CHAPITRE 2
Marinette ne pouvait ignorer la sensation de bien-être que toutes ces bonnes nouvelles lui procuraient. En plus d'être dans la même classe qu'Adrien, elle se retrouvait également en compagnie d'Alya et Nino. La jeune fille était persuadée qu'ensembles, ils parviendraient à se serrer les coudes en cas de coup dur, et à réussir leur année. Pour être honnête, Marinette avait beaucoup appréhendé cette rentrée au Lycée, ayant peur de ne pas être avec ses amis. « On s'en fait d'autres » me diriez-vous, mais Marinette, même si elle restait une étudiante sociable, était tout de même davantage à l'aise avec ses trois camarades.
Une brusque sonnerie retentit soudainement, sortant la styliste de ses pensées et la faisant sursauter. L'attroupement d'élèves qui s'était créé devant l'entrée du Lycée, commença à se disperser au moment où les adolescents entrèrent par la grille ouverte de la cours. Comprenant qu'il était temps d'y aller, Marinette et Alya jetèrent un dernier coup d'œil à la liste de leur classe pour savoir devant quel bâtiment se ranger et qui était leur professeur principal, avant de suivre le mouvement.
Au fur et à mesure qu'elle avançait, malgré la compagnie rassurante d'Adrien qui marchait tout près d'elle, Marinette sentait son estomac se retourner. Elle avait toujours eu un peu peur du changement, et craignait que cette rentrée au Lycée ne se passe pas comme elle l'avait espéré. Plus était qu'elle devait faire sa déclaration à Adrien aujourd'hui. Elle se l'était promis. Elle s'était entraînée. Elle avait prévenu Alya. Elle ne pouvait plus faire marche arrière, sa meilleure amie croyait en elle et Marinette devait prouver qu'elle était bel et bien capable d'avouer à Adrien ce qu'elle avait sur le cœur depuis le début de l'année de 3ème. Elle devait y arriver. Elle allait y arriver !
Marinette jeta un furtif coup d'œil à Adrien et sentit ses pommettes rougir lorsqu'elle remarqua que le jeune homme souriait et... qu'il la regardait. L'adolescente détourna timidement le regard et se racla la gorge, avant de manquer de s'étrangler avec sa salive au moment où Adrien passa son bras autour de ses épaules. Le contact chaud et rassurant fit frissonner Marinette, qui oublia soudainement comment respirer. Elle fut si surprise qu'elle se figea, ce qui lui valut un coup de coude dans les côtes de la part d'Alya.
« Eh ! Préviens quand tu t'arrêtes d'un coup ! »
Cependant, le regard de la journaliste en herbe n'avait rien de contrarié, et affichait au contraire un air moqueur et amusé. La métisse avait bien remarqué qu'Adrien avait passé son bras autour de Marinette. Alya ne ratait jamais une miette de ce genre de choses. Ses yeux acérés étaient sans cesse à l'affut du moindre bruit, du moindre geste, du moindre scoop. Après tout, elle était journaliste !
Ayant remarqué que Marinette ne bougeait toujours pas et se transformait peu à peu en une tomate, Adrien retira son bras des épaules de la jeune fille avant de l'attraper par le poignet et de la tirer en avant. Revenant à la réalité, Marinette hoqueta, se passa une main dans ses cheveux bleus détachés, et se mit à rire. Adrien et elle avaient beau s'être rapprochés durant les vacances d'été, c'était la première fois que le mannequin entreprenait un contact physique direct envers elle. Et cela avait eu pour effet de la mettre dans tous ses états et de lui faire perdre les pédales.
Marinette souffla et reprit finalement le rythme du groupe, et continua à avancer en silence, tout en ne pouvant s'empêcher de toujours jeter deux ou trois coups d'œil discrets à Adrien. Il avait beau s'être habillé d'une façon un peu « classique » pour la rentrée des classes, elle ne pouvait nier le fait que quoi qu'il puisse mettre, tout lui allait.
La styliste se demanda alors immédiatement à quoi elle ressemblait. Si le peu de maquillage qu'elle avait apporté à sa peau ce matin, avait coulé. Si ses cheveux, qu'elle avait exceptionnellement détachés, n'étaient pas trop en vrac.
Le cœur de Marinette commençait à s'affoler, mais l'adolescente parvint à canaliser son angoisse. Si quelque chose clochait sur son apparence, Alya le lui aurait dit. La métisse était plutôt du genre à être directe pour ce genre de choses. Un défaut parfois, mais souvent une qualité.
Après un trajet qui lui sembla à la fois trop court et à la fois trop long, les élèves arrivèrent devant d'immenses bâtiments et les groupes se divisèrent. Marinette suivit d'instinct Nino et Alya, qui semblaient avoir vu où ils étaient censés attendre leur professeur principal. Légèrement apeurée par toute cette foule et agitation, Marinette se mordit la lèvre inférieure. Geste qui ne passa pas inaperçu aux yeux verts d'Adrien.
