Le Dernier Vol des Oiseaux de...

By JHaltRoen

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Roxane vit dans un des plus beaux appartements de l'Upper East Side de New York, entourée d'un père aimant et... More

Avant-Propos
.
Prologue
Chapitre 1 - Partie I
Chapitre 1 - Partie II
Chapitre 2 - Partie I
Chapitre 2 - Partie II
Chapitre 3 - Partie I
Chapitre 3 - Partie II
Chapitre 4 - Partie I
Chapitre 4 - Partie II
Chapitre 4 - Partie III
Chapitre 5 - Partie I
Chapitre 5 - Partie II
Chapitre 5 - Partie III
Chapitre 6 - Partie I
Chapitre 6 - Partie II
Chapitre 6 - Partie III
Chapitre 7 - Partie I
Chapitre 7 - Partie II
Chapitre 7 - Partie III
Chapitre 8 - Partie I
Chapitre 8 - Partie II
Chapitre 9 - Partie I
Chapitre 9 - Partie II
Chapitre 10 - Partie I
Chapitre 10 - Partie II
Chapitre 10 - Partie III
Chapitre 11 - Partie I
Chapitre 11 - Partie II
Chapitre 12 - Partie I
Chapitre 12 - Partie II
Chapitre 12 - Partie III
Chapitre 13 - Partie I
Chapitre 13 - Partie II
Chapitre 13 - Partie III
Partie Temporaire
Chapitre 14 - Partie I
Chapitre 14 - Partie II
Chapitre 15 - Partie I
Chapitre 15 - Partie II
Chapitre 16 - Partie I
Chapitre 16 - Partie II
Chapitre 17 - Partie I
Chapitre 17 - Partie II
Chapitre 17 - Partie III
Chapitre 18 - Partie I
Chapitre 18 - Partie II
Chapitre 18 - Partie III
Joyeux Noël
Chapitre 19 - Partie I
Chapitre 19 - Partie II
Chapitre 20 - Partie I
Chapitre 20 - Partie II
Chapitre 21 - Partie I
Chapitre 21 - Partie II
Joyeuse Saint-Valentin
Chapitre 22 - Partie I
Chapitre 22 - Partie II
Chapitre 23 - Partie I
Chapitre 23 - Partie II
Chapitre 24 - Partie I
Chapitre 24 - Partie II
Épilogue
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Remerciements
Informations

Chapitre 9 - Partie III

803 99 289
By JHaltRoen


Roxane


La brise du soir caresse mon visage, emmêle mes cheveux et assèche un peu plus mes yeux déjà désertés par mes larmes. Cela fait plusieurs heures maintenant que j'ai cessé de tourner et retourner les mêmes questions dans ma tête. Plusieurs heures qu'une seule et unique réponse me revient continuellement à l'esprit. Plusieurs heures que je suis persuadée d'avoir pris la bonne décision.

C'est vrai, cet endroit est réellement magnifique. Une chance que l'alarme de la porte d'accès n'ait pas encore été réparée. Sur Manhattan, les lumières de la ville s'illuminent les unes après les autres. Le Pont de Brooklyn, auréolé d'un éclat presque mystique, se reflète vaguement sur East River. Le ciel, empourpré par la fin du jour, n'a lui jamais été aussi somptueux. Les ultimes rayons d'or se frayent encore un chemin à travers les tours d'acier et viennent sécher les dernières traces de gouttes salées sur mes pommettes. Demain, le soleil se lèvera de nouveau sur cette ville. Avec lui s'éveilleront de nouvelles âmes, en échange de celles qui, escortées par la lune, auront rejoint les étoiles pendant la nuit. Les autres continueront de vivre et le cycle infini reprendra. Oui, demain sera un nouveau jour. Une nouvelle chance. L'astre de jour éclairera le destin de chacun, mais pas le mien.

La semelle de ma chaussure racle le rebord en béton, précipitant au passage quelques petits cailloux dans le néant. Je baisse les yeux sur trottoir, plusieurs mètres plus bas. Le vide étend ses longs bras invisibles qui m'attirent et m'invitent inlassablement à le rejoindre.

C'est vrai, cet endroit est réellement magnifique pour mourir. Je prends une profonde inspiration. Les battements de mon cœur sont plus calmes que jamais. Je le sais maintenant, j'en suis sûre. La mort est en réalité la plus grande aventure dont on puisse rêver sur cette terre. Plus de moqueries, plus de haine, plus de souffrance. L'affranchissement ultime, qui, par sa désobéissance au destin même, n'a d'égal que son impertinence.

