Pov Klaus
Mon regard bifurque sur la table, mais celui que je cherche est malheureusement pour moi, aux abonnés absents. Il n'est pas non plus à l'extérieur auprès des filles, j'ai vérifié. L'humain, par contre, est toujours là et en pleine discussion avec une jeune femme.
Je dois faire vite et être efficace pour arriver à mes fins.
Une fois à leur hauteur, la froideur naturelle de mon aura manifeste ma présence et interrompt leur conversation.
- Tu devrais nous laisser, Love.
Je congédie la fille sans plus attendre et m'installe sur la chaise en face de celui que je cherche désespérément à me souvenir de son prénom.
Qu'a bien pu trouver ma sœur en ce mortel à la fois si transparent et insignifiant ? Ah oui, cette humanité pour laquelle elle porte tant d'intérêts.
- Je ne suis pas sûr que Caroline serait très heureuse d'entendre les mots doux que vous venez de prononcer pour une autre.
- Eh bien ! pour le moment, elle n'est pas là, raillé-je.
Pour se donner une contenance ou pour occuper ses mains à ne plus trembler d'inquiétude, il plonge ses lèvres dans son verre pour en boire une gorgée.
- Dis-moi...
-... Matt, termine-t-il d'un air agacé, ayant bien saisi que je ne m'en souvenais plus.
- Ah oui ! C'est ça ! Dis-moi Matt, où est passé ton ami, ce très cher Damon ?
- Premièrement, il n'est pas mon ami, et deuxièmement, qu'est-ce que vous lui voulez ?
Je prends sur moi pour conserver mon calme et cela même si ce que je ressens est à l'opposition de ce que je cherche à faire paraître.
- Juste une petite bricole, je réponds en m'adossant à ma chaise. Ou si tu préfères, une simple conversation entre deux personnes civilisées, rien de plus.
Impatient et n'en pouvant plus de conserver cette attitude nonchalante alors qu'un feu ardent brûle sous mon épiderme, je me penche dans sa direction, mes avant-bras posés sur la table.
- Dis-moi où il est... Matt.
Ma voix s'est faite plus dure, plus froide. Elle attise le regard pénétrant de l'humain sur moi, qui cependant, reste toujours silencieux.
- Tu es un garçon intelligent et tu sais pertinemment que d'une façon ou d'une autre, j'obtiendrais cette réponse. Ne m'oblige pas à te saigner ici, devant tous ou alors au fin fond d'une ruelle pour te la soutirer.
À ma menace, qu'il sait que je n'aurais aucune hésitation à entreprendre, le garçon m'observe avec mépris comme il l'a toujours fait.
- Et Caroline qui est persuadée qu'il y a encore du bon en vous...
- Ne parle pas d'elle, aboyé-je. Vous êtes tous là, en train de vous pavaner à la même table avec celui qui l'a utilisé comme un vulgaire objet. Et vous vous dites être ses amis.
Matt déglutit longuement puis fuit mon regard pour le poser sur son verre, tout en se tripotant les doigts.
- On pardonne les méfaits de Damon parce qu'il est le petit copain de cette précieuse Elena. La différence entre moi et vous, c'est que je me moque complètement de ce qu'il est. Caroline mérite quelqu'un qui, pour une fois, se soucie réellement d'elle et c'est ce que je m'apprête à faire. Ce que tu penses de moi m'est bien égal, chacun d'entre vous m'importe peu. Vous n'êtes absolument rien à mes yeux.
- Il est rentré, m'avoue-t-il enfin. Il y a bien de ça dix minutes.
J'étends mon large sourire.
- Voilà, un bon garçon !
- Ne croyez pas que je vous fais confiance une seule seconde, cela ne sera jamais le cas. Je vais sans doute regretter d'avoir parlé, bien même que d'une façon ou d'une autre, vous m'y aurez obligé, je tiens Damon comme responsable de la mort de Vicki.
À son aveu, je hausse un sourcil interrogateur.
- Ma sœur, termine-t-il. Il a fait d'elle un monstre puis l'a finalement supprimé pour réparer son erreur de l'avoir transformé.
Je me lève, lui fais un petit signe de tête puis disparais de sa vue.