« Ça ne va pas ? »
La voix du jeune homme fit tressaillir Marinette, et elle se tourna vers lui.
« Si, si bien sûr que si ! Tout va bien ! Pourquoi ? »
Adrien laissa échapper un léger rire qui sonna comme un son cristallin aux oreilles de Marinette.
« J'sais pas. Tu as toujours ce tic de te mordre la lèvre quand tu es stressée. Et là, tu viens de te la mordre. »
Marinette lâcha un « oh » de surprise et leva les yeux au ciel.
« C'est juste que... tout ça, c'est un peu nouveau. J'ai beaucoup appréhendé cette rentrée, mais maintenant que je sais que je suis avec toi, ça va beaucoup mieux. »
Réalisant à peine une seconde plus tard ce qu'elle venait de dire, Marinette s'empourpra furieusement et fit un pas en arrière, horriblement gênée.
« Non enfin, pas que le fait que je sois qu'avec toi ! Y a aussi Nino et Alya ! Mais en fait c'est que...
- Ne t'inquiète pas, Marinette ! Moi aussi je suis content d'être avec toi. »
Le blond lui décocha alors un clin d'œil qui fit vibrer l'étudiante jusqu'à la moelle de ses os. Elle lui offrit en échange un sourire resplendissant, et sentit tout son stress s'envoler.
Tout irait bien.
***
Les élèves de la Seconde 6 pénétrèrent dans une immense salle de classe et, sous l'ordre de leur professeur principal, allèrent s'installer à un pupitre. Marinette eut pour réflexe de se placer à côté d'Alya, mais celle-ci la vira presque de sa chaise et lui lança un regard noir.
« Alya ?!
- Tu te mets pas à côté de moi cette année, louloute ! Je crois que tu seras encore bieeeeen mieux à côté d'un certain blondinet. »
Réalisant ce que sa meilleure amie voulait dire, Marinette écarquilla les yeux et ses pupilles se dilatèrent.
« Q-Quoi ? Tu veux que je m'asseye à côté d'Adrien ? Mais tu es folle ! Je vais être déconcentrée, je vais rater mes études et ça sera compliqué pour—
- Tes trois enfants et ton hamster ? Oui, tu m'avais déjà dit la même chose au Collège le jour où Lila était revenue parmi nous et où tu avais pensé que je t'avais arrangé le coup pour que tu sois à côté d'Adrien.
- M'en parle pas... »
Marinette sentit ses épaules s'affaisser et continua à espérer qu'Alya accepterait de la laisser s'asseoir à côté d'elle. Cependant, ses espoirs partirent en fumée lorsque Nino s'installa à côté de sa petite amie en jetant un regard malicieux à Marinette.
Cette dernière leva les mains et roula tragiquement des yeux.
« J'ai compris le message ! »
Ce n'était pas que Marinette ne voulait pas s'installer à côté d'Adrien, bien au contraire même ! Elle ne rêvait que de ça. Mais la jeune fille avait également peur que la présence du mannequin ne la déconcentre. Elle était plutôt du genre à se laisser emballer par ses pensées tourbillonnantes, et la simple d'idée de pouvoir ne serait-ce que sentir quotidiennement le parfum d'eau de Cologne de son camarade, lui faisait perdre la tête.
Plongée dans une profonde réflexion, Marinette ne remarqua pas tout de suite que tous les élèves s'étaient installés et qu'elle restait désormais la seule et unique étant debout. Se sentant soudainement très idiote, Marinette bafouilla des excuses et parcouru la salle de classe du regard. Elle s'heurta à de nombreux visages inconnus, mais se détendit finalement lorsqu'elle croisa le regard électrique d'Adrien à l'autre bout de la salle. Celui-ci était seul, et Marinette profita de cette occasion pour se lancer.
Elle avança lentement vers la place libre près d'Adrien, et une fois devant celle-ci, leva timidement les yeux vers le blond et le questionna silencieusement. Adrien lui répondit par un sourire et se poussa légèrement pour laisser de la place aux affaires scolaires de son amie. Ayant compris qu'il n'y avait aucun problème pour qu'elle prenne place ici, Marinette poussa un soupir de soulagement et se posa sur sa chaise. Elle sentait son cœur battre à tout rompre et ne pouvait empêcher les martellements de résonner dans ses tempes.
Heureusement pour elle, la voix de leur professeur la fit revenir sur terre.
« Bien. J'espère que vous allez tous et toutes bien et que vous avez passés de bonnes vacances. Je m'appelle Monsieur Floreste, je suis professeur de Sciences Economiques et Sociales, et également votre professeur principal. Je me doute bien que cela est un peu nouveau pour vous. Vous êtes en Seconde, vous venez de quitter votre Collège pour venir dans un établissement scolaire beaucoup plus grand.... Mais ne vous en faites pas ! On s'y fait vite. »
Marinette se sentit rassurée devant les paroles de M. Floreste. Le professeur avait l'air très sympathique et inspirait beaucoup de confiance à l'adolescente. Restait juste à savoir si l'impression qu'il donnait reflétait au tout pour tout sa vraie personnalité.