Deux ou trois passants se sont arrêtés au bas de l'immeuble. Ils gardent les yeux rivés sur moi, téléphones portables dégainés, avident de me voir faire le saut de l'ange en direct pour leurs réseaux sociaux. Même au seuil de la mort, je suis poursuivie par la suprématie grotesque de l'information. Je glousse en pensant aux titres dans les journaux de demain : « Roxane Preston, fille de milliardaire, désabusée, se jette du haut du toit d'un immeuble de Brooklyn devant plusieurs témoins. » L'article paraîtra peut-être sur la page nécrologie du New York Times. Cette page que les gens ne lisent jamais, bien trop emportés par le tourbillon de la vie pour prêter attention aux morts. Les vidéos de mon plongeon feront le tour d'Internet pendant quelques jours et finiront par disparaitre, fondues dans la masse d'informations plus délirantes les unes que les autres. Et puis le cycle infini reprendra, ils parleront d'autre chose, ils riront d'autre chose et doucement, mais sûrement, je ne serais plus qu'un souvenir. Un spectre blafard sur une photo, un parfum dans l'air, une larme sur la joue de mon père qui ne s'effacera jamais...

C'est là. Je prends une profonde inspiration et mes yeux se posent une dernière fois sur le pont de Brooklyn. Dans quelques secondes, je serais enfin libre. Dans quelques secondes, je serai enfin loin. Dans quelques secondes, je...

— Roxane ! Qu'est-ce que tu fous ?!


*


Shane


Je bloque Desmond derrière mon dos au moment où Roxane sursaute et se retourne vers nous. Ses yeux bleus me détaillent de la tête aux pieds, trahissant sa surprise.

— Laisse-moi, je ne t'ai rien demandé.

Elle se tient debout sur le rebord du toit de l'immeuble, prête à se jeter dans le vide. Mon cœur s'accélère dangereusement et d'un regard de biais, j'intime à Desmond de ne plus faire un geste. Moi qui cherchais du calme... Me voilà servi.

— Qu'est-ce qui te prend ? Reviens ici tout de suite ! T'as pas le droit de faire ça !

— C'est le seul droit que j'ai dans ma vie, celui d'y mettre un terme. Ça aussi tu veux me l'enlever ?

Je fais un pas, elle ne cille pas. Son regard rempli de colère et de tristesse me transperce. Roxane retourne à sa contemplation du vide avant de reprendre, la gorge nouée.

— Dis-moi, à quoi ça sert Shane ? Pourquoi tu fais tout ça ?

— Tout ça quoi ?

— Pourquoi tu fais tellement semblant d'être heureux ?

Ses paroles me frappent de plein fouet. J'ouvre lentement la bouche pour rétorquer, mais aucun son ne parvient à s'échapper de ma gorge, comme terrassé par une vérité cinglante. Je reste alors immobile, stupéfait. Personne n'a jamais su faire tomber mon masque aussi rapidement. Personne n'a jamais lu en moi comme elle l'a fait. Personne n'a jamais compris. Je déglutis lentement avant d'articuler une réponse à mi-voix :

— Parce que je n'ai pas le choix, Roxane.

Elle pivote vers moi en riant ironiquement à travers les nouvelles larmes qui inondent à présent son visage.

— Tu n'as pas le choix ? Pourtant tu es libre, toi. Tu peux faire ce que tu veux, quand tu veux, avec qui tu veux. Personne ne te dicte ta conduite, personne ne te juge. Tu n'as besoin de rien ni de personne. Alors, dis-moi, Shane. Si toi non plus tu n'as pas le choix, pourquoi tu essayes de me retenir ? À quoi ça sert ? Pourquoi continuer à vivre si toi et moi sommes condamnés à errer dans ce monde d'illusion, où faire bonne figure est la seule chose qui a réellement d'importance ?

— Roxane, s'il te plaît. Descends de là tout de suite.

— Réponds à ma question !

— Mais j'en sais rien !

Ses jambes tremblent, son pied vacille. Je mords mes lèvres et serre un peu plus les poings. La crainte de la voir basculer à tout moment me paralyse. Son calme plat répond sans faiblesse à ma panique grandissante. Je prends une profonde inspiration avant de poursuivre :

— Écoute. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé pour que tu en arrives là. Mais je suis persuadé que ce que tu crois n'est pas vrai.

— Qu'est-ce qui te fait dire ça ? Tu ne me connais même pas ! Tu ne sais rien de moi, comment tu peux dire une chose pareille ?!

