Et sur le front de mer j'ai v...

Od MargotLecocq

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"La tristesse qui a suivi la mort de Marin ne s'estompe pas et même si maman est convaincue que ce déménageme... Více

Un bouquet pour Marin.
Révélations.
Remuer le passé ?

Si rien ne change.

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Od MargotLecocq




Ce soir encore je me demandais ce que j'allais bien pouvoir faire pour fuir l'ennui qui me consumait quotidiennement. J'étais avachi sur mon lit les yeux rivés au plafond et j'écoutais la musique qui s'élevait dans ma chambre. Tout me paraissait démesurément vide, sans vie. La peinture au-dessus de moi était craquelée par le temps et le papier peint qui ornait les murs de la pièce avait jauni. Nous venions tout juste d'emménager dans ce quartier et je haïssais déjà l'ambiance qui y régnait. Ici la vie semblait terne et sans saveur, et j'avais fini par me lasser d'observer madame Hervé rentrer et sortir pour refermer son portail ouvert par le vent.

Parfois je restais des heures entières ainsi allongé sur mon lit à me demander comment j'avais bien pu me retrouver là sans objectif à réaliser. J'avais vingt-deux ans depuis bientôt six mois et je n'avais toujours pas réussi à trouver un sens à mon existence depuis son départ.

Nous avions perdu Marin il y a environ deux ans, emporté par une saleté de cancer que les médecins n'étaient pas parvenu à soigner. Je me souviens encore de sa voix lorsqu'il nous hurlait de ne pas nous inquiéter avant de contenir la douleur qui le rongeait. Nous le savions tous condamné mais personne n'avait osé parler du moment fatidique qui nous pendait au nez jusqu'à ce matin d'hiver où il s'en était allé paisiblement, épuisé par les traitements à répétition.

Maman a beaucoup pleuré ce jour-là et je crois bien qu'elle n'a plus jamais été la même par la suite. Papa ne parlait plus du tout et il se contente maintenant de vociférer sur nous pour évacuer la colère qu'il n'a cessé d'éprouver depuis la mort de l'un de ses enfants. Et moi, j'essaie de rester en vie et de respirer chaque jour que dieu fait pour ne pas décevoir mon frère jumeau.

Mon quotidien n'avait rien de bien attrayant, en bref j'allais en cours à l'université et je travaillais dans une bibliothèque trois soirs par semaine pour me faire un peu d'argent. Maman avait voulu déménager dans le courant de l'année qui commençait pour tenter de se détacher du passé mais elle avait choisi de rester dans la même ville. Elle n'avait pas arrêté de répéter qu'elle n'en pouvait plus de devoir passer chaque jour devant la chambre de Marin en refoulant l'envie de rentrer pour pleurer sur son lit et elle pensait naïvement qu'un simple changement de maison lui conviendrait.

Personne n'avait protesté et c'est ainsi que nous nous sommes retrouvés dans ce taudis que je cite : « nous allons bien évidemment mettre à notre goût pour nous sentir chez nous ». « Chez nous », j'avais refoulé un rire lorsque maman avait dit ça, comme si nous pouvions un jour être de nouveau chez nous sans lui. Tout avait changé si subitement que même l'espoir semblait déserter son poste, bien que maman s'y accroche encore de toutes ses forces.

Je rêvais de partir de cette maison mais la détresse de mes parents m'obligeait à rester vivre chez eux. L'université était terminée pour l'année et je venais d'être diplômé, bientôt peut-être pourrais-je quitter cet endroit et partir m'installer ailleurs. Mais la tristesse qui a suivi la mort de Marin ne s'estompe pas et même si maman est convaincue que ce déménagement est un nouveau départ, moi je sais que ce ne sont pas les murs qui abritent tant de chagrin...

Perdu dans mes pensées je n'entendis probablement pas ma mère crier pour me dire de baisser le son de mon enceinte ce qui l'énerva un peu plus. Cette fois sa voix parvint jusqu'à mes oreilles :

« - Elliott est-ce que tu pourrais baisser le son s'il te plaît ? Ton père n'entend pas les informations, râla t'elle.

- Oui ça va, ça va je vais baisser, répondis-je rapidement. »

La musique que j'écoutais chaque soir me permettait de laisser mon esprit s'égarer dans des confins qu'il n'avait pas encore exploré. Je sentais mon coeur plus léger et quand je fermais les yeux je sentais sa présence près de moi. Sans Marin tout n'était que solitude, néant et agonie. J'avais ruiné les relations que j'avais entamé du vivant de mon frère en rejetant mes amis et en brisant le coeur des filles qui avaient eu le malheur d'éprouver autre chose que de l'amitié à mon égard. Pourtant rien de tout cela ne me manquait et être seul me convenait parfaitement même s'il m'arrivait encore de rêver d'évasion, de voyages et de tendresse, comme si j'attendais que quelque chose puisse encore me convaincre que la vie était encore là devant moi.

