Un café à Cambridge

De _la_z_inventrice_

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Lieke Valois, étudiante en langue franco-canadienne de vingt-trois ans, est une poétesse en manque d'inspirat... Mais

2- Un premier poème
3-T'attendre
4-Une surprise
5-Mordue de toi
6-Ton Noël
7-Ton frère
8-Pardonnes-moi
9-Boomerang
10-Retour aux sources
11-Soirée de crise

1-Te parler?

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De _la_z_inventrice_

Jeudi, Starbucks de Cambridge, Massachusetts.

J'ai siroté mon cappuccino en regardant les gens s'activer autour de moi.Certains faisaient la queue, trépignant parfois d'impatience. D'autres étaient tranquillement installés sur les fauteuils. Les employés se démenaient pour servir au plus vite les clients et moi,j'observais.

Mes doigts avaient arrêté de s'activer sur le clavier de mon ordinateur depuis qu'elle était rentrée. Je l'observais elle, cette jolie américaine au doux sourire sur les lèvres et aux yeux dans le vague avec ses écouteurs vissés aux oreilles. Je ne venais dans ce Starbucks à proximité de Harvard que pour elle et ses beaux yeux vairons, un bleu et un vert. Je ne connaissais pas son nom, je n'avais jamais osé aller lui demander. Je passais mon temps à la regarder, la détailler. Ses longs cheveux bruns parsemés de mèches couleur caramel, son nez légèrement retroussé et ses infimes tâches de rousseur et cicatrices d'acné. Ses lèvres colorées d'un rose pâle, souvent remontées en un sourire rêveur. Elle avait des jambes interminables qui aujourd'hui étaient serrées dans un jean. Elle avait des baskets en toile blanche et une peau claire mais mate. Elle devait venir de Floride, des plages du Sud.

Elle s'est approchée du comptoir et a commandé un café Mocha,le même que d'habitude. Avec beaucoup de crème.

Je devais avoir l'air d'une psychopathe à venir m'installer chaque lundi, mardi, jeudi et vendredi soir à ce même Starbucks pour voir une unique personne.Mais c'était devenu une routine à laquelle je m'étais attachée.J'aimais voir cette inconnue qui étudiait sûrement à Harvard, même pour quelques minutes ou quelques secondes. Lui imaginer une vie, des amis, une famille. Juste la regarder, sans un mot, toujours à la même table, à la même heure. Pour le simple plaisir de mes yeux.

Les doigts manucurés de mon inconnue ont tapoté le comptoir tandis que ses yeux tourmentés et intelligents parcouraient la salle. Son regard s'est crocheté au mien pendant une fraction de secondes. Fraction de secondes durant laquelle mon cœur a cessé de battre. Ma bouche est restée grande ouverte tandis que ma jolie brune me dévisageait avec surprise.L'instant magique a brutalement été rompu par l'arrivée de Raph. Raph, c'était ma Raphaëlle aux cheveux blonds vénitien et aux jolies fossettes. C'était mon rayon de soleil, ma boule d'énergie positive et ma plus précieuse amie.

-Hey, baby !M'a-t-elle lancée en pénétrant dans le café.

Plusieurs personnes se sont retournées. Mon inconnue aussi. En plus d'être extrêmement séduisante, Raphaëlle était sans gêne. Elle m'a collée un rapide baiser sur le front, une de ses habitudes favorites, puis s'est installée face à moi en m'observant des ses yeux noisettes.

Raphaëlle était canadienne.Elle venait de Montréal et parlait donc français. Je l'avais rencontrée exactement huit ans auparavant, pendant des vacances à l'étranger. Le courant était immédiatement passé et j'avais passé des vacances fantastiques. Puis j'étais repartie à Toronto puis à Paris et elle à Montréal, rompant ainsi le contact. Et c'était sept ans après que je l'avais retrouvée, installée dans la chambre du campus de l'université dans laquelle j'allais dorénavant étudier et elle aussi. Elle était ma colocataire attitrée. Le hasard avait bienfait les choses. Raphaëlle était devenue ma meilleure amie, ma complice.

J'ai souri. La voir me faisait toujours sourire.

-Salut, ai-je finalement répondu en français.

Elle s'est emparée de la carte proposant les boissons puis a jeté un coup d'œil au comptoir. J'ai vu un sourire énorme illuminer son visage, puis elles'est tournée vers moi avec une lueur étrange dans les yeux.

-C'est elle, pas vrai ?A-t-elle chuchoté.

