Le Dernier Vol des Oiseaux de...

By JHaltRoen

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Roxane vit dans un des plus beaux appartements de l'Upper East Side de New York, entourée d'un père aimant et... More

Avant-Propos
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Prologue
Chapitre 1 - Partie I
Chapitre 1 - Partie II
Chapitre 2 - Partie I
Chapitre 2 - Partie II
Chapitre 3 - Partie I
Chapitre 3 - Partie II
Chapitre 4 - Partie I
Chapitre 4 - Partie II
Chapitre 4 - Partie III
Chapitre 5 - Partie I
Chapitre 5 - Partie II
Chapitre 5 - Partie III
Chapitre 6 - Partie I
Chapitre 6 - Partie II
Chapitre 6 - Partie III
Chapitre 7 - Partie I
Chapitre 7 - Partie II
Chapitre 7 - Partie III
Chapitre 8 - Partie I
Chapitre 8 - Partie II
Chapitre 9 - Partie I
Chapitre 9 - Partie II
Chapitre 9 - Partie III
Chapitre 10 - Partie I
Chapitre 10 - Partie II
Chapitre 10 - Partie III
Chapitre 11 - Partie I
Chapitre 11 - Partie II
Chapitre 12 - Partie I
Chapitre 12 - Partie II
Chapitre 13 - Partie I
Chapitre 13 - Partie II
Chapitre 13 - Partie III
Partie Temporaire
Chapitre 14 - Partie I
Chapitre 14 - Partie II
Chapitre 15 - Partie I
Chapitre 15 - Partie II
Chapitre 16 - Partie I
Chapitre 16 - Partie II
Chapitre 17 - Partie I
Chapitre 17 - Partie II
Chapitre 17 - Partie III
Chapitre 18 - Partie I
Chapitre 18 - Partie II
Chapitre 18 - Partie III
Joyeux Noël
Chapitre 19 - Partie I
Chapitre 19 - Partie II
Chapitre 20 - Partie I
Chapitre 20 - Partie II
Chapitre 21 - Partie I
Chapitre 21 - Partie II
Joyeuse Saint-Valentin
Chapitre 22 - Partie I
Chapitre 22 - Partie II
Chapitre 23 - Partie I
Chapitre 23 - Partie II
Chapitre 24 - Partie I
Chapitre 24 - Partie II
Épilogue
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Remerciements
Informations

Chapitre 12 - Partie III

731 91 93
By JHaltRoen


Roxane


Les derniers rayons de soleil de la journée se fraient un chemin à travers les nuages noirs et font scintiller le bitume humide. La pluie s'est enfin arrêtée, mais mon cœur, lui, ne cesse de battre la chamade, entraîné par les quelques traces d'adrénaline qui s'attardent encore dans mes veines. Contre ma poitrine, je tiens le précieux sachet de bonbons qui m'a fait renaître. Cela paraît peut-être ridicule, mais il représente tellement pour moi.

Shane me guide à travers les rues de Brooklyn. Ne pouvant décemment pas expliquer à mon père le détail des péripéties qui m'ont conduites à finir trempée jusqu'aux os, je préfère éviter de passer par la case maison. Il me fallait donc trouver un endroit où me sécher, pour après rejoindre Jordan directement au cinéma.

À l'approche d'une immense usine d'apparence désaffectée, mon compagnon ralentit sa course et me libère de son emprise. Il s'engouffre ensuite dans le vieux bâtiment et commence à gravir les escaliers quatre à quatre. Je le suis dans un petit couloir sombre, recouvert de graffitis en tous genres, et où sont alignées d'austères portes en métal. Je réalise alors que ces anciens étages administratifs, reliés à l'usine, ont été transformés en logements de fortunes bien dissimulés aux yeux des autorités. Je déglutis lentement, tout à coup mal à l'aise. J'ai toujours pensé que ce genre d'endroit était une légende urbaine à New York, mais la réalité est telle que tous ceux dont les rêves sont tombés en poussière échouent ici. Dans ces endroits tristes et insalubres, où règnent les lois des plus dangereux gangs de la ville.

Shane s'arrête devant une des portes qu'il déverrouille avant de m'ouvrir la voie. Une fois à l'intérieur, je détaille la pièce en silence. Cela ressemble à une petite chambre de bonne, somme toute assez lumineuse, mais très modeste. Les peintures sur les murs sont à moitié effacées et couvertes, par endroit, de photographies d'œuvres d'art. Des vêtements sont éparpillés sur le sol et sur le lit défait, qui englobe à lui seul une bonne partie de l'espace. Quelques livres sont empilés pêle-mêle sur une petite table basse, disposée dans l'angle d'en face, à côté d'un gros fauteuil en cuir usé. La lumière orangée du crépuscule se projette faiblement dans la chambre. À l'étage du dessus, un guitariste s'évertue à reprendre des titres célèbres, et le son mélodieux qui s'échappe de son instrument résonne doucement dans le petit espace.