Dans de grandes enjambées, je me dirige jusqu'à la voiture garée un peu plus loin. Le son caractéristique de pneus qui s'immobilisent sur l'asphalte résonne en arrière-plan. Aucunement besoin de me retourner pour connaitre l'identité de la personne qui vient de s'arrêter, les lumières bleu et rouge des gyrophares réfléchissants sur les vitres teintées du bolide de mon frère répondent d'eux-mêmes à cette question.
Et ce n'est absolument pas le moment, je ne suis pas d'humeur. La seule chose qui me stimule et cette envie irrépressible de faire couler le sang.
Une portière claque. Le cliquetis émis par des clefs qui s'entrechoque entre elles à chaque mouvement retentit.
Je prends une grande inspiration, cherchant à enfouir mes démons intérieurs, qui sont en pleine extase ne cessant de nourrir mon cerveau d'images toujours un peu plus macabres.
Madame Forbes, shérif de la ville, mais aussi mère de mon ange se tient à quelques mètres, ses pulsations cardiaques chantant comme des tambours de guerre.
- Ce n'est pas le moment, Liz.
- Ah oui ! Pourquoi ? J'interromps quelque chose. Je retarde un potentiel massacre que vous auriez prévu de réaliser, peut-être.
Je grince des dents.
Non seulement elle ignore à quel point elle est dans le vrai, mais cela a pour effet de me faire douter sur mes capacités à être un jour celui que sa fille mérite. Je dois donner à sa mère l'image d'un homme capable de se racheter, de changement. Pourtant, toutes mes pensées prouvent le contraire. Et bien que je souhaite qu'un beau jour elle puisse me voir comme étant digne de Caroline, il m'est impossible aujourd'hui de tarir ma colère. Je ne peux pardonner, je ne veux pas essayer.
- J'ignore comment vous avez fait pour l'embobiner, mais je vous ordonne de laisser ma fille tranquille.
- Caroline n'est pas malheureuse, elle a tout ce qu'elle désire, je réponds d'une voix plate.
- Pensez-vous pouvoir l'acheter ?
- Vous et moi savons très bien qu'elle n'est pas quelqu'un que l'on achète.
L'agacement dans mon timbre est palpable, mais bien que j'essaie de le nuancer, je peine vraiment à le faire. J'en ai plus qu'assez de me contenir, de devoir être quelqu'un que je ne suis pas.
- Eloignez-vous de Caroline, vous n'êtes pas bon pour elle, ni pour personne, crache-t-elle.
- Et pourtant, vous vous trouvez là, face à moi, n'hésitant pas une seule seconde à me donner des ordres.
Certains mortels sont pleins de surprises. Liz Forbes en fait partie. Bien conscient que face à moi, elle n'a aucune chance de l'emporter, elle est tout de même là, ravalant sa crainte évidente pour la créature que je suis. L'amour est son principal moteur, celui d'une mère pour son enfant et qui pour nous, nous est inconnu.
- Même si je déteste l'admettre, il est évident que Caroline a une influence positive sur moi.
- Une influence positive, dit-elle ayant bien du mal à contenir son rire. Comme si c'était possible.
Je tique à sa réponse.
Pour les personnes comme moi, il est déjà très difficile d'essayer de se maintenir à flot, encore plus quand tous ceux qui nous entourent ne sont pas là pour nous tendre la main, mais pour nous appuyer sur la tête pour nous faire couler davantage. Ce quotidien, je le vis chaque jour et je me demande de plus en plus à quoi bon le faire puisque personne n'a suffisamment confiance en notre réussite.
Elle me fait mal, appose du sel sur des plaies déjà bien à vif.
Je veux qu'elle sorte de mon champ de vision. Ma colère me ronge de l'intérieur et le faisait suffisamment sans qu'elle en rajoute. Je souhaite qu'elle dégage de ma vue avant de m'en prendre à elle, de commettre l'irréparable.
- J'aimerais savoir, pourquoi lui avoir sauvé la vie, cette nuit-là, me demande-t-elle.
Je redresse mes yeux dans sa direction. À la façon qu'a son pouls de s'accélérer, je sais que mes traits sont devenus plus sombres, gagnés petit à petit par mes démons. Bien que mon visage soit resté celui de l'homme, la froideur qui s'est installée, lui fait peur.
Que lui répondre ? La vérité ? Cela ne m'aidera pas davantage.
- J'espérais seulement le soutien du shérif de la ville, rien de plus, avoué-je d'un haussement d'épaules. Caroline n'était rien d'autre qu'un pion que je manipulais à ma guise sur mon échiquier.
