Trois jours plus tard.
- Jungkook je t'en pris, sors de ton lit et viens avec nous.
- Pour la énième fois : non.
La tentative de Jimin durait déjà depuis un sacré moment. Ce matin il était venu, comme tout les autres matins, pour me sortir d'ici. Je n'avais pas vu le soleil depuis trois jours. Et le blond avait beau essayer, je ne voulait pas entendre raison. C'est la tâche d'Hoseok...et je n'arrive pas a me sortir cette idée de la tête.
Je me suis enfermé dans ma chambre pour échapper à la réalité. Et pour ne parler à personne. C'est sans compter sur Jimin évidemment. Je devrais me sentir ridicule d'être aussi faible alors que les autres font face à cette perte. Mais je n'y arrive pas. Trois jours c'est trop cours.
Jimin, au bout de sa patience, s'assoit sur une chaise, à côté du lit d'hôpital, et soupire. J'aimerais pouvoir être aussi fort que lui.
- Écoutes moi, tu ne peux pas rester ici indéfiniment Jungkook. Ce n'est pas en repoussant le deuil que ça ira mieux. Nous avons eu l'occasion de lui dire au revoir...
C'est vrai. Le soir de la mort d'Hoseok nous avons fait une sorte de veillée nocturne, tous les six. Lorsque la nuit est tombée, nous nous sommes rendu dans la chambre d'Hoseok, qui était vide et nous y sommes restés toute la nuit. Jin avait ramené de petites bougies chauffe plats. (seul chose qu'on a réussi a avoir avec la présence de Yoongi et Taehyung...) Nous en avons allumés sept et lorsque le jour s'est levé, Namjoon s'est approché des bougies et en a éteint une. A partir de là, nous n'étions plus que six.
- Je ne peux pas, d'accord ? Je n'en ai pas la force.
A ces mots je rabas le draps sur ma tête.
- En plus si c'est pour voir tous partir au funérailles sans moi, c'est hors de question.
En effet, la famille d'Hoseok avait préparée l'enterrement, de ce dernier, aujourd'hui. Nous sommes invités mais je n'ai pas le droit de sortir. Mes parents ne veulent pas et les médecins disent que je suis trop fragile. C'est des foutaises, je les déteste tous. Je veux dire adieu à mon ami et je suis le seul qui ne peux pas.
La main de Jimin se pose sur mon épaule et tire le draps de mon visage. Son regard est triste.
- C'est pour ta santé Jungkook, tu dois rester ici...Crois moi je ne me réjoui pas forcément d'aller a un enterrement. Une part de moi aurait préféré ne pas avoir cette autorisation. Mais je le fais quand même...pour Hoseok. Alors je t'en prie lève toi.
Sa voix s'était brisée lorsqu'il avait dit ces mots. Je n'ai pas envie qu'il y aille, je veux qu'il reste ,ici, avec moi. Que l'on passe des heures dans le silence a faire notre deuil au plus vite. Mais la peine dans ses yeux me pousse à sortir de ce lit d'hôpital. Après un soupire résigné, je me lève, la gorge sèche.
- Merci, souffle Jimin.
Certes, j'aurais préféré rester dans mon lit, mais quand Jimin demande, je me plis. C'est plus fort que moi.
C'est avec une boule au ventre que je suis Jimin jusqu'à la salle commune. Je ne veux vraiment pas y aller. Je suis capable de craquer a tout moment. Je ne sais même pas si j'ai encore des larmes a verser après ses trois jours.
Tous semble si triste maintenant. Les grands murs de la salle commune sont écrasants et même les plantes ne sont plus vertes. Le soleil ne brille plus de la même manière. Et la table des garçons est si calme.
Yoongi et Taehyung sont les seuls assis. Le plus jeune des deux semble un peu perdu. En face, début sur leurs grandes jambes, Jin et Namjoon leurs parlent doucement, comme s'ils ne voulaient pas être écoutés. Nous arrivons finalement a leur hauteur.
- Ah Jungkook, je suis content que tu te sois décidé.
Jin me sourit tristement mais je me contente d'hausser les épaules. Je ne suis pas très ouvert au dialogue aujourd'hui. Je m'assois en bout de table, à côté de Yoongi.
