un léger sourire, Alix écouta le reste de leur conversation sur leurs parents d'une oreille distraite, s'étirant en veillant à ne pas trop forcer sur son dos abîmé. La douleur physique n'était rien lorsqu'il la comparait à la culpabilité d'avoir perdu un des siens, mais elle était une bonne piqure de rappel. Il devait faire plus attention.

« Je vais aller voir Niel. M'assurer de comment il va. »

Saluant ses amis, il sortit du compartiment plongé dans le noir. Il traversa la salle d'entrainement dans laquelle s'entraînaient quelques personnes, corrigeant postures et positions d'attaques au passage, avant de sortir dans les couloirs pour rejoindre la salle à manger. Il n'y avait personne ici, ni dans la cuisine, et visiblement l'éclaireur ne se trouvaient pas dans la salle de bain. Pariant alors sur les dortoirs, le brun s'y rendit et, en effet, parmi les soldats discutant entre eux ou se reposant, il y avait Niel, allongé tout habillé sur son lit, fixant le vide. A ses côtés, assis par terre, Jack était en train de tresser distraitement des fils, ne voulant juste pas laisser le garçon endeuillé tout seul.

« Hey, souffla Alix pour attirer leur attention. »

Jack le salua en retour et Niel sursauta, se mettant en position assise pour lui laisser la place de s'asseoir. Le remerciant d'un sourire, le général s'assit sur le bord du lit.

« Comment tu te sens ?

-Je vais bien.

-Et sincèrement maintenant ? Je croyais qu'on avait interdiction de mentir à son supérieur. »

Espérant le détendre un peu en plaisantant, Alix lui adressa un léger sourire. Néanmoins, le garçon ne semblait pas réellement réceptif, détournant le regard en mordillant sa lèvre. Ses yeux étaient pleins de larmes qu'il semblait ne pas vouloir laisser couler.

« Je vais bien, général, insista-t-il, sans le regarder dans les yeux cette fois.

-Niel... »

Jack lui jeta un regard désolé, avant de tapoter le genou du garçon en se levant, les laissant uniquement tous les deux. Le silence plana un instant entre eux, Alix réfléchissant à quoi dire. Finalement, un sanglot étouffé s'échappa de l'éclaireur qui essaya aussitôt de le réprimer, plaquant ses mains sur sa bouche dans un bruit étranglé.

« Niel, recommença Alix.

-Je suis désolé, le coupa-t-il d'une voix à peine audible, je vais me reprendre, je vais y arriver, je te le jure Alix, je sais bien que la société est plus importante que sa mort, je te promets que ça va aller, laisse-moi juste... »

Sa voix disparue dans sa gorge lorsqu'il vit Alix bouger. Fermant les yeux comme s'il craignait qu'il se mette à lui crier dessus, il les rouvrit en étant surpris de ne rien entendre. A la place, son supérieur avait juste passé un bras par-dessus ses épaules dans une tentative de réconfort.

« Ce n'est rien Niel. Je comprends, prends ton temps.

-... Merci Alix. »

A travers les larmes qui coulaient maintenant librement sur ses joues, il arriva à lui faire un faible sourire, et Alix pressa doucement son épaule en retour, le laissant pleurer. Au fond de lui, malgré ce qu'il pouvait lui dire, il entendait le décompte que lui avait imposé Néo. Une semaine. Même si Alix aurait aimé lui laisser tout le temps qu'il voulait pour surmonter la perte de sa sœur, le fait était qu'il ne l'avait pas, ce temps. Il n'avait qu'une semaine. Dans quelques jours seulement, lorsque le général ira faire son rapport, il devra donner son jugement sur l'état de son éclaireur, et à partir de là les dirigeants décideront de si oui ou non il pourra rester parmi les Chiens.

Et malgré l'honneur que c'était de pouvoir aller travailler à la caste des recherches, Alix ne voulait pas le perdre si tôt.

Niel pleura contre lui un certain temps, jusqu'à ce que le flot de larmes se tarisse. Il remercia son ami, reniflant encore occasionnellement, et Alix se releva.

