Je leur ai demandé de m'accorder quelques minutes pour me préparer. Ils ne sont pas ressortis pourtant . Ma femme était toujours dans l'incompréhension et je la comprenais tellement. Je lui prend la main et la tire vers notre chambre. Les deux gars nous suivent jusqu'à la porte et s'arrêtent.
- Chérie, je vais rencontrer celui qui est supposé être mon vrai père.
- Qu'est ce que ça veut dire ? Ton père est mort en guerre ya longtemps.
- Non Poulméra, il est en vie.
- Tu délires, tu es entrain de complétement perdre la tête. Je savais qu'il y avait quelque chose, tu as trop changé ces derniers jours. Qui sont ces hommes Mignane ? Je dois m'inquiéter ?
- Non mais si je dure plus de 2 heures de temps appelle Ousmane.
- Écoute je ne suis pas rassurée. Je préfère que tu restes avec moi. Rien ne te prouve que ton père est vivant. Je sais que tu as du mal à l'accepter mais c'est comme ça.
- Tu te rappelle du carton qui contenait les affaires de ma mère.
- Évidemment.
- Il contenait des lettres qui m'ont prouvé que mon père est en vie, des lettres qu'ils se sont envoyés ma mère et lui après ma naissance. Je te les ferai lire à mon retour. Fais-moi juste confiance et attend que je revienne pour t'enerver.
Elle me regardait incrédule tandis que je ramasse les lettres que j'avais rangé dans un tiroir pour les amener avec moi, au cas où.
La voiture s'arrête devant le bâtiment du ministère de l'intérieur. Nous prenons l'ascenseur et arrivons devant un bureau.
Les deux gars disparaissent quand la porte s'ouvre. Entrez fit la voix que je n'avais cessé d'entendre un peu partout ces derniers jours. Sa voix à lui.
De dos, sur un fauteuil, il faisait face à la ville à travers sa vitre. Je me demandais combien d'année de travail il me fallait pour arriver à son niveau.
Je gagne bien ma vie, je me suffis à ce que j'ai mais je ne dirai pas non à un tel bureau et une telle vue. Je rêve debout là.
Il se retourne enfin et nous nous regardons.
Pour ma part, je n'avais pas l'émotion que j'avais espéré. J'étais... Tranquil. Très tranquil.
C'est peut-être dû au fait que je l'avais déjà vu et donc il n'y a plus l'effet de surprise.
Lui me regardait comme...un étranger. Ce que je suis pour lui véritablement. Il me regardait de haut en bas, de bas en haut, s'attardant sur mon visage.
Cette séquence commençait à durer. Je me demandais à quoi est-ce qu'il pensait.
Il finit par enlever ses lunettes qu'il dépose sur le bureau en lâchant la main sur la bouche.
- Ce n'est possible.
À vrai dire, j'avais oublié tout ce que j'avais à lui dire. Je me contente de poser toutes les lettres qu'il avait envoyé à ma mère sur la table en prenant le soin de les pousser du doigt jusqu'à lui.
- C'est quoi ça ? Me dit-il.
Je lui cite quelques passages de sa lettre.
- Aujourd'hui je te demande avec ma dernière force de me laisser en paix et de vivre ta vie convenablement avec ton fils.
''Actuellement je n'ai ni l'envie ni le besoin de vous faire de la place dans ma nouvelle vie pour être honnête. ''
''Ma femme et ma fille me suffisent largement. Dis lui que je suis mort pour alléger son coeur d'enfant. J'espère que le bonheur sera à ta porte au côté d'un autre homme.''
Il ouvrit grand les yeux, les lèvres tremblantes.
- Sountou... Murmure-t-il
Je lui fis signe d'ouvrir les enveloppes.
Il me fit signe de m'asseoir, j'obéis.
Il saisit ses lunettes et commence à lire la première lettre qu'il prend.
Au fil de sa lecture, l'expression de son visage change passant d'un sentiment de surprise à ce que je pourrais appeler de la tristesse.
Lorsqu'il finit de tout lire, je reprends les lettres avec moi.
Il ouvre la bouche mais semble ne pas savoir quoi dire.
- Pourquoi finis-je par dire?
- Pourquoi quoi ?
- Pourquoi demander à ce qu'on me dise que tu es mort?
- Comment va Sountou ?
- Elle est morte.
Il se mord la lèvre puis soudain porte une main à sa tête. Je détourne mon regard quand il me semble qu'il est sur le point de pleurer. Je l'entend renifler et attend qu'il termine.
- Je suis désolé dit-il. Je n'étais pas au courant que Sountou n'est plus de ce monde. Je suis vraiment désolé.
- Désolé pourquoi au juste?
- Pour... Pour Sountou. Pour toi.
- Ah oui?
- Oui. Je suis sincère. Ces lettres que tu as apporté m'ont rappelé tellement de choses, de merveilleux comme de mauvais souvenirs. J'ai aimé ta mère, je t'ai aimé toi aussi.
Non mais il se fout de qui lui.
- Quand on aime c'est pour toujours Monsieur. On n'aime pas un gamin jusqu'à ses six ans pour le rejeter. On n'aime pas une femme jusqu'à ce qu'elle ait un boulot pour ensuite l'abandonner avec son fils et se faire passer pour mort. L'amour, le vrai est éternel. Ce que vous avez fait s'appelle tout simplement de l'irresponsabilité et est indigne d'un homme, d'un père. Sachez que je ne vous le pardonne pas et ma mère ne vous l'a pas pardonné.
Il était surpris par mes paroles et sa mine triste ne disparaissait pas.
Il contourne le bureau et vient s'asseoir près de moi.
- Je ne sais pas quoi dire. Je sais que j'ai été... Vraiment horrible. Je te demande pardon.
- Je viens de vous dire que je ne vous pardonnais pas et je persiste. Je souhaite que vous ayez sur la conscience toutes les souffrances de ma mère et toutes ma peine jusqu'à aujourd'hui. Je n'avais rien demandé si ce n'est un joyeux anniversaire chaque année, un '' je t'aime'' tout les dix ans si vous voulez, un '' félicitations mon fils'' quand j'ai eu mon bac, quand j'ai accédé à l'école de police, quand je me suis marié, quand j'ai réussi tout ce que j'ai entrepris car oui si tu m'avais reconnu tu saurais que je suis un gagnant. J'avais juste besoin d'une présence de temps à autre. Pas autre chose. C'était trop te demander ? Tu étais si occupé avec ta famille ?
- J'ai honte.
- Tant mieux.
- Tu as raison, j'aurai dû être là pour toi et ta mère. Elle a été le premier amour de ma vie et toi mon premier fils. J'ai voulu recoller les morceaux avec Sountou à un moment donné mais j'avais honte d'aller la voir et pour toi je me disais que j'étais indigne d'être ton père...
- Et tu n'as pas tord.
- Que puis-je faire pour me faire pardonner aujourd'hui ? Dis-moi ce que tu veux. Demande n'importe quoi et je te le donnerai ?
- Tu crois que je suis ici pour quoi ?
- Tu veux te venger.
- Si je le voulais, j'aurai simplement donné ces lettres et celles que je n'ai pas encore lues à la presse et ta carrière serait finie.
- Ne fais pas ça s'il te plaît. Laisse moi les lettres. Je ferai tout ce que tu voudras. Je prendrai soin de toi et de ta famille, je te le promets.
- Comme tu l'avais promis à ma mère.
Il se tut.
- Dis-moi juste ce que tu attends de moi.
- J'ai bien pu vivre sans toi pendant toutes ces années alors je peux bien continuer. Je souhaiterai ce pendant faire un test sanguin pour être sûr que tu es mon vrai père. Je ne peux pas croire qu'un homme qui a abandonné une mère célibataire soit mon père. J'ai juste besoin d'être rassuré.
- Tu sais , moi je me rappelle exactement de quand et dans quelles conditions j'ai écrit ces lettres. Personne que Sountou n'aurait pu être en possession de ces lettres.
- Je veux être rassuré c'est tout.
- Daccord je vais appeler un ami, il viendra nous faire des prélèvements ici-même si ça ne te dérange.
- Si ça peut se faire rapidement ça me va car si je tarde ma femme va s'inquiéter et va se rendre au poste de police.
Au passage, retenez que j'ai épousé une folle dingue.
Il est au téléphone pendant une minute avant de revenir vers moi.
- Mon ami sera là dans un quart d'heure, nous aurons les résultats en fin de journée.
- Bien.
- Dis-moi. Tu as des enfants ?
- Pas encore.
- Je te souhaite d'en avoir. De quoi Sountou est-elle morte ?
- Cancer du sein.
- Oh. Je suis désolé Mignane.
Je n'ai rien ajouté. Cet homme m'exaspère.
- Tu veux manger quelque chose ? Je sais que mes hommes sont venus te chercher assez tôt.
- Non ça ira.
- Tu travaille?
- Je suis policier.
Il semblait agréablement surpris. J'ai cru voir un sourire sur son visage.
- Ah oui! Le don de soi est une chose que nous partageons.
- Nous n'avons rien partagé.
- ...
Nous sommes restés silencieux en attendant l'arrivée d'un homme bavard qui a fini par se pointer pour nous faire les tests.
Aussitôt après j'ai décidé de rentrer pour me confronter à ma femme.
- J'allais justement t'appeler me dit-elle. Je suis allé voir Ousmane.
Qu'est-ce que je disais ? Cette femme...
- Cheuuu Poulméra je ne t'avais pas dit d'aller le voir mais de l'appeler, juste un appel aurait suffit.
- Mais tu ne prenais pas ton téléphone, je me suis inquiétée. Je suis allée au poste de police, Ousmane n'y était pas. Je suis allé le voir, il m'a dit de rentrer et qu'il allait s'en charger.
- Tu aurais pu tout régler en restant chez toi avec ton téléphone
- J'ai cru que ces deux hommes allaient te faire du mal, j'ai pensé à un kidnapping....
Elle parlait, parlait... J'ai dû l'embrasser pour qu'elle se taise. Matinalement, nous avions tendrement fait l'amour après quelques mois d'abstinence sans raison.
Vers la fin de la journée alors que je m'apprêtais à reprendre du service avec Ousmane. Un appel est venu interrompre notre causerie.
Un numéro masqué.
Je décroche et reconnais tout de suite sa voix quand il dit allô.
- Mignane dit-il.
- Oui ?
- C'est moi Séga.
- J'ai remarqué.
- Les résultats sont arrivés.
- Et ?
- C'est fou, je m'y attendais mais je suis aussi rassuré.
- Et ces résultats ?
-Je suis ton père.
Ne sachant pas quelle posture adopter, j'ai raccroché sans rien ajouter.
Je me demandais maintenant que serait la suite de tout ça.
Ai-je bien fait d'aller le voir ?
Je ne sais plus.
Que nous réserve l'avenir ?
-
-
-
-
-
# RebbeiL
3 février 2019 - 21:47