Les Syyrs - La prophétie de N...

By LivreaSavourer

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*Gagnant Prix de l'imaginaire 2019* Depuis l'arrivée des Errants, la vie avait changé sur Pira. En vingt ans... More

Prologue (partie 1)
Prologue (partie 2)
Chapitre 1- Académie (repris)
Chapitre 2-1 - Elio (repris)
Chapitre 3-1 - escapade nocturne (repris)
Chapitre 3-2- Conséquences (repris)
Chapitre 3-3- Errant (repris)
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6-1
Chapitre 6-2
Chapitre 7-1
Chapitre 7-2
Chapitre 7-3
✨ Vacances ! ✨
Chapitre 8-1
Chapitre 8-2
❤️ Belle nouvelle ❤️
Chapitre 9-1
Chapitre 9-2
Chapitre 10-1
Chapitre 10-2
Chapitre 11-1
Chapitre 11-2
Chapitre 12
Chapitre 13-1
Chapitre 13-2
Chapitre 14-1
Chapitre 14-2
Chapitre 15-1
Chapitre 15-2
Chapitre 16-1
⭐Résultats du concours littéraire⭐
Chapitre 16-2
Chapitre 17
Chapitre 18-1
Chapitre 18-2
Chapitre 19-1
Chapitre 19-2
Chapitre 20-1
✏️ Fan art ✏️
Chapitre 20-2
Chapitre 20-3
Chapitre 21-1
Soutenir "La trilogie des Syyrs"
Chapitre 21-2
Chapitre 21-3
Chapitre 22-1
Chapitre 22-2
Chapitre 22-3
Chapitre 22-4
Chapitre 23-1
Chapitre 23-2
Chapitre 23-3
Chapitre 24-1
Chapitre 24-2
Chapitre 24-3
Chapitre 24-4
Chapitre 24-5
Chapitre 25-1
Chapitre 25 - 2
Chapitre 25-3
✨Help !✨
Chapitre 26-1
Chapitre 26-2
Chapitre 26-3
Chapitre 27-1
Concours de l'imaginaire 2018
Chapitre 27-2
Chapitre 27-3
Chapitre 28-1
Chapitre 28-2
Chapitre 29
Chapitre 30-1
Chapitre 30-2
Chapitre 30-3
⭐ Presque !⭐
Chapitre 30-4
❄️ Vacances ❄️
Chapitre 31-1
Chapitre 31-2
Chapitre 31-3
Chapitre 32-1
Chapitre 32-2
Chapitre 32-3
Chapitre 33
Chapitre 33-2
Chapitre 33-3
Patience...
✨suite✨
🌟Ça avance !🌟
✨Publiée ! ✨
Lexique des personnages (1) - Le Royaume
Lexique des personnages (2) - L'Empire
Annexe 1 - Cartes
Annexe 2 - prophéties
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Chapitre 2-2 - apprentissage (repris)

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By LivreaSavourer


Lianne et Arutha arrivèrent juste à temps dans la salle et maître Edin referma la porte derrière eux. Ils allèrent s'asseoir rapidement parmi la vingtaine d'élèves à côté d'Ubio, un jeune homme frêle au visage empreint de gentillesse, et d'Espérion, un grand gaillard aux cheveux bouclés et aux manières brusques. Les deux garçons étaient aussi différents qu'inséparables et tous les quatre étaient rapidement devenus bons amis.

- Merci, chuchota-t-elle, s'attirant un regard réprobateur de leur professeur.

La jeune femme saisit un coussin aussi crème que son uniforme et s'installa confortablement sur le sol agréablement frais où Arutha s'empressa de la rejoindre en s'asseyant devant elle. Cela faisait plusieurs semaines maintenant qu'ils avaient tous intégré l'académie d'Eruvia, partageant avec les autres apprentis la vie bien réglée des Syyrs de la garnison.

Chaque matin ils se levaient de bonne heure, faisaient leurs lits côte à côte dans le grand dortoir commun, enfilaient leurs nouveaux uniformes d'apprentis et rejoignaient la salle commune pour le petit déjeuner. La journée était ensuite découpée entre cours théoriques et pratiques dont les sujets les étonnaient un peu plus chaque jour.

