Je fonçais alors à travers la foule, cherchant de l’air que je peinais à trouver. Je sufoquais.
Je pris un verre de vin et me posa proche du concert, tentant de reprendre mes esprits.
Quel petit con, pensais-je alors à propos de Jules.
La situation était déjà compliqué... et il rajoutait largement de l'huile sur le feu.
Et quelle conne je faisais...
Partir comme cela...
Cela ne me ressemblait tellement pas.
Au fond, je n'avais jamais dû faire face à ce genre de situation avec quelqu'un. J'avais toujours assumé mon homosexualité, tout comme mes partenaires.
Je n'étais encore jamais tombée amoureuse d'une femme qui avait passé la moitié de sa vie avec un homme..
Et qui, de plus, avait 2 enfants.
Et qui, pour renforcer la difficulté initiale, était la maire d'une des plus grandes villes de France.
Le jackpot Emma, pensais en mon fond intérieur, un sourire au coin des lèvres.
Je marchais sur des œufs avec Louise, je ne savais jamais si il s'agissait du bon moment pour officialiser, et s’il y aurait vraiment UN bon moment.
J’essayais d’anticiper ses réactions, de ne pas la brusquer.
Tout cela m’épuisait.
Tout cela était si compliqué.
Tout en essayant d'anticiper ses réactions, je freinais les miennes, et je faisais n'importe quoi.
Je restais ainsi plusieurs minutes à penser, cogiter. C’est la sonnerie de mon portable qui me fit soudainement revenir sur terre.
Mathilde.
"Ça va mon chat ? Il est vraiment chiant ce Jules ! Dis moi où tu es que je te retrouve !"
"Je me suis posée un peu, laisse, je vais partir. Je t'appelle demain. Comment cela s'est passé après ?"
La réponse de Mathilde arriva quelques secondes plus tard.
"Écoute, il y a eu une sorte d'effet de surprise, suivi d'une de mes célèbres blagues qui a détendu l'atmosphère Louise est partie très vite avec Jules ... Ils ont parlé je crois ! Fais attention à toi, on s'appelle demain matin ! Je t'aime fort"
Son message m'accrocha un large sourire aux lèvres.
Alors que je me levais, une autre sonnerie retentit aussitôt sur mon portable.
Louise.
" Rejoins-moi dans le Hall, dans la salle ou nous étions tout à l’heure. "
" Oui Chef " pensai-je en mon fond intérieur, d'ores et déjà énervé par le ton.
C’est dans la pénombre du Hall, ou nous nous étions retrouvé il y a moins d’une heure, que je retrouvais Louise.
Je l’aperçu dans ce petit bureau sombre. Dos à moi, en entendant mon arrivée, elle se retourna immédiatement lorsqu’elle sentit ma présence.
" Pourquoi tu es partie comme cela, les gens ont dû encore plus se poser de questions ! J’avais réussi à rétablir la situation … " me lança t’elle comme un reproche.
" Félicitations à toi… " répondis-je d’un air sarcastique, évitant son regard.
Il n’y avait même pas de colère dans le ton que je venais de prendre, juste de la lassitude. Elle posa sa main sur mon avant bras.
" Emma, ce n’était pas le moment de dire que nous étions ensemble ! J’étais avec mon ami journaliste, Nathan… tes amis à la limite mais ce n’était pas l’endroit idéal pour annoncer quelque chose comme ça ! Ce n’était ni le lieu ni le moment ! "
Je levai les sourcils, quelque peu exaspéré, tout en m'échappant du contact de sa main en levant les bras en l'air.
" J’ai l’impression que tu parles comme une politicienne, c’est fou ! " ni le lieu ni le moment ! " Je suis partie comme ça parce que je ne savais plus quoi faire, suspendue à tes lèvres, à tes décisions… "
J’avais haussé le ton. Je me sentais bouillir intérieurement.
" Calme toi Emma, parle moins fort ! "
Louise semblait tendue, sur les nerfs, regardant à droit, à gauche que nous soyions réellement seul.
" Je parle comme j’ai envie de parler Louise ! " ajouta-je en levant le regard vers elle.