Une fois de plus j'entendis maman hurler depuis le rez-de-chaussée, une fois de trop pour ce soir ce qui me poussa à enfiler ma veste avant de sortir prendre l'air au volant de la voiture de mon frère. J'ai conduis jusqu'au Bomb's, le bar où Marin et moi avions l'habitude de nous retrouver pour décompresser après nos journées de cours et de boulot. C'était souvent la même chose, la même scène qui se répétait inlassablement jusqu'à ce que la salle du Bomb's ne se vide complètement et qu'il ne reste plus que ce bon vieux Jack et son verre assis au bar. Il regardait fixement sa boisson sans même prêter attention aux néons qui grésillaient au-dessus de lui. Il était pourtant supposé fermer l'établissement aux alentours de trois heures du matin, mais il avait cessé d'obéir aux règles qu'il avait lui-même élaborées cinq ans auparavant. Et pour cause, rien n'était plus pareil. La porte du Bomb's était désormais recouverte d'une fine couche de peinture rouge délavée et les anciennes soirées dansantes s'étaient finalement dispersées dans d'autres bars de la ville. Il ne restait de l'ancien Bomb's que son intérieur jauni par le temps et son antique Jack. Pourtant, même si les secondes paraissaient avoir cessé de s'écouler, le Bomb's n'avait jamais arrêté d'attirer les foules de jeunes étudiants déchaînés et de vieux collectionneurs introvertis. Son style ancien lui conférait une certaine aura qui irradiait aux quatre coins de la ville. Marin s'asseyait toujours dans un coin au fond du bar caché dans l'ombre et il commandait un martini qu'il buvait rapidement avant de jeter son dévolu sur une jolie fille qui le regardait. Presque à chaque fois il quittait le bar en m'adressant un clin d'oeil puis disparaissait dans la nuit, la jeune fille du soir à son bras.

Il faut dire que malgré notre forte ressemblance, j'avais toujours trouvé Marin beaucoup plus séduisant que moi. Charismatique et entêté, il savait comment obtenir ce qu'il voulait. Il avait des cheveux châtin très bien ordonnés, tandis que les miens bien qu'ils aient la même couleur ne restent jamais en place à cause de mes petites boucles qui retombent de temps à autre sur mon front. Marin avait des traits si doux que même les anges n'ont pu y résister et maman disait souvent qu'il avait l'air beaucoup plus gentil que moi. Il faut bien avouer qu'avec mes traits fins et saillants, ma mâchoire carrée et mes sourcils arqués, ma carrure musclée et mon air agacé, je ne pouvais rivaliser avec ce visage de poupon aux joues pulpeuses et à la bouche rosée. Mais la plus grosse différence entre Marin et moi était à chercher dans nos yeux : tandis qu'il avait des yeux gris magnifiques qui faisaient tomber n'importe qui à ses pieds, j'étais doté d'une particularité surprenante : un oeil bleu et un oeil vert.

J'ai toujours pensé que mon frère était le plus beau de nous deux et bien que jumeaux, nos traits avaient chacun leurs caractéristiques propres. Si nos personnalités étaient totalement différentes cela ne me gênait pas plus que ça. Marin sortait avec différentes filles chaque soir, il flirtait comme il respirait, et aimait être mis en valeur au quotidien. Il restait cependant un garçon généreux qui faisait toujours attention aux autres et surtout à moi, son frère chaotique et réservé.

Il faisait frais ce soir et lassé par les souvenirs douloureux qui revenaient m'assaillir, je préférai m'asseoir au bar en compagnie de Jack pour enchaîner les verres de whisky. Il y avait du monde mais je n'y prêtais pas attention puisque Jack me resservait en alcool dès que mon verre se terminait. Maman n'avait jamais rien dit sur notre consommation ni à Marin ni à moi, puisqu'elle savait que nous étions toujours raisonnables. Elle n'a jamais pensé que tout cela avait changé après sa mort et que je rentrais parfois ivre mort à la maison en tâtonnant en silence dans le noir pour me glisser jusque dans ma chambre.

J'avais déjà bu plusieurs verres lorsqu'une main se posa sur mon épaule. C'était Ludwig un ami de Jack dont la barbe touchait quasiment le ventre bedonnant.

« - Ça alors ! s'exclama-t'il. Pour une surprise c'est une surprise ! ricana-t'il ironiquement.

- Bonsoir à toi aussi Ludwig, dis-je d'un ton lasse.

- Oh ça va gamin ne me fait pas cette tête, pas à ton vieil ami !

- Ludwig, Jack est ton ami pas moi.

- Alors comment ça se passe à la maison ? Ta mère continue toujours de tourner en rond ? Jack m'a dit que vous venez de déménager dans un autre quartier.

- Tout va bien, répondis-je afin qu'il me laisse enfin tranquille.

- C'est tout ? Et toi tu ne comptes pas vadrouiller un peu cet été ? M'enfin c'est de ton âge tout de même ! Quand est-ce que tu m'inviteras boire une bonne bière dans ton appartement ? T'en auras un bientôt pas vrai petit ?

- Oui bientôt Ludwig, d'ailleurs j'attends que tu me donnes les clefs ricanais-je.

- Hahaha t'es toujours aussi drôle petit ! »

Il manqua de s'étouffer en avalant une bière que venait de lui tendre Jack puis m'adressa un clin d'oeil avant de se lever et de quitter le bar. Il commençait à se faire tard et je décidai de rentrer chez moi à pieds pour ne pas risquer un accident. Je saisis ma veste et me dirigeai vers la sortie en adressant un geste de remerciement à Jack.

À suivre...

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N'hésitez pas à me dire ce que vous avez pensé de ce premier petit chapitre en votant sur la petite étoile ! Bonne journée à vous et à très bientôt pour la suite de l'histoire.

Bien à vous,

Margot.

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