Ils avaient d'abord parlé du Don, de ce qu'étaient ces particules vivant à l'intérieur d'eux, habitant leur organisme et le renforçant en échange, mais ils avaient également discuté de politique Universelle ou encore de l'origine de la Longue Guerre. Le point culminant avait été la rencontre avec le prince Elio, qui les avait félicités de leur choix et leur avait brièvement rappelé ce que leur engagement impliquait. Ils avaient prêté allégeance au roi Sai et au Royaume une première fois et renouvelleraient leur serment à la fin de leur formation. Ils deviendraient alors des Syyrs royaux et arboreraient l'uniforme blanc qui conviendrait à leur nouvelle condition. Tout cela était nouveau pour les jeunes piriens qui il y a un mois encore ne connaissaient rien d'autre que leur planète.

- Hé, vous avez entendu parler du chasseur impérial qui s'est écrasé ? chuchota Espérion.

Courbé pour paraître discret mais trop grand pour y arriver, l'apprenti s'était penché vers ses camarades. Le grand gaillard prit un air contrit tant que le Syyr qui enseignait regarda vers eux, puis il se tourna de nouveau vers sa voisine dès que la voie fut libre.

- Qui n'en a pas entendu parler ? maugréa Lianne.

La nouvelle était partout depuis deux mois. Un chasseur impérial s'était écrasé dans la zone infestée en bordure d'Eruvia et le pilote n'avait pas été trouvé. L'homme était armé et dangereux. Cela avait fait grand bruit car l'Empire n'avait plus envoyé de raid sur Pira depuis plusieurs mois, et tout le monde commençait à penser que l'empereur s'était désintéressé de leur planète. Un couvre-feu avait même été décrété quelques temps, avant que les autorités ne décident, devant l'absence de manifestation du soldat impérial, que cela ne valait pas le dérangement. Les gardes royaux avaient protesté bien sûr, en vain. La nuit dernière, ils avaient cru retrouver sa trace mais cela n'avait mené à rien.

Lianne regarda par la fenêtre un morceau de ciel bleu parsemé de nuages couleur crème. Empire et Royaume paraissaient si lointains, inatteignables. Elle reporta son attention sur la classe. Devant, Arutha se tenait le dos bien droit tandis qu'il écoutait maître Edin. Lianne ne pouvait s'empêcher de jalouser un peu les cheveux dorés du garçon. Ils n'avaient rien de commun avec le banal châtain des siens. Comme s'il sentait son regard, Arutha tourna la tête pour la regarder d'un œil interrogateur.

- Qui peut me rappeler ce que nous avons vu hier ? interrogea maître Edin. Ester ?

Une jeune femme aux boucles brunes et à l'allure décidée prit la parole.

- Le garde Param a fait sédition et s'est proclamé empereur sur la région de l'Univers allant de Faal à Segari. Il a pris le nom d'Empereur Param et imposé le parse, la langue de sa planète d'origine, comme langage officiel du nouvel empire.

Maitre Edin hocha la tête.

- Très bien. Et après ? Espérion.

Le garçon à la haute stature baissa son bras musclé. Ses cheveux noirs et épais étaient attachés en un catogan serré, retenant les boucles sauvages qui encadraient son visage basané. Il répondit avec assurance.

- Le Royaume prit les armes contre Param et envoya l'élite des Syyrs l'éliminer, mais l'attaque échoua car l'Empereur projeta son Don. C'était la première fois et les gardes n'y étaient pas préparés. Il fallut ensuite lever l'armée entière contre l'Empire, ce fut le début de la Longue Guerre.

Lianne connaissait le cours aussi bien que tous ses camarades. A quoi servait-il de les interroger quand aucun d'eux ne se trompait plus depuis longtemps ? Elle laissa vagabonder son esprit, la tête confortablement posée sur ses deux mains. Son regard se perdit par les larges portes-fenêtres à sa droite, contemplant sans les voir les magnifiques jardins qu'elles révélaient.

- Il y a combien de temps ? Athyn

- Presque sept cent ans.