Ce fut à son tour de soupirer.
Je renchéris alors :
" Tu crois que c’est normal tout cela ? De se retrouver en l’espace d’une heure dans une même pièce, à s’aimer puis à s’engueuler ? Et de subir les petites phrases de mes amis sans pouvoir rien dire ! "
Ce fut à son tour de lever les sourcils, de surprise.
" Les phrases de tes amis ? Mais de quoi tu parles ? "
" Rémi fantasme à moitié sur toi, et n’hésite pas à le faire savoir ! Et moi je dois sourire comme une bécasse alors que je n’ai qu’une envie, te présenter à eux ! "
" Rémi, le proviseur ? " demanda t’elle étonnée.
Louise ne se rendait jamais vraiment compte de l’attraction qu’elle pouvait exercer. C’était quelqu’un de charismatique, en plus d’être très belle, et sa fonction faisait qu’elle attirait les regards.
" Oui ! Rémi le proviseur ! "
Elle restait l’air dubitative, secouant la tête en soufflant.
" Franchement ..."
Elle préféra changer de conversation.
" J’ai parlé quelques minutes avec Jules, il m’a évoqué votre altercation d’hier… Pourquoi tu ne m’en a pas parlé ? "
" Tu devais partir, tu étais occupé, ce n’était ni le lieu ni le moment ! " répondis je avec ironie.
" Emma… Ce n'est pas drôle ! Tu dois me dire ce genre de choses ! Que je puisse un peu anticiper ce qui peut arriver ! "
" J’y penserais la prochaine fois que je le traiterais de petit con, promis … "
" Emma, arrête ! Tu me fais quoi là ? "
J'étais dans un état qui ne me permettait pas de calmer mes propos, d'argumenter. J'étais dans cet état qui vous fait perdre pieds, cet état primaire qui ne vous soumet à aucun contrôle de vous même.
Vous balancez vos paroles. Point.
" Je te fais quoi là ? Je suis fatiguée de tout ça Louise, d’accords ?! D’avoir un demi domicile, de devoir supporter ces situations improbables ! De ne pas savoir où tout cela va nous mener ! De toujours devoir faire attention ! De ne pas juste être libre, heureuse ! Je ne suis pas une femme politique moi, je n’arrive pas à rester impassible devant ce genre de situation, désolée Louise ! "
Elle écarquilla les yeux, elle ne m'avait encore jamais vu dans cet état.
Et moi aussi rarement, à vrai dire. Elle se pinça la lèvre inférieur.
" Je ne suis pas impassible Emma, si tu crois que tout est facile pour moi … Tu n’es pas la seule à subir cette situation ! "
Son ton était sec. Ses mots avaient claqué dans ma tête. Subir.
" Arrêtons de subir alors, JE NE VEUX PAS SUBIR ! "
J’avais crié. J’étais totalement à bout de nerfs, l’alcool qui coulait dans mes veines n’arrangeant pas les choses.
Louise ne savait plus quoi dire; Elle restait comme interdite.
" On ne subit plus ! On arrête ! Tout sera bien plus simple ! Pour TOI et pour MOI !
J’étais parti sur cette phrase. La laissant seule dans ce cette pièce sombre.
Et même au milieu de cette phrase, lançant ces derniers mots sans même me retourner. Les criant à l’envoler.
J’avais la tête qui allait exploser. Il me fallait de l'air.
Je ne marchais pas, je courrais presque.
Je tremblais, j’avais littéralement péter un plomb.
Je m’assis dans l’herbe, à proximité des festivités, cherchant à reprendre mon souffle. Rarement dans ma vie je m'étais mise dans cet état de nerf.
Qu’est-ce que je venais de faire ?
Je m'allongea dans l'herbe, tentant de reprendre mon souffle, de me calmer. Je fermai les yeux, écoutant au loin la musique du concert, sentant la brise du vent.
J'essayai de reprendre mon calme, de calmer mon coeur qui devait battre à mille à l'heure.
J'avais envie de dormir, d'oublier tout cela, d'oublier cette soirée cauchemardesque.
Une présence derrière moi me fit sursauter.
Jules. Il ne manquait plus que lui…