{On part sur un minimum de trois chapitres d'affilé uniquement sur Yuzuru parce que je ne me suis toujours pas remise des JO (honnêtement je ne sais pas si je m'en remettrai un jour)... Je compte faire plusieurs chapitres uniquement sur BTS après, donc pas de panique.
P.S.: Ceux qui n'ont pas regardé les performances de Yuzuru à Pyeongchang, vous avez raté quelque chose d'exceptionnel. Mais passons...}
Yuzuru P.O.V :
J'avais fait exprès de louper la compétition par équipe pour essayer d'avoir une arrivée plus discrète et ça avait passablement raté. C'est donc avec à peu près cinq ou six gardes du corps qu'il fallut que j'aille au coin presse aménagé à l'aéroport, pour m'enfuir une demie heure plus tard au village des athlètes... J'envoyai un rapide message à Brian et Javi pour les avertir de mon arrivée (et de ma survie) avant de rejoindre ma chambre. Habituellement j'aurais été du côté du bâtiment espagnol mais la compétition était dans moins de trois jours et Javi était donc avant tout un adversaire potentiellement dangereux, à traiter comme tel.
Les entraînements par groupe étaient également dans cette dynamique ; j'étais heureux de revoir tout le monde mais les effusions attendraient la fin de la compétition et, accessoirement, ma médaille d'or...
Je soupirai presque de soulagement en sentant la glace sous mes pieds ; ça faisait plus de deux mois que je n'avais pas touché une patinoire pour une compétition et ça m'avait affreusement manqué... Après un tour à pleine vitesse et des échauffements basiques, je me stoppai près de Brian pour boire et observer les autres.
-C'est bien que tu sois en forme mais ne fais pas plus de trois quads et trois triples aujourd'hui, me prévint-il.
Je le regardai comme s'il avait perdu la tête.
-La compétition est dans trois jours ! Tout le monde ici a déjà une série de compétitions dans la poche alors que je recommence tout juste, et tu veux que j'y aille doucement !? Je vise l'or, pas le top 10...
-Six quads et triples n'est pas ce que j'appelle « y aller doucement » et il est inutile de te blesser maintenant. Personnellement je pense que même sans quads tu peux viser un top 3 mais passons... Tu as suffisamment de travail sur le reste pour t'y focaliser aujourd'hui.
Je lui sortis une moue boudeuse.
-Nathan..., commençai-je.
-Je sais. Et tu sais, me coupa-t-il. C'est un gentil garçon talentueux mais niveau artistique, il a des progrès à faire. Ne t'occupe pas de lui et file...
Je soupirai et secouai la tête en m'éloignant, pile au moment où Javi s'arrêtai à son tour près de notre coach. J'entendis des applaudissements impressionnés lorsque Boyang atterrit son quad de l'autre côté de la patinoire mais n'y fis pas attention, c'était le propre des entraînements ouverts au public... Je me permis quand même un triple axel, histoire de ne pas être en reste mais je ne pouvais pas faire ça pour chaque saut : nous étions quand même six sur la glace...
Une femme finit par nous demander de quitter la glace et je me dirigeai une dernière fois vers mon coach.
-C'était bien. Je pense que vous serez tous les deux sur le podium, analysa-t-il en hochant la tête.
-Évidemment, comme d'habitude, souris-je.
-Pour qui nous prends-tu Brian ?, demanda Javi sur le même ton.
-Ne prenez tout de même pas trop la confiance, soupira-il alors que je frappai la main tendue de mon partenaire. Et filez saluer.
Il nous chassa rapidement et on se rendit au centre de la patinoire pour saluer les quelques spectateurs.
-Boyang m'a l'air très en forme, déclara-t-il en s'inclinant vers les gradins.
-Shoma aussi..., acquiesçai-je.
Il était amusant de faire comme si la compétition était simple pour faire baisser un peu la pression en riant (et énerver Brian) mais nous savions tous les deux que le podium n'allait pas être donné...
-Devrais-je t'enfermer dans les vestiaires pour avoir un adversaire de moins ?, proposa-t-il en souriant alors que nous revenions sur le bord.
-Pour l'instant, enlève juste ta main de mon dos si tu ne veux pas que je te tacle...
-Les gens commencent à avoir l'habitude, plus personne n'y fait attention tu sais..., leva-t-il les yeux au ciel en s'éloignant tout de même.