Je ne mâche aucun de mes mots. Elle désirait une réponse, je viens de la lui donner. Si elle espérait pouvoir changer d'opinion sur moi, je sais que j'ai tout foutu en l'air.
À mon aveu, Liz semble déroutée, encore plus dépitée qu'auparavant. Elle n'arrive même plus à soutenir mon regard.
La voilà, la vérité vraie. N'est-ce pas ce qu'elle m'a demandé ?
- Et pourtant, je reprends d'une voix plus tendre. Lorsque vous m'avez accordé l'entrée dans votre maison pour sauver la vie de votre fille et que je l'ai vue étendue sur son lit, mourante, quelque chose en moi s'est ouvert.
Ma toute nouvelle confession et mon timbre bien plus doux attirent à nouveau son attention sur moi.
- Je ne regrette pas de l'avoir mis moi-même aux portes de la mort, Liz. Si je ne l'avais pas fait, je ne serais pas venu pour l'en tirer. Elle a été capable de me fasciner d'une façon que jamais je n'aurais cru possible.
Une plénitude me gagne bien même qu'elle n'est pas en mesure d'éteindre toute cette rage en moi, tout ce désir de me venger de l'ainé Salvatore. Rien que le fait de songer à mon ange, m'apaise.
Dans mon esprit tout se mélange, le faire, ne pas le faire. Être moi-même, ne pas l'être.
Mes yeux se ferment, pour faire le point. Le vampire en moi m'incite à déverser ma rage tandis que le loup à contrario, plus effacé, préfère rester silencieux.
- Pourquoi avoir tué Carole ? me demande-t-elle
De toutes mes atrocités commises, le meurtre de Carole Lockwood pèse sur ma conscience. Pas que j'en avais à faire quelque chose de cette femme, mais parce que désormais étant avec Caroline, jamais sa mère ne pourra en faire abstraction, jamais elle ne sera en mesure de me voir comme celui que j'aimerais qu'elle le fasse un jour.
Bien que je désire m'en sortir, je suis sans cesse plongé dans cette spirale infernale sans possibilités de m'en échapper.
- Inutile d'en débattre. Ce qui est fait est fait.
Je me retourne et ouvre la portière de la voiture, prêt à monter à l'intérieur jusqu'à ce qu'elle m'interpelle à nouveau :
- Que se passera-t-il le jour où Caroline décidera de vous quitter ? Que ferez-vous d'elle quand vous perdrez le contrôle ?
Dès sa première interrogation, je me retourne dans sa direction. Je ne peux envisager une seule seconde cette option. Il en est hors de question.
Face à mon long silence, Liz Forbes décide de prendre congé et reprend le chemin de son propre véhicule me laissant seul, sans réponse à lui donner.
Pov Caroline
Je me rends compte que les entrainements de Klaus à me rendre plus fortes ont porté leurs fruits. Elena n'arrive pas à avoir le dessus bien qu'elle donne visiblement tout ce qu'elle a. Nous sommes essoufflées, mais aucune de nous deux ne désire déposer les armes pour autant.
- Tu ne vois même pas qu'il est en train de te changer, s'époumone-t-elle en se redressant.
- C'est faux, je grandis simplement. J'ai cru qu'on pourrait rester amies toutes les deux, mais j'ai eu tort.
- Comment peux-tu croire que je peux passer au-dessus de tout ce qu'il nous a fait ?
- Et moi ? hurlé-je. Tu t'en balances de ce que Damon m'a fait. Je sais que je n'ai jamais soutenu ta relation, je n'en étais pas capable. Mais... désormais, j'aurais pu essayer de la tolérer, je me rends compte que nous nous trouvons confrontés à la même chose. Klaus t'a pris beaucoup et Damon m'a...
Je m'arrête dans ma phrase, tout en me mordillant la langue.
- Aujourd'hui, je suis en mesure de comprendre, terminé-je.
- Je me demande ce qu'en penserait Bonnie, si elle nous voyait, continue Elena, les larmes aux bords des yeux en s'asseyant sur le trottoir.
- J'ai appris depuis peu ce qui s'est passé, avoué-je d'une petite voix en m'installant à ses côtés.
- Moi également !
Durant quelques minutes, un silence s'abat entre nous jusqu'à ce qu'elle finisse par le briser :
- Klaus tuera toujours... encore... et encore. Il ne s'arrêtera jamais, en es-tu consciente ?
