Par-delà l'océan

By Mindell

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Cette histoire se passe en parallèle de ma fic "A bout de souffle". Le Papillon a été vaincu. A présent, tou... More

Chapitre 1
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6 - FIN

Chapitre 2

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By Mindell

Adrien ne répond plus. Ni aux mails affolés, ni aux sms rageurs, ni aux coups de fils à toute heure du jour ou de la nuit.

Une semaine s'écoule, puis une seconde, puis une troisième, et Nino croit mourir de panique.

Il bombarde son ami de messages, le menaçant de prévenir les autorités locales et de le déclarer comme personne disparue. En désespoir de cause, il va jusqu'à appeler directement son hôtel, mais en vain. De l'autre côté de l'océan, on lui répond d'un ton aimable mais ferme que son ami a expressément demandé à ne pas être dérangé et qu'il est impossible d'accéder à sa requête.

Nino ne sait plus quoi faire.

Jamais il n'a eu aussi peur pour Adrien.

Il ne dort plus, ne mange plus, se consume d'angoisse à chaque seconde qui s'écoule sans nouvelles de son ami.

Un jour, après une énième nuit blanche passée à se ronger les sangs pour Adrien, Nino a la surprise de voir Chloé débarquer brusquement dans sa chambre. Elle traverse la pièce avec autant d'assurance que si elle était chez elle et se plante devant lui, mains fermement posées sur les hanches.

- « Ok, ça suffit », lance-t-elle d'un ton péremptoire. « Je vais voir Adrien, et tu viens avec moi. »

Nino cligne des paupières en se demandant s'il a bien compris ce que sous-entend sa camarade.

- « Voir Adrien ? », répète-t-il d'une voix incrédule. « Tu veux dire... aux Etats-Unis ? »

- « Non, au Pérou », réplique Chloé en laissant échapper un reniflement agacé. « Bien sûr qu'on va aux Etats-Unis. Tu m'as dit que tu avais un passeport, non ? Donc il n'y a pas de problèmes. »

Encore sous le choc, Nino se passe lentement la main sur le visage.

- « Ok... », murmure-t-il distraitement. « Ok, ok, ok... »

Sous son crâne, son cerveau tourne à toute vitesse. Le jeune homme tente de faire mentalement l'inventaires des concerts pour lesquels il s'est déjà engagé dans les jours à venir, des contrats qu'il a signés, de l'état de son compte en banque.

Il veut partir retrouver Adrien, de tout son cœur. Si son ami n'avait pas été aussi loin, il l'aurait même déjà rejoint depuis bien longtemps.

Mais il a un loyer à payer, des engagements à tenir. Chloé peut peut-être se permettre se permettre de partir à l'autre bout du monde sur un coup de tête, mais la dure réalité cloue Nino au sol.

- « Ok... », poursuit-il en sortant son téléphone de sa poche. « Laisse-moi juste le temps de vérifier combien d'argent il me reste. Et il faut que je passe quelques coups de fil pour voir quand je peux partir exactement, je ne sais pas encore quelles soirées je peux me permettre de... »

- « Pas la peine », le coupe aussitôt Chloé, agitant la main comme si elle écartait un insecte importun. « Annule tout, on part dès cette semaine. »

- « Chloé », soupire Nino avec une pointe d'exaspération. « J'ai un travail. Ce n'est pas si simple. »

- « Si, c'est extrêmement simple », réplique-t-elle d'un ton sans réplique. « Je t'engage. A temps plein, pour le double de ton salaire actuel et pour une durée indéterminée. Je te paye ton billet d'avion, ton logement, et je te promets qu'à ton retour tu animeras tous les évènements organisés par mon père. »

Bouche bée, Nino la fixe avec des yeux tellement écarquillés de surprise qu'ils semblent être prêts à jaillir de leurs orbites.

C'est absurde.

Définitivement, incroyablement, complètement absurde.

- « Tu connais ma famille », reprend Chloé avec un soupir hautain. « L'argent est loin d'être un problème. Par contre, j'ai bien l'intention de faire tout ce que je peux pour aider Adrien, et pour ça, j'ai besoin de toi », poursuit-elle en tendant le doigt vers Nino pour donner une petite tape sur son torse. « Bien sûr, je suis LA meilleure amie d'Adrien, je pourrais très bien partir là-bas toute seule », poursuit-elle d'un ton supérieur, « mais je préfère mettre toutes les chances de mon côté. Alors, tu viens ? »

La réponse de Nino ne se fait pas attendre. Elle fuse, instinctivement, à la seconde même où Chloé fini sa phrase.