Athyn était le plus jeune des potentiels. Quinze ans. Depuis qu'il avait pris conscience du Don qui l'habitait, celui-ci se développait en lui comme dans chacun des élèves. Ils se sentaient un peu plus forts chaque jour, retenaient sans difficulté ce qu'on leur enseignait. Ils mangeaient moins, se contentant souvent de deux repas par jour et se réveillaient toujours reposés malgré la fatigue des exercices auxquels ils étaient soumis. A croire que le Don comprenait ce dont ils avaient besoin. C'était d'ailleurs sans doute le cas.

Quelque chose attira le regard de Lianne. Un petit éclat doré scintilla sous un des grands arbres qui se dressaient près de la fenêtre. La jeune femme scruta le parterre végétal à leur pied sans rien remarquer. Elle pensait avoir rêvé lorsqu'un mouvement fit trembler le buisson d'à côté. L'apprentie fixa la tâche dorée qu'elle pouvait entrevoir entre les feuilles vertes. Son esprit passa en revue le type d'animal qui pourrait se trouver là. Chien ? Féron ?

- Très bien. Vous avez compris comment est né l'Empire. Avez-vous retenu comment il s'est développé depuis ? Lianne.

La jeune femme sursauta. Ramenant en vitesse son regard sur le Syyr qui se tenait à quelques pas elle répondit automatiquement à la question.

- L'Empereur colonise une planète pour ses ressources, l'exploite au maximum.

- Et les habitants ?

- Ils sont soumis ou exterminés et fournissent esclaves et soldats à l'Empire.

Edin hocha la tête, apparemment satisfait et se tourna vers la classe sans remarquer la mine sceptique de son élève. Arutha se recula légèrement pour se mettre au même niveau que Lianne.

- Un problème ? lui demanda-t-il discrètement

Elle se tourna légèrement vers son camarade, hésitant à risquer une réprimande si elle était prise à discuter en cours. Elle chuchota.

- Ça ne te paraît pas caricatural ? Les méchants d'un côté, les gentils de l'autre ?

Arutha haussa légèrement les épaules pour signifier qu'il n'en savait pas plus qu'elle. Lianne soupira et porta de nouveau son regard vers la fenêtre, mais l'éclat doré avait disparu. Autour d'eux, la leçon continuait.

- Que pouvez-vous me dire d'autre ? Ubio.

A côté d'Espérion, le garçon semblait encore plus mince qu'il ne l'était réellement. Ses fins cheveux d'un blond très clair étaient coupés courts, dégageant son visage au teint pâle. Au-dessus de ses fines lèvres à peine dessinées ressortaient ses larges pupilles noires, telles deux fenêtres sur un monde insolite. Il avait fallu du temps à Lianne pour voir derrière cet air absent le jeune homme sensible et sympathique qui s'y cachait.

Elle se souvint de la première rencontre d'Arutha avec le timide apprenti, les deux garçons s'étaient mutuellement observés sans décrocher un mot. Cette pensée la fit rire sous cape, déclenchant le regard interrogateur de son voisin et ami. Ses cheveux dorés s'agitèrent tandis qu'il secouait lentement la tête en lâchant un léger soupir, échouant à comprendre d'où venait son hilarité. Le sourire de Lianne se fit plus grand à la vue de la mine dépitée d'Arutha. Elle ne désespérait pas de le sociabiliser un jour.

- On sait que les fils de l'empereur peuvent aussi projeter leur Don, ce qui fait d'eux des Syyrs puissants qui forment les piliers de l'Empire.

- Exact. Ils ont hérité cela de leur père en même temps que de ses yeux trop bleu. Ils sont puissants, certes, mais malgré tout, ils peuvent mourir. Ayra fut longtemps un des favoris de l'empereur. C'était un soldat réputé invaincu. Sa projection - quatre ailes d'oiseaux, chacune de la taille d'un homme - était synonyme de mort pour ceux qui l'apercevait. Son nom était révéré dans l'Empire et craint dans tout le Royaume.