Après avoir déposé au sol la bouteille de whisky récupérée un peu plus tôt, Shane se place au milieu de la pièce. Il regarde autour de lui avant de porter ses iris verts sur moi. Je croise les bras sur ma poitrine ; mes vêtements imbibés d'eau me font frissonner.

— Bon. C'est sûr que c'est pas aussi grand que ton palace, mais c'est pas si mal.

Je me contente de sourire et avance pas à pas vers le centre de la pièce tout en frictionnant mon épaule. Il retire son manteau noir puis le pose sur le fauteuil, près du radiateur. Shane passe ensuite les mains dans ses cheveux mouillés et les secoue énergiquement avant de m'indiquer une petite porte blanche.

— Si tu as froid, tu peux prendre une douche et faire sécher tes vêtements.

Sans me laisser le temps de rétorquer sur une évidence, il attrape un sweat gris échoué sur son lit et me le lance.

— Et tu peux enfiler ça en attendant.

Je réceptionne le pull, acquiesce d'un signe de tête, et ai juste le temps d'apercevoir son petit sourire en coin, avant de disparaître dans la minuscule salle de douche.

Après quelques longues minutes sous le jet brûlant, je retire maladroitement les dernières traces de maquillage noir sous mes yeux et secoue mes cheveux, maintenant presque bouclés. Face à mon reflet dans le miroir, je pousse un profond soupir ; qu'est-ce que Jordan va bien pouvoir penser de ma dégaine, ce soir ? Peut-être qu'en fin de compte, un détour par chez moi se révèle être relativement indispensable. D'autant plus que je n'ai pas à coeur d'éveiller le moindre de ses soupçons, et encore moins de lui rendre compte.

Lorsque je retourne dans la pièce principale, mon hôte se tient debout, près d'une fenêtre ouverte, un mug dans une main, son portable dans l'autre. Il a délaissé ses vêtements trempés pour un sweat noir et un nouveau jean. Quelques mèches de ses cheveux humides tombent sur ses cils. À mon arrivée, il éloigne le téléphone de son oreille et s'empresse de raccrocher. Je tire nerveusement sur le pull pour couvrir le haut de mes jambes quand il lève les yeux sur moi. D'un signe de la tête, il désigne les vêtements que je viens de mettre à sécher près du radiateur.

— Ça risque de prendre un petit moment... Je ne sais pas si tu vas être à l'heure pour ton rendez-vous avec le Prince Charmant.

Je fronce les sourcils dans sa direction. Il se contente de me tendre le mug qu'il tient entre ses mains, sans ciller.

— En attendant, bois ça. Ça te réchauffera.

Je récupère le petit récipient en silence. Shane reste appuyé contre le mur blanc et, presque machinalement, ramasse un pendentif égaré sur le rebord de la fenêtre, qu'il enroule patiemment autour de sa main droite.

Je prends une gorgée de café. Depuis que je suis arrivée ici, la curiosité me dévore et des dizaines de questions me brûlent les lèvres. J'ose un rapide coup d'œil dans sa direction et son regard semble m'encourager à soulager mes attentes. Je reste interdite quelques instants, assez surprise qu'il ne tente pas de fuir mes éternelles interrogations agaçantes, puis prends une profonde inspiration, tout en faisant nerveusement courir mes ongles sur le mug en céramique :

— Comment ça se fait que tu habites ici ? C'est pas un peu... Enfin, je veux dire...

— Pas un peu illégal ?

Je dodeline du chef, il étouffe un petit rire.

— Si. C'est totalement illégal. Ça t'étonne encore de moi ?

— Non, pas vraiment. C'est juste que... C'est pas l'endroit le plus rassurant du monde, c'est tout. Tu pourrais te faire expulser à tout moment. Et j'ai entendu dire que les propriétaires de ce genre de lieux étaient des chefs de gang très puissants et...

Il hoche la tête sans me quitter des yeux, son éternel demi-sourire au coin des lèvres.

— Et tu t'inquiètes pour moi ?

Je sens le rouge me monter aux joues et je suis reconnaissante à mes cheveux de venir masquer mon visage au même instant. Shane reprend, sans plus attendre de réponse à sa question.