« Il n'y a pas d'expédition ce soir. Demain seulement. Je peux compter sur toi ? »

Niel baissa les yeux, hésita, puis hocha la tête.

« Je ferais de mon mieux. »

Même si Alix avait peur que « de son mieux » ne soit pas suffisant, il hocha la tête en souriant, décidant de se contenter de ça tout en espérant que tout se passe bien. Après tout, c'était à lui de se faire à l'idée et de recommencer à vouer son être au système.

Suite à cette entrevue, Niel semblait aller un peu mieux. Il recommençait à se mêler aux autres, bien qu'en retrait, mais il faisait visiblement des progrès. Néanmoins, le sort semblait s'acharner sur eux, et pendant les deux expéditions suivantes, ils ne trouvèrent aucun Yeux-Morts. Ils avaient beau chercher pendant des heures dans les champs de ruines, le résultat restait le même.

« Serait-ce possible que votre éclaireur ne soit plus capable d'assumer sa tâche et de détecter vos ennemis, général ?

-Non, madame. Je pense simplement que nous manquons de chance, et que les zones que nous explorons sont désertes. Nous aurons plus de chance la prochaine fois.

-C'est la deuxième fois que vous nous annoncez ça. J'espère au moins que cette fois, ce sera vrai. Si vous ne trouvez personne, une troisième nuit de suite, j'en comprendrais que c'est votre éclaireur qui fait défaut, et vous devrez alors en trouvez un autre. Compris général ?

-Oui monsieur, bien sûr.

-Parfait, alors à demain avec de meilleures nouvelles j'espère. »

Alix s'inclina devant les dirigeants, avant de retourner dans l'ascenseur. Il était persuadé que l'absence des Yeux-Morts n'était pas de la faute de Niel. Ce dernier faisait de réels efforts pour aller mieux, et s'était même remis à s'entraîner. Il comprenait néanmoins la nécessité d'amener des résultats, alors il devait faire en sorte d'arranger ça.

« Rassemblement ! hurla-t-il en poussant les portes de la salle d'entraînement. »

Sans attendre leur réaction, il retourna dans le réfectoire et monta sur une table. Après seulement quelques secondes, toutes ses troupes s'étaient déjà passé le mot et tous s'étaient rassemblés autour de lui, prêt à l'écouter.

« Luc, tu as la carte ?

-Toujours. »

Aussitôt, il déroula la carte qu'il avait l'habitude d'amener à chaque rassemblement. Cette carte datait de la création de la caste et passait de tacticien en tacticien. Chacun leur tour ils la remplissait un peu plus au fur et à mesure des excursions, histoire de bien se souvenir des zones ayant été nettoyés de la vermine.

Il la déplia sans attendre, l'étalant sur la table aux pieds de Alix. Son ami fit une moue d'approbation, le regardant faire.

« Parfait, écoute-moi bien. Vous tous, continua-t-il à s'adressant à ses soldats, je vais vous demander une concentration totale. L'itinéraire de ce soir va changer. Nous partirons par l'arrière de la ville. »

Un murmure interloqué commença à s'élever et à parcourir les rangs, surtout parmi les plus vieux. A ses pieds, silencieux, Luc avait déjà commencé à tracer un chemin possible, malgré le fait que cette partie de la carte était bien moins précise que les autres.

Alix leva la main pour réclamer le silence qui se fit aussitôt, avant de continuer.