Je répondis simplement en m'inclinant vers lui avec un sourire moqueur et il m'imita avant de sortir en faisant bien attention de passer devant. Cette fois-ci, c'est moi qui levai les yeux au ciel...
-Concentration, nous gronda Brian en tapant dans ses mains.
Il nous connaissait beaucoup trop bien, ce n'était même plus drôle...
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J'essayai de calmer ma respiration et de me concentrer sur mon échauffement. Les Jeux Olympiques sont à la fois le rêve et le cauchemar des sportifs de haut niveau, surtout quand on y défend son titre : tout perdre ou tout gagner.
J'avais vu les émissions japonaises et internationales où les experts se succédaient et analysaient mes précédentes performances, tentaient de calculer mes chances de victoires. J'avais vu le nombre de fans qui attendait dans le stade ou dans les salles japonaises qui allaient retransmettre l'épreuve en temps réel, je savais tous les espoirs que mon pays et mes fans mettaient en moi et je savais que j'étais officiellement le favori.
Mais je savais aussi que dans l'ombre, caché dans un silence tabou par les nippons et crié à la face du monde par les américains, les gens voyaient bien Nathan Chen me détrôner grâce à sa jeunesse et ses quadruples. Et je savais qu'une telle chose était possible, qu'un jour ou l'autre, des jeunes prendraient le devant : Shoma, Nathan, Boyang...
Simplement, ça ne devait pas se produire aujourd'hui, pas ici.
Mon regard glissa à travers la salle d'échauffement et j'aperçus Javi dans un coin. Je ne le rejoins pas pour autant : nous avions établi des règles depuis longtemps. Avant une compétition, nous étions rivaux avant tout, on ne devait pas déranger l'autre dans sa concentration. On pourrait se retrouver après, rire pendant le gala, etc.. mais jamais avant une compétition. Ça n'avait rien à voir avec l'affection, j'aimais également beaucoup Shoma, Nathan et les autres patineurs, mais pour l'instant c'était un combat et tout le monde en avait conscience.
Brian me fit signe de venir et tous les patineurs de mon groupe, mes principaux adversaires donc, rejoignirent les bords de la patinoire pour les six dernières minutes d'échauffement sur la glace. Après quoi, je serais le premier à passer.
Nous nous alignâmes tous au centre de la glace, piétinant avec impatience en attendant que les présentations au micro soient terminées. À peine finies, tout le monde s'éparpilla et commença à parcourir la surface gelée.
La plupart ne savent pas pourquoi nous sommes si intenses pour cette session mais c'est très simple : ce n'est pas simplement le dernier échauffement sur la glace avant la compétition, c'est surtout le dernier face à face avec les adversaires.
Ça peut paraître ridicule, mais c'est là qu'on doit les impressionner, dire "Regarde, je suis là, je peux sauter un quad en échauffement et tu n'as aucune chance contre moi". C'était un combat psychologique, où on pouvait également analyser l'état des autres patineurs.
-Tu as remarqué ?, demanda Brian à voix basse alors que je m'arrêtai à ses côtés pour boire un peu.
-Oui, mais je m'y attendais un peu : il est très jeune et ce sont ses premiers Jeux, répondis-je sur le même ton en jetant un rapide coup d'oeil à Nathan.
Le jeune américain essayait de ne rien laisser paraître mais je voyais bien que la pression mise sur ses épaules étaient trop lourde, et on ne peut pas correctement sauter les quads avec ce poids là.
-Shoma est en bonne condition, Javier aussi, ce seront eux qui poseront problème, continuai-je.
-Tant que tu restes concentré sur ton programme, tout se passera bien, répondit Brian alors que je rebouchais ma bouteille.
Les six minutes passèrent sans que je ne les vois et j'étais de retour à la barrière alors que les autres sortaient.
Je serrai la main de Brian, agrippai le remplaçant temporaire de Pooh-san et me repoussai en arrière, vérifiant mes axes. Une performance propre, parfaite : c'était comme ça que je pourrais réassoir mon titre, montrer que ma médaille à Sotchi n'avait pas été un coup de chance.
"Si Yuzu délivre un programme court et un programme long proprement, je pense qu'il est probablement imbattable." avait dit Javier aux derniers Mondiaux. Et il avait raison, je le savais, les autres patineurs le savaient, même leurs coachs le savaient.
Une compétition tous les quatres ans, la plus importante et probablement la dernière pour l'or dans mon cas.
Juste un programme propre.
La musique débuta et je pris un grande respiration. Un quad à la fois.
Quadruple Salchow : propre. Triple Axel : parfait. Quadruple boucle piqué, séquence de pas : pas de problème. Je dansais sur la glace, mettant les émotions de mon programme, suivant la mélodie mille fois écoutée, travaillée, révisée... Lorsque la musique s'éteignit, je sus que j'avais réussi.
Programme propre : j'étais sûr d'être le premier, au moins pour le court, même si tous les autres allaient passer derrière moi.
Je me jetai dans les bras de Brian alors qu'une avalanche de Winnies inondait la patinoire. Comme d'habitude, ils allaient probablement retarder le passage des prochains concurrents.
-Comeback !, souris-je à mon coach.
Les résultats ne se firent pas attendre ; record olympique. Je n'avais pas battu mon record du monde mais tant pis, je ferais avec... J'aperçus le patineur suivant, Nathan, qui attendait toujours que la glace soit nettoyée de tous les cadeaux : il avait vu ma performance, mon résultat, la standing ovation avec nounours à l'appui et en plus il avait déjà la pression... Si nous n'étions pas adversaires, j'aurais compati.
La suite confirma mon intuition mais j'avoue que je n'aurais pas imaginé que ça serait à ce point... Nathan ratant un saut : rare. Nathan n'atterrissant aucun de ses sauts : du jamais vu.
A la fin de la journée, Javi et Shoma était bel et bien à mes côtés pour la conférence de presse des médaillés du programme court...
Depuis toujours, mon point faible était le programme long, et c'était un point faible de taille... Mon asthme me rattrapait toujours sur la fin voir sur le milieu, avec plus ou moins de force (GPF *cough*cough*), et la plupart de mes sauts étaient en deuxième partie pour gagner plus de points... Certains disent que c'est de l'inconscience, je dis que c'est de la stratégie. Une stratégie dangereuse, certes, mais une stratégie. On ne pouvait pas gagner sans prendre de risques...
J'entrais sur la glace sous les applaudissements du public.
Respirer un grand coup, bloquer les bruits parasites : la musique débute.
Les premiers quads me posent rarement des problèmes. Séquence de pas, je commence à avoir le souffle court. Respire, les derniers quads... on va dire que ça passe : je n'ai pas mis les mains par terre. Il suffit de recoller tout ça avec une autre bonne séquence de pas, de respirer, des spins bien exécutés, ne pas m'asphyxier, respirer.
Personne ne devait me battre, personne ne pouvait me battre : je ne me le permettrai pas.
Le dernier roulement de percussions Taiko raisonna, terminant mes Jeux. Le public explosa en cris et en applaudissement, je laissai exploser ma joie : avec mon avance au programme court, l'argent était un minimum, non, l'or.
Je brandis le poing en l'air, levant le doigt au ciel. Oui, Javi et Shoma étaient juste après moi et oui, ils étaient ceux qui pouvaient me repousser à l'argent. Mais je savais sentir quand mon programme m'amenait à la première place.
Je m'assis dans la "pièce verte" pour les voir passer en compagnie des actuels deuxième et troisième au classement, respectivement Boyang et Nathan. Ce dernier avait pris sa revanche sur son programme court, enchainant tous ses six quads de façon monstrueuse. La performance valait des louanges, elle était même historique, mais elle avait manqué cruellement de grâce, ne se reposant quasiment que sur ses éléments techniques, même si je ne lui aurais pas dit en face...
Javi patinait juste après moi et je regardai son programme avec concentration : deuxième au classement provisoire, il avait réussi, il était forcément sur le podium.
Quand il arriva à côté de moi, je me levai et laissai couler mes larmes, marmonnant ce qui était censé être des félicitations mais qui ne devaient sonner que comme des couinements incompréhensibles. Heureusement Javi était habitué et comprit très bien le message.
Lorsque les caméras commencèrent à se tourner vers nous avec intérêt on se sépara pour s'asseoir. Je stressais énormément pour la performance de Shoma. Il patina magnifiquement et je retins mon souffle au moment du Kiss & Cry.
-Tu es forcément premier, il est tombé sur son premier quad. Et même sans cette chute, vu ton avance au SP, il n'avait aucune chance..., chuchota Javier une fraction de seconde avant que le résultat ne s'affiche.
Je sentis mes larmes couler de nouveau en regardant le panneau, comme si je m'attendais à ce qu'ils changent d'avis au dernier moment... Toute la pression, toutes les attentes, tant de préparation... J'articulai un merci à la caméra, incapable de réagir plus : je n'arrivai toujours pas à enregistrer que c'était fini, j'avais gagné. Javier se leva en me félicitant. La politesse la plus élémentaire aurait voulu que je le félicite aussi à nouveau mais je me contentai de sangloter des mots sans sens alors qu'il ouvrait les bras pour m'enlacer.
Comme un idiot, je me rapprochai de lui et s'il n'avait pas eu le réflexe incroyablement vif et intelligent de tourner la tête au dernier moment je l'aurais embrassé sans réfléchir, devant des caméras et des milliers de gens...
Gagner les JO n'était pas bon pour mon cerveau...
-Allez, allez... Ça va aller, ne pleure pas comme ça, tu vas me faire de la peine, sourit-il. Et attends qu'on soit hors caméra avant de m'embrasser, les japonais ne vont pas être capables de tenir le double choc sinon...
Je hochai la tête en reniflant et me dépêchai de féliciter Shoma qui était un peu tout seul à côté de nous. On se rassembla près de l'entrée de la patinoire en attendant que les organisateurs aient fini d'installer les podiums et encore une fois, Javi ouvrit les bras, en incluant Shoma cette fois-ci. Alors que je pensais que c'était un simple symbole de camaraderie destiné aux public, il souffla quelque chose de façon extrêmement vicieuse.
-Je suis content de partager le podium avec vous deux. Après tout, ça sera mes derniers olympiques...
Je relevai la tête pour voir s'il plaisantait mais il me regardait sérieusement, avec un petit sourire d'encouragement. Trois crises de larmes en moins de quinze minutes ? Pourquoi pas... Ça faisait beaucoup trop d'émotions d'un coup, je n'étais pas prêt pour ça...
-Non, non... Tu ne peux pas... Je ne peux pas le faire sans toi..., hoquetai-je en m'accrochant à sa manche comme pour l'empêcher de partir.
-Mais si, tu seras parfait. Tu le surveilleras, hein Shoma-kun ?, sourit Javi au plus jeune qui était un peu en retrait et qui hocha la tête avec hésitation, ne sachant pas trop comment réagir.
Je tentai de sécher mes larmes, encore une fois, histoire de ne pas poser sur le podium avec un visage ravagé...
-Tu es horrible, l'accusai-je entre le rire et le sanglot.
Heureusement qu'on appelait les médaillés dans l'ordre décroissant...
La voix commença la cérémonie, nous appelant tour à tour. Quand vint mon tour j'avais retrouvé le sourire et saluai la foule comme il se doit, allant même jusqu'à exécuter mon mouvement sur la musique pour conclure... J'avais essayé de ne pas penser à ce que Javi m'avait dit lorsque je m'arrêtai à son niveau pour l'enlacer et qu'il me rechuchotait des félicitations à l'oreille : penser que c'était peut-être la dernière fois que je faisais ce mouvement, que nous ne pourrions plus rire ensemble et flirter avec plus ou moins de discrétion aux galas, que les autres patineurs ne lèveraient plus les yeux au ciel lorsque nous agissions de façon trop intime et que je ne pourrais plus le voir arriver en retard le matin avec son café... Tout cela aurait probablement conduit à une situation larmoyante et non appropriée pour le moment. Je savourai simplement le fait que nous partagions de nouveau le podium, aux olympiques, le dernier et seul podium où nous n'avions pas encore posé côte à côte.
Cet idiot décida également que la photo officielle des médaillés olympiques était le meilleur endroit pour commencer à me chatouiller mais heureusement il arrêta plus rapidement que pour le Trophée de Finlande en 2012, m'évitant de lui donner des coups de coudes dans les côtes.
#Scandale ! Le vainqueur japonais essaye de blesser le médaillé de bronze espagnol en lui frappant l'estomac sous les yeux des caméras# n'est pas le genre de titre que je souhaitais découvrir demain...