Séance enfin terminée, douche prise, j'attrape mon sac de sport pour me diriger naturellement vers la sortie lorsque je me fais interrompre par un colosse au teint hâlé.
Dans un coin assez en retrait, à l'abri des regards et des écoutes. Il enchaîne assez vite.
- Voilà l'Alchimiste!
- Ouais? dis-je questionneur
- Tu recherches pas par hasard un gars costaud comme moi pour tes affaires?
Mon équipe est déjà au complet c'est vrai, mais ce que j'ai apprécié dans son approche c'est le fait qu'il y soit allé au culot. Un état d'esprit je m'en-foutisme je n'ai rien à perdre, tout à y gagner. Et dans un sens je suis pareil.
- Djo je cherche personne. De mon côté on est bon. Chez nous costaud ou non, on s'en bats les couilles. Ce sont pas les muscles qui ramènent du flouz.
- Ah je vois le genre de la maison. Bah ça tombe bien parce que je n'ai pas que des bras, on a de la jugeote et beaucoup de contacts.
Ouais, je tâtais un peu le terrain, histoire de cerner sa motivation et son répondant. Je sais qu'il dit juste c'est d'ailleurs pour cette raison que je ne l'ai pas envoyé chier dès l'entame de la conversation. Djoko est un ancien champion de boxe d'origine serbe et au fil du temps, il a bien su remplir son petit carnet
de coordonnées de personnes influentes.
- Si ton cerveau et tes connaissances peuvent contribuer au projet alors là on pourra en discuter sérieusement.
- Ils sont déjà prêts pour!
- T'es chaud quand?
- Si t'as le temps on peut même parler dollz ce soir ou bien demain. Moi j'suis présent.
- On se dit soir ce 22h30 à la goutte?
- Vas y ça marche!
On s'est serré la main en signe d'approbation. Un business est fait en grande partie de rencontres, si notre discussion s'avère positive, les chiffres à venir le seront également. J'ai quitté l'établissement pour joindre ma caisse. Tout juste arrivé au quartier je la vois adossée sur un capot, je ne pensais pas que c'était elle qui m'avait appelé. Elle ne sait pas que je l'ai déjà vu, elle a
l'air pas mal concentrée sur son téléphone.
- Ça fait longtemps que tu m'attends?
- Ah Jaffar, t'es déjà là. Non ça va.
- Ok viens on y va.
Elle m'imite et me suit jusqu'à chez-moi. Jolie comme à son habitude, vêtue d'un pantalon à pince noir avec un léger chemisier chic, j'imagine qu'elle sortait d'un rendez-vous. Arrivé à l'étage, clef insérée dans la serrure,
je lui fais signe d'entrer dans ma demeure.
- Ça fait bizarre, dit-elle
- De?
- La dernière fois que je t'ai eu tu m'avais mis un plan, nos échanges n'étaient pas très...
- Tu me connais.
- En effet, j'suis même persuadée qu'à l'instant tu ne t'attendais pas à me voir.
T'as du décrocher à mon appel
sans vraiment avoir les idées claires.
- Ouais c'est vrai, j'étais concentré avec mon cardio. Mais tranquille.
Alors comme ça tu étais dans le coin?
- Oui voilà j'avais une consultation
avec un patient dans ton arrondissement.
- Ah ouais et depuis quand
tu fais des séances à domicile?
- Ça m'arrive lorsqu'ils sont pas en mesure de se déplacer, j'en ai profité pour te voir.
- Je te manque à ce point?
Les doigts fondus dans sa chevelure châtaine elle parvient à esquiver avec brio, en se contentant d'échapper un sourire en coin. Je l'invite à s'installer sur le canapé tandis que moi je file me changer en deux deux. Malgré les pièces et murs qui nous séparent elle ose me parler, j'ignore presque ses dires en lâchant que des « - ouais? Hein? Mhm. Ouais j'avoue, ouais... » Mais frère elle veut pas attendre que je revienne? L'impatience des femmes, c'est quelque chose quand même.
- Sinon, ta sœur va bien?
- Comment ça? j'ai pas de sœurs,
à moins que tu me parles d'Émilie.
- C'est bien d'elle dont je parle.
- Ça va, ça va hein. Chelou
que tu prennes de ses nouvelles.
- Non, comme je sais que c'est l'une
des rares personnes qui compte pour toi.
- Je vois.
Je ne vais pas mentir, je ne sais ce qu'il l'a amené à venir ici. Si c'est pour m'annoncer qu'elle est enceinte, j'suis même pas un peu prêt. Ça se trouve elle est simplement là pour que je la mette bien... j'en sais rien putain.
- Parlons franchement. Que
me vaut cette visite Maëlys?
- En toute honnêteté, je voulais te voir sans aucune raison particulière. Juste
savoir comment tu allais depuis ce temps.
- T'es sur? Il y'a pas autre chose?
- Non sinon je te l'aurais dit d'entrée.
Mes soigneux coups de reins doivent lui provoquer une nostalgie, j'en suis certain.
Il est vrai que ça fait un moment qu'elle et moi n'avions pas couché ensemble, généralement le peu de fois qu'on décide de se capter c'est uniquement pour cela. Installée sur le sofa à ma gauche, je sens son regard posé sur moi, je n'y prête pas attention je me contente de continuer de rouler mon joint. Elle n'aime pas tout ce qui est fumette mais je m'en carre le fion, Maël s'adosse.
