Un bourdonnement m'assourdit les tympans, me faisant froncer les sourcils doucement. Qui suis-je ? Lentement, j'entends un « bip » incessant résonner autour de moi, emplissant ma tête et m'agaçant lourdement. Où suis-je ? Tout doucement, j'ouvre les yeux, laissant la lumière m'aveugler un instant avant de discerner progressivement le plafond blanc de ma chambre face à moi. Que s'est-il passé ? Une tête blonde se penche soudain sur moi, révélant de doux traits féminins et un gentil sourire avant que je ne vois ses lèvres remuer doucement, sans que le son ne parvienne clairement à mes oreilles. Qui est-elle ?
– Bonjour Baekhyun, est-ce que tu m'entends ?
Ses mots heurtent mes tympans, me faisant grimacer doucement. Qu'est-ce qu'elle raconte ? Sa voix résonne à mes oreilles, m'emplissant la tête et me faisant froncer les sourcils. Puis soudain, je comprends. Et je revois toute ma vie défiler devant mes yeux.
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Je m'appelle Byun Baekhyun. Je crois bien que j'ai seize ans. Ou peut-être dix-sept, je ne sais plus trop... Cela fait bien longtemps que je n'ai plus fêté mon anniversaire. Ma famille ne se compose que d'un seul membre ; mon frère aîné, Baekbom. Il y a aussi Taeyeon, sa petite-amie, qui est comme une grande sœur pour moi. Mais elle n'est pas ce qu'on appelle « famille », n'est-ce pas ? Non, je pense qu'elle est plus que ça... Une vraie, de grande-sœur...
Mes parents sont morts dans un accident que j'essaye d'oublier et dont je ne veux pas parler. Mais c'est toujours plus facile de ne pas parler de quelque chose que de ne pas y penser. Mon meilleur ami est également décédé et depuis ce jour, je n'ai plus jamais eu d'amis. Ou du moins, c'est ce que je pensais encore il y a peu. Il y a Taeyeon. Mais je ne veux plus que les autres souffrent à cause de moi. Je ne veux plus que ceux que j'aime meurent par ma faute. Et ces trois décès ont suffi pour créer une... comme une « barrière » entre moi et le reste du monde. Comme un mur. Sûrement car je suis la cause de tous ces accidents.
Je ne sais plus compter. Je n'ai aucune notion du temps non plus, c'est donc pour cela que je ne me rappelle que difficilement de mon âge, et ça fait bien longtemps je ne lis plus vraiment. Je n'ai de toutes façons généralement pas le temps pour cela. Je sais encore écrire, mais cela m'arrive rarement de le faire. Seulement pour faire des listes de course. Je ne me rappelle d'ailleurs pas beaucoup de mon temps passé à l'école, et je pense l'avoir quitté bien trop tôt pour mon âge. Mais comment puis-je en être sûr ? Personne ne me l'a jamais confirmé. Il n'y a eu que mon frère pour le nier.
Je ne sais pas où je vis. Je connais le chemin pour rentrer chez moi, même si je n'ai pas un bon sens de l'orientation. Je me débrouille. Et j'arrive finalement toujours à retrouver ma route. Peut-être parce que je ne m'éloigne jamais vraiment de la maison non plus... De toutes façons, je ne sais même plus dans quel pays j'habite. Ni dans quelle ville. Ou peut-être que je le sais au fond de moi, mais que je ne veux pas l'admettre. Enfin, peu importe. Cela ne change rien à ma situation. Rien ne change le passé. Et rien ne changera plus jamais le malheur qui s'acharne encore une fois sur moi. Comme d'habitude. Me condamnant à vivre seul, sans même une once de joie. Et plus aucune once d'espoir.
L'espoir, qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que c'est... Rien. Seulement une belle illusion. C'est comme la liberté et le bonheur, cela n'existe pas. C'est simplement un appât que le malheur a créé. Et j'en ai maintenant la preuve.
Il y a... il y a un peu moins d'un an, j'ai rencontré un garçon. Enfin, un homme plutôt. Un musicien, pour être exact. Un musicien... Il s'appelait Chanyeol... Et... Et il a été pour moi la définition-même de la liberté et du bonheur... « L'espoir ». Oui, cet « espoir »-là. J'ai... J'ai même cru qu'il était plus... Plus que de l'espoir... Mais... mais...
Une larme s'écrase sur le papier, me faisant sursauter tellement j'étais concentré, avant que je n'écarquille les yeux. Une...larme ?
– Bonjour Baekhyun !
Surpris, j'essuie précipitamment la trace qu'a laissé la larme sur ma joue, avant de refermer mon cahier à toute vitesse et de me retourner. Puis mon regard tombe sur le sourire éclatant de l'infirmier qui s'occupe souvent de moi, me faisant aussitôt tirer la grimace discrètement.
– Tu vas bien aujourd'hui ? On ne s'est pas vus ce matin, c'est ma collègue qui est venue, me sourit-il en poussant le chariot qui comporte mon plateau-repas, ça l'a fait avec elle ?
L'infirmier pose mon plateau-repas sur la petite table à cette attention avant de braquer son regard sur moi, me faisant hocher la tête doucement.
– Comment te sens-tu ? demande-t-il soudain doucement en venant s'asseoir sur une chaise près de moi, ce qui me fait aussitôt détourner les yeux précipitamment.
– Bien.
Ma voix résonne dans la pièce, me faisant tressaillir tellement elle m'est déplaisante tandis que je sens le regard de l'infirmier scruter mon visage désagréablement.
– Bien ? C'est mieux alors, sourit-il doucement en se levant, Tu as rendez-vous avec le docteur cet après-midi il me semble, non ?
Je hoche la tête à nouveau en posant mon regard sur mon cahier, avant de m'apercevoir que mes doigts sont crispés dessus.
– Dans deux heures, lance l'infirmier en consultant la feuille médicale qu'il tient à présent entre les doigts, oh, ça te laisse un peu de temps alors.
Son sourire accroche ma rétine, me faisant reculer discrètement la tête. Réflexe.
– Bon, je te laisse manger tranquillement et je repasse te voir tout à l'heure, d'accord ?
Je ne réponds pas, me contentant seulement de hocher la tête lorsque son regard se pose sur moi, avant d'esquisser un faible et rapide sourire pour qu'il me laisse en paix.
– À tout à l'heure alors, bon appétit ! s'exclame l'infirmier en s'éloignant, avant de se retourner brièvement pour me sourire et me faire signe.
Détournant vivement les yeux, j'attends que le claquement de la porte me confirme qu'elle s'est refermée derrière lui, avant de me tourner vers mon cahier pour laisser courir mon regard dessus. Puis, doucement, un soupir quitte mes lèvres, avant que je ne lâche ma tête sur la couverture rigide et légèrement froissée entre mes doigts alors que mon regard glisse sur mon plateau-repas posé plus loin.
Pas faim. Mal au ventre. Mal au cœur. Je... Je crois bien que je suis devenu allergique aux sourires.
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