Théodora papillonna doucement des yeux. La lumière du jour était entrée à travers les volets de la chambre et la pièce était encore fraîche grâce à la climatisation, qu'elle avait éteint au cours de la nuit pour ne pas consommer trop.
Elle s'étira longuement avant de se lever, un sourire heureux collé aux lèvres. Elle se sentait niaise, à sourire ainsi, mais c'était plus fort qu'elle.Aujourd'hui, elle allait faire sa première plongée sous-marine. Son baptême.
Hier, elle avait parlé jusqu'à tard le soir avec Iris, qui était restée dormir dans l'appartement, dans l'autre chambre. Théodora ouvrit la porte coulissante et put constater que la sœur de Zach était déjà dehors : son lit était fait, rangé.
La jeune femme retourna dans le salon et prit une banane dans la corbeille de fruit en guise de petit déjeuné. Elle sortit sur la petite terrasse déjà ensoleillée malgré l'heure assez matinale et entreprit d'ouvrir les volets de sa chambre. Alors qu'elle s'escrimait dessus, elle entendit un petit rire sur sa droite. Elle tourna brusquement la tête et vit Iris, appuyée contre le mur, qui la regardait avec amusement. Ses cheveux courts étaient lâchés et encadraient comme d'habitude son visage bronzé. Ses yeux verts étaient rieurs et sa posture désinvolte. Pieds nus, comme toujours et vêtue de son éternel short en jean avec son haut de maillot de bain sous une fine chemise blanche. Belle à en mourir.
-Un coup de main, princesse ? Lui lança-t-elle en approchant.
-Je veux bien, merci.
Soudainement, elle se rendit compte qu'elle n'était vêtue que d'un tee-shirt large et d'une culotte, si bien qu'elle devint cramoisie. Iris le remarqua aussitôt et Théodora vit que ses joues viraient au rouge. Elle croisa les bras sur sa poitrine, gênée.
-Je pense que je vais aller m'habiller...
-Bonne idée.
La française décampa sans demander son reste dans l'appartement. Elle prit son maillot de bain avec un short et un tee-shirt à bretelles avant de foncer dans la salle de bain, le cœur encore affolé par sa folie.
Quand elle retourna dehors,cette fois habillée avec son sac sur l'épaule, Iris avait disparu.Elle entendit du bruit du côté de la rue et devina sans peine que la jeune femme s'occupait du matériel. En effet, elle fouillait dans le tas de palmes près du portillon d'entrée. En entendant Théodora arriver, elle se tourna vers elle.
-Tu fais quelle pointure ?
-Prends-moi du 36.
La sœur de Zach s'esclaffa sous le regard étonné de la française.
-Qu'est-ce qu'il y a de drôle ?
-Tu as des petits pieds... Je fais du 40 et demi, se moqua Iris.
Théodora, qui s'était emparée d'un masque pour l'essayer, le lança sur la jeune femme à côté d'elle qui était hilare.
-Tu es hilarante, grommela-t-elle sans pour autant réussir à retenir un sourire.
-Je sais. Tiens, essaies ça,répondit la sœur de Zach en lui tendait une paire de palmes bleues.
La française se laissa glisser au sol et enfila avec difficulté les longues palmes. Elle se releva et tenta de marcher avec, ce qui lui donna une démarche de pingouin. Iris était pliée en deux devant les sauts qu'elle faisait pour essayer d'avancer sans encombre. Finalement, elle retira les palmes et les tendit à la sœur de Zach.
-Elles me vont, dit-elle en souriant.
-J'ai vu ça, mais tu as encore des progrès à faire pour marcher droit. Choisis-toi un masque maintenant.
Théodora lui obéit,effectuant alors une séance d'essayage de masque humoristique. Iris était un bon public et riait de bon cœur, mettant parfois elle aussi des masques. Devant ses grimaces et ses paroles moqueuses,imitant les commentaires des défilés de mode, Théodora se tordait de rire.
Elles se turent brusquement lorsque Marvin apparut, les cheveux en bataille et l'air ensommeillé.
-C'est vous qui faites un bazar pareil dès le matin ? Bougonna-t-il en baillant.
Iris secoua la tête et leva les mains en l'air pour s'innocenter.
-Ce n'est pas moi la coupable,je ne ris pas aussi fort que ta sœur, se défendit-elle, un sourire en coin.
Théodora se figea et lui lança un regard de tueur, faisant glisser son pouce le long de sa gorge pour dire qu'elle était une femme morte, puis se tourna vers son frère avec un sourire angélique.
-Marvin, tu comprends, on va plonger aujourd'hui. Je suis assez en forme... Désolée de t'avoir sorti de tes rêves érotiques, mais on part dans peu de temps de toute façon.
Elle se retint de justesse de ne pas rire en voyant l'air renfrogné de Marvin. Elle attendit qu'il ait disparu pour lancer de toutes ses forces ses palmes sur Iris,derrière elle.
-Traîtresse !S'exclama-t-elle alors. Tu m'as vendue !
-Pardonnez-moi, dame Dora,l'implora excessivement Iris en se mettant à genoux, je regrette mes actes !
-Hélas, il est trop tard, je vais être obligée de vous éliminer...
Avant même qu'Iris ait le temps de réagir, Théodora enfonça ses doigts dans les côtes de la jeune femme. Cette dernière eut un temps de stupeur avant de partir dans un fou rire incontrôlable. Elle était apparemment très sensible aux chatouilles, ce dont Théodora comptait bien profiter pour la faire chanter.
