Purple

By CamilleThomas7

573 93 94

Dans ce monde apocalyptique en ruines, les Yeux-Morts représentent l'ancienne génération et une menace à anéa... More

Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18

Chapitre 3

28 8 9
By CamilleThomas7

Les Chiens avaient l'habitude de faire des rêves étranges, et c'était aussi le cas pour chacun des Yeux-Violets. Les particules radioactives qu'ils inspiraient provoquaient des rêves des plus vivides, activant probablement certaines parties de leur cerveau. C'était devenu un sujet de plaisanterie parmi les hommes : qui avait fait le songe le plus étrange au petit matin. Alix ne pouvait pas se prêter à ce jeu. Il ne faisait pas de rêves. Enfin, si, il en faisait, comme tout le monde, mais il ne pouvait jamais s'en rappeler. Luc, au contraire, s'en rappelait dans les moindres détails. Lorsqu'il rêvait, il entrait souvent en transe, et parfois même faisait des crises où il marchait et agissait dans son sommeil. Ce n'était pas rare de le retrouver dans la cuisine en train de fixer le mur en plein milieu de la nuit. Le rouquin prenait ça à la rigolade, et ça amusait tout le monde. La légende disait même qu'un jour Léa l'avait retrouvé en train de parler un charabia incompréhensible tout habillé sous la douche. La jeune femme prenait un malin plaisir à faire planer le mystère.

Alix ne pouvait s'empêcher de se demander si ces rêves avaient une signification particulière, un sens, mais il se contentait d'y penser en silence. Après tout, quelque chose d'aussi inutile qu'une analyse de rêve n'avait pas sa place ici. C'était sans doute le genre d'inutilité propre aux Yeux-Morts. Ça, Alix ne pouvait pas le savoir, car la définition de futilités érigé par la caste dirigeante était vague et englobait tout ce qui n'était pas nécessaire à la survie.

« Préparez-vous pour cette nuit. On part dès le coucher du soleil, et on s'enfonce encore plus dans les Terres Inhabitables. J'exige de vous une extrême concentration et le meilleur de vous-même, comme d'habitude. Vous avez compris ?

-Oui ! »

Le général balaya ses soldats du regard, observant leurs airs déterminés, avant de hocher la tête avec approbation en reprenant ;

« Nos chances de trouver le camp principal des Anciens sont faibles, mais plus élevées que la dernière fois. Nous nous rapprochons de notre but petit à petit. Pour le reste de la journée, je veux que vous entraîniez tous à la détection sensorielle aveugle. Surtout vous, les Chiots. Il est absolument impératif que vous maîtrisiez à la perfection la privation de la vue. Autrement je ne pourrais pas vous envoyer vous battre. Allez, tous en salle d'entraînement, et que ça saute ! Les plus anciens, je compte sur vous pour insister avec les nouveaux !

-Oui général !

-Parfait, je vous transmettrais la composition de l'équipe de chasse dans l'après-midi. Mais ce n'est pas une raison pour l'équipe de garde de se relâcher, je peux avoir besoin de vous à n'importe quel moment, alors au boulot ! »

Après quelques dernières exclamations, les plus grands entraînèrent les plus jeunes dans la salle d'entraînement, laissant Alix seul dans le réfectoire. Le général souffla avant de s'étirer. Il remit en place les bandes qu'il avait senti glisser autour de sa poitrine avant de sauter de la table sur laquelle il était debout et d'aller faire un simple tour de routine dans les dortoirs. C'était une demande de la caste dirigeante ; il se devait de vérifier que ses soldats ne rapportaient pas des objets potentiellement contaminés de l'extérieur.

Durant sa vérification, il remarqua une paire de lunettes teintées posée sur un des lits. C'était le lit de Jess, toute jeune recrue arrivée en même temps que Louis. Alix eu un léger sourire en prenant les lunettes pour les porter jusqu'à ses yeux. A la création de leurs castes, une des premières choses demandées aux ingénieurs fut de créer des verres capables de dissimuler les yeux brillants des Chiens. Ce fut un véritable échec ; les premiers verres teintés créés ne pouvaient même pas atténuer la lueur violette. Finalement, les soldats avaient appris à se déplacer dans le monde en ruine avec les yeux fermés, développant leurs autres sens pour empêcher leur proie de les voir approcher à cause de leurs pupilles fluorescentes. La confection des lunettes fut classée comme moins importante et le projet laissé de côté.

