Chapitre 2

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La porte claque violemment, tremblant encore quelques instants dans ses gonds. Nicholas s'effondre sur son lit, exténué par la douloureuse épreuve qu'il vient de subir.

Il a la nausée, son cœur semble incapable de respirer, lui fait mal. Son front lui paraît fermé par une porte de douleur qui lui enserre le crâne. Sa mâchoire déborde de cris intériorisés, qui se manifestent en une boule de colère et de désespoir, qui tremble et bloque le fond de sa gorge.

Ses yeux, baignés de larmes, ne voient plus le monde, mais seulement ce que la tristesse laisse entrevoir.

Peu à peu, son cœur, suffoquant, laisse place à un vide, immense.

Nicholas éclate en sanglots. Il vient très certainement de passer l'un des pires moments de sa vie.

Sa famille était arrivée, s'était installée. Nicholas était descendu pour leur dire bonjour, sur ordre de son père. Les tantes l'avaient regardé avec dégoût, comme s'il s'agissait d'une truie. Leurs maris n'avaient pas osé lui serrer la main, à cause du regard de leurs femmes. Julia l'avait tout simplement ignoré. Evan et Connor avaient commencé par dire de lui qu'il venait dire bonjour à ses maîtres, comme un chien, puis ils l'avaient chargé de leurs bagages, sachant qu'il ne pourrait désobéir, étant seul contre tous. Enfin, sa grand-mère l'avait insulté de tous les noms, sous les rires tordus des cousins, parce qu'il était allé porter les valises avant de lui dire bonjour. Elle ne s'était enfin arrêtée qu'à la demande de son fils.

Nicholas avait mis la table, pendant que sa grand-mère s'étranglait à dire qu'il aurait dû la mettre avant qu'ils n'arrivent, par respect. Il s'était demandé quel respect il leur devait.

Ils s'étaient mis à table, parlant des exploits d'Evan, Connor et Julia, de leurs réussites et de leurs projets. Ils avaient discuté, un moment, comme si Nicholas était à une autre table, à un autre monde, ou comme s'il n'existait pas. Et puis vint le moment fatidique où les parents n'avaient plus de louanges à faire à leurs enfants. Alors une des tantes avait demandé « Et Nicholas ? ». Tous les regards s'était tournés vers lui, accusateurs, moqueurs, sadiques ou simplement ennuyés. Son père avait détourné les yeux, honteux et en colère.

Nicholas n'avait rien répondu. Ou plutôt n'avait rien dit. Mais son regard avait clairement demandé la paix, rien que la paix. Et on ne lui avait pas donné. On lui avait reposé la question.

« Alors, Nicholas ? »

« Il sait pas parler. » s'était moqué Evan.

« Nan, nan, il a juste rien à raconter tellement sa vie est plate ! » avait renchéri Connor.

Leur mère leur lança un regard sévère, quoiqu'amusé, avant de se retourner vers son neveu. Au fond de lui, Nicholas se demanda si Evan et Connor n'avaient pas raison. Si sa vie n'était pas qu'une succession d'événements ennuyeux ou meurtrissants, si sa vie servait vraiment à quelque chose. Si lui-même servait à quelque chose. S'il ne ferait pas mieux de rester allongé, le matin. S'il ne ferait pas mieux de rester allongé pour l'éternité...

Mais non : Nicholas savait de quoi il vivait. Il vivait du lycée, de ses amis, il vivait de Jeremy.

« J'aimerais bien faire des études de droits. Et... Et devenir avocat. » avait hésité Nicholas.

« Toi, avocat ? Faudrait déjà que tu saches te défendre toi même, avant de t'occuper des autres ! »s'était écriée sa grand-mère, mi-agacée, mi-amusée.

Nicholas l'avait fusillée du regard.

« Nan, par contre, c'est vrai, t'as aucune répartie ! » avait lancé Connor.

Un flocon de cielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant