Nathanaël Wyllt

By CyberCoffe-

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Nathanaël Porter est une vraie tête brûlée : orphelin, petit, binoclard et grande gueule. Sa rencontre -pas s... More

Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Partie sans titre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17

Chapitre 1

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By CyberCoffe-

Hello,

J'écris actuellement sous le nom de CyberCoffee sur Fanfiction.net, et cette fiction y est déjà partagée.

Je suis ici pour progresser dans mon style d'écriture pour éventuellement un jour avoir le niveau pour publier ma propre histoire :)

N'hésitez donc pas à corriger mes erreurs et me faire part de vos remarques !

Soyez indulgents pour les premiers chapitres, ils ont été écrits il y a plus de deux ans et je n'avais pas la fluidité d'écriture dont je peux faire preuves dans les chapitres les plus récents.

Bonne lecture !

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Le réveil résonna dans le dortoir des garçons de l'orphelinat St-Thomas.

Lentement, un à un, les pensionnaires s'arrachèrent de leurs lits. Seul un de leurs camarades grogna en se roulant en boule sous les draps.

-Nathanaël, réveille-toi ! La mère supérieure ne va pas laisser passer un nouveau retard, le houspilla Mrs Collins, la femme à tout faire de l'orphelinat.

Tous les matins le même rituel, tous les matins les mêmes mots. Mrs Collins soupira. A presque soixante-trois ans elle n'avait jamais vu pareille tête-brûlée. Dès le moment où elle avait trouvé le couffin du jeune bambin alors pas plus gros qu'un petit chiot sur le pas de la porte d'entrée en chêne massif de l'orphelinat, elle avait su que ce petit être n'était pas comme les autres. Son couffin était de bonne facture, les draps dans lequel il était emmitouflé étaient cousus main et ornés d'initiales brodées de fils d'or : N.P. Certainement ses initiales. Cet enfant semblait venir d'une riche famille, alors pourquoi ses parents l'avaient-ils abandonné ? Ce que Mrs Collins avait appris durant ces nombreuses années à l'orphelinat était que la vie vous prenait souvent de court. Alors elle ne s'était pas posé plus de question. Se poser des questions signifiait qu'il faudrait trouver des réponses hors elle n'avait pas de temps à consacrer à cela. Elle avait simplement pris le couffin où le jeune enfant dormait à poings fermés et avait refermé la lourde porte. Et dans cette froide et sombre nuit de Décembre, elle lui avait souhaité la bienvenue entre ces murs.

Ce fut Mrs Collins qui le prénomma Nathanaël. