Un flocon de ciel

By Mustellis

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Nicholas a maintenant 16 ans. Il va passer son dix-septième Noël avec sa famille paternelle. Nicholas déteste... More

Prologue
Chapitre 1
Chapitre 3

Chapitre 2

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By Mustellis


La porte claque violemment, tremblant encore quelques instants dans ses gonds. Nicholas s'effondre sur son lit, exténué par la douloureuse épreuve qu'il vient de subir.

Il a la nausée, son cœur semble incapable de respirer, lui fait mal. Son front lui paraît fermé par une porte de douleur qui lui enserre le crâne. Sa mâchoire déborde de cris intériorisés, qui se manifestent en une boule de colère et de désespoir, qui tremble et bloque le fond de sa gorge.

Ses yeux, baignés de larmes, ne voient plus le monde, mais seulement ce que la tristesse laisse entrevoir.

Peu à peu, son cœur, suffoquant, laisse place à un vide, immense.

Nicholas éclate en sanglots. Il vient très certainement de passer l'un des pires moments de sa vie.

Sa famille était arrivée, s'était installée. Nicholas était descendu pour leur dire bonjour, sur ordre de son père. Les tantes l'avaient regardé avec dégoût, comme s'il s'agissait d'une truie. Leurs maris n'avaient pas osé lui serrer la main, à cause du regard de leurs femmes. Julia l'avait tout simplement ignoré. Evan et Connor avaient commencé par dire de lui qu'il venait dire bonjour à ses maîtres, comme un chien, puis ils l'avaient chargé de leurs bagages, sachant qu'il ne pourrait désobéir, étant seul contre tous. Enfin, sa grand-mère l'avait insulté de tous les noms, sous les rires tordus des cousins, parce qu'il était allé porter les valises avant de lui dire bonjour. Elle ne s'était enfin arrêtée qu'à la demande de son fils.

Nicholas avait mis la table, pendant que sa grand-mère s'étranglait à dire qu'il aurait dû la mettre avant qu'ils n'arrivent, par respect. Il s'était demandé quel respect il leur devait.

Ils s'étaient mis à table, parlant des exploits d'Evan, Connor et Julia, de leurs réussites et de leurs projets. Ils avaient discuté, un moment, comme si Nicholas était à une autre table, à un autre monde, ou comme s'il n'existait pas. Et puis vint le moment fatidique où les parents n'avaient plus de louanges à faire à leurs enfants. Alors une des tantes avait demandé « Et Nicholas ? ». Tous les regards s'était tournés vers lui, accusateurs, moqueurs, sadiques ou simplement ennuyés. Son père avait détourné les yeux, honteux et en colère.

Nicholas n'avait rien répondu. Ou plutôt n'avait rien dit. Mais son regard avait clairement demandé la paix, rien que la paix. Et on ne lui avait pas donné. On lui avait reposé la question.

« Alors, Nicholas ? »

« Il sait pas parler. » s'était moqué Evan.

« Nan, nan, il a juste rien à raconter tellement sa vie est plate ! » avait renchéri Connor.

Leur mère leur lança un regard sévère, quoiqu'amusé, avant de se retourner vers son neveu. Au fond de lui, Nicholas se demanda si Evan et Connor n'avaient pas raison. Si sa vie n'était pas qu'une succession d'événements ennuyeux ou meurtrissants, si sa vie servait vraiment à quelque chose. Si lui-même servait à quelque chose. S'il ne ferait pas mieux de rester allongé, le matin. S'il ne ferait pas mieux de rester allongé pour l'éternité...

Mais non : Nicholas savait de quoi il vivait. Il vivait du lycée, de ses amis, il vivait de Jeremy.

« J'aimerais bien faire des études de droits. Et... Et devenir avocat. » avait hésité Nicholas.

« Toi, avocat ? Faudrait déjà que tu saches te défendre toi même, avant de t'occuper des autres ! »s'était écriée sa grand-mère, mi-agacée, mi-amusée.

Nicholas l'avait fusillée du regard.

« Nan, par contre, c'est vrai, t'as aucune répartie ! » avait lancé Connor.

« Oh oui, t'as raison, je devrais insulter tout le monde, comme toi, au moins ça, c'est sûr que ça ressemblerait à de la répartie ! » avait rétorqué Nicholas, sur le vif.