- Surement. Mais peux-tu dire que Damon ne le fait plus ? Et même si Klaus est en effet coupable de beaucoup, toi, Elena Gilbert, en ta si petite existence, de combien de morts es-tu responsable ? je lui demande droit dans les yeux.
Sur ces derniers mots, je me lève, la laisse là et retourne en direction du Mystic Grill.
Ayant aperçu Klaus et Stefan rentrés ensemble un peu plus tôt, je porte mon attention sur le bar, mais ni l'un ni l'autre n'est visible. Bien même que je doute grandement de trouver mon originel à notre table, je tente ma chance mais cette dernière est désormais occupée par des inconnus.
En apercevant Kol sortant des toilettes, je soupire de soulagement puis décide de l'intercepter. J'arque un sourcil en le voyant attacher sa ceinture et une fille, dans une tenue complètement débraillée, se montrer à son tour.
- Qu'est-ce que tu faisais ? demandé-je, bien que je connaisse déjà la réponse.
J'ai de la peine pour Magellan, qui je sais à craquer pour lui.
- Je passais un peu de bon temps, chérie.
Je meurs d'envie de lui arracher ce rictus affiché sur son visage séducteur.
- As-tu vu ton frère ? Ou Stefan ? Il me semble qu'ils sont rentrés ensemble, tout à l'heure.
- Non, désolé. Comme tu le sais, j'étais bien occupé, déclenche-t-il un sourire malicieux à la serveuse qui remet son tablier en place avant de s'en aller.
- Oui, j'ai compris, merci. D'ailleurs, il faudra qu'on parle de ça, tous les deux.
- Oh, semblerait-il que tu aies besoin de moi ? Mon frère ne serait-il pas à la hauteur ?
- Quoi ? Non ! je réponds offusquée, lui déclenchant un rire.
- Tu as tenté de l'appeler.
Je m'exécute aussitôt. Les tonalités à mon oreille s'enchainent avant de tomber sur son répondeur, je raccroche sans laisser de message.
- Essaye Stefan, peut-être, qu'il en sait davantage.
- Tu as raison, je vais le faire.
Cette fois, je fronce les sourcils et écarte mon téléphone de mon visage. La sonnerie retentit et bien que mon meilleur ami soit hors de ma vue, son portable prouve qu'il n'est pourtant pas si loin. En regagnant le comptoir, la serveuse nous alerte en émettant un cri étouffé.
Le corps de Stefan est inanimé, reposant au sol.
- Oh mon Dieu, lâché-je, accourant à lui, talonné par le vampire originel.
Je suis tout de même soulagée en découvrant que mon ami ne possède pas la moindre plaie, sa nuque semble seulement avoir été brisée.
- Qu'est-ce qui s'est passé entre Damon et toi ?
La question inattendue de Kol me surprend. Comment peut-il être informé qu'il s'est passé quelque chose ?
- Qui t'a parlé de ça ?
- D'après toi !
- C'est stupide ! Klaus n'est pas au courant.
- Eh bien! Mon petit doigt me dit que c'est fait.
- Stefan ne le lui aurait pas dit non plus, il n'aurait pas mis en danger la vie de son frère.
- C'est si grave que ça ! arque-t-il un sourcil interrogateur. Nik, est impulsif, paranoïaque, mais aussi très intelligent, c'est ce qui fait de lui un adversaire redoutable. Croire une seule seconde que tu peux l'empêcher d'obtenir des informations qu'ils souhaitent est un combat perdu d'avance. Tu apprendras à le savoir à tes dépens.
Je suis suspendu aux lèvres de l'originel, assimilant chaque mot qu'il prononce. J'espère qu'il se trompe. Dans le cas contraire, Damon Salvatore vient alors de signer son arrêt de mort.
Dans une profonde inspiration, Stefan se réveille, complètement affolé, cherchant tout d'abord à retrouver ses repères.
- Oh mon Dieu, Caroline, me dit-il lorsque ses yeux se stabilisent sur moi. Klaus, il m'a... il sait... il sait pour Damon.
Le désespoir s'empare de moi, j'observe Kol à mes côtés qui visiblement ne semble pas surpris de la sournoiserie de son ainé, ni indifférent à ma soudaine détresse.
- Il va le tué ! lâché-je
- Qui va tuer qui ? questionne Elena en se joignant à nous.