— Tous ceux qui habitent ici connaissent bien les règles. À partir du moment que tu paies ton loyer, en cash et à l'heure, le grand patron est plutôt conciliant. Enfin, il l'était. Jusqu'à il y a peu de temps...

— Vous ne savez pas qui il est ?

Il balaie le sol du regard et se mord les lèvres avant de répondre, avec une pointe d'hésitation dans la voix.

— Certains le connaissent bien. D'autres non. La plupart du temps, ce sont ses hommes de main qui se chargent de récupérer l'argent. Ou d'expulser les mauvais payeurs. À leur manière.

Son regard se perd dans le vide et voyant que mes questions commencent à l'embarrasser, je décide de ne pas m'attarder sur le sujet. Je m'assois en tailleur sur le bord de son lit et reste silencieuse. Les mains plaquées contre la tasse chaude, je hume les délicats effluves du café qui s'en échappe.

— Tu sais, j'arrive toujours pas à croire que tu sois encore là.

Brusquement sortie de mes pensées, je lève les yeux vers lui. Il me considère gravement.

— Voir plus loin que ce que les yeux voient. Je te l'ai dit, c'est ce que j'apprends à faire tous les jours, à Columbia.

Il reste immobile, les mains enfoncées dans son sweat et la tête basse.

— Tu sais, j'ai jamais voulu devenir un voleur. Ni finir ici. Ni faire... Enfin, ce que je veux dire, c'est que j'ai juste pas eu le choix. La rue est sans pitié et je voulais juste... vivre.

Je garde le silence. Il pousse un profond soupir, puis s'approche de moi et s'assoit à mes côtés.

— Quand ma mère est morte, je n'ai rien pu récupérer de ce qu'elle avait mis de côté pour moi. Cet argent a servi à éponger ses dettes. Résultat, voilà tout ce qu'il me reste de ma famille. Le couteau de mon père et ça...

Il me présente alors le médaillon porte-photo, encore emmêlé entre ses doigts, puis finit par me le tendre. Je récupère le bijou et jette un rapide coup d'œil à Shane, qui fixe mes mains d'un air absent. J'ouvre délicatement la petite fenêtre pour y découvrir la photo d'une jeune femme blonde, aux cheveux coupés au carré, dotée de grands yeux verts et portant contre son cœur un petit garçon brun, bouclé et pourvu des deux mêmes émeraudes brillantes d'innocence.

— C'est le dernier souvenir que j'ai d'elle. La seule chose qui m'aide à savoir quel chemin je dois suivre quand j'ai des doutes, et qui me réconforte quand je me sens trop seul.

Je referme délicatement le médaillon et caresse les gravures de mon pouce.

— Quand j'étais petite et que ma mère n'était plus là, j'imaginais qu'elle était dans chaque rayon de soleil. J'adorais les journées sans nuages, je passais mon temps à fuir l'ombre à tout prix, quitte à prendre une insolation. Qu'est-ce que j'ai pu agacer mon père avec ça ! Et puis, quand il faisait beau le soir, je lui demandais de laisser les rideaux de ma chambre ouverts, juste pour pouvoir admirer le coucher de soleil. Alors les rayons caressaient mon visage jusqu'à ce que je m'endorme, et c'était comme si elle était là.

Après quelques instants de silence, uniquement meublé par les premières notes d'un nouveau morceau de guitare, il reprend :

— C'est à cause de ça que tu es obligée de prendre des pilules ?

Soudain, je baisse la tête, confuse. Anxieux, il se penche alors en avant comme pour essayer d'apercevoir mon visage et s'assurer que je ne pleure pas.

— J'ai toujours été un peu... différente. Mais depuis la mort de ma mère, mes crises sont devenues de plus en plus virulentes. Quelques fois, elles peuvent durer plusieurs semaines, voir des mois. J'ai suivi un traitement médicamenteux et une thérapie avec tous les psychiatres que mon père a pu trouver dans cette ville. J'ai même fini par faire un séjour à l'hôpital... Mais de toutes les personnes avec qui j'ai parlé de ma maladie, aucune n'est parvenue à me soulager. Jusqu'à présent.

Mon souffle tremble. Après quelques secondes de silence, il ose une nouvelle question :

— Qu'est ce que tu ressens, quand ça t'arrive ?

Je déglutis. Jamais je n'avais abordé ce sujet avec qui que ce soit d'autre qu'un psychiatre.

— De la peur. De la souffrance, de la tristesse, mais surtout de la solitude. La pire qui soit, puisque personne n'entend ce que j'entends. Personne ne voit ce que je vois. Personne ne comprend, personne n'est là pour m'aider, pour faire en sorte que tout s'arrête.

Il n'ajoute rien. Et moi, prise dans un élan de confession, je dépose le mug à mes pieds et continue sur ma lancée :

— Shane, quand j'ai dit qu'aucune personne n'est parvenue à me soulager jusqu'à présent, ce n'était pas entièrement vrai.

Il porte lentement son attention sur moi. Je coince mes mains sous mes cuisses et me pince les lèvres pour masquer ma nervosité grandissante. Mon cœur s'emballe, je sens le rouge monter à mes joues.

— La vérité c'est qu'il n'y a qu'une personne qui réussit à annihiler mes crises, comme personne, ni aucun médicament n'arrive à le faire.

— Ce cher Jordan, je suppose ?

— Jordan... Il arrive à les apaiser, c'est vrai. Mais pas à les éradiquer.

Il se redresse, toujours attentif à mes propos. Je reste un instant muette, absorbée par les paroles que le musicien chante encore, comme si elles avaient été écrites pour moi, pour nous.

Don't want to let you down

But I am hell bound

Though this is all for you

Don't want to hide the truth*

Ma mâchoire tremble, mon regard balaie devant moi. Et quand mes pupilles croisent enfin les siennes, je n'ai pas besoin d'en dire plus. Ce que je lis au fond d'elles me suffit. Je sais qu'il a compris. Au même moment, mon attention est attirée par du mouvement près de la fenêtre. Un papillon de nuit entre dans la pièce. Je souris et l'observe battre des ailes jusqu'à venir se poser sur mon genou.

— Oh ! Regarde, comme il est beau. C'est merveilleux les papillons, Shane. Ils passent les trois quarts de leur vie à ramper, à se cacher, à survivre, jusqu'à ce qu'ils décident enfin du bon moment. Ils parviennent alors à trouver la force de s'épanouir, de se changer en de magnifiques créatures, libres de voler et parcourir le monde comme bon leur semble.

Shane ne quitte pas le petit insecte des yeux. Je relève la tête vers lui, avant de poursuivre :

— Et même si cette transformation les condamne, même s'ils doivent mourir dans quelques jours, ça n'a pas d'importance. Parce qu'ils auront au moins connu le bonheur, la liberté à l'état pur.

Mes iris croisent une nouvelle fois les siens et le temps se fige alors. Comme si tout autour de moi avait soudainement disparu. Tout sauf lui. Le petit nuisible reste immobile sur mon genou, battant doucement de ses ailes magnifiquement décorées.

Your eyes, they shine so bright

I want to save their light

I can't escape this now

Unless you show me how*

Mes doigts jouent inlassablement avec la chaînette du pendentif que je tiens toujours, espérant secrètement qu'il me libére de mes doutes moi aussi.

— Tu te souviens du premier soir, où tu m'as emmenée dans ce petit bar ?

Sans me lâcher du regard et sans dire un mot, il se tourne pour me faire face. Seuls ses yeux parlent pour lui.

— Quand tu m'attendais près de la bouche de métro, tu m'as dit quelque chose...

Lentement, ses doigts viennent se loger dans mon cou, déclenchant au passage une cascade de frissons sur tout mon corps. Je reserre un peu plus mes doigts sur la chaînette dorée.

— Quelque chose que je n'avais pas compris à ce moment-là, mais qui aujourd'hui prend tout son sens.

J'ai les mains moites, la moitié des sens engourdis. Alors qu'il m'attire contre lui, mes joues brûlent, je ne sais plus comment lutter. Ses lèvres effleurent les miennes. Je ferme les yeux. Je dois partir. Je devrais partir. Mais je ne peux pas.
Je me laisse alors basculer en même temps que lui au milieu des draps blancs. Le papillon quitte ma jambe et virevolte un instant auprès de nous, puis il s'enfuit vers les lumières des lampadaires qui éclairent à présent la rue. Mon cœur est à deux doigts de jaillir de ma poitrine, son souffle caresse mon cou et mes doigts abandonnent enfin le pendentif quand il me murmure à l'oreille :

— Je t'avais dit que je te donnerais des ailes...

— Et c'est ce que tu as fait.

*Demons - Imagine Dragons (Paroliers : Joshua Francis Mosser / Alex Grant / Benjamin Arthur McKee / Daniel Coulter Reynold / Daniel Wayne Sermon // Paroles de Démons © Universal Music Publishing Group)

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