Insensible (terminée)

By une_artistee

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« Son âme était scellée, son coeur frigorifié » « Sans coeur » voici le surnom que les lycéens s'amusent à do... More

Prologue.
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14.
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20.
Chapitre 21.
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36 Partie 1
Chapitre 36 Partie 2
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Epilogue
Message de fin

Chapitre 1

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By une_artistee

                                                                                        Ethan.

            « Les tests que nous avons fait passer à votre fils révèlent qu'il est atteint d'insensibilité congénitale à la douleur. C'est une maladie rare et génétique, elle est due à la mutation d'un gêne qui bloque la transmission des signaux de la douleur entre les neurones. Elle se caractérise par la perte du sens de la douleur sous toutes ses formes et sur tout le corps. Cela expliquerait pourquoi votre enfant ne réagit pas comme il le devrait lorsqu'il tombe et qu'il se blesse. J'imagine par conséquent que vous n'avez presque jamais entendu votre fils pleurer lorsqu'il a été confronté à des traumatismes corporels divers. Cette maladie n'est pas à prendre à la légère, elle peut être mortelle si le patient n'est pas suivi régulièrement par un médecin ergothérapeute. Elle nécessite des règles d'hygiène et de sécurité afin de se protéger des risques et menaces extérieurs. L'atteinte congénitale à la douleur n'affecte en rien le développement mental et psycho-affectif de l'enfant. Toutefois dans le cas d'Ethan nous n'expliquons pas son insensibilité émotionnelle ! Parallèlement les tests sur l'intelligence mentionnent des scores très supérieurs à la normale ! C'est pour cette raison qu'un confrère thérapeute clinicien a pensé qu'Ethan pouvait, sous réserve, être atteint du syndrome d'Asperger, ou d'un autre trouble mental qui l'empêcherait d'éprouver quoi que ce soit, mais rien n'est sûr. Ce ne sont que des hypothèses, et malheureusement la médecine n'est pas suffisamment avancée pour en être certains. Nous pouvons donc dire à ce jour que votre fils souffre d'une atteinte physique et d'un trouble émotionnel. Il n'y a aucun traitement pour l'instant. Ethan est Insensible, je suis désolé. »

Voici les mots qu'a prononcés mon médecin généraliste en fixant mes parents, de cet air grave, celui qu'on porte lorsqu'il n'y a plus aucun espoir. Je me remets dans la peau de ce garçon de six ans, qui, même s'il n'a pas compris tous ces termes médicaux, assimile le regard attristé de sa maman. Ce n'est pas bon, m'étais-je dis. J'arrive à ressentir la main forte de Papa caresser le sommet de mon crâne de manière circulaire, comme pour m'assurer que tout finira par s'arranger. Chose qui s'est avérée fausse, évidemment...

Ce n'est pas nouveau, depuis notre plus jeune âge, chacun d'entre nous rêve d'être un super- héros. On espérerait être capable de sauver le monde, grâce à une force corporelle et mentale surhumaine, qui nous permettrait même de surmonter les aléas de la vie : la peur, le deuil... Alors imaginez-moi, en primaire, acclamé et admiré dans la cour de récréation par tous mes camarades, car, comme Superman, rien ne semblait m'atteindre... Jamais.

J'ai réussi à me persuader durant ma jeunesse que j'étais doté de super-pouvoirs. Ma naïveté était telle que j'étais convaincu d'être une sorte d'élu venant tout droit de Krypton. Parce qu'après tout ne jamais avoir mal, c'est génial non ? C'est durant mon adolescence, que la réalité a fini par me rattraper. Elle m'a pris au cou violemment, et m'a mis face à cette vérité que tout homme refuse d'accepter. Un garçon de dix-sept ans qui n'a toujours pas pleuré la mort de sa mère, n'a rien d'un super-héros. C'est un roc, un bloc de pierre...

Un garçon qui jamais ne pourra profiter de la vie comme les gens sont censés le faire à mon âge. Il faut croire que jamais je ne goûterai aux magnifiques moments que celle-ci peut nous offrir. Jamais je n'aurai la chance de rire aux éclats à en avoir mal au ventre, de goûter à cette peine qui vous noue l'estomac faisant perler de vos yeux une centaine de larmes. Je serai dans l'incapacité d'éprouver cette colère qui vous brûle la peau et vous resserre le cœur, tout comme ce fameux « coup de foudre », qui n'est pas destiné à croiser mon chemin.