Face à mon silence, elle recommence :
- Caroline, qui va tuer qui ?
- Klaus a..., je commence lorsqu'un bruit sourd retentit et que le corps d'Elena s'écrase au sol, Kol apparaissant derrière elle.
- C'est fou, comme elle m'ennuie.
Le visage de Stefan est rageur. Il flashe sans plus attendre sur le frère cadet des Mikaelson qui sans la moindre difficulté, rompt la nuque de mon meilleur ami.
- Voilà, une bonne chose de faite. Lui aussi, je ne l'aime pas, de toute façon.
Il avance d'un pas lent dans ma direction et je sais que j'ai toutes les raisons d'être inquiète.
- Ne fais pas ça, le supplié-je en reculant, cherchant à mettre un peu plus de distance entre nous.
- Et pourtant, tu sais que je dois le faire.
- Non, tu n'es pas obligé. Kol, s'il te plait...
- La situation te dépasse et il est préférable que tu n'y assistes pas.
Un vent frais vient faire virevolter quelques boucles de mes cheveux. Un craquement dans mes cervicales résonne. Mon corps m'abandonne, chute et l'inconscience me gagne.
Pov Klaus
Assis dans le fauteuil club perdu au beau milieu du salon, je porte à mes lèvres le verre que je me suis moi-même servi tout en écoutant les crépitements du bois consumé par les flammes. J'aime cette façon chaleureuse qu'a le feu de réchauffer l'atmosphère et cette facilité à réduire en cendres tout ce qu'il touche. C'est un élément que je trouve passionnant.
Le mouvement, accentué autrefois à l'étage, se déplace et continue son parcours dans l'escalier. Damon, tout de noir vêtu, ses cheveux encore humides, apparaît et ne m'a pour le moment, aucunement remarqué. Enfermé dans mon mutisme, une cheville reposée avec nonchalance sur un genou, je l'observe vaquer à ses petites occupations jusqu'à ce qu'il se fige dans ses gestes. Je sais que l'aura ténébreuse qui orbite autour de moi vient de réaliser son travail.
Dans une grimace soucieuse, il se tourne dans ma direction.
- La prochaine fois, fais-moi penser à changer les serrures, dit-il avec un certain dédain, cela évitera que la vermine entre sans être invitée.
- Je me souviens de l'époque où ton frère et toi aviez modifié l'acte de propriété pour le mettre au nom d'Elena, tout ça pour m'interdire de pénétrer les lieux. C'était vraiment sous-estimer mes capacités, rien ni personne ne m'aurait empêché d'incendier cette demeure. Enfin cela dit, cela ne change plus grand-chose maintenant puisque tout le monde est mort.
- À qui la faute !
- Cesse tes enfantillages Damon. Ton amour pour cette très chère Elena aurait fini par causer sa perte d'une façon ou d'une autre. Mais tu dois être satisfait désormais, c'est vrai quand on y réfléchit, alors que l'Elena humaine n'avait dieu que pour Stefan, l'Elena vampire a préféré te choisir toi. On dirait bien que tu as gagné aux changes à ce qu'elle passe l'arme à gauche.
Face à ma fourberie, il fulmine et je m'en délecte morceau par morceau comme je vais le faire avec tous ceux que j'ai prévu de lui arracher très prochainement. On ne touche pas à mon ange ni à ma famille, je suis le seul qui possède le droit de les malmener.
- Et toi ? me questionne-t-il tout en émettant un geste à mon attention.
- Moi, quoi ?
- On dirait bien qu'il en est terminé de la Caroline moralisatrice pour qu'elle puisse arriver à en assumer son béguin pour toi. Cela dit, poursuit-il, l'index posé sur ses lèvres faisant mine de réfléchir, je crois qu'elle a toujours eu un faible pour les méchants garçons.
Le petit rictus sournois placardé sur son visage me donne envie de le lui arracher. Dans un sifflement d'air, seul signe de mon déplacement, je quitte mon fauteuil, le plaque contre le mur le plus proche, mes doigts encerclant sa gorge.
- Bor... del, grogne-t-il, la voix hachée par la pression que j'utilise. Qu'est-ce qui... te... prend ?
- Tu veux vraiment le savoir Damon. N'en as-tu pas une vague idée ? Crois-tu que j'ignore ce que tu as fait subir à Caroline ?
- Ça fait... un... bail et puis tu es très... mal pla... cé pour faire... la mo... rale.