Edin s'arrêta, contemplant sa classe. Il appréciait d'enseigner aux jeunes élèves, leur soif de savoir était un perpétuel moteur. Une main timide se leva et une jeune femme du nom de Lullana posa la question évidente.

- Que s'est-il passé ?

- L'Empereur l'a envoyé sur le Front infesté, où des nuées d'Errants tentent aujourd'hui encore de franchir leurs lignes. Six mois plus tard, il était mort et l'Empire perdait trois planètes sur la frontière.

Il pouvait voir sur chacun des jeunes visages les questions s'agiter. Etait-ce vrai ? Suffisait-il de quelques Errants pour tuer un fils impérial ?

- Et ce n'était pas le premier des princes impériaux à périr. En près de sept cent ans de règne, l'empereur a eu pas moins de cent cinquante fils. Douze seulement ont atteint l'âge adulte et survécu à l'éclosion. Parmi ces douze, huit sont encore en vie. Ce sont ces huit soldats d'élite qui constituent les piliers de l'Empire de Param.


Huit sur cent cinquante. Lianne et Espérion échangèrent un regard. La vie des fils impériaux ne devait pas être facile. Sans compter que faire éclore son Don était quelque chose de dangereux. Mais quel spectacle cela devait être, lorsque pour la première fois son Don se déployait autour de soi, plié à sa volonté.

- Parmi ceux encore en vie, c'est le plus âgé, Einar, qui occupe à présent la place officielle de successeur de l'Empereur.

Le maître se retourna vers la classe, suspendant un instant ses explications. Les étudiants avaient beau n'avoir aucun mal à retenir les cours du Syyr, il leur était encore fatigant de trouver les réponses dans la masse d'information qu'ils emmagasinaient chaque jour.

- Bien. Je sais que tout cela doit vous sembler bien loin de l'apprentissage que vous attendiez, mais en tant que Syyrs vous défendrez un jour le Royaume, et il est important que vous sachiez ce que vous aurez à affronter.

Edin contemplait ses élèves. Il constatait avec satisfaction que leurs capacités de réflexion s'amélioraient à mesure que le Don se développait en eux. Ils progressaient rapidement et cela rassurait son prince car ils auraient bientôt beaucoup à faire. L'Enfant leur échappait toujours et l'Empire était sur leurs traces. Leur avance se réduisait.

Le maître Syyr s'empressa de conclure son cours avant qu'une autre question ne fasse irruption. Il engloba du regard les élèves de sa classe avant de terminer.

- La prochaine fois, nous aborderons la répartition des ressources dans l'Univers connu et les zones de conflit s'y rapportant.

Un concert de soupirs et d'exclamations déçues accueillit sa déclaration. Rechignant à l'idée peu enthousiasmante, les jeunes apprentis Syyrs se levèrent et saluèrent leur professeur avant sortir. Maître Edin fut le dernier à partir, laissant aux deux élèves désignés le soin de ranger la salle de cours.

C'était au tour de Lianne et d'Arutha de s'en occuper. Ils commencèrent par empiler les coussins crème puis passèrent le balai par terre. Ils travaillaient sans parler, Arutha sifflotant doucement un air devenu familier à Lianne. Le garçon blond s'arrêta soudain, demandant sur le ton de la conversation :

- Alors, tu ne crois pas ce que dit maître Edin ?

Surprise, la jeune femme protesta.

- Non, ce n'est pas ça...

Elle tenta de s'expliquer, cherchant ses mots.

- Tout ce que l'on sait du Royaume ou de l'Empire, ce sont nos professeurs qui nous l'on raconté. On ne sait rien de ce qui se passe réellement là-haut, et comment savoir d'ailleurs ? Si l'on quitte un jour cette planète ce sera certainement pour combattre l'Empire, et j'aimerais savoir à quoi m'en tenir avant.

Arutha haussa un sourcil, accueillant la tirade avec son flegme habituel.

- Rien n'est jamais tout noir ou tout blanc.

Avec un clin d'œil complice, il agita son balai en direction de son amie, tentant de maculer le bel uniforme crème qu'ils portaient tous. Lianne rit de bon cœur en saisissant l'arme improvisée. Le cœur plus léger, elle entreprit à son tour de balayer la salle.