Tout ce qui est censé faire de la vie la chose la plus belle qui soit ne sera à jamais qu'un spectacle dans lequel je demeurerai le simple spectateur.

Parfois j'ai cette impression d'être mort intérieurement, inerte comme si rien ne pouvait m'atteindre ou me faire tressaillir. Et je me contente d'exister, en faisant abstraction du dioxygène qui emplit chaque fois mes poumons, mais qui ne m'a toujours pas ranimé, rendu vivant. Peut-être étais-je une fleur flétrie avant même d'éclore finalement ?

J'ai compris en regardant les années passer, que je ne pourrai rien y changer. Une vague d'espérance s'est emparée de moi à mes quinze ans, me laissant penser qu'il y avait forcément un antidote, car après tout, ma vie ne pouvait pas se résumer à cela, à cette fatalité injustement attitrée, pas vrai ? Et puis elle s'est délaissée de moi, me laissant seul face à ces explications scientifiques qui me disaient que j'étais condamné à demeurer cette statue de marbre.

Il est aux environs de dix-neuf heures lorsque je me prépare pour aller au Classic Shoes, une petite boutique de mocassins, dans laquelle je travaille en tant que vendeur depuis plusieurs mois. L'ambiance y est chaleureuse, la luminosité assez chaude pour tamiser mes traits âpres et rudes. C'est le seul endroit où j'arrive à oublier durant un court instant, la froideur que je dégage.

Le son familier de la sonnette à l'entrée retentit et avertit de ma présence. Un des vendeurs me salue d'un signe de main, avant que je n'aperçoive Mr.Elthon, vêtu d'un costume gris qui élance sa carrure déjà imposante. Il semble rajeuni d'une décennie. Sa chevelure poivre et sel tirée en arrière fait ressortir la couleur azure de son regard, et je ne peux nier le fait que cela fasse de mon patron un homme extrêmement chic.

- Bonjour Ethan, comment vas tu aujourd'hui ?

Sa voix mielleuse, s'accompagne d'un sourire bienveillant. J'essaie d'en faire de même. J'entrouvre les lèvres et montre mes dents comme les acteurs le font dans les films, mais malgré mes efforts, je sais que ça ressemble plus à une grimace qu'à un sourire sincère.

- Bien et vous ?Demandé -je poliment.

Il me sourit de plus bel et me tapote l'épaule, de la même manière que le ferait un ami, si j'en avais un.

- Tu sais bien que j'ai toujours la pêche mon grand, il saute sur place pour renforcer ses paroles. Allez ! File te préparer, on a tout un rayon à réorganiser.

Je hoche la tête de haut en bas, et vais enfiler mon t-shirt à l'effigie du magasin. Ce haut rouge qui me fait passer du garçon indifférent et insociable, au simple vendeur qui se doit d'exécuter les tâches qu'on lui demande. J'oublie que je n'ai pas de cœur. Ce soir je suis payé pour rendre heureux la clientèle.

...

La nuit est complètement tombée lorsque je quitte la boutique. Le paysage terne se familiarise avec ma morosité jusqu'à ne faire qu'un. Seule la lumière vacillante des lampadaires m'aident à reconnaître distinctement le chemin que j'emprunte pour rentrer chez moi. Comme souvent à Seattle, il pleut. Et ce soir ne fait pas exception à la règle, le visage tourné vers le sol, je peux sentir les gouttes de pluie s'écraser une à une sur ma nuque. L'averse s'infiltre dans mes baskets, et vêtement humides qui désormais me collent à la peau. Toutes ces petites choses qui pourraient en déranger plus d'un, moi, me laissent indifférent. Sans capuche, ni parapluie, je continue de marcher le dos voûté et les mains dans les poches de ma veste en jean. Je place un pied devant l'autre de manière mécanique, pareil à un robot, et en profite pour lire les tags présents sur le trottoir : des smileys, des noms et des dates significatives. Bientôt la pluie les effacera comme s'ils n'avaient jamais existé, comme si jamais personne n'avait pris la peine de les inscrire à cet endroit précis. Je me demande si elle a aussi le pouvoir de faire disparaître les personnes comme si elles n'avaient jamais vu le jour. Si c'est le cas, ma disparition ne dérangerait personne. Ce n'est pas comme si ça me faisait quelque chose de toute façon.