- Ne nous compare pas, contrairement à toi et malgré tout mes vices, je n'ai jamais privé une femme de son libre arbitre pour pouvoir en abuser de cette façon.
- Elle n'y a pas toujours été contrainte.
Bien même que chaque mot qui sort de sa bouche me donne des envies de meurtre, je desserre ma poigne afin de le laisser parler.
- Tu l'aurais vu à l'époque, si naïve, si soucieuse qu'on lui apporte un semblant d'attention. C'était en effet si pathétique, que je n'ai pas eu de mal à lui faire écarter les cuisses.
Avec juste la pression suffisante, je percute violemment sa tête contre le mur puis resserre mes phalanges sur sa trachée jusqu'à la comprimer. Il s'agite, cherche à me faire lâcher prise, en vain. Face à moi, il n'a aucune chance. Je le sais et il le sait. Mes démons se nourrissent de la peur qui se reflète dans ses yeux qui petit à petit s'assombrissent puis se voilent. Il me serait si facile de rompre ce petit tuyau logé dans sa gorge. Je n'aurai qu'à reculer mes doigts de quelques centimètres tout en conservant la même pression pour que sa trachée suive le mouvement. Tout serait alors terminé, mais serait à mon goût bien trop rapide.
Le chant de la buche qui crépite dans la cheminée attire mon attention. De ma main libre, je saisis le tisonnier et le place sur les braises.
- Tu ne... me tueras pas..., affirme-t-il
- Ferme là Damon ou je vais devoir arracher la langue de ta bouche pleine de bave et l'offrir à cette très chère Elena.
- Tu ne le feras pas... et tu sais pourquoi.
Mon regard se pose sur lui. Il semble si sûr de lui qu'il m'en agace. Pourquoi ne le ferais-je pas ? Après tout qui est-il pour moi ?
Il n'est absolument rien et il est grand temps qu'il le comprenne. Il n'est pas le héros de mon histoire ni l'un des personnages secondaires qui ont un rôle à interpréter.
- Parce qu'elle ne te le pardonnerait pas, termine-t-il en me regardant dans les yeux.
Je détourne mon attention sur le fer qui est en train de rougir et me laisse sombrer dans mes réflexions puis enchaine :
- Si tu veux jouer à être le méchant, fais-le pour une bonne raison.
Lorsque je débite ses propres mots qu'ils m'avaient autrefois narrés, je sens Damon se tendre d'inquiétude.
- Ne crois-tu pas que mes agissements soient fondés ? demandé-je d'une voix lasse.
Je me saisis du tisonnier dont l'extrémité est désormais bien colorée.
- Ne crois-tu pas qu'elle ne pourra jamais me pardonner d'avoir pris la vie de l'homme qui lui a fait du mal ?
- Ne fais pas ça !
- Il m'est malheureusement impossible de répondre favorablement à ta requête.
D'un coup bref, je traverse son corps de mon arme jusqu'à ce qu'il se retrouve embroché. Alors qu'il hurle de douleur, la bête sous ma chair se rassasie du supplice que je lui inflige. Il souffre le martyre, le fer rougi est en train de brûler ses organes de l'intérieur alors que le vampirisme cherche déjà à en réparer les dommages.
Ma tête pivote sur le côté, jouissant du spectacle qu'il est en train de m'offrir jusqu'à ce que je sente une prise sur ma nuque et que j'entende le grincement de mes premières vertèbres qui cèdent.
D'un grognement rageur, j'attrape mon assaillant par-derrière et sans délicatesse, je l'envoi valser à travers la pièce. Lorsque je constate qu'il s'agit de mon frère, je sens la colère empoisonner littéralement mon sang.
Comment ose-t-il s'en prendre à moi ? Me trahir ?
- Je peux savoir ce que tu cherches à faire, Kol ?
Il se redresse, les paumes bien en évidence.
- Tout doux, Nik, je ne recherche pas la confrontation.
- Pourtant tes actes de ces dernières minutes ne confirment pas vraiment tes dires, craché-je.
- Je voulais seulement t'empêcher de faire quelque chose que tu pourrais regretter.
Je détourne le regard pour le poser sur un Damon qui cherche désespérément à retirer le tisonnier de son corps.
- Depuis quand te soucies-tu de son bien-être ?
- Je me contre-fiche de ce parasite, mais si tu le tues, Caroline ne te le pardonnera pas.