« Je sais, c'est un terrain que nous n'avons pas l'habitude d'arpenter. La zone est bien plus endommagée, et c'est très difficile de se déplacer là-bas. Ce sera bien plus éprouvant physiquement. Je pense néanmoins que cela devient nécessaire de s'aventurer dans des zones que nous connaissons moins. Les Yeux-Morts se font plus rares et nous ne devons pas attendre qu'ils viennent à nous, nous devons aller à eux. Les déplacements des groupes isolés n'ont pas de schéma censé ; peut-être que leur campement principal se trouve de l'autre côté. Nous devons nous en assurer. »

Plus personne ne parlait cette fois. De son perchoir, Alix pouvait bien voir la réflexion des plus grands qui essayaient de se plonger dans leurs plus lointains souvenirs afin de se remémorer la dernière fois qu'ils étaient sortis de ce côté-ci de la ville. Le général lui-même y avait réfléchi : et sa seule et unique excursion dans ce sens-là avait été lorsqu'il avait quatorze ans. Il se souvenait que ses ainés, en une seule nuit, avaient éliminé un groupe d'une quinzaine d'individus. Il n'avait pas encore la capacité d'aller au combat alors il avait fait comme les autres chiots, entourant la scène pour les empêcher de s'échapper. Néanmoins, même cette simple tâche s'avérait beaucoup plus compliqué ; le terrain était tellement accidenté qu'il était terriblement compliqué de s'y déplacer rapidement, surtout pour ceux qui ne maitrisait pas la privation de vue. Ils étaient rentrés à l'aube, tous absolument épuisés, sans pourtant avoir parcouru tant de chemin que ça.

« Vous êtes beaucoup à ne jamais y être allé, continua-t-il à l'adresse des plus jeunes, et même pour les plus vieux la dernière fois remonte à il y a quelques années. Le général précédent avait pris la décision stratégique d'éviter cette zone, et aujourd'hui je lève cette décision. Ce soir, nous irons chercher les Yeux-Morts au cœur même des Terres Inhabitables, là où ils pensent être en sécurité. C'est compris ?

-Oui général !

-Parfait, retournez-vous entraîner ! »

Pendant que tout le monde se dispersait, il sauta de la table pour s'asseoir sur le banc aux côtés de Luc, où Léa se trouvait déjà appuyée sur le dos du roux en pleine concentration, ignorant ses deux amis.

« Pourquoi cette décision si soudaine ? demanda-t-elle sans quitter la carte des yeux.

-J'y pense depuis quelques temps. Je pense que c'est nécessaire d'y aller, et aussi que ça augmentera nos chances de trouver le camp principal des Yeux-Morts pour les anéantir.

-Et ? insista-t-elle en haussant un sourcil.

-Les dirigeants veulent des résultats. »

Glissant un coup d'œil vers Niel, Léa hocha lentement la tête, comprenant totalement ce à quoi Alix pensait. La date limite approchait, et deux nuits de suite sans résultats, c'était déjà trop.

Comme au courant de ces sous-entendus, le jeune éclaireur s'approcha d'eux. Un air d'inquiétude se lisait sur ses traits et il jouait nerveusement avec ses mains, frottant de temps en temps la tâche de naissance sur sa joue.

« Tu es sûr de toi sur ce coup Alix ? Je veux dire, je n'y suis allé que trois fois et c'était il y a cinq ans déjà, et...

-J'ai confiance en toi, le coupa-t-il en devinant la suite de ses paroles. Ne me dis pas que tu n'en es pas capable car je sais que tu l'es. Ce n'est pas pour rien que je t'ai choisi comme éclaireur.

-Puis Alix a toujours raison, tu le sais bien. »

Gratifiant ses paroles d'un clin d'œil, Léa se mit à rire en voyant le regard courroucé de son ami. Sa plaisanterie eu néanmoins l'effet escompté car Niel sembla se détendre, un sourire aux lèvres.

« D'accord, d'accord. Luc, tu viendras me chercher quand tu en auras finis avec l'itinéraire ? »

Sans même relever les yeux de la carte, le tacticien hocha la tête. Niel salua alors les autres et s'éloigna, sans doute pour aller se reposer ou s'entraîner. Alix le regarda s'en aller jusqu'à ce qu'il disparaisse totalement de son champ de vision. Il ne laissait physiquement rien transparaitre, mais dans son cœur l'inquiétude enflait. Il ne doutait pas de Niel ni de sa décision, mais il ne pouvait s'empêcher de se dire qu'il aurait aimé lui laissé plus de temps pour se remettre. Cependant il n'avait pas le choix, et malgré le fait que la difficulté de la tâche pourra s'avérer éprouvante pour le jeune garçon fragilisé, Alix devait forcer les choses. Que cela lui plaise ou non.