Un freinage d'urgence se fait entendre à ma gauche. C'est en relevant la tête, que je réalise être en plein milieu d'une route. Concentré sur mes pauvres pensées, je n'ai pas fait attention au feu. En croisant le regard de la conductrice, je m'oblige à la remercier d'un signe de la main. Merci de ne pas m'avoir écrasé, non en fait si tu m'avais écrasé je ne t'en aurais pas voulu. La jeune femme me laisse passer et tente de reprendre ses esprits, tandis que la fille à sa droite me lance des regards assassins. Elle agite même ses deux bras en l'air, pour me faire comprendre que je suis complètement barge de ne pas regarder avant de traverser. Enfin... Peut-être que c'est un garçon, le manque de luminosité ne m'aide pas vraiment. Je continue mon parcours de manière détachée comme si cet incident n'avait pas failli jouer sur ma vie. Quant à la voiture bleue, elle disparait aussi vite qu'elle est arrivée.

Je contourne un parc, passe sous de nombreux arbres agités, et en reconnaissant l'allée de ma maison, de nombreux questionnements apparaissent dans mon esprit. Des questions habituelles qui surviennent chaque soir en rentrant du travail, mais pour lesquelles je ne suis jamais certain de la réponse. Sera-t-il sobre comparé à hier, ou aura-il encore une fois choisi de fuir la réalité ?

Je n'en sais rien, peut-être n'y a t-il aucun intérêt à le savoir. Après tout, c'est sa vie et ce sont ses choix. Peut-être que sa réaction est la bonne, peut être que n'importe qui de normalement constitué aurait préféré abandonner. Peut-être suis-je le seul qui continue sa routine comme si rien ne s'était jamais produit ? Ouais, c'est sans doute moi l'intrus dans cette histoire...

A peine arrivé au bout du couloir, j'aperçois mon père entouré de son ivresse. Je m'arrête et l'observe en silence. Voilà le spectacle qu'il m'offre depuis des années maintenant ; avachi dans son fauteuil en cuir, les jambes écartées et les mains pendantes dans le vide. La télévision est allumée inutilement et éclaire tout juste assez son visage ; ses yeux sont fermés et sa bouche entrouverte laisse passer de faibles ronflements. Je me demande ce qu'il ressent à présent, se sent-il bien et loin de tout, ou est-il en train de revivre en boucle sa mort ? Revit-il son enterrement comme il m'arrive de le faire la nuit ? Je ne sais pas.

Ce que je sais par contre, c'est que depuis que Maman nous a quitté, il est berné dans un déni qui l'empêche d'avancer. Il a sombré peu à peu dans cette marée si profondément, qu'il en a oublié la présence de son fils à la surface. Mais je ne peux pas lui en vouloir, que pourrais-je lui apporter de plus ? De l'amour dites-vous ? À quoi bon, je ne ressens rien.

Je m'empare de la télécommande et éteins la télévision. Certaines des bouteilles d'alcool qui l'entourent tombent sous mes pas maladroits, mais le vacarme que cela produit ne suffit pas à le réveiller. Je me demande même s'il se réveillera un jour. Je laisse son corps inerte dans le salon, plongé dans l'obscurité la plus totale et rejoins ma chambre.

Qualifier cette pièce de « chambre » sonne presque ironique quand j'y pense. C'est simple, elle me représente à la perfection. Nous sommes tous les deux vides et sans histoire. Les murs sont dépourvus de couleurs, et les posters et décorations que l'on pourrait retrouver dans des pièces similaires, n'apparaissent nulle part dans la mienne. Je n'ai qu'un lit beaucoup trop grand pour moi, qu'une armoire contenant trop d'espace pour le peu que j'ai à y mettre, et un simple bureau rempli de livres de sciences.

C'est mon espace, celui où j'ai grandi. Celui qui reflète mes goûts et mes envies. Celui qui reflète mes rêves et mes ambitions. A savoir ; rien. Cette pièce illustre parfaitement l'anormalité que je suis. Une personne sans vie, et sans espoir.

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