Mes yeux se sont reportés sur mon inconnue. Mon regard a percuté des yeux vairons remplis de curiosité. J'ai gratté la surface lisse de la table en fixant les tâches de rousseur de Raphaëlle.

-Oui, ai-je soufflé.

-Je suis déçue, vu la manière dont tu la décrivais, je m'attendais à une véritable déesse...

Je l'ai fusillée du regard,ce qui l'a fait rire et qui a reporté toute l'attention du Strabucks sur nous. J'ai viré au cramoisi en marmonnant dans la barbe.

-Je te taquine, a soupiré mon amie avec un ton moqueur. Elle est très belle, ton inconnue, mais je préfère tes descriptions.

J'écrivais. Beaucoup.Raphaëlle me surnommait « l'écrivaine des songes », car j'avais un univers très particulier : personnel, poétique,ironique et réfléchi. Mon amie était ma lectrice phare et j'avais une manière bien à moi de décrire mon inconnue. Raphaëlle disait que je l'idéalisais, que je la rendais spéciale parce que c'était ainsi qu'elle était à mes yeux. Unique.

Les mots. C'était avec eux que je m'exprimais. J'avais une âme d'artiste, selon mes professeurs. Je savais manier les mots pour en faire des doux mélanges qui claquaient sur la langue quand on les prononçait, qui fondaient dans la bouche. Écrire des émotions, des sentiments,jouer sur la corde de la sensibilité, faire durer l'intrigue. Les mots, c'était mon domaine. Une forme d'art, à travers laquelle je disais tous mes ressentis. J'écrivais en anglais, en français, en espagnol et en rêve. J'étais inscrite dans un site qui partageait les écrits d'auteurs du monde entier. Dans ce monde parallèle où il n'y a pas de tabou, où chacun choisissait de dire ce qu'il voulait, j'étais une célébrité. Autant pour mes histoires farfelues que pour mes instants de réflexions.

J'ai relevé la tête pour chercher mon inconnue des yeux. Mais elle était partie, encore,alors que j'étais plongée dans le fin-fond de mes pensées.Raphaëlle avait l'habitude, elle ne relevait même plus quand j'étais en face d'elle mais absente.

D'ailleurs, elle m'observait,la tête légèrement penchée de côté, une moue amusée aux lèvres.

-Oui ? Ai-je risqué.

-J'aime bien te regarder quand tu rêvasses, a-t-elle dit en souriant de toutes ses dents. Ça te donne un petit côté mystérieux.

Elle a calé sa tête entre ses mains.

-Pourquoi tu ne vas jamais lui parler ?

-A qui ? Ai-je demandé avec innocence.

Raphaëlle a levé les yeux au ciel et j'ai souri à mon tour. Mes ongles ont tapoté la table et j'ai terminé mon cappuccino.

-Je ne sais pas, ai-je avoué.J'ai peur d'être déçue, je pense. J'ai passé tellement de temps à l'imaginer...

-Raison de plus pour lui parler. Tu ne connais même pas son nom !

-Je sais, je sais, ai-je soupiré.

J'ai laissé mon regard erré à travers les vitres du Starbucks. Les rues de Cambridge étaient bondées. Nous étions dans un quartier très fréquenté. Quel était le métier de ma jolie brune ?

-Allô ? Tu m'écoutes quand je te parle ?

La voix de Raphaëlle m'a de nouveau sortie de mes pensées. Je me suis levée.

-Désolée Raph, je j'écoutais pas, me suis-je excusée. On s'en va ?

Elle s'est levée et a enfilé sa large veste en jean. Une écharpe colorée par-dessus et elle était prête. Je me suis emparée de ma veste en cuir puis je l'ai suivie dehors. L'air froid m'a fouettée le visage et j'ai soufflé un petit nuage de vapeur blanche. J'ai frissonné et ai enfoui mes mains dans mes poches. Raphaëlle a éclaté de rire à côté de moi puis a enroulé son écharpe autour de mon cou en souriant.

-Voilà, a-t-elle dit,satisfaite. Tu me donnais froid comme ça.

Un sourire m'a échappée. Raphaëlle était comme une sœur. Elle adorait s'occuper de moi et souvent, les gens nous prenaient pour un couple, ce qui était bien évidemment faux. J'avais beau avoir une forte préférence pour la gente féminine, Raphaëlle était simplement comme une sœur.

Elle a glissé sa main dans ma poche pour se réchauffer les doigts, les enlaçant aux miens, puis elle m'a entraînée dans Cambridge.

Le campus de l'université était à Brighton, à une dizaine de minutes en voiture de Boston ou de Cambridge. J'aimais passer du temps dans ces deux villes ou à Somerville. Déambuler avec Raphaëlle dans les rues encombrées de monde faisait parti de mon passe-temps favori. Observer les gens, les villes, les paysages.

Dès que j'avais du temps libre, je fuyais le campus pour l'agitation des ruelles américaines.Les gens étaient libres, dévergondés, complètement fous et j'adorais ça. Vivre aux États-Unis, c'était un rêve d'enfant. La première chose que j'avais fait en arrivant en Amérique, c'était me rendre à un match de soccer féminin. J'avais vu avec Raphaëlle l'Orlando Pride et les Spirits de Washington jouer et j'avais hurlé à Alex Morgan que je l'aimais depuis les tribunes. J'étais aussi allée voir un match de base-ball des Red Sox de Boston et des Celtics au basket. J'étais une fana de sport et j'avais rarement été aussi excité que pour aller voir tous ces matchs. Depuis, c'était devenu ma routine.

J'avais aussi pu constater que non, les américains n'étaient pas tous gros et n'allaient pas tous dans des fast-foods chaque semaines. Les préjugés sur les français étaient aussi spéciaux, car on m'avait souvent demandée si je mangeais vraiment des cuisses de grenouille et portais un béret rouge ou une marinière.

Je me suis engouffrée dans le métro juste avant qu'il se referme, attirant Raphaëlle avec moi pour ne pas qu'elle ne le loupe. Nous nous sommes écroulées sur des sièges, hilares.

Mon amie a emmêlé une mèche de mes cheveux mi-longs autour de son doigt, pensive.

-Tu voudras qu'on aille voir les filles jouer ? M'a-t-elle demandée.

-Qui ça, les filles ?

-Les Spirits de Washington,idiote. L'équipe d'Orlando est trop loin.

-Pff... Tu dis ça parce que tu veux voir Pugh jouer, l'ai-je taquinée.

Elle m'a bousculée l'épaule.Raphaëlle avait un faible pour la jeune joueuse de Washington qui jouait aussi dans l'équipe nationale des USA.

-Tu as un crush sur l'inconnue du Starbucks, j'ai le droit d'avoir un crush sur une joueuse de foot, non ? S'est-elle défendue.

J'ai rigolé puis nous sommes sorties du métro. Nous avons marché dans les rues froides de Brighton jusqu'à arriver près du campus. Là, nous nous sommes précipitées jusqu'au dortoir des filles et nous avons couru jusqu'à la chambre que nous partagions. Je me suis écroulée sur mon lit,épuisée par cette course qui n'était qu'un défi intimé par Raphaëlle.

D'ailleurs, celle-ci avait retiré sa veste et jeté ses chaussures. Elle était assise en tailleur sur son lit collé au mur opposé au mien. La chambre n'était pas très grande. Deux bureaux, deux placards, deux lits et une salle de bain, mais je m'étais habituée.

-Tu sais, a commencé Raphaëlle, je crois que j'ai une idée pour ton étudiante.

-Comment ça ? Ai-je demandé en défaisant les lacets de mes baskets.

-Tu pourrais lui laisser des mots.

Si j'avais été en train de boire, j'aurais très certainement recraché toute l'eau. Je me suis redressée, mon sourcil droit haussé et l'air septique.

-Et comment je ferais ça ?

-Vu que ton truc c'est la poésie des mots, tu pourrais lui écrire des espèces de petits poèmes anonymes, a expliqué mon amie. Tu le donnes à une serveuse avant que cette fille arrive en lui disant que c'est pour une étudiante aux yeux vairons et paf ! Coup de foudre absolu, elle tombe sous ton charme surdimensionné.

J'ai éclaté de rire devant l'air extrêmement sérieux et concentré de mon amie. J'avais beau pensé que c'était une idée absurde, je ne pouvais pas m'empêcher de croire que ça pouvait marcher. Raphaëlle avait raison, je devrais tenter le coup, même si j'échouais.

J'étais en pleine cogitation intérieure quand elle a claqué des doigts pour me sortir de mes pensées.

-Alors ? Qui a eu la meilleure idée de tous les temps ? S'est-elle exclamée,triomphante.

-Tu n'es sûrement pas la première à avoir eu une idée de génie, loin de là, ai-je dit en souriant.

Elle a fait une grimace puis m'a tendue la main.

-Donc on tente ?

J'ai haussé les épaules. Je faisais tout pour cacher mon impatience.

-Mouais, pourquoi pas, ai-je soupiré en serrant sa main.

-Maintenant, au lit ! Il faut que tu te reposes pour faire un beau poème, m'a-t-elle ordonnée.

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