Robin a tord, je ne suis absolument pas l'homme de la situation. Je n'ai jamais été doué pour parler aux personnes en détresse, encore moins quand celles-ci sont à deux doigts de se jeter du haut d'un immeuble. Je fais deux pas précipités vers elle qui ont pour seule conséquence de la faire vaciller un peu plus du mauvais côté. Je m'arrête brusquement et hausse le ton sans la lâcher des yeux :

— Très bien ! Tu crois que le bonheur se résume à une recette secrète ?! Qu'une fois que tu la trouves, c'est bon ! Tes problèmes s'envolent pour toujours ? C'est ça que tu espères ?!

Sentant mon niveau d'affolement frôler l'excès, Desmond fait un pas vers moi, les yeux toujours ancrés sur Roxane.

— Shane, arrête. Il faut appeler les pompiers, elle va sauter.

— Toi, tais-toi ! C'est pas le moment !

Roxane se penche en avant, je tressaille.

— Shane, elle va sauter je te dis !

— Desmond, la ferme ! Roxane, descends !

Ils vont me rendre fou. Tous les deux. Roxane me regarde par-dessus son épaule, un petit sourire sans joie sur son visage. Je fais un pas vers elle, puis un autre, tandis qu'elle articule à voix basse :

— Tu te trompes. Je ne crois pas ça. Le bonheur n'est pas pour les gens comme nous. Le bonheur n'est pas destiné à ceux qui souffrent, il ne l'a jamais été. Il n'y a pas de solution miracle, il n'y en a jamais eu et il n'y en aura jamais. Je ne veux pas être un de ces pantins magnanimes, qui cavalent gaiement vers leur tombe en essuyant les attaques de haine du destin jusqu'à leur dernier souffle. Je ne veux pas vivre chaque jour avec un faux masque de joie sur mon visage pour dissimuler mes larmes. Je ne veux pas, Shane.

— Ce n'est pas ce que je veux non plus.

Elle reste silencieuse. Je ne suis plus qu'à quelques centimètres d'elle. En bas, les cris des badauds me parviennent en écho. Tout comme les sirènes de pompier et de police qui commencent à se rapprocher d'ici. Alerté, Desmond court faire le guet de l'autre côté du toit. Une fine goutte de sueur glisse le long de mon cou. Roxane est parfaitement immobile, ses yeux balaient toujours le vide sous ses pieds et quelques mèches de ses cheveux bruns sont collées à son visage humide. De toute ma vie, je n'ai jamais vu autant de désespoir et de malheur émaner de quelqu'un. Est-il possible de lui infliger une plus grande douleur que celle qui l'habite déjà. La vague de culpabilité qui me submerge peu à peu dessèche un peu plus ma gorge. Je prends alors une profonde inspiration avant de murmurer :

— Rox, regarde-moi s'il te plaît.

Ses iris, véritables miroirs de sa détresse, accrochent les miens. Elle tourne la tête vers moi. De l'autre côté du toit, Desmond, paniqué par l'arrivée prochaine de la police sur les lieux, s'époumone dans ma direction. Mais je ne l'entends pas. Je tends une main vers elle, sans la quitter des yeux.

— Je ne prétends pas tout savoir de toi. Mais ce que tu ressens, je crois le comprendre. Je sais ce que c'est que d'être seul, d'être rejeté parce qu'on est différent. Je sais ce que c'est de ne pas avoir de vrais amis, de se sentir abandonné. Et je sais ce que c'est que de faire toujours bonne figure, quoi qu'il puisse arriver. Alors, non. Je ne peux pas te promettre que tu riras tous les jours ni que tout sera facile. Je ne peux pas te promettre que demain tu seras la plus heureuse du monde. Je ne prétends pas tout savoir de la vie, ni même vraiment savoir ce qu'est le bonheur. Mais ce que je peux te promettre c'est que quoiqu'il arrive aujourd'hui, qu'il fasse soleil ou qu'il pleuve dans ta vie, que tu sois confiante ou que tu doutes, tu ne seras plus jamais seule.

Une nouvelle larme s'échappe de sa paupière. Desmond revient en courant et se stoppe à quelques mètres de nous. Je fais un autre pas vers elle, rapprochant un peu plus ma main de la sienne :

— Et si vraiment ce foutu bonheur n'existe pas pour nous... Et bien tant pis ! On rira tellement des petits bourges, coincés dans leur petit monde parfait et terrorisés par l'inconnu que plus rien d'autre n'aura d'importance.

