Les Carmidor - T1 : Trahir et...

Von OliviaGometz

80.8K 2.8K 3.3K

Prête à tout pour protéger son île, la puissante famille Carmidor s'allie aux nobles continentaux et renverse... Mehr

Avant-propos
Familles et personnages
Prologue
Chapitre 1.2
Chapitre 2.1 - Les deux rois
Chapitre 2.2
Chapitre 2.3
Chapitre 2.4
Chapitre 3.1 - Le sang de l'hermine
Chapitre 3.2
Lire la suite du tome 1

Chapitre 1.1 - Il n'est nulle gloire sans nom

3.5K 336 353
Von OliviaGometz

An 1309 après l'Engloutissement – Douze ans plus tard

Baigné dans la lueur orangée du soleil, en cette fin d'après-midi d'été, le château ducal de Corance élançait ses hautes tours vers le ciel. Nichée sur un pic de falaises surplombant la rade des Carmides, l'imposante bâtisse de pierre ocre beige, demeure de la famille Carmidor, dominait la cité de Corance.

La riche ville marchande encerclait le port, le plus grand de tout le royaume de Rubisie. Les voiles bigarrées des navires du Sarouha, sultanat du sud des terres émergées, formaient une mosaïque contrastant avec l'azur des hauts-fonds.

Appuyé au garde-fou de l'une des terrasses de son château, le duc Bargald Carmidor ne se lassait pas d'admirer le paysage. Ses traits marqués et son épaisse barbe noire lui conféraient un air fier, caractéristique des membres de sa famille, adouci par les boucles sombres tombant de part et d'autre de son visage. Une tignasse sur laquelle l'âge ne semblait pas avoir de prise, même si les ridules parcourant sa peau hâlée trahissaient ses cinq décennies révolues.

Son regard noir scrutait la rade, captivé par les caraques étrangères qui faisaient sa fortune. Grâce à lui, aucune marchandise sarouhanne n'arrivait sur le continent sans avoir transité par Corance : l'île s'enrichissait un peu plus chaque fois que l'on accostait sur ses rivages.

Et la banque des Carmidor prélevait son dû sur chaque transaction.

Rien d'étonnant alors à ce que l'on tente de s'emparer de ce qu'il avait si durement acquis. De colère, le regard du duc s'étrécit, tandis qu'il ressassait non sans amertume la nouvelle qu'il venait d'apprendre.

Il se retourna pour observer son invité installé dans un fauteuil en rotin.

— Êtes-vous absolument certain de ce que vous avancez ?

Son interlocuteur haussa un sourcil.

— Pardonnez-moi, Visars, soupira Bargald. Vous n'êtes pas venu jusqu'à ma porte avec des spéculations, j'entends bien.

L'intéressé confirma ses dires d'une inclination de la tête. Il n'était pas homme à se fourvoyer sur des sujets d'une telle importance. Ni même sur les plus insignifiants ; en vérité, il n'était pas homme à se fourvoyer du tout. « Le pouvoir et le savoir sont les deux tranchants d'une même épée », telle était la devise de sa famille ; or, Visars Virdemis possédait les trois en grande quantité, ce qui en faisait un ami précieux et un ennemi des plus dangereux.

Ses cheveux presque blancs étaient les seuls témoins de son âge, car une véritable énergie émanait de ses traits impassibles. Une énergie empreinte d'une intelligence pernicieuse, qui transformait son air sévère en un masque derrière lequel pouvaient aisément se dissimuler les pires manigances.

Visars Virdemis était le duc de Lorsis et, par conséquent, le plus proche voisin de même rang que Bargald. Si l'océan Estalien séparait leurs deux duchés, ils n'en demeuraient pas moins des alliés sur un plan géographique.

Leurs fiefs réunis n'étaient pas aussi vastes que les deux autres duchés rubisiens, mais ils étaient sans conteste les plus riches : Lorsis comme Corance bénéficiaient largement du commerce maritime. Ce qui était loin d'être le cas de Sorgone et de Goragna.

Alors, cherchant le remède à leur infortune, les ducs ouestarins tournaient aujourd'hui leurs regards convoiteurs vers l'Est. Une menace d'autant plus grande que l'un d'entre eux n'était autre que Todvis Arvagna, le roi de Rubisie. Un monarque dont la dynastie se mourait, privée d'héritier mâle pour la perpétuer.