La jeune soldate devait peiner à maîtriser cette cécité. Le général reposa le prototype inutilisable sur le lit, termina son tour et se rendit dans la salle d'entraînement. Son intuition s'avéra juste ; Jess se tenait seule dans la pièce, alors que les bruits de coups et de combat se faisaient entendre plus loin.

« Jess. Tu ne vas pas t'entraîner ? »

Elle sursauta en se retournant vers leur chef. Elle avait de longs et jolis cheveux noirs noués en une tresse qui retombait sur son épaule, était relativement grande pour ses quatorze ans et surtout elle avait toujours un air peu sûr d'elle. C'était à se demander comment elle avait réussi à passer le test d'entrée.

« Si, si, je vais y aller ! Répondit-elle précipitamment, détournant le regard.

-J'ai trouvé une paire de lunettes sur ton lit. Tu sais qu'elles ne fonctionnent pas sur nous. Tu crains tant que ça de ne pas y arriver ?

-... Oui général...

-Appelle moi Alix. »

Elle hocha timidement la tête, les yeux rivés sur le sol. Le brun poussa un soupir de dépit, et attrapa la jeune fille par le poignet, poussant le rideau pour entrer dans la deuxième salle d'entraînement. Entièrement plongée dans la pénombre, elle comportait des dizaines de compartiments dans lesquels les soldats pouvaient s'entraîner à se battre dans le noir total. Alix entra dans un des compartiments inoccupés, lâchant Jess au passage.

« Je vais t'entraîner moi-même, commença le général avec sérieux. Vous ne serez pas envoyé au combat si vous n'en êtes pas capables, mais c'est au cas où.

-Si les Yeux-Morts nous attaquent alors que les plus âgés sont au combat ? Questionna-t-elle avec appréhension.

-C'est ça. Histoire que vous sachiez au moins vous défendre. Sauf cas exceptionnel, les Chiots ne doivent que faire barrière.

-D'accord... »

Elle avait beau ouvrir les yeux le plus qu'elle pouvait, elle ne parvenait pas à voir quoi que ce soit. Alix paraissait même arriver à camoufler sa respiration, devenant littéralement invisible, échappant sans difficultés aux faisceaux des iris de la plus jeune. Elle sentit un coup s'abattre sur son épaule, poussa un cri et essaya de se retourner, pour que finalement un second coup dans le dos lui coupe la respiration.

« Allez, concentre-toi, prouve-moi que tu es digne d'être un chien ! Tu as réussi le test d'entrée, non ? Parce qu'en te voyant te battre, j'ai des doutes ! Si j'étais un ennemi, tu serais déjà morte ! »

Retenant ses coups, il continua de frapper la jeune fille tout en la poussant à bout. Au bout de quelques heures, ce n'était toujours pas exceptionnel mais cependant elle commençait à prévoir et à contrer les attaques. Sentant que la soldate n'était pas très loin de l'effondrement mais qu'elle progressait néanmoins, Alix décida de la pousser un peu plus loin.

« C'est tout ? Tu n'es pas capable de faire mieux ? Un nouveau-né pourrait contrer tes attaques tant elles sont faibles ! »

Il sentit la respiration de la jeune recrue s'accélérer, alors qu'elle se précipitait pour tenter de le frapper. Le général esquiva avec facilité, continuant d'insister ;

« Allez ! Plus fort, plus vite ! Si tu ne peux pas te défendre, tu ne vaux rien sur le terrain ! »

Ce fût probablement la remarque de trop. Attaquant une nouvelle fois trop précipitamment, elle ne fut pas capable d'éviter la riposte d'Alix et ce dernier la fit aisément tomber en la frappant violemment aux jambes. Elle resta un long moment allongé par terre à plat ventre, sans se relever, le souffle hésitant. Alix rouvrit les yeux, la regardant en posant ses mains sur ses hanches.

« On arrête là. »

Et il l'enjamba, quittant le compartiment sans plus attendre. A côté, il pouvait entendre les bruits de combats s'étant fait plus rares, et il décida d'aller superviser les groupes restants.