- « Je viens. »




A peine quelques jours plus tard, Nino pose les pieds de l'autre côté de l'Atlantique. Alors qu'il avance sur lentement sur le tarmac de l'aéroport, les jambes encore engourdies par de longues heures de vol, le jeune homme lève les yeux vers le ciel. La lumière du soleil est vive, presque aveuglante, alors qu'à Paris la nuit est tombée depuis déjà bien longtemps.

La situation est si irréelle que Nino a l'impression d'être prisonnier d'un songe étrange, à mi-chemin entre un rêve absurde et un terrifiant cauchemar.

Le jeune homme prend une profonde inspiration, respire à plein poumon cet oxygène d'un autre continent. L'air est plus humide que dans les rues de sa ville natale et des odeurs inconnues l'assaillent, renforçant l'impression de décalage qui refuse de le quitter depuis qu'il s'est envolé de Paris.

Mais Nino n'a guère le temps de s'attarder sur ces curieuses sensations. Chloé l'attrape par le coude d'un geste autoritaire pour l'inciter à accélérer l'allure et rapidement, les deux jeunes gens s'éloignent de leur avion pour s'enfoncer dans les entrailles du hall d'arrivée.

Grâce à l'organisation presque militaire de Chloé et à ses talents de persuasion, chaque formalité est expédiée en un temps record. La fille du maire coupe les files d'attentes sans la moindre gêne, ignore les remarques acides des autres passagers avec un aplomb déconcertant et réquisitionne un luxueux taxi en sortie de l'aéroport. Elle harcèle le chauffeur pour qu'il accélère l'allure et une fois arrivée à destination, houspille le personnel de la réception pour obtenir le numéro exact de la suite qu'occupe Adrien.

En temps normal, Nino n'approuverait pas nécessairement les manières cavalières de sa camarade. Mais aujourd'hui, la peur lui noue le ventre, l'urgence de la situation lui donne envie de hurler de rage et de frustration. Alors, pour cette fois, il remercie silencieusement Chloé de faire preuve d'aussi peu de scrupules pour parvenir à son but.

Devant lui, Chloé congédie sèchement un employé de l'hôtel et s'enfonce dans les couloirs de l'établissement. Nino accélère le pas, peinant à se maintenir au niveau de la jeune femme. Puis, enfin, tous deux s'arrêtent devant la chambre de leur ami.

Ils échangent un bref regard, frappent vivement à sa porte, et attendent.

Encore.

Encore, et encore.

Le cœur battant à tout rompre, Nino saisit machinalement Chloé par la main. Il a peur. Peur pour Adrien. Peur de ce qu'il va découvrir derrière ce panneau de bois qui le sépare encore de son ami. Nino sent Chloé tressaillir, mais à sa grande surprise, la jeune femme n'esquisse pas le moindre geste de recul. Au contraire, elle serre à son tour ses doigts dans les siens, puisant elle aussi un maigre réconfort dans sa présence.

Les deux jeunes gens restent immobiles, attendant désespérément un signe de vie de leur ami.

Mais la porte reste close et les secondes continuent de s'écouler avec une lenteur terrifiante.

Nino serre la main de Chloé à lui en broyer les doigts. L'angoisse comprime sa poitrine, l'empêche de respirer au point que ses poumons le brûlent. Son corps entier tremble, son pouls s'accélère dangereusement et son inquiétude est à présent si forte qu'il en a envie de hurler. C'est trop. Trop de tension, trop de terreur, trop de sentiments d'impuissance.

Jamais Nino n'a été aussi tendu. Regard rivé sur la poignée, il a l'impression que le temps ralenti. Se fige. C'est comme être prisonnier dans un espace où chaque seconde durerait des heures, où chaque instant perdu serait une torture supplémentaire pour son esprit terrifié.

- « Ouvre », murmure-t-il comme une prière. « Ouvre-nous. »

Puis, enfin, enfin, la porte s'ouvre.

Lentement, de façon presque imperceptible.

Mais elle s'ouvre.

De plus en plus, jusqu'à laisser deviner une silhouette dans son encadrement.

Et après des semaines d'anxiété qui ont failli le rendre fou, Nino voit enfin apparaitre un visage familier.

Adrien.

