La chaleur est étouffante à Paris.
Dans la nuit, le débardeur de Zoé a valsé sur le parquet ciré et elle ne peut qu'accuser la température qui ne baisse presque pas au lieu d'en vouloir aux mains baladeuses d'Alceste et de Camille. À bien y réfléchir, elle trouvera bien moyen de les culpabiliser d'avoir fini en petite culotte sans qu'il n'y ait eu rien de sexuel entre eux : la simple présence de deux corps brûlants autour du sien peut suffire à justifier sa petite tenue. Quand elle a quitté le sommeil et le lit, ils se sont partagés la place restante, étendant leurs jambes à la recherche d'un peu de fraîcheur. Manque de chance pour eux, le matelas est encore imprégnée de sa température et ils n'auront pas le droit à du froid. Cela n'a pas l'air de les déranger parce que leurs respirations restent paisibles. Eux aussi n'ont pas de haut : le sous-vêtement est la tenue obligatoire pour ne pas mourir de chaud.
Entre le soleil et ses deux petits-amis, son coeur balance pour le procès qu'il y aura à faire sur son impudeur quand ils seront réveillés.
En attendant de faire un choix, si choix doit être fait, Zoé n'enfile pas son débardeur. Du bout du pied, elle le repousse contre le mur, ce vêtement qui lui a fait vivre un enfer en se collant à sa peau. Les rideaux sont fermés sur les fenêtres entrouvertes : elle ne va pas se priver de se promener dans l'appartement à moitié nue alors que personne ne peut l'admirer. Tant pis pour les voyeurs et autres profiteurs ; le spectacle sera réservé à Alceste et Camille quand ils daigneront ouvrir leurs yeux. Elle se dirige vers le frigo pour en sortir la bouteille de thé glacé qu'elle a préparée la veille. L'idée de boire un café brûlant, ou même un thé tiède, la fait frissonner d'horreur - au moins un frisson dans cette lourde journée. La moitié de la bouteille y passe d'un trait, la rendant essoufflée. La soif vient avec la chaleur ; et l'ennui aussi.
Ils dorment et elle, elle est bien réveillée. L'excitation de la date l'a empêché de trop se reposer et son corps, pour une fois en phase avec ses pensées, a refusé de se rendormir. Au delà du temps ensoleillé qui rend l'atmosphère presque irrespirable, un sourire d'enfant se dessine sur son visage.
C'est quand même une belle journée qui s'annonce.
Pour éviter de devenir le cliché de la fille qui passe cinq minutes à observer les garçons qu'elle aime, sereins, finir leur nuit même en plein jour, elle prend une décision mûre et réfléchie. Ce n'est pas dans ses habitudes, mais la journée est bien avancée et le programme du jour est chargé. Beaucoup trop chargé, si elle doit être honnête avec elle. Elle n'a pas le temps de se complaire dans le rôle de l'énamourée - rôle qui ne lui convient que le soir, quand la fatigue prend le dessus.
Elle se faufile, sans faire de bruit pour ne pas déranger les damoiseaux, dans la salle de bain pour prendre une douche - froide, très froide.