Elle ne parvient pas à retenir un petit rire qui fait jaillir deux nouvelles larmes de ses yeux. Je souris, tendant un peu plus ma main dans sa direction.

— Je suis là Rox. Et si tu veux, je serai toujours là. Je te le promets. Fais-moi confiance.

De grosses gouttes salées roulent maintenant sur ses joues roses. Elle jette un dernier regard vers le vide, puis se retourne vers moi. Après un court instant d'hésitation, sa main se glisse enfin dans la mienne. Je serre nerveusement ses doigts et la tire doucement vers le toit de l'immeuble. Ses jambes mal assurées font un pas puis un autre et Roxane finit par regagner le toit. Je ne peux retenir un profond soupir de soulagement en même temps que Desmond, qui se laisse lourdement tomber sur un muret en béton près de nous.

— Pfff... Elle m'a foutu une de ces trouilles.

Je hoche la tête dans sa direction puis dévie le regard vers Roxane. Ses yeux n'ont pas quitté mon visage, provoquant un léger frisson dans mon dos. Je reporte mon attention sur Desmond et Roxane détourne la tête, tout en replaçant une mèche de ses cheveux humides derrière son oreille. Il me faut alors quelques instants — et le poids du regard ahuri de Desmond sur moi — pour me rendre compte que je n'ai pas encore lâché sa main. Lorsque je tente de desserrer maladroitement mon emprise, Roxane resserre la sienne. Je hausse un sourcil et croise de nouveau ses iris clairs.

— Promis ?

Mon cœur rate un battement, mais j'acquiesce d'un signe de tête. Ne rien laisser paraître, c'est la règle. Roxane m'adresse alors un petit sourire fragile avant de relâcher sa main. Desmond se relève au même instant et dépoussière son jean :

— Bon. Je ne voudrais pas interrompre le moment... Mais on peut s'attendre à voir débarquer les flics à tout moment. Il faut vraiment pas qu'on traîne dans le coin.

C'est incroyable tout ce qu'un regard peut transmettre. De la reconnaissance, de la peur, de l'espoir et quelque chose que je ne pourrais pas décrire. Jamais je n'aurais cru pouvoir lire tout cela dans les yeux de quelqu'un. Encore moins dans ceux de...

— Shane !

— Je ! Quoi ?! Oui, je t'ai entendu Desmond ! On bouge de là.

Je fais signe à Desmond de quitter les lieux. Il met quelques instants à comprendre, puis finit par s'éclipser lentement vers la porte qui mène à l'intérieur de l'immeuble. Après m'être assuré que mon acolyte a bien disparu du toit, je prends une grande inspiration et me retourne vers Roxane, dont les yeux fixent le vide devant elle, encore sous le choc des événements.

— Rox, je suis désolé. Je dois y aller. Je ne peux pas rester là et toi... Il faut que tu rentres chez toi, tu as besoin de repos.

Aucune réaction. De peur de la décevoir et de réduire tous les efforts des dernières minutes à néant, je me ressaisis brusquement :

— Par contre, je tiens toujours mes promesses, tu le sais ?

— Ah oui ?

Je baisse la tête. Une mèche vient se planter devant mon œil et un petit sourire s'étend au coin de mes lèvres. Je plonge les mains dans les poches de mon manteau et hausse les épaules.

— Je te l'ai dit. J'ai quelques qualités.

Elle glousse et sans me laisser le temps de réagir, sa main s'approche de mon visage et replace ma mèche de cheveux sur l'arrière de mon crâne. Je me redresse, tentant maladroitement de dissimuler ma surprise. Je détourne nerveusement la tête vers l'issue où a disparu Desmond.

— Merci, Shane. Merci d'exister.

Je reste muet. Roxane remarque mon malaise et m'épargne une réaction d'autant plus gênante que je n'ai jamais su comment répondre à de tels compliments. Elle fait alors quelques pas et s'écarte de moi en direction de l'unique porte. Je la regarde s'éloigner doucement quand me vient une idée en tête.

— Rox ?

Elle s'arrête et se retourne lentement vers moi tout en effaçant les dernières traces de son maquillage éparpillé sur son visage.

— Samedi après-midi, sur le pont de Brooklyn.

Elle sourit, je sens le rouge me monter inexorablement aux joues.

— Tu viendras ?

Elle reste un instant immobile, les yeux plongés dans les miens avant de répondre d'une voix fatiguée et à peine audible, dans laquelle est vainement dissimulé ce qui ressemble à une pointe de timidité :

— Oui, je viendrai.

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