« Je vais vous distribuer une fiche à remplir, pour que je puisse mieux vous connaître. Mais je vais premièrement faire l'appel. »
Alors que M. Floreste commençait à appeler les élèves un par un, Marinette se pencha vers Adrien.
« Je le trouve sympa ce prof.
- C'est vrai qu'il a l'air gentil, répondit Adrien en hochant la tête et en coupant rapidement cours à la conversation, leur professeur l'ayant appelé. »
Marinette se remit alors correctement sur son siège, et répondit présente lorsque son prénom retentit. Au fur et à mesure que les élèves se manifestaient à l'évocation de leurs prénoms, Marinette tentait d'assimiler les visages auxquels elle se retrouvait confronté, et essayait de mémoriser l'identité de chacun et chacune. Elle savait qu'il lui faudrait du temps, mais elle avait déjà repéré une jeune fille brune, assez petite, avec des lunettes, qui lui semblait sympathique. D'après ce qu'elle avait entendu, elle s'appelait Victoire.
Joli prénom.
***
La première heure de « cours » passa relativement vite. Les élèves remplirent chacun un formulaire leur demandant de se présenter, d'évoquer leurs vœux et leurs possibles espoirs professionnels. Marinette avait bien évidemment fait part de sa passion pour la mode et le stylisme dans ce formulaire, et espérait qu'un des professeurs dans l'enceinte du Lycée, pourrait la guider.
Lorsque l'étudiante eut fini de remplir sa fiche, elle s'adossa sur son siège et jeta un coup d'œil à la feuille d'Adrien. Elle constata alors que ce dernier n'avait presque rien rempli au niveau des vœux professionnels.
Surprise, curieuse et intriguée, Marinette lui tapota l'épaule et pointa son formulaire du doigt.
« Pourquoi tu n'as rien marqué ? »
Adrien sembla subitement gêné, et Marinette regretta immédiatement sa question. Peut-être n'aurait-elle pas dû demander cela de la sorte. Après tout, peut-être qu'Adrien avait ses raisons pour être resté silencieux quant à ce sujet.
« C'est-à-dire que... Tout le monde pense que je vais travailler dans la mode, devenir un mannequin célèbre et j'en passe. Mais tu veux que je sois honnête ? Je n'ai pas envie de faire du mannequinat mon métier. C'est mon père qui me pousse là-dedans. Et encore, c'est un miracle qu'il ait accepté de me scolariser dans un Lycée publique. Au début, il voulait que je reprenne les cours à domicile avec Nathalie pour que je ne me concentre que sur la mode. C'est une vraie galère... »
Le blond semblait réellement dépité et cela attrista Marinette, qui alla déposer doucement sa main sur celle d'Adrien. En effet, le jeune homme avait toujours eu l'air de s'intéresser à ce qu'il faisait, et jamais Marinette ne s'était réellement demandée s'il comptait vraiment travailler dans le mannequinat et la mode éternellement.
A présent qu'elle comprenait ce qui rongeait son ami, elle se sentit ridicule de ne pas l'avoir perçu avant.
« Oh... je suis désolée.
- Tu n'as pas à l'être. Mon père est comme ça. Personne ne le fera jamais changer d'avis.
- Mais c'est de ton avenir dont on parle, Adrien ! Ce sont tes choix ! Tu n'as pas à laisser ton père gérer tout cela à ta place. Il-il ne peut pas te forcer à travailler dans quelque chose que tu n'apprécies pas autant que ça. »
L'adolescent poussa un long et profond soupir, et croisa ses bras sur sa table pour venir y déposer son front.
« Va dire ça à mon père... »
Soucieuse, Marinette réfléchit pendant un court instant, avant de tapoter à nouveau l'épaule d'Adrien.
« Dis heu... si tu veux, pour te changer les idées... enfin... c'est... oh, laisse tomber. »
Marinette sentit tout son courage disparaître, et elle eut envie de se donner une claque. Elle ne le fit cependant pas, et se contenta de se maudire intérieurement.
Adrien, quant à lui, avait redressé la tête et regardait la bleutée avec un air interrogateur.
« Qu'est-ce que tu voulais dire ?
- Je voulais juste... enfin... j'ai quelque chose à te dire. En fait, j'aimerais te dire quelque chose. Ce midi. Peut-être que ça te remontera le moral, mais d'un autre côté peut-être pas et... bref, tu pourras m'accorder cinq minutes à la pause déjeuner ?
- Je t'accorderai autant de minutes qu'il le faudra. »
Marinette sentit une vague de chaleur la traverser de part en part, et elle se surprit à sourire comme une idiote.
« Génial alors. Merci. »