Ses yeux se veulent insistants, elle m'examine. Belle elle est je dois l'avouer cependant cela ne me suffit plus. C'est assez étrange, habituellement j'aurais sûrement sauté sur elle en ôtant son chemisier et le reste en vain, à l'heure actuelle je n'ai pas la tête à ça. J'enfile un, deux puis trois joints tout en conversant avec elle sans jamais m'y investir réellement. Je suis là sans y être.
Sans que je ne m'en rende bien compte, sa main se glisse derrière ma nuque. Elle pivote face à moi plus que prête à m'apprivoiser. Je la regarde faire presque incompris. Ses cheveux frôlent dès à présent le bout de mon nez, ses doigts manquent de se faufiler sous mon t-shirt. Maëlys a beau être canon c'est un fait, hélas je n'ai clairement pas envie d'elle.
- C'est pas contre toi hein t'as vu.
- Ah... mais oui je vois ça y'est je comprends, elle s'appelle comment? dit-elle souriante
- Qu'est-ce que tu racontes là? Comment ça elle s'appelle comment?
- Bon bah ok d'accord, tu veux garder ça pour toi. Et c'est tout à ton honneur tu sais.
- Arrête d'insinuer des choses frère
j'ai juste pas envie de baiser point.
- Et je suis morte. T'as autant de mal à assumer qu'il y'a une fille derrière tout ça?
- Tu me casses grave les couilles.
Je vais te foutre à la porte tu vas voir.
- Plus sérieusement cette personne en question doit vraiment être spéciale...
- À sa manière.
- Essaye de prendre soin d'elle et de toi en même temps. Ne te bousille surtout pas Jaf'
Donc je viens littéralement de la remballer et elle garde le smile en me donnant au passage quelques conseils. Cette nana est grave.
Et puis qu'est-ce qui m'arrive de flancher ainsi? Tain, heureusement que c'est devant elle, je sais que ça ne s'ébruitera pas.
J'aime pas la manière dont l'autre a des répercussions sur ma vie sexuelle. À l'autre bout de la ville rien qu'en pensant à sa vielle gueule remplie de tâches de rousseurs, je n'ai même pas su avoir la barre en ayant Maëlys sur moi. Chaud son arrière-grand-père.
- Et toi, dis-moi comment tu te sens?
- C'est quoi cette vielle question?
- C'est une simple question pour savoir
dans quel état tu te portes depuis Jaffar.
- Avec toi ce sont jamais de simples questions justement. J'me sens bien.
- Bien au point d'enchaîner t...
- Je t'arrête, ma consommation n'a rien à voir avec les états que je peux avoir. Satisfait ou énervé je m'enfumerais toujours autant. Et je sais que malgré qu'on soit loin d'être proche mon cas t'attriste mais tu ne devrais pas te faire autant de soucis pour moi. Je suis pas un de tes patients.
- Combien de fois tu vas me ressortir cette phrase? Je sais bien que tu n'es pas un patient et même si tu penses que nous ne sommes pas proche, tu es bizarrement attachant.
- Ce n'est bon pour personne.
- Tu as cette fâcheuse tendance à penser que tu es la mauvaise graine, le méchant loup alors que non. Tu es certes atypique, particulier mais c'est ce qui fait ton charme.
- T'es en train de m'analyser là Maël? Fais même pas ça, ça va me vénère.
- Non je t'analyse pas, je te dis juste ce qu'il en est. Ok peut-être je ne suis pas la mieux placer pour te dire ces choses parce que je n'étais qu'un plan d'un soir mais je vois le bon en toi que tu n'arrives pas encore à...
- Qu'importe on s'en fou de tout ça.
- Et ben pas moi. Sincèrement je veux que tu sois heureux et épanoui,
c'est tout le mal que je te souhaite.
- J'aurais préféré que tu me souhaites de l'argent. C'est p'tète le prix à payer.
- Je pense pas mais je ne suis pas prête à débuter un débat avec quelqu'un de butter comme toi. Sois juste rempli de bonheur!
- Pourquoi t'es si... gentille avec moi?
- Pourquoi je ne devrais pas l'être?
- Je sais pas et puis cette tournure de conversation commence à me péter
les hormones, je vais pas te mentir.
#
Maëlys s'en est allée après avoir passé quelques heures à me bourrer le crâne de ses belles paroles. Derrière son air stricte, sérieux et professionnel c'est une belle personne sympa qui ne veut que du bien autour d'elle mais elle est assez naïve sur les bords,
la vie ce n'est pas une réplique de contes de fées où tout ce que l'on souhaite se réalise.
Non et tant mieux d'ailleurs,
cela aurait été bien trop ennuyeux.
Une fois qu'elle a quitté les lieux, j'ai envoyé un message à Rita. Pourquoi? Je lui ai demandé à ce que l'on se voit ce soir ou bien demain, après mûres réflexions j'ai décidé qu'il fallait que je l'informe de l'affaire Yaya.
À +337...
« - Faut j'te parle. Dis-moi
si t'es dispo soir ce (assez tard) ou demain. »
De +337...
« - C'est chaud ce que t'as à me dire?
J'ai une mission à faire avant
mais je serais normalement là ce soir. »
À +337...
« - Ok, je passerais. »
De +337...
« - Mais tu m'as pas répondu là!!!
Je t'ai demandé est-ce que ça sera chaud? »
Je vais la laisser bouffer son « Lu » sans lui donner une réponse à cette connasse, ça l'apprendra à me caler des points d'exclamations comme si j'étais son petit. Complètement malade celle-là. Avant de la rejoindre, j'ai deux trois choses à faire entre autres régler les dettes d'Amina à des gars que je ne connais pas et le rdv nocturne avec Djoko... en soit je sais même pas si j'aurais réellement le temps de capter Rita. On verra.