Le soir, après avoir couché mon petit frère, Hylan m'attends dans le couloir.
Son regard froid ne présage rien de bon.
D'un pas tremblant, je suit Hylan dans sa chambre, ignorant quelle pierre va encore tomber sur ma tête...
Assis face à face sur le grand lit de sa chambre, il me dévisage avec un regard trouble.
—Mon frère est venu me parler.
—Mmmh...
—Apparemment vous avez décidé de vous mettre ensemble?
—...
—T'as envie de te mettre avec lui ?
—Tu me connais Hylan, je sors avec personne. À part toi.
—Oui mais toi et moi, on est quoi pour toi ?
—On est...On est...On est Nous !
—Tu nous considères comme un couple ?
—Hylan, ça fait cinq ans qu'on est ensemble ! Donc oui !
—T'es prête à laisser tomber Max ?
—Ah non ! Tu ne vas pas t'y mettre toi aussi !
Je me lève furieuse du lit, et je commence à faire les cent pas dans la chambre.
—Ma puce, j'ai besoin de réponses.
—Et moi j'ai besoin qu'on me laisse tranquille !
Je m'arrête de marcher en posant mes mains sur mes hanches.
—Je suis en plein deuil, merde ! Qu'est-ce qui vous prends tous les deux ? J'ai perdu ma mère et on dirait que vous vous livrez une course pour savoir qui je vais choisir ! Mais pourquoi je devrais choisir ? On était pas bien comme ça ?
—Ma puce, calme-toi...
—Ok je couche avec ton frère, mais il n'y a rien de plus ! Et c'était très bien comme ça ! Et là tout d'un coup, il veux que je lui appartienne ! Mais je n'appartiens à personne moi !
Hylan sort du lit pour me tirer par la main et me faire asseoir sur ses genoux.
Ainsi blottie dans ses bras, sa voix devient plus tendre que d'habitude.
—Ma puce, je sais que c'est difficile à entendre, mais à un moment où à un autre, il faut se stabiliser dans la vie. Vivre comme ça nous trois...C'est pas bon. C'est pas saint.
—Je sais.
Il prend mon visage dans ses mains avec les yeux brillants.
—Je t'aime, Léna. Je t'aime vraiment. Mais tu ne me l'as jamais dis depuis qu'on est ensemble...Tu ne m'as jamais montré que tu tenais à moi...
Face à tant de peine dans son regard, les larmes me montent aux yeux.
—Je crois que Max a raison, poursuit-il. Toi et moi on est tombé dans une routine qui n'a plus aucun sens.
Je baisse la tête en triturant nerveusement le bas de mon pull.
—Je vais vous laisser le champ libre, annonce-t-il.
—C'est-à-dire ?
—Je vais partir. Je vais quitter la maison à la fin de la semaine. J'ai un copain, tu sais Roy, qui pourra m'héberger.
Je saisi ses mains pour les glisser dans les miennes.
—Pourquoi ? Pourquoi tu veux partir ?
—Il est temps de mettre fin à tout ça, ma puce. Et pour l'instant t'es incapable de prendre une décision rationnelle.
Je fonds en larmes.
Décidément cette journée se termine aussi mal qu'elle a commencé.
Voire pire.
—Mais qu'est-ce que je vais faire sans toi ?
Il dépose un doux baiser sur mes lèvres humides.
—Donne une chance à Max. Il n'est pas aussi rigide que tu crois.
—Mais je suis incapable de rester qu'avec lui ! J'ai besoin de ma liberté !
—Ma puce, tu peux très bien offrir ton amour qu'à un seul homme et te sentir libre.
—Pas avec Max. Il veut que je sois qu'à lui.
—Tu vas apprendre.
Hylan met fin à notre discussion aussi sèchement que ses dernières paroles.
Ce n'était pas un conseil.
Il me demande vraiment d'apprendre à vivre une vie de couple "normale" avec son frère.
Tout part en couille.
J'aurais tellement voulu rembobiner le fil de ces derniers jours et m'arrêter à...
...à la rencontre avec Jaden.
***
Quand je redescends dans le salon, Hylan est en train de fumer une cigarette dans le jardin, pendant que son frère comate devant la télé.
Je les fixe tous les deux avec un grand vide dans mon cœur.
C'est la fin du ménage à trois.
C'est la fin de ma liberté.
La schizophrène que je suis, attrape son sac à main et les clés de voiture. Je claque la porte de la maison des frères Henderson.
Je conduit vite, trop vite, à travers de longues nappes de brouillard.
Une voiture me suit derrière moi et n'arrête pas de me faire des appels des phares. C'est Max.
J'appuie sur l'accélérateur jusqu'à 120 km/h sur des routes limitées à 90.
Je dois fuir aussi loin que possible, pour que Max ne puisse jamais me rattraper.
Dix minutes plus tard, je me gare en trombe devant le gîte, déglinguant sur mon passage une table et des chaises. Le fracas est terrible.
Affolée, je sors de la voiture, quand j'entends celle de Max écraser le reste des débris qui jonchent sur le sol.
J'ai à peine le temps de tambouriner à la porte de Jaden, que Max saisit violemment mon bras.
—Qu'est-ce que tu fou, merde ? Rentre à la maison !
—Jamais ! Jad ! Jad ! Ouvre-moi !
Furieux, il tire mon bras pour me traîner jusqu'à la voiture.
—Putain, c'est quoi ces conneries ? Tu fais quoi là ?
—Lâche-moi ! j'hurle en tentant de me débattre.
—Arrêtez ! s'écrient soudain deux voix masculines.
Mais Max les ignore, et me tire encore plus violemment vers sa voiture dont les phares sont toujours allumés.
De rage, je commence à me débattre, jusqu'à que les deux hommes viennent enfin nous séparer.
—Qu'est-ce qui se passe ici ?
Je reconnais la voix de Jaden qui a bloqué les bras de Max derrière son dos.
Je crie de toutes mes forces ;
—Il veut me faire du mal ! S'il te plaît Jad, ne me laisse pas partir avec lui !
Le jeune homme noir, l'ami de Jaden qui est aussi baraqué et musclé, va remplacer Jad pour qu'il puisse me rejoindre.
—Qu'est-ce que tu lui veux ? crache-t-il d'un ton sec.
—C'est ma copine, mec. Elle doit rentrer avec moi.
Jaden accoure vers moi, et pose sa main sur mon dos pour me faire rentrer à l'intérieur.
—Lache-la, putain ! aboie Max à Jaden. Elle est à moi !
—Oh ! Oh ! Calme-toi, ok ? lui ordonne le grand black baraqué.
Jad enroule son bras autour de ma taille, et m'entraîne dans son studio.
Une fois à l'intérieur, il m'enferme dans sa chambre en m'ordonnant d'y rester.
Il claque la porte, et je me retrouve dans le noir.
Cachée sous le lit, j'entends clairement la voix de Max qui essaye de les convaincre de me laisser partir avec lui, pendant que Jaden lui demande sans cesse ce qu'il m'a fait pour me mettre dans cet état.
C'est un véritable combat de coqs qui se déroule à quelques mètres de moi.
Puis tout d'un coup, plus rien.
Quelques chuchotements à peine audibles, et une immense panique de ne plus savoir ce qui se trame dehors sous ce brouillard écossais.
Au bout d'un moment, la porte d'entrée s'ouvre, puis celle de la chambre où je suis cachée. Je n'ai entendu aucun bruit de voiture. Max est toujours là.
—Léna ? me hèle une voix familière. T'es où ?
—Sous le lit.
Une tête bien blanche, avec des cheveux noirs en pagaille et deux grands yeux marrons, apparaissent deux secondes plus tard dans mon champ de vision.
—Tu peux sortir de là, c'est bon, me sourit-il.
Il tend sa main que je saisi, avant de me relever pour lui faire face.
—Il est parti ?
—Non, il aimerait te parler.
Je recule d'effroi jusqu'à la fenêtre de la chambre.
—Non, non Jad ! Je n'ai plus rien à lui dire !
—Il a dit qu'il ne partirait pas tant qu'il ne t'auras pas parlé. Et il m'a l'air plutôt têtu comme gars.
—Ça tu peux le dire !
Il s'approche de moi, et son regard s'insère dans le mien.
Quand il s'arrête à mon niveau, un curieux silence, qui n'a rien à faire dans cet énorme chaos, s'immisce entre nous.
—Tu as peur de lui ? souffle-t-il si doucement que mon coeur frémi.
—Non...Je ne sais pas.
Il maintient une certaine distance entre nous, pourtant je ressent son envie de me toucher.
Son souffle chaud expire à quelques centimètres de mes lèvres, et provoque l'affolement de mon rythme cardiaque.
—Pourquoi alors t'es venue ici ?
Je croise mes bras contre ma poitrine en tirant la grimace.
—Parce que je voulais prendre l'air. J'étouffe là-bas !
Sa main s'approche lentement de ma joue, quand quelqu'un toque brutalement à la porte.
Jaden recule aussitôt en fronçant les sourcils :
—Il faut que tu lui parles.
Je crache un long soupir, avant d'abdiquer.
Jaden va lui ouvrir, et c'est un Max complètement abattu qui vient prendre sa place dans la chambre.
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