Face à lui, son ami le dévisage avec une stupéfaction qui aurait pu être comique si les circonstances n'avaient pas été aussi dramatiques. Adrien titube, se raccroche au chambranle de la porte, serre ses doigts autour du bois avec tant de force que ses jointures blanchissent. Son regard est fébrile, presque hagard. Ses yeux vont vivement de Nino à Chloé et inversement, comme s'il peinait à croire que ses amis se tiennent bien devant lui.

Nino a lui-même du mal à réaliser qu'il a enfin retrouvé Adrien.

Mais son ami est là. Bel et bien là.

Enfin.

- « Adrien ! », s'exclame instinctivement Nino, tout en s'avançant vers son meilleur ami pour le serrer de toutes ses forces contre lui.

Il devrait lui en vouloir pour ses silences. Le détester pour la frayeur qu'il lui a faite. Lui hurler dessus de colère, lui garder une profonde rancœur pour toute cette inquiétude qui l'a rongé ces derniers jours.

Mais le profond soulagement qui déferle sur Nino emporte avec lui rage et angoisse, pour ne laisser derrière lui que la joie sincère d'avoir retrouvé Adrien. Peut-être, plus tard, la rancune reviendra. Mais pour l'heure, Nino savoure le simple fait de savoir son ami en un seul morceau.

Alors qu'il serre Adrien contre lui, Nino ne peut manquer de remarquer combien il peut sentir distinctement les omoplates de son ami sous le tissu de sa chemise. Il s'écarte légèrement de lui, pose ses mains sur ses épaules.

En dépit de sa carrière de mannequin, Adrien n'a jamais été de cette minceur maladive qui touche hélas souvent ceux qui évoluent dans le monde de la mode. Mais aujourd'hui, il a maigri, c'est évident. Ses vêtements sont clairement trop larges pour lui, ses pommettes trop anguleuses, et le dessin de ses clavicules est plus saillant que jamais.

Et il est pâle, si pâle que sa peau semble presque translucide.

Adrien n'est plus le jeune homme plein de vie qu'il était autrefois, mais un être à la beauté diaphane qui a l'air prêt à s'évaporer à tout instant.

Dans son visage, seuls ses yeux fiévreux ressortent encore. Ils brillent d'un éclat presque malsain, tandis que les cernes qui creusent ses traits sont si sombres qu'elles en paraissent presque noires.

Adrien va mal.

Mais il est vivant, et à ce stade, c'est tout ce que Nino espérait.

A ses côtés, Chloé fond en larmes, l'écarte d'un geste brusque et saisi Adrien par le col.

- « Idiot », lui hurle-t-elle entre deux sanglots, imprimant une violente secousse au jeune homme à chaque insulte. « Idiot, idiot, idiot ! »




Passées ces larmoyantes retrouvailles, Chloé retrouve rapidement contenance.

La fille du maire s'engouffre dans la suite d'Adrien comme une tornade blonde, critique la décoration, se plaint du manque de lumière, ordonne à Nino d'ouvrir les volets que leur ami a gardé obstinément clos. Lorsqu'elle découvre une seconde chambre face à celle d'Adrien, elle y installe arbitrairement Nino, avant de filer vers la réception pour exiger d'obtenir le logement situé de l'autre côté du couloir.

Nino la laisse faire, abasourdi, tandis qu'Adrien se laisse tomber lourdement sur le canapé du salon. L'ancien mannequin se frotte machinalement les yeux, peinant manifestement toujours à réaliser que ses deux meilleurs amis viennent de traverser un océan entier pour venir le voir.

Puis, après de longues secondes de silence, Adrien secoue doucement la tête. Comme pour tenter de remettre de l'ordre dans ses esprits, comme pour essayer de se convaincre qu'il n'est pas en train de rêver. Il se redresse légèrement, se tourne vers Nino et désigne la pièce d'un vague geste de la main.

- « Et bien... Bienvenue », murmure-t-il enfin.





Les jours défilent et une étrange collocation s'installe entre les trois amis.

Nino partage la suite d'Adrien, tandis que Chloé ne quitte l'endroit que le temps d'aller dormir dans son propre appartement. Chaque jour, Nino et Chloé entourent leur meilleur ami de toute leur affection. Ils lui parlent, lui montrent leur soutien, refusent de le laisser continuer à sombrer sans rien faire.

Pourtant, malgré toute leur bonne volonté, les choses sont loin d'être simples.