- Bah, nous n'aurons sans doute jamais à nous poser la question, espéra-t-elle tout haut.

Le jeune homme se pencha sur le dernier coussin à ranger, l'air égaré dans ses pensées. Il murmura comme pour lui-même.

- Oui, sans doute.

Après avoir rapidement vérifié que plus rien ne traînait, ils se dépêchèrent de rejoindre le cours suivant, traversant les corridors déserts vers l'espace vert que maître Gaal leur avait présenté le jour de leur première visite à l'académie. Au détour d'un couloir, ils aperçurent Astre, le chef de la garde, en pleine discussion avec la chef médecin de l'académie, Ozalee. Tous deux arboraient un air grave.

- ...Plaies nettes sur les deux Errants ...Tués par sabre... entendirent-ils faiblement.

Les apprentis ralentirent et se firent discrets, sentant qu'ils ne devaient sans doute pas entendre ce genre de conversation.

- Embouchure de la rivière jaune... Perdu sa trace.

Happée par la curiosité, la jeune femme s'arrêta. Elle connaissait cet endroit. Arutha la tira doucement par le bras mais elle résista, écoutant encore les maîtres absorbés par leur discussion.

- Reste à savoir ce qu'il faisait là-bas. Si cet espion...

Apercevant les deux apprentis, Astre s'interrompit, l'œil sombre. Avant qu'il ait eu le temps de les réprimander, le garçon blond poussa son amie en avant.

- Bonjour maître Astre, maître Ozalee. On a fini de nettoyer la salle, mais on est en retard pour le cours de maître Gaal, excusez-nous, au revoir ! lança-t-il à toute vitesse en passant devant eux.

Ils eurent à peine le temps d'entrevoir l'air agacé du chef de la garde avant de tourner au coin du mur, s'en allant en vitesse vers le cours qui les attendait.

- Lianne, Arutha, on se dépêche ! leur cria le maître Syyr en les voyant arriver.

Les séances de pratique du Don avec maître Gaal étaient toujours musclées. L'homme partait du principe que le Don s'exprimait toujours mieux dans un corps épuisé et s'évertuait à trouver à chaque fois de nouveaux moyens de fatiguer ses élèves.

Les deux jeunes gens rejoignirent en courant leurs équipes respectives, se dépêchant de s'aligner avec les autres élèves sur les marques tracées au sol. Lorsque le signal du départ fut donné, chaque groupe s'élança vers la ligne suivante, tâchant d'y arriver le plus vite possible. Les premiers à avoir atteint les marques visées étaient regroupés ensemble, puis les deuxièmes et ainsi de suite, formant de nouveaux groupes plus équilibrés. L'exercice recommença jusqu'à ce que tous les élèves soient regroupés selon leur niveau. Si Lianne s'en sortait assez honorablement avec Ubio, Espérion et Arutha étaient au coude à coude pour la première place et il fallut décider d'une manche supplémentaire pour les départager. Lorsque le jeune homme blond aux yeux bleus franchit en premier la ligne d'arrivée, son rival poussa un cri rageur. Maître Gaal rejoignit les finalistes.

- C'est très bien Arutha, mais tu te reposes toujours trop sur ton physique. Si tu ne te sers pas plus du Don, Espérion ne tardera pas à te rattraper.

Puis il s'adressa au garçon brun qui se tenait à côté.

- Belle progression, Espérion. Tu as très bien compris comment le Don pouvait améliorer la tonicité de tes muscles, continue comme ça.

Alors que leur maître s'éloignait, le jeune colosse s'adressa à celui qui l'avait encore battu, un petit sourire aux lèvres.

- Faut t'y faire mon vieux, tu es mauvais.

Sans se laisser démonter par les remontrances du maître Syyr, Arutha répondit du tac au tac :

- En attendant, le mauvais te bat toujours. Ca fait de toi un très mauvais ça, non ?