Rien n'était plus redoutable qu'un souverain qui craignait pour sa couronne.

Bargald s'assit à côté de Visars et se servit du vin.

Le duc de Lorsis avait quelque chose d'important à lui demander et, compte tenu de la situation, il s'attendait au pire. Mais s'il entrevoyait déjà ce qui allait s'ensuivre, il ne se sentait pas encore prêt à le formaliser. Alors, cherchant à gagner du temps, il répéta les mots qu'avait prononcés Visars quelques instants plus tôt :

— Le roi va lever un impôt sur les taxes maritimes.

— À hauteur de trente pour cent de nos bénéfices, compléta Visars.

— Par les dieux, il nous spolie ! s'emporta Bargald.

— En effet, acquiesça le Lorsisain d'un ton tranquille.

Ses yeux gris dévisagèrent le Corancien. Il reposa son verre et se pencha vers lui.

— Vous vous en doutez, cette mesure n'a pas fait l'unanimité à Virda. Les nobles de l'Ouest y sont favorables, naturellement, mais à l'Est, elle suscite l'indignation. Rares sont ceux qui ne seraient pas affectés. C'est une insulte.

Le mot était faible : seule la roture était soumise à l'impôt, telle était la loi. Les religieux et la noblesse en étaient exemptés puisqu'ils ne travaillaient pas : les premiers se consacraient aux dieux et les seconds au roi.

Le monarque s'apprêtait à faire voler en éclats tout un système, au péril de l'ordre établi sur lequel reposait son propre trône.

— Si les Arvagna ont tant besoin d'argent, pourquoi ne pas tenter d'obtenir un prêt auprès de vous ou de la banque de Corance ? Après tout, ils ont une fille à marier et sa main vaut son pesant d'or...

Les lèvres fines de Visars se pincèrent en une moue méprisante.

— Todvis a fiancé la princesse à un autre Ouestarin : elle est promise à l'héritier de Sorgone. Le roi préfèrerait que sa fille meure vierge plutôt que d'offrir la couronne à un Estalien, cracha-t-il.

Un rire sans joie échappa à Bargald.

— C'est insensé... Ils ne peuvent pas s'opposer à la moitié de la noblesse du royaume, pas alors qu'ils sont si vulnérables !

— C'est précisément pour cela qu'ils persistent dans cette voie. Ils sont dos au mur. Du reste, les temples leur donnent raison : l'océan est sacré et Todvis est roi de droit divin. Quoi de plus naturel que de prélever sa part sur les activités maritimes profanes ? ironisa Visars.

Le Corancien tourna les yeux vers la rade, irrité. Furieux contre lui-même. Focalisé sur ses relations avec le Sarouha, il ne s'était jamais intéressé à la politique continentale. Aujourd'hui, il payait cette erreur.

— Todvis est décidé à aller au bout de ce projet fou, conclut le Lorsisain. Rien ne pourra l'en dissuader. L'Ouest est derrière lui et l'Est attend de voir ce que nous ferons.

— Ce que nous ferons, reprit Bargald d'un air sombre.

Il se leva et s'éloigna de quelques pas. Il balaya du regard le paysage qui s'étirait sous ses yeux. Sa cité, son île. Un trésor qu'il avait l'obligation de protéger, dût-il faire couler son propre sang pour y parvenir.

— Et si nous payions, Visars ? Nous pourrions négocier le montant de l'impôt pour l'abaisser à dix pour cent. Après tout, ce projet fou pourrait bien bénéficier au royaume tout entier...

Son invité ne répondit rien, laissant au silence le soin de lui donner tort. Une brise souffla, chargée d'embruns et du parfum des arbres fruitiers qui s'épanouissaient sous le soleil.

Réalisant que Bargald n'ajouterait rien, Visars corrigea :

— Les Arvagna en bénéficieraient. Quant aux autres Ouestarins, ils continueraient à dépérir. Je refuse d'éponger les dettes de cet incapable de Todvis. Les Arvagna sont le fléau de ce royaume, et notre coopération n'y changera rien.

— Vous n'en avez aucune certitude ! Vous ne voulez même pas essayer, voilà le nœud du problème : pour vous, la guerre a déjà commencé.

La guerre. Le mot était dit.

Le Corancien ravala sa salive et le regret de l'avoir prononcé le premier.