Ils veulent aider leur ami, de tout leur cœur. Chloé déploie des trésors de patience dont elle ignorait l'existence, Nino s'emploie à tenter d'arracher un sourire à ce jeune homme qui dépérit sous leurs yeux.

Mais Adrien est loin de leur faciliter la tâche.

Nino a toujours su que son ami rechignait à laisser transparaître ses faiblesses, qu'il minimisait l'importance des évènements qui le touchent de peur que l'on s'inquiète pour lui. Mais jamais il n'aurait cru qu'il puisse faire preuve d'une telle obstination.

Adrien refuse leur aide, purement et simplement.

Quand Nino et Chloé lui font part de leurs craintes, il affirme qu'il pourra s'en sortir seul. Hausse négligemment les épaules quand ses amis l'implorent de faire ne serait-ce qu'un pas en dehors de l'hôtel dans lequel il a trouvé refuge. Certifie avec la plus parfaite mauvaise foi que passer ses journées enfermé dans le noir n'est en aucun cas un signe de détresse.

Pour Nino et Chloé, c'est une véritable douche froide.

Manifestement, Adrien préfère se noyer dans son propre désespoir plutôt que d'accepter leurs mains tendues.

Mais malgré tout, cet orgueil stupide dont fait preuve le jeune homme n'est pas ce qui inquiète le plus Nino. Adrien a toujours été un garçon réservé. Un jeune homme introverti, modelé par son père pour se montrer raisonnable en toutes circonstances. Sauf qu'à présent, l'apathie dont il fait preuve est proprement glaçante.

Nino ne reconnait plus son meilleur ami.

A certains moments, alors que Chloé et Nino tentent désespérément de communiquer avec lui, Adrien se mure dans des silences butés qui peuvent durer des heures.

A d'autres, il préfère parler de météo, du papier peint de sa chambre, de tout plutôt que de son père et des raisons qui l'ont poussé à traverser tout un océan. Il s'alimente à peine, dors pendant bien trop longtemps, fait preuve d'un détachement qui inquiète ses amis bien plus qu'ils n'osent le dire.

Parfois, lorsque la patience de Chloé arrive à bout et que la jeune femme lui hurle toute sa peine et sa rancœur, Adrien reste d'un calme alarmant. Son regard se perd dans le vague, et il semble tout juste prêter attention à la tempête qui se déchaine devant lui.

Jamais Nino n'a eu aussi peur pour son ami.

Certains jours, il a envie de lui crier dessus à son tour, de le secouer de toutes ses forces, de lui donner un violent coup de poing en pleine figure. N'importe quoi qui pourrait le faire réagir. N'importe quoi qui pourrait donner à Nino la sensation d'être utile à son meilleur ami.

Il se sent terriblement impuissant.

Adrien souffre, c'est une évidence. La trahison de son père a laissé une plaie béante dans son cœur. Elle a injecté un poison qui ronge le jeune homme jusqu'au plus profond de ses os, le transforme en l'ombre de celui qu'il était autrefois.

Nino voit son ami se détacher du monde, dépérir petit à petit.

Et ça le terrifie.

Alors, malgré les rebuffades qu'il essuie bien trop régulièrement, il s'accroche. Ne cesses de parler à Adrien, d'essayer d'attirer son attention, de tenter de le raccrocher à la vie. Il lutte, à chaque minute, à chaque seconde, avec la peur panique qu'Adrien ne disparaisse s'il ne le lâchait ne serait-ce qu'un instant.

Les jours passent et Nino et Chloé persistent à rester auprès de leur meilleur ami envers et contre tout. Ils l'aideront, avec ou sans son accord.

Et, peu à peu, Adrien accepte de s'ouvrir.

Timidement d'abord, il leur parle sa souffrance.

Il leur raconte combien la trahison de son père l'a blessé. Met des mots sur cette fuite en avant qui dure depuis déjà de trop longs mois. Puis, avec le temps, il les laisse entrer de plus en plus profondément dans l'enfer qu'est devenu son monde. Il leur fait part de ses plus intimes faiblesses, leur décrit ses plus terrifiants cauchemars.

Et un jour, il leur avoue son plus précieux secret.

Ce poids qui pèse sur sa conscience, ce fardeau qui l'empêche de respirer, cette ultime pièce de puzzle qui manquait à Nino et Chloé pour comprendre le chaos qu'est devenu sa vie.

- « Chat Noir », lâche-t-il dans un souffle. « J'étais Chat Noir. »

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