Une tonne de muscles s'abattit instantanément sur l'insolent, qui s'écarta heureusement juste à temps. Si le jeune garçon pouvait encore rivaliser à la course avec le colosse au regard sombre, cela faisait longtemps que personne n'osait plus se mesurer à sa force physique. Espérion dû renoncer à attraper Arutha lorsque maître Gaal annonça la suite de la leçon.

- Même exercice que la dernière fois jeunes gens. Ramassez une pierre et asseyez-vous confortablement.

Après avoir effacé les marques qui avaient servi pour le travail précédent, les élèves s'exécutèrent un à un, choisissant un caillou allant de la taille d'une noix à celle d'un poing et le disposant devant eux.

- Souvenez-vous, un doigt sur la pierre, vous devez résonner avec le Don qui l'habite et alors seulement vous pourrez la soulever.

Tous se concentrèrent, les uns en fermant les yeux, les autres en les fixant sur leur morceau de roche dans un silence religieux. Chacun d'entre eux appréciait les cours de maître Gaal, où ils apprenaient à sentir le Don, à le manipuler pour finalement le plier à leur volonté. C'était une expérience extraordinaire pour ces jeunes gens jusque-là comme les autres, de réaliser un peu plus à chaque leçon ce dont ils étaient capables.

A quelques mètres d'eux, le vent agitait gentiment les feuilles des arbres, la brise venant ensuite coucher les brins d'herbes déjà malmenés par la vingtaine d'élèves présents. La plupart arrivait maintenant à élever rapidement leur pierre au-dessus du sol, plissant le front sous l'effet de la concentration mais certains éprouvaient encore quelques difficultés. Arutha, le front perlé de sueur, élevait à grand peine un caillou plus petit que son pouce, tandis qu'à côté de lui, Ubio soulevait sans grand effort une masse d'un bon kilo. Derrière ses paupières closes, Lianne concentrait toute son attention sur le morceau d'un gris verdâtre qu'elle avait choisi, cherchant la pulsation d'énergie qu'elle avait pu sentir la fois dernière, faible et vacillante comparée à celle qui l'habitait maintenant et qu'elle observait grandir un peu plus chaque jour. Plus rapide aussi, si bien qu'il lui fallait à présent ralentir le rythme battant contre son index jusqu'au sien. L'exercice était difficile et la différence énorme.

Lorsqu'elle réussit enfin à entrer en résonance avec le Don de la pierre, elle la décolla sans attendre du sol, levant avec précaution son bras pour l'amener à l'horizontale. A peine eut-elle entamé le mouvement qu'elle sentit soudainement le rythme intérieur de la pierre augmenter et son contrôle faiblir. D'un coup, le Don en elle s'emballa, communiquant au caillou son trop plein d'énergie. Sous le choc, un son aigu se fit entendre lorsque la petite structure décolla brusquement et fila droit devant elle. Elle manqua de peu Ubio qui lâcha sa lourde pierre sous l'effet de la surprise, celle-ci s'écrasant sur le sol humide dans un bruit étouffé.

- Lianne, concentre-toi un peu plus s'il te plaît, dit Maître Gaal. Une fois que tu as établi le lien entre un objet et toi, tu ne dois pas le relâcher inconsciemment, tu dois t'y prendre doucement, par étape.

La jeune femme baissa la tête, confuse.

- Désolée, marmonna-telle.

Le Maître Syyr lui tendit un deuxième caillou, encore plus petit que le précédent.

- Recommence.

Rouge de honte, la jeune femme le saisit à deux doigts et le posa devant elle. Reprenant l'exercice à zéro, elle tenta à nouveau de synchroniser sa pulsation à celle de la roche, mais elle lui échappait constamment, refusant de se fixer au rythme faiblard du gravillon. Frustrant, chaque échec rendait la tentative suivante plus difficile et Lianne sentait son rythme intérieur se dérégler sous l'effet de l'irritation. Pourtant, elle se refusa à abandonner et ce ne fut que lorsque maître Gaal prit la parole que l'élève releva la tête, se massant les tempes douloureuses.

- C'est fini pour aujourd'hui. Vous disposez du reste de l'après-midi pour revoir ce que vous avez appris ces derniers jours. Si vous en sentez le besoin, n'hésitez pas à vous entraîner. Les techniques d'aujourd'hui seront nécessaires pour maîtriser le sujet de la prochaine leçon.

Le regard appuyé en direction de Lianne, assise devant son ridicule bout de roche disparaissant au milieu des brins d'herbe, fit clairement comprendre à qui s'adressait la dernière remarque.

Ankylosés d'être restés assis sans bouger, les élèves se levèrent un à un et se dirigèrent vers les bâtiments blancs de l'académie. La pratique aidant, ils avaient maintenant le réflexe de s'imposer quelques étirements avant d'aller manger. Les courbatures des séances précédentes étaient encore fraîches dans les mémoires. Toujours assise, Lianne contempla en soupirant la pierre grisâtre et tendit avec réticence une nouvelle fois la main vers celle-ci.

Un raclement de gorge l'interrompit

La jeune femme se retourna, surprise, pour apercevoir Arutha qui se tenait debout derrière elle, tenant à grand peine un morceau de roche dans ses bras. Elle sourit à son ami, ravie qu'il soit resté lui aussi, puis haussa un sourcil devant la lourde pierre. Sans plus de cérémonie le garçon aux cheveux dorés déposa celle-ci devant la jeune femme, faisant disparaître sous la masse moussue le déplaisant gravillon gris. Lianne était maintenant agacée, Arutha cherchait-il à se moquer d'elle? Avant qu'elle n'ait eu le temps de protester, il lui prit le poignet et plaqua sa main sur la roche imposante.

- Sens.

L'apprentie renonça à comprendre, et obéit à son ami. Fermant les yeux, elle se concentra sur ce qu'elle percevait sous sa paume. Sa tête s'inclina légèrement sur le côté, comme si elle cherchait inconsciemment à entendre la pierre, son battement vif et chaotique. Elle tressaillit lorsqu'atteignant le Don, elle rencontra une pulsation lente et régulière, ronronnant sous sa main comme un féron sous une caresse. Elle rouvrit les yeux, encore sous le coup de l'étonnement.

- Plus la pierre est grosse et plus son rythme est lent, s'étonna-t-elle.

Accroupi à côté d'elle, Arutha hocha la tête.

- J'ai une théorie.

Il hésita comme s'il avait peur que la jeune femme se moque de lui, mais Lianne n'en avait pas envie.

- On nous dit que plus l'objet que l'on veut soulever est gros et plus il faut de Don pour y arriver. C'est sans doute vrai, mais je ne pense pas que ça joue vraiment sur des roches aussi petites que celles qu'on utilise.

La jeune femme se taisait toujours, écoutant avec surprise son ami continuer ses explications, pesant ses mots, ses yeux azur rivés sur le sol.

- Ils nous font travailler sur des petites pierres parce qu'un Syyr débutant n'est censé posséder qu'une quantité de Don limitée.

Lianne acquiesça lentement, se demandant où son ami voulait en venir avec cette remarque toute évidente.

- Ce qui est dur, c'est de synchroniser le rythme de la pierre sur celui de son Don. Tu l'as bien vu, il est très difficile de baisser le rythme des petites pierres au niveau de notre rythme intérieur. Quand le Don de l'apprenti n'est pas trop développé ça ne pose pas de problème, mais quand l'élève possède trop de Don encore à l'état brut, ça devient un exercice impossible.

Toujours silencieuse, la jeune élève fixait Arutha de son regard vert plein d'attention, écoutant le plus long discours qu'elle l'ait jamais entendu prononcer. Elle voyait se dessiner le raisonnement du garçon, pourtant si simple.

- En fait, il faut trouver le juste équilibre entre la taille de la pierre et la pulsation que l'on arrive à conserver. Commencer par des pierres au rythme proche du sien et s'entraîner ensuite avec des pierres plus éloignées... Bien sûr, il y a sans doute des limites je pense. On ne doit pas pouvoir soulever plus d'une certaine masse en fonction de la quantité de Don qu'on possède, un truc du genre.

Lianne baissa les yeux sur la grosse pierre à quelques centimètres de ses jambes croisées. C'était là, évident. Il suffisait d'y penser : la taille et le poids n'importaient pas autant que la quantité de Don contenu dans l'objet que l'on voulait soulever. Elle caressa de nouveau la roche, testant doucement son rythme apaisant. S'asseyant à son tour dans l'herbe, Arutha l'encouragea d'un mouvement de la tête.

- Essaie

Bien qu'impressionnée par la taille de la roche, elle ferma les yeux et tenta de l'oublier, se concentrant uniquement sur le ronronnement qu'elle pouvait sentir devant elle. Effleurant la surface recouverte de mousse, Lianne inclina inconsciemment sa tête vers la pierre, faisant tomber devant son visage quelques mèches sauvages échappées de la queue de cheval qui maintenait ses cheveux châtains dans son dos durant les exercices. La pierre se souleva si facilement que la jeune femme faillit l'envoyer dans les arbres. Elle la ramena précautionneusement à une distance plus respectable du sol avant de la reposer comme une fleur, juste après qu'Arutha ait récupéré dessous le ridicule caillou gris qui fit grimacer la débutante.

Après ce brillant succès, Lianne s'essaya sur plusieurs pierres, petites et grosses, déterminant avec son ami ses limites actuelles. Elle pouvait ainsi soulever des roches de la taille d'un poing à celle d'une chaise, mais elle ne pouvait lever cette dernière que de quelques centimètres, et quelques secondes seulement. Epuisée, la jeune femme se laissa tomber auprès du garçon blond s'efforçant de faire flotter son petit bout de caillou, le front plissé sous l'effort. Elle secoua la tête.

- Comment est-ce que tu peux comprendre aussi bien le Don et ne pas réussir à l'utiliser mieux que ça ?

Le regard braqué vers le sol, le jeune homme haussa les épaules. Elle regretta tout de suite sa question, réalisant qu'Arutha avait choisi un morceau de roche à la mesure de la concentration de Don qui l'habitait. Elle savait depuis le début que son ami n'avait pas autant de potentiel que certains ici, mais voir la différence lui sauter ainsi aux yeux la peinait vraiment pour lui.

- Bon, on rentre ?

Le ton se voulait détaché, mais la jeune femme imaginait sans mal la gêne qu'il devait ressentir, sachant que le fossé entre lui et les autres élèves ne feraient que s'agrandir au cours du temps. Arutha s'était déjà levé, envoyant d'un geste le petit caillou qu'il tenait se perdre dans les herbes.

- Ok, dit-elle d'une voix qu'elle aurait voulue plus enjouée. Si on se dépêche on aura peut-être encore de l'eau chaude.

De toute façon, il était trop tard pour manger. Ils se dirigèrent tous deux vers les bâtiments d'un blanc scintillant sous la lune qui éclairait de sa lumière pâle leur chemin, laissant tout loisir à leurs pensées de vagabonder. Pourquoi le Don imprégnait-il plus certaines personnes que d'autres ?

Alors qu'ils s'éloignaient de l'aire d'entraînement, Lianne aperçut du coin de l'œil un mouvement. Stupéfaite, elle saisit Arutha par la manche.

- Tu as vu ?

Comme le jeune homme étonné répondait par la négative, elle s'arrêta pour observer à nouveau la lisière de la forêt. Déçue de ne rien discerner, elle souffla comme pour elle-même.

- J'aurais juré voir un féron.

Elle souffla brièvement, déçue de ne pas avoir mieux vu le gracieux animal.

- Il faut croire que les Errants ne les ont pas tous fait fuir.

Arutha resta un moment à scruter l'horizon, fronçant les sourcils et s'efforçant d'apercevoir ce que la jeune femme avait pu observer puis, baissant les bras, il se remit en chemin.

- Viens, on ferait mieux de rentrer.

________________________________________

J'ai découpé le chapitre en 2 parties, de peur que cela soit trop long pour le format de Wattpad.

Ce chapitre a beaucoup évolué après les premiers commentaires. J'ai beaucoup travaillé pour tenter de raccourcir les explications "magistrales". Avez-vous quand même compris ce qu'était la projection du Don?

Un évènement important dans tout ça. Lequel? ;)

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