« Stop ! » intervint son père. « On t'a posé une question, Nicholas. On ne t'a pas demandé de brailler ! »

« Tu peux t'estimer heureux ! Si je t'avais eu pour fils, il y a bien longtemps que tu t'en serais pris une ! » s'était exclamée la plus vieille.

Nicholas sentit des coups de plusieurs années s'abattre sur ses épaules. Ce qu'elle ne savait pas, c'est que Nicholas s'était déjà fait frapper, enfant. De nombreuses fois. C'était, d'après son père, un moyen de le corriger justement. Et à la moindre erreur, de politesse, de langage, au moindre commentaire de trop, son père n'hésitait pas à user de cette correction.

"On ne dit pas merde, on dit mince."

Dans sa chambre, Nicholas avait des photos, de lui, enfant.

"On ne dit pas c'est pas bon, on dit je n'aime pas."

Des bleus, partout sur le corps.

"Arrête, tout de suite."

Un sourire triste sur le visage.

"Tu viens tout de suite, p'tit con !"

Le regard gris, plein de pensées adultes.

"Putain de merde, arrête de parler de ta mère, ou j't'en fous une !"

Un manque d'enfance dans le cœur.

Aujourd'hui, son père ne le frappe plus. Aujourd'hui, Nicholas a seize ans, dépasse son père en taille. Aujourd'hui, son père est un homme terne, triste, faible. L'alcool n'a pas cessé de l'accompagner, mais l'homme est maintenant dénué de toute force, de toute émotion, de toute vie.

Alors non, Nicholas n'avait pas à s'estimer heureux.

« Il ressemble à sa mère... Ce regard bête... Je me demande bien qui voudra de lui ! » avait continué la grand-mère, d'un ton provoquant.

« Tiens, c'est vrai, ça, comment ça va, les amours, Nicholas ? » avait enchaîné une tante, faussement intéressée.

Nicholas avait redouté cette question depuis maintenant un an. Alors il n'avait rien répondu. Et, comme il l'espérait, la famille avait cru comprendre qu'il n'avait pas de petite amie, et allait passer à autre chose. Mais son père avait soudain pris la parole.

« Il a... Un petit ami. »

Un silence lourd s'était abattu sur la table. Les tantes avaient bêtement ouvert la bouche, l'air offusqué. Les cousins s'étaient réjouis, à l'idée d'avoir une nouvelle source de moqueries. Julia avait enfin levé les yeux de son téléphone. Les oncles n'avaient rien dit. La grand-mère avait écarquillé les yeux, comme blessée. Nicholas s'était gelé sur sa chaise.

Alors, tout avait fusé. Les remarques, les cris, de dégoût, d'incompréhension. La grand-mère avait tenté d'articuler le mot « homosexuel », les tantes s'étaient écriées qu'il fallait empêcher Nicholas de voir son copain, le père avait répliqué qu'ils étaient dans le même lycée. Les tantes avaient renchéri qu'il fallait le changer d'établissement. La grand-mère avait proposé d'envoyer Nicholas en thérapie. Les oncles s'étaient regardés. Nicholas avait dit stop. Et il était parti, sous les cris d'indignation du reste de la famille.

Et maintenant, il pleure. Des larmes d'acide, sur le velours de son cœur, des larmes de sang, qui coulent de ses blessures d'enfance, des larmes brûlantes et gelées, de colère et de tristesse.

Son portable vibre. Ses amis lui envoient des messages. Mais il ne répond qu'à ceux de Jeremy. Il ne veut être qu'avec son petit ami.

Alors il lui parle. Longtemps. Il écrit ses malheurs, ses blessures, se décharge du poids de sa vie. Il écrit son amour, aussi. Souvent, Jeremy sait déjà, mais Nicholas continue.

Au bout d'une demie-heure, des pas montent les escaliers et pénètrent dans le couloir. Quelques-uns d'entre eux s'arrêtent devant la porte de la chambre de Nicholas, et une voix, narquoise, persifle :

— Bonne nuit, tafiole de pédé...

Nicholas maudit intérieurement Evan et Connor, et retourne à sa conversation.

« Ne t'inquiète pas, tu vas t'en sortir. Je veux dire que je vais t'en sortir »

« Si tu veux dire que tu veux venir me chercher, c'est mort, mon père ne voudra jamais »

« J'ai jamais dit que j'allais lui demander »

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