Lorsque Luc passa pour vérifier l'état des compartiments quelques temps plus tard, il surprit des bruits de sanglots étouffés venant de l'un d'entre eux. Curieux, il entra pour voir d'où cela venait. Il trouva alors Jess qui était resté assise à l'endroit où elle était tombée, observant le sol en hoquetant. De frustration, elle se mordait l'intérieur des joues et frappait occasionnellement par terre en jurant. Luc fronça les sourcils.

« Qu'est-ce qu'il se passe ? Qu'est-ce que tu fais encore là toute seule ? »

Il l'avait pourtant vu partir avec Alix plus tôt, et il avait aperçu son ami s'entraîner avec d'autres personnes à l'instant. La jeune recrue releva la tête vers lui, essuyant rageusement les larmes sur ses joues.

« Pourquoi... Pourquoi est-ce que le général est toujours aussi cruel pendant les entraînements ? Je fais de mon mieux, mais... Ce n'est jamais assez ! Et parfois, il est vraiment horrible avec nous ! On débute seulement ! »

Comprenant mieux la situation, Luc hocha lentement la tête et alla s'asseoir près d'elle. Ce n'était pas rare que les Chiots finissent en pleurs après leurs premières sessions d'entraînement avec Alix. Ce dernier était très sévère et sérieux, et les poussait dans leurs derniers retranchements. Dans ces cas-là, c'était souvent à Luc d'aller réconforter les jeunes.

« C'est justement parce que vous êtes des Chiots qu'il est aussi violent. C'est pour votre bien.

-Quoi ? »

L'air perplexe, Jess avait arrêté de s'essuyer le visage, fixant Luc avec incrédulité. Ce dernier rit doucement, tapotant son genou.

« Alix est notre général. Il se doit de nous entraîner sérieusement, et surtout si on ne se donne pas au maximum de nos capacités.

-Mais on essaie !

-Essayer ce n'est pas suffisant. Dehors c'est dangereux. Il fait ça pour vous protéger, pour diminuer les risques encourus. Tu comprends ? »

La plus jeune eu un instant de réflexion, fixant maintenant la main du tacticien. Elle essayait de laisser la colère et la frustration de côté pour se concentrer sur ses mots.

« Alors... Quand il est aussi sévère avec nous, c'est pour faire ressortir notre potentiel ?

-Bien sûr. Il ne le fait pas par plaisir. C'est juste nécessaire. Tu sais qu'il était pareil avec moi, et avant même qu'il ne devienne général ?

-Ah bon ? Mais... Vous êtes très proches pourtant...

-L'un n'empêche pas l'autre. »

Luc s'en souvenait très bien. Alors qu'Alix n'avait que quinze ans et que Luc venait de rejoindre les Chiens de justesse, il s'était lancé le défi de faire de la frêle recrue un soldat exemplaire. Il l'avait personnellement entraîné dans le dos de leur ancien général, loupant parfois même des repas. Luc se reconnaissait dans les Chiots lorsqu'il les voyait s'effondrer d'épuisement, saigner du nez de fatigue ou même vomir après s'être pris un coup trop violent dans le ventre. Néanmoins, il savait que c'était cet entraînement aussi rude soit-il qui lui avait permis de s'améliorer et de survivre. Sans Alix et sa détermination à le rendre meilleur, il serait peut-être mort au combat. C'était pour cette raison qu'il était persuadé que son ami était un excellent supérieur.

« Allez, maintenant montre lui que tu ne comptes pas abandonner aussi facilement ! »

Luc se releva d'un bond, attrapant par la même occasion le poignet de sa cadette pour la remettre sur ses pieds. Celle-ci suivit le mouvement, avant de rattacher correctement ses cheveux en hochant la tête.

« D'accord. J'y arriverais, je vais lui prouver !

-C'est l'esprit. »

Satisfait, Luc sourit et lui tapota l'épaule, avant de sortir du compartiment. Même s'il n'aimait pas trouver les plus jeunes en train de pleurer, il savait très bien qu'il était nécessaire de les brusquer un peu. Après tout, ils s'entraînaient à tuer des gens, pas à faire la cuisine. Alix se devait de les entraîner en conséquence.