- On doit vraiment y aller maintenant, dit Namjoon d'une petite voix désolé
- Ouais c'est ça. Aller salut, cassez vous.
La réponse de Yoongi est terriblement froide. Je le savais un peu distant, par rapport aux autres mais je n'imaginais pas qu'il pouvait si facilement être cassant.
Jin soupire et se penche légèrement vers lui en posant les mains sur la table.
- Je sais que tu aurais voulu venir...Mais ce n'est pas de notre faute si toi et Taehyung devez rester ici.
Alors eux non plus ne peuvent pas sortir ? Je pensais que je serais seul ! Je relève la tête soudain intéressé. Et regarde à tour de rôle Yoongi et Tae.
- Vous non plus vous n'avez pas le droit ?
Le petit brun secoue la tête de gauche a droite avec une moue triste.
- Question de sécurité apparemment, dis simplement Taehyung.
- Foutaises ! rajoute le mint, Ce n'est même pas pour nous qu'ils ont peur, c'est pour les gens dehors ! Nous.ne.sommes.pas.dangereux.
Tous les monde dans la salle s'était retourné vers nous. Le silence règne un instant avant que les patients reprennent peu a peu leurs conversations, probablement encore choqués.
Ce que Yoongi a dit m'a interpellé... Est ce que les médecins pensent qu'ils sont trop instables mentalement pour sortir ? Je sais bien qu'ils sont en psychiatrie mais je n'ai jamais rien vu de choquant de leur part. Peut être qu'il faut le voir pour comprendre.
Mais au fond je comprends Yoongi. Ça fait très longtemps qu'il est ici et il doit être traité toujours de la même manière. Quand a Taehyung, ils l'ont déjà enfermé plusieurs fois. Je n'aimerais pas qu'on me dise que je suis instable alors que je suis persuadé du contraire. Mais encore une fois, je ne suis pas dans sa tête. Tout ça ne change en aucun cas mon jugement sur eux.
- Nous le savons parfaitement, détend toi, ok ? On a jamais insinué que l'un de vous deux pouvait déraper. Nous sommes tes amis Yoongi.
La voix calme du blond a apaisé les nerfs du mint. Il s'est reculé sur sa chaise en croisant les bras, s'avouant vaincu.
- Bien...On peut y aller maintenant ?
- Enfait...je crois que je vais rester ici, avec Jungkook.
Je me retourne tellement vite vers Jimin que mon dos en craque. Est ce qu'il vient de dire qu'il n'irai pas à l'enterrement ? Pour rester avec moi ? La petite partie égoïste en moi se réveille d'un coup. Elle a gagnée.
- Vraiment ? demande Namjoon étonné.
- Oui. Je ne pourrai pas y aller sans lui, et malheureusement il ne peut pas sortir. Alors je reste. Portez nos condoléances à la famille d'Hoseok et...
Jimin ne fini pas sa phrase et déglutit. Je sais ce qu'il ressent. Il a voulu montrer de l'assurance mais il a oublié que ça faisait mal au fond. Jin se contente d'hocher la tête et de tirer Namjoon vers la sortie. Ils ont compris où il voulait en venir.
Je les regarde partir, avec une boule au ventre. J'aurais voulu les suivre. Foutue maladie. Avec un petit soupire, je me tourne une nouvelle fois vers Jimin. Il me fait un sourire, à peine convaincant.
- Pourquoi tu restes avec moi ?
- Toi et moi on va passer du temps ensemble. Parceque c'est grâce a ça qu'on fera notre deuil plus facilement. Ensemble.
Il me fait signe de me lever et je m'exécute sous les regards d'incompréhension des deux autres garçon. Je ne comprends pas où il veut en venir. Certes je suis d'accord que j'ai besoin de lui pour passer au dessus, mais pourquoi maintenant ? Et qu'est ce qu'il mijote ?
Je suis mon meilleur ami, aveuglément, à travers les couloirs. Je ne suis venu qu'une fois par ici. C'était il a longtemps, maintenant que j'y pense. Au tout début de mon internement, quelques jours après avoir revu Jimin. Je sais où il veut aller, dans le petit jardin de l'hôpital. Est ce qu'il compte me dire quelque chose ? Je ne comprends pas tout pour l'instant.