— Exactement. Que cela vous plaise ou non, seigneur Carmidor.

Bargald fit volte-face. Ses prunelles le détaillèrent comme si elles avaient voulu le transpercer. Visars attendit qu'il en ait terminé avec l'examen de ses intentions cachées avant de poursuivre.

— Si nous acceptons de payer, les Arvagna y verront un signe de faiblesse et n'auront de cesse d'augmenter la part de ce qu'ils estimeront leur revenir de droit. Lorsqu'ils nous auront saignés à blanc, nous ne serons plus en mesure de défendre nos terres et alors, nous serons à leur merci. Vous savez que j'ai raison.

Bargald sentit une boule se former au fond de ses entrailles. Le Lorsisain disait vrai.

— Si nous faisons cela, supposa-t-il. Si nous renversons les Arvagna, que se passera-t-il ensuite ?

Visars haussa les épaules.

— Ce qui se passe en temps de guerre. Il n'est nul changement sans sacrifice.

— Je sais ce qui se passe en temps de guerre ! gronda Bargald, excédé. Ce n'est pas ce que je demande. Qui monterait sur le trône à la place de Todvis ? Vous ?

À nouveau, la bouche de son invité se tordit en un rictus moqueur.

— Bien sûr que non. Le peuple ne me soutiendrait pas. Je ne vous apprendrais rien si je vous disais que je ne suis pas particulièrement doué pour inspirer la sympathie.

N'eût été la gravité de ce qu'ils s'apprêtaient à commettre, Bargald aurait ri de bon cœur.

— Alors qui ?

— Mon neveu, Rehard, révéla Visars sur le ton de l'évidence. Le fils de mon défunt frère. Il est assez mûr pour le trône et assez jeune pour s'assurer une descendance. C'est un combattant autant qu'un stratège, et il est très apprécié. Il obtiendra l'appui des Rubisiens, soyez-en certain.

Le Corancien fouilla dans sa mémoire pour retrouver les termes dans lesquels on lui avait parlé de Rehard Virdemis. Force était de reconnaître qu'ils correspondaient à l'élogieuse description qu'en faisait son oncle. Quant à savoir s'il ferait un bon souverain, il était encore bien trop tôt pour le dire ; néanmoins, il ne pouvait pas être pire que Todvis VII.

Bargald ferma les yeux un instant. Ses pensées se bousculaient dans sa tête, mélange chaotique de détermination et de méfiance. De ce maelstrom sourdait une voix hurlant de terribles accusations : traître, félon, parjure.

— Laissez-moi réfléchir à tout cela, éluda-t-il.

— Vous y avez déjà réfléchi, Bargald. Vous essayez simplement de gagner du temps.

— Et vous, vous perdez le vôtre en tentant de me forcer la main. Je vous informerai de ma décision demain à la première heure.

— Très bien, capitula Visars avant d'abandonner son hôte à ses démons.

Il savait que l'insulaire se rangerait à ses côtés ; l'Est tout entier le savait.

Le seul qui l'ignorait encore n'était autre que le duc de Corance lui-même.

Weiterlesen

Das wird dir gefallen

57.3K 2.6K 59
"Tu peux pas faire attention où tu vas, putain !" Un simple voyage mais pourtant tout va changer pour le meilleur et pour le pire. Le trio de Madiso...
511K 33.5K 39
Selem,Bismillah♥ Moi: Maria,17 ans, matte de peau, yeux marrons claires, cheveux noirs qui m'arrive au bas du dos, 1m69, malienne-tunisenne de ma mèr...
2.1K 188 55
cover by @dragology 𝑷𝒍𝒐𝒏𝒈𝒆𝒛 𝒅𝒂𝒏𝒔 𝒎𝒐𝒏 𝒖𝒏𝒊𝒗𝒆𝒓𝒔, 𝒑𝒐𝒖𝒓 𝒑𝒐𝒖𝒗𝒐𝒊𝒓 𝒎𝒊𝒆𝒖𝒙 𝒆𝒏𝒕𝒓𝒆𝒓 𝒅𝒂𝒏𝒔 𝒍𝒆 𝒗𝒐𝒕𝒓𝒆...
8.5K 449 21
Mia Hetfield, la fille de James Hetfield, chanteur et guitariste du groupe Metallica, a du fuir de Los Angeles pour Hawkins car l'adresse de son père...