Le reste de la journée passa et, à l'heure habituelle, tous les Chiens désignés étaient rassemblés et en tenue. La nuit était déjà tombée depuis longtemps, le nuage de particules empêchant le ciel de rester clair. Les jumeaux éclaireurs étaient déjà partis, fermant les yeux et se déplaçant avec agilité dans le monde en ruines à partir des frontières de la ville. Cam avait un odorat très développé, et elle repérait les odeurs humaines avec une facilité déconcertante, tandis que son frère possédait lui une ouïe exceptionnelle. A eux deux ils formaient une véritable bête aveugle et dangereuse, repérant immédiatement la moindre activité. Du haut de leurs vingt ans, ils étaient redoutables. Alix avait repéré leur talent depuis bien longtemps, et les avaient aussitôt choisis comme éclaireurs après avoir été nommé général. Et bien qu'ils soient toujours en train de se chamailler et de comparer leurs forces, leur entente sur le terrain et au combat était spectaculaire.

« On y va. Fermez les yeux. Les Chiots, n'hésitez pas à tenir la main des plus grands si vous ne vous sentez pas à l'aise. »

Seul le silence lui répondit, alors que les faisceaux de lumière violette disparaissaient les uns après les autres. Lorsqu'ils furent tous fermés, Alix prit la tête du peloton, et se laissa guider par les éclaireurs en qui il avait une confiance absolue.

Au bout d'une heure de marche vers l'est, Niel revint pour prendre le poignet d'Alix. De son index, il tapa cinq fois au creux de sa main. Cinq personnes. Puis il appuya sa paume contre la sienne, et tapa une fois. Dix mètres. Le général referma sa main, signe qu'il avait compris – ils utilisaient ce système de communication lorsque le groupe d'Yeux-morts était prêt, à l'affût, ou semblaient bien préparé à une attaque. Ils ne pouvaient pas prendre le risque de se faire entendre. Alix reprit alors le bras de Niel et traça une flèche vers la droite avant de faire un rond. Lui et sa sœur devaient veiller sur les soldats restant en seconde ligne pour empêcher les proies de s'échapper. Le garçon referma la main et s'éloigna rapidement.

Cinq personnes, c'était largement faisable pour les soldats qu'ils étaient. Le leader se retourna alors, écoutant les bruits légers de respirations face à lui. Il toucha les fronts de Léa, Luc, Jack et Amir. Il entendit ce dernier lâcher la main du Chiot qu'il tenait, pour le confier à Aure. Sans un mot, les cinq soldats s'élancèrent, entourant progressivement le petit groupe dissimulé dans le renfoncement de ce qui semblait être un massif rocheux. Et malgré leur vigilance apparente, ils n'eurent pas le temps de riposter qu'ils se retrouvaient chacun aux prises avec un des Yeux-Violets.

« Attaquez ! Maintenant ! »

Avant de succomber sous les coups, une femme aux yeux verts avait eu le temps de hurler. N'ayant pas prévu une contre-attaque, le reste se passa très vite ;

Luc fut le premier à se retourner et à ouvrir les yeux. Six autres Yeux-Morts fonçait sur eux. Avisant Alix qui était aux prises avec un homme bien plus grand que lui, Léa hurla les ordres ;

« Vous avez l'avantage de l'invisibilité ! Protégez-vous ! »

Cam et Niel savaient ce qu'ils devaient faire ; écarter le reste des soldats pour les protéger de l'embuscade. Tant que ceux au combat ne les regardaient pas, les Yeux-Vides n'avaient aucun moyen de deviner la position du groupe.

Néanmoins, une paire d'yeux violets s'ouvrit parmi les Chiots en seconde ligne. Cam était juste à côté, et la jeune fille ne put réagir. Un homme aux yeux marrons aperçut la lueur, repéra l'éclaireuse, et lui tira dans le crâne. Le coup de feu résonna et le son ricocha sur les pierres alentours, suivit du bruit lourd d'un corps qui tombait. Puis d'un autre. Et d'un autre. Et encore d'un autre.

Les Yeux-Morts venaient d'essuyer onze pertes. Les Yeux-Violets une.

Le calme retomba sur le champ de bataille. Lorsque Alix aboya, une foultitude de paires d'yeux s'ouvrirent et éclairèrent la nuit. Les cinq attaquants étaient couverts du sang de leurs ennemis. Léa portait une grosse balafre à la joue, et Amir était blessé au bras. Sans doute cassé. Leurs blessures physiques étaient légères, mais mentalement ils étaient sous le choc. Tous regardaient la même chose ; le cadavre défiguré à la cervelle explosé de leur éclaireuse.