- Viens, il n'y a personne. On y sera tranquille.
Jimin à raison. Il n'y a pas un rat dans le jardin. Étrange puisqu'il fait beau et encore un peu chaud. Je ne vais pas me plaindre, j'aime beaucoup cet endroit, encore plus lorsqu'il est vide.
Le blond passe par la simple porte vitrée et gonfle ses poumons d'air frais aussitôt. Je dois avouer que j'ai eu le même reflex la dernière fois, l'air frais, le vrai, fait tant de bien. Jimin marche tranquillement vers le fond du jardinet, regardant autour de lui. Je ne peux pas m'empêcher de remarquer à quel point il est beau, dans la lumière du soleil et le lac en fond.
Sortant de mes troublantes pensées, je le suis. Je ne suis pas sûr de ce que je suis censé faire cependant. L'attendre ? Aucune idée. Et finalement il finit par s'assoir dans l'herbe, à moitié au soleil, une autre a l'ombre. Puis il se laisse tomber en arrière et finit allongé.
Ne voulant pas briser le silence, je marche doucement dans l'herbe grasse. C'est tellement paisible. J'ai peine à croire que je suis dans un hôpital lorsque je me trouve ici. Avec le lac qui reflète la ville au loin et le soleil qui nous réchauffe. J'aimerais sortir d'ici. J'aimerais n'avoir jamais tenté de me suicider.
Le blond tapote l'herbe à côté de lui. Je m'y avance et l'imite, me retrouvant avec pour seule vision, le ciel bleu. Je n'ose pas tourner la tête vers lui. Je sens son regard sur ma joue et j'aperçois du coin de l'œil, un sourire. C'est la première fois que je suis tendu en sa compagnie. Je n'y comprends plus rien. Je ne sais même pas ce qu'il se passe.
Puis finalement, Jimin rompt le silence :
- Avant que tu n'arrives...Je venais souvent ici avec Hoseok. Juste pour parler d'à quel point on aimerait retourner dans cette ville qui nous nargue, en face.
Une vision se créer dans mon imaginaire. Tous les deux, entrain de discuter en regardant le lac. Heureux pour un moment, rien de plus. Cette idée propage une vague de nostalgie dans mon corps. Hoseok ne vivra plus jamais ces moments.
Ma gorge se serre pendant que je retiens mes larmes. J'aurais préféré que l'on n'évoque plus ce sujet. Je pensais que c'était le but du deuil, d'oublier.
- Jungkook...Dis moi ce qu'il te passe par la tête.
Ce qu'il me passe par la tête ? C'est simple. Si Hoseok, qui s'est battu contre sa maladie a fini par en succomber, comment je suis censé faire pour rester en vie. Avant, je savais que ma vie n'était plus longue et je m'en fichais. Mais maintenant je déteste cette idée et je suis mort de trouille.
- J'ai peur, je dis simplement. J'ai peur de mourir Jimin. Je croyais être prêt, mais je ne le suis pas.
Le blond tourne la tête vers moi et me regarde tendrement. Ce simple regarde m'apaise un peu.
- Toi et moi nous sommes comme des avions en papier, commence Jimin. On s'envole très haut, des rêves plein la tête, de l'espoir plein le coeur, portés par la brise. Mais lorsque le vent tombe, on tombe avec lui. Jusqu'à finir six pieds sous terre. Personne ne sera jamais prêt...
A ces mots plus qu'ébranlants, je me redresse et sert mes genoux contre mon torse. Jimin a raison. Nous ne sommes rien lorsque nous sommes à la merci de la maladie. Alors je suppose que nous n'avons pas d'autres choix qu'attendre notre tour.
Les bras de Jimin viennent entourer mes épaules et il me sert contre lui. Je me laisse aller sur son torse, le regard planté sur la ville.
- Tu ne dois pas avoir peur. Tu vivra Kook, je te le promets. Tu vivra et tu sera heureux.
- Je m'en fiche bien. Si tu n'es plus avec moi, ça n'a plus aucune importance, je réplique.
- Je ne te quitterais plus jamais maintenant, tu le sais. Bien sûr qu'on s'en sortira. Tous.
Je l'espère. De tout mon cœur, je le souhaite. C'est mon seul et unique souhait maintenant. De vivre.