- Elle le fera, car elle sera en mesure de comprendre pourquoi je l'ai fait.
- Je pensais que tu la connaissais mieux que cela. Bien même qu'elle ne l'apprécie pas, Damon reste le mec de son amie et cela change tout.
Je suis mon frère des yeux et n'ignore pas qu'il se rapproche de plus en plus de ma victime. Lorsqu'il retire l'arme et libère Damon, je ne peux retenir mes lèvres de s'en retrousser pour laisser échapper un grognement.
Le corps de l'ainé Salvatore chute au sol comme une simple poupée de chiffon. Par chance, il est bien trop épuisé pour tenter quoi que ce soit.
- Si tu veux te défouler, fais-le sur moi, propose mon cadet.
Quand comprendra-t-il que la personne que je désire massacrer se trouve être derrière lui ? Qu'elle sera la seule à être en mesure d'assouvir cette rage qui pulse sous ma peau.
N'en pouvant plus, je l'éloigne sans ménagement afin de me frayer un chemin. J'attrape Damon et le clou au mur puis plante ma main dans le trou laissé par le tisonnier. J'écarte ses chairs jusqu'à ce que je me saisisse de ce que je convoite. Ma victime hurle et ce son excite les sens du prédateur en moi.
- Nik, NON ! cri la voix de Kol.
Je sens les pulsations qui s'animent au creux de ma paume et tout ce liquide chaud qui me ruisselle sur les doigts, rendant la prise plus difficile.
Mon petit frère flashe jusqu'à moi et pose sa main sur mon bras
- Toute ma vie, j'ai été laissé pour compte par chacun d'entre vous. Grâce à toi, j'ai une seconde chance et l'opportunité de faire réellement partie de cette famille déjantée et pour une fois je crois en notre capacité à réussir. Ne fais pas ça, ne te met pas Caroline à dos, elle te...
-... Change, terminé-je, un nœud à l'estomac.
Même si une part de moi en est consciente, l'entendre à voix haute est encore différent.
- Elle me transforme en quelqu'un que je ne suis pas.
- Je dirais plutôt en quelqu'un que tu n'es plus, conclut mon petit frère.
Je déteste cette idée, cette constatation. Pour qu'elle puisse m'aimer, je n'ai pas d'autre choix que de ne plus être celui que j'étais avant. Chaque geste que je fais se doit d'être longuement pensé et réfléchit.
Mon propre combat intérieur reprend. Arracher le cœur de Damon ou ne pas le faire.
D'un côté, on me souffle l'idée d'assumer ce fantasme. Je n'ai qu'à retirer ma main sans desserrer mes doigts tandis que ma conscience, elle, cherche à me résonner. Toutes ces contradictions qui envahissent mon esprit me causent une puissante migraine. J'en ai le tournis.
Je suis telle une bête dangereuse enfermée dans une cage. Un animal qu'on n'hésite pas à rendre amorphe afin de tenter de l'apprivoiser.
- Je déteste ce qu'elle me fait, avoué-je.
Quand je remarque la goulotte de mon frère qui tressaute alors qu'il fixe un point derrière moi, je sais ce que j'y trouverais et je n'ai pas le courage de me retourner vers elle. Après ce que je viens de dire, je doute d'apprécier ce que je lirais dans ses yeux.
- Damon ! s'égosille le double.
- Klaus, s'il te plait ! résonne la voix paniquée de Stefan.
D'un coup bref, je retire ma main. Le corps de Damon s'effondre. Les cris d'Elena retentissent avant d'accourir à ce dernier.
Le sang sur mes doigts goutte sur le sol et lorsqu'elle s'aperçoit que l'homme qu'elle aime bouge, elle observe ma main vide.
J'entends son soupir de soulagement ainsi que celui de Stefan.
Cette fois, j'en ai fini avec eux. Je trouve enfin le courage de me retourner pour me confronter à Caroline. Comme je l'avais imaginé, elle se tient légèrement courbée, les bras le long du corps. Ses yeux sont fuyants et pourtant ils me cherchent constamment. Je sais qu'elle a entendu ce que j'ai avoué à Kol et qu'en disant ceci, je l'ai blessée. C'était la stricte vérité. Celle que je n'osais admettre.
D'un pas lent, je me dirige vers elle, l'effleure puis quitte le manoir sans un regard à son attention.