Le reste de la journée passa très vite. Occupé à gérer l'itinéraire aux côtés de Luc et Niel, à parler stratégie avec Léa et à entraîner les plus jeunes, Alix ne vit pas le temps passer et le moment de l'expédition arriva rapidement. Après l'habituel discours d'encouragement à ses soldats, ils s'élancèrent dans une route pratiquement inconnue pour la majorité d'entre eux. Passant par l'arrière de la ville, ils la traversèrent entièrement et passèrent devant les différents bâtiments des différentes castes, vides à cette heure-ci, puis ils se retrouvèrent la grande zone d'habitation regroupant tout le monde – sauf les Chiens et les dirigeants, bien entendu. Quelques lumières étaient encore allumées dans les maisons, et les soldats pouvaient distinguer des petits visages les fixant à travers les fenêtres, d'enfants curieux de voir ces fameux chiens dont on parlait tant. Jack salua d'un geste de main et d'un grand sourire un petit garçon, qui n'eut pas le temps de répondre que sa mère le tirait en arrière, abaissant le store et les dissimulant des regards. Alix sembla ralentir un instant devant la caste du mariage, levant les yeux vers le bâtiment désert comme s'il espérait voir quelque chose, jusqu'à ce que Léa le lui fasse remarquer et qu'il reprenne la route, chassant les interrogations de la jeune fille d'un coup d'œil.

La dernière caste qu'ils dépassèrent fut celle des recherches. C'était un immense bâtiment dont les volets toujours tirés laissaient filtrer un peu de lumière la nuit. Il y avait une longue cheminée au sommet de la construction qui fumait en permanence, déversant un panache de cendres se fondant dans le nuage de particules jusqu'à ne faire plus qu'un avec lui. Niel ne tourna pas la tête vers elle mais au contraire, accéléra pour la voir la moins possible. Il se retourna ensuite vers Alix, clignant deux fois des yeux avant de les fermer pour s'élancer dans le terrain accidenté. Alix leva la main et, comme un seul homme, les faisceaux violets s'éteignirent alors que les Chiens partaient à la chasse.

Vouant comme toujours une confiance totale à Niel, le général menait le reste des hommes à l'aveuglette, transmettant des informations silencieuses de temps en temps. Les déplacements étaient lents. Très lents. Le terrain était détruit, ruines de champ de batailles et de civilisations anéanties. Ils devaient ralentir pour ne pas trébucher à chaque pas, leurs ouïes n'étant pas suffisantes dans cette zone désastreuse.

Après presque deux heures de traque, il sentit la respiration de Léa à ses côtés, et reconnut sa main attrapant son poignet. Signe d'alerte. Automatiquement Alix tapa deux fois du pied par terre, légèrement mais suffisamment pour que ses soldats comprennent l'ordre d'arrêt et s'accroupissent pour se dissimuler au maximum. Sans comprendre, le général se tourna vers sa seconde qui tenait toujours son poignet, sur ses gardes. Niel n'était nulle part autour d'eux, signe qu'il n'avait repéré personne et qu'ils étaient seuls. Pourtant, Léa tendit la main pour presser le point juste sous l'oreille de son général. « Ecoute ».

Lorsque Alix se mit à écouter, le temps sembla se distordre et ralentir. Il compta. Une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze, douze, treize, quatorze, quinze, seize, dix-sept.

Dix-sept respirations qu'il ne connaissait pas. Dix-sept respirations tout proches d'eux.

Comme un animal prit dans un piège pour la première fois, Alix sentit son sang se glacer dans ses veines et son corps se mettre à bouger instinctivement sous l'effet de l'adrénaline. Il n'eut pas le temps de se demander si l'ennemi les avaient déjà repérés ; le faisceau blanc d'une lampe torche s'allumait, pointé droit sur lui.  

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