Au bout de plusieurs minutes,elle lui accorda une pause de répit au cours duquel Iris regarda sa montre.
-Il faudrait qu'on y aille,dit-elle encore essoufflée. Sinon, Zach va poiroter pendant des heures, à ce train-là.
Elles se relevèrent et la française laissa Iris préparer l'ensemble du matériel et le charger à l'arrière de son pick-up blanc.
Marvin réapparut, de meilleure humeur, les deux bras encombrés par deux petites glacières visiblement remplies.
-Dora, lança-t-il joyeusement, tu peux m'aider s'il-te-plaît ?
Elle allégea son frère d'une glacière puis la porta à Iris. Quand tout fut près, ils montèrent tous les trois dans le véhicule et partirent en direction du port. Zach était parti là-bas bien plus tôt pour aller remplir les bonbonnes d'oxygène et préparer le bateau.
Ils arrivèrent à destination au bout de deux ou trois minutes de trajet, puis ils déchargèrent le pick-up d'Iris, qui alla se garer sur le vaste parking pourtant vide du port de Port-Louis.
Théodora ne tarda pas à repérer le bateau de Zach. Ce dernier paraissait absorber par le moteur du bateau, si bien qu'il ne les avait pas vu arriver. Marvin de dirigea d'un bon pas vers lui, les bras chargés par le sac de palmes ainsi qu'une des deux glacières. La française lui emboîta le pas, en profitant au passage pour balayer le port du regard. En face de l'eau sur laquelle flottait le bateau de plongée de Zach, séparé par une route, se trouvait un bar-restaurant qui était déjà ouvert. Des pêcheurs buvait déjà un coup accoudés au bar, parlant sans doute de leurs fils ou de leurs bateaux en créole.
Théodora se retourna poursuivre son frère. Elle monta sur un petit ponton en bois sombre puisse retrouva confronté à des bidons en plastique attachés entre eux qui flottaient. Ils étaient là pour ne pas abîmer la coque du bateau, mais depuis un bon bout de temps déjà, vu les algues vertes qui s'y étaient formées.
Marvin lui tendit la main pour l'aider à grimper à l'avant du bateau et la jeune femme posa un pied prudent sur un bidon avant de monter sur le bateau. Il tanguait légèrement au rythme des vagues et des déplacements de ses occupants. Il était blanc, de taille moyenne. Il y avait de longs bancs en son centre pour s'asseoir, mais aussi pour caler les bonbonnes d'oxygène, attachées par des câbles. Il y avait un petit toit au-dessus, avec le drapeau pour indiquer qu'il faisait de la plongée, ainsi qu'une échelle sur le flanc du bateau, entre deux boudins, pour descendre dans l'eau.
Zach la salua d'une accolade amicale, puis lui fit faire le tour du bateau en jacassant.
-Donc tu vois, là-dedans il y a l'ancre. Là le tableau de bord et le reste... Tu vois un peu les bonbonnes d'oxygène ? Attends, viens, je vais te faire respirer dans un détendeur.
Le guadeloupéen lui tendit un objet rond avec un embout de tuba relié par un tuyau à une des quatre bouteilles d'oxygène. Théodora hésita un instant, mais devant les encouragements rassurant de Zach, elle mit l'embout dans sa bouche. Le guadeloupéen reprit alors son rôle de moniteur de plongée et lui pinça le nez pour l'obliger à respirer avec le détendeur. C'était spécial. Théodora respirait, mais de manière artificielle. Elle ôta l'objet de sa bouche et sourit à Zach. Elle allait lui poser une question quand un homme monta sur le bateau.C'était un habitant local à qui Zach fit un grand sourire lorsqu'il grimpa à bord et qui provoqua le virement de la couleur des joues de Théodora. Il était tout simplement vêtu d'un seul et unique vêtement : un slip usé.
Elle baissa les yeux, mettant toute sa volonté pour regarder ailleurs. L'homme vint la saluer chaleureusement comme s'il la connaissait déjà depuis des mois. Il s'appelait Jean, mais tout le monde disait Jeannot. Il était maigre et incroyablement drôle avec son humour et son slip. Il passait juste redonner quelques outils qu'Iris lui avait prêté des semaines auparavant.
Quand il partit, marchant d'un pas tranquille sur la route avec son slip, Théodora constata que la sœur de Zach était là, ses fossettes bien visible tant son sourire était éclatant. Les yeux de la française glissèrent le long du corps d'Iris, avant de se poser sur son ventre. Ses abdos se dessinaient sur sa peau lisse et tannée, elle était beaucoup plus musclée que ce que Théodora avait imaginé. Elle croisa alors le regard de la jeune femme derrière ses lunettes de soleil et devint rouge pivoine.
Iris bougea, se déplaçant jusqu'au tableau de bord du bateau et fit tinter ses ongles contre le gouvernail en métal. Elle posa son menton dans sa main et regarda attentivement autour d'elle.
Théodora se dégourdit un peu les jambes avant le départ et se pencha par-dessus le bateau.Contrairement à l'eau de la mer, l'eau du port était assez sombre,voir verdâtre. Elle ne donnait pas vraiment envie de s'y baigner.
Ce fut le claquement des mains puissantes de Zach qui la sortit de sa contemplation, annonçant leur départ. Marvin sauta dans le bateau et cala les glacières et le matériel de plongée. Zach posa une vieille casquette sur sa tête et détacha le bateau du ponton. Iris manipula les boutons du tableau de bord et fit gronder le moteur. Ces trois-là avaient l'habitude de fonctionner ensemble, ça se voyait.