« Cam ! »

Son nom avait été hurlé, voir même beuglé de douleur par Niel. Trébuchant sur les pierres, il traversa les soldats en les bousculant, et personne ne l'arrêta. Il se laissa tomber à genoux près de sa sœur, trop abruti pour pleurer, fébrile et tremblant. Il n'arrivait même pas à la toucher, ayant l'impression que le moindre contact détruirait ce qu'il restait de son corps. Seul ses gémissements de détresse brisaient le silence, alors que Léa prenait la parole en tournant la tête vers Alix, essuyant le sang sur sa joue en murmurant ;

« Comment... Comment est-ce qu'elle a pu ne pas le sentir arriver ?

-Plus inquiétant, souffla Jack, comment est-ce qu'il a pu deviner sa position ? »

A tout ça, le général n'avait pas de réponses. Les Anciens deviendraient-ils plus fort ? Etaient-ils en train de développeur leurs sens ? Cela n'importait pas tellement à cet instant. Il avait perdu un des siens. Son cœur se serrait douloureusement dans sa poitrine ; c'était un échec en tant que général, et en tant qu'ami.

Alors que tous les yeux étaient fixés sur la scène douloureuse qui s'offrait à eux, une petite voix tremblante s'éleva ;

« ... C'est ma faute... J'ai ouvert les yeux, j'essayais de comprendre ce qu'il se passait... »

Jess avait lâché la main de Aure, la tête baissée, au bord des larmes. Elle le savait très bien. Elle n'avait pas tué Cam de ses mains, mais c'était comme si elle avait appuyé sur la gâchette.

Tous se mirent alors à la regarder. Alix ouvrit la bouche, pas très sûr de ce qu'il devait dire, mais il n'eut pas le temps de parler. Niel s'était relevé et, comme une furie, s'était précipité sur la jeune recrue pour la gifler sèchement dans un bruit qui résonna autour d'eux.

« Tu l'as tué ! Tu l'as tué !

-Niel, calme-toi ! »

Aure essaya de repousser l'éclaireur, mais ça ne servit à rien. Il était déjà tombé à genoux devant Jess qui restait sous le choc, et avait passé ses bras autour d'elle pour l'étreindre comme pour se faire pardonner, posant sa tête contre son ventre tout en fondant en larmes. Niel pleura longtemps sous les regards indéfinissables de ses camarades, jusqu'à ce que Jack ne marche jusqu'à lui. Il posa sa main sur son épaule, avant de s'agenouiller et de le faire se relever. Comme il ne tenait plus debout, il passa son bras sous ses épaules pour l'aider à marcher.

« On arrête là pour aujourd'hui. »

L'ordre d'Alix était indiscutable, et de toute façon personne ne voulait continuer. Pas un soldat ne protesta.

Privé d'éclaireurs, c'était au général de prendre la tête des soldats pour les guider. Néanmoins, Alix ne s'en sentait pas capable. D'un coup d'œil, Léa compris en voyant les épaules légèrement ployées de son ami, et sans un mot fit signe aux autres de la suivre pour rentrer à la ville.

Alix attendit un peu pour s'approcher du cadavre de la blonde. Il s'agenouilla devant elle, et murmura en réprimant les larmes qu'il sentait affluer ;

« Pardon de ne pas pouvoir te ramener à la maison. »

C'était une règle. Ils n'avaient pas le droit de ramener les cadavres. Personne ne savait vraiment pourquoi, c'était juste comme ça et il n'y avait pas de questions à poser. Les cadavres restaient là où ils étaient, un point c'est tout.

Le général se releva et suivit alors le groupe, observant partout autour d'eux. Plus personne n'était en état d'être discret, mais il se devait de contrer une possible autre embuscade. Il n'avait pas vu venir la dernière. Personne ne l'avait vu venir. Même si les pertes étaient rares chez les Chiens en raison de leur aptitude au combat et de leur force supérieure, la moindre perte était douloureuse et grave. Ce soir, les Yeux-Morts pourraient fêter leur victoire.

En rentrant, Alix ordonna le repos pour tout le monde. Il attrapa simplement Jess par le bras et la conduisit jusqu'à la salle d'entraînement déserte. La jeune fille le suivit sans un mot, prête à accepter sa punition.

Le reste des soldats était parti se changer se coucher. Jack avait conduit Niel jusqu'à son lit, mais il semblait dans un état second. Le plus âgé lui retira ses chaussures, sa veste et son pantalon, avant de le faire s'allonger. Le jumeau restant ne disait plus un mot. Il fixait la couchette du dessus, silencieux. Ne sachant pas quoi faire, Jack lui souhaita bonne nuit et rejoignit son propre matelas. En face, Léa venait de retirer son haut et, assise torse nu en tailleurs sur le lit de Luc, elle laissait ce dernier lui désinfecter la joue en grimaçant.

« Comment tu te sens ? Questionna le rouquin en jetant un coup d'œil au blond qui venait de s'allonger sur la couchette.

-Mal, répondit Jack après un certain temps, comme s'il avait dû y réfléchir. Et toi ?

-Pareil. »

Léa acquiesça, comprenant leurs sentiments, et ferma les yeux pendant qu'elle se laissait soigner. Personne ne réalisait encore vraiment. Après tout, aucun d'entre eux n'avait vraiment l'habitude de perdre. Même pour les plus vieux, c'était inhabituel. Ils n'avaient perdu que très peu de leurs camarades. Les Chiens n'étaient pas censés mourir au combat... Mais ça pouvait arriver. Cette nuit venait de douloureusement leur rappeler.

« On n'est pas censé s'apitoyer. On est des tueurs d'hommes, ça peut marcher dans les deux sens. »

Amir venait de parler, regardant le sol pendant que Aure lui mettait le bras en écharpe. Jack ferma les yeux et hocha silencieusement la tête pour toute réponse. Luc eu un bruit d'approbation, tandis que Léa se levait d'un bond pour approuver.

« C'est vrai. On est plus forts, beaucoup plus forts, mais pas immortel. On doit l'accepter, on est pas invincibles. »

Elle s'aperçut que la plupart des yeux étaient braqués sur elle. La jeune femme sourit alors, coinçant une mèche de ses cheveux décolorés derrière son oreille.

« C'est comme ça, et ça nous fait une bonne piqure de rappel. Essayez de dormir quand même... »

Fidèle à elle-même malgré tout, elle souffla un baiser au coin des jeunes recrues dans le dortoir.

« Ce n'était pas facile pour vous aujourd'hui. Bonne nuit les chiots. »

Quelques timides aboiements lui répondirent, mais peu. Même si Léa détendait l'atmosphère, ils n'avaient pas vraiment le cœur à rire. Après tout, ils expérimentaient tous de plein fouet et pour la première fois ils comprenaient la dangerosité de l'extérieur. La jeune femme grimpa dans sa couchette et s'allongea, fixant celle déserte de son général.

Alix lui, entraîna Jess toute la nuit, des heures durant et sans lui laisser la moindre pause. Il la fit attaquer jusqu'à ce que la fatigue ne lui fasse saigner du nez, la frappa jusqu'à ce qu'elle vomisse et l'épuisa jusqu'à ce qu'elle perde connaissance. Il ne s'arrêta qu'à ce moment-là. Le jour commençait à se lever, alors il la prit dans ses bras et la porta jusqu'à sa couchette pour la coucher. La plupart des soldats dormaient profondément, mentalement épuisés, et Alix alla jusqu'à son lit. N'ayant pas la force ni de se changer ni de grimper à l'échelle du lit superposé, il s'allongea sur la couchette de Luc. Le rouquin ouvrit un œil, se décala pour laisser de la place à son ami, et les deux s'endormirent sans rien dire.

Cette nuit ils avaient faillis. Mais après tout, il en fallait bien plus pour briser les soldats surentraînés, alors quand ils se réveilleraient, tout reprendrait comme avant, ils mettraient l'équipe de garde au courant de la tragédie et Alix devra aller faire son rapport.

Continue Reading

You'll Also Like

9M 522K 70
Quand Romane arrive dans sa nouvelle école après quelques années passées en Australie, son talent pour le foot ne tarde pas à la faire remarquer. Ain...
42.1K 1.8K 43
Lara, une jeune fille de 16 ans n'ayant pas encore expérimenté le milieu de l'amour va rencontrer David connu sous le nom de Dd Osama un rappeur de S...
3.4M 80.1K 162
Entre lui, la cité, la rue et la famille...
11.5K 998 20
New York. Columbia. Copenhague. Il existe une corrélation positive, entre les quotidiens de deux élèves de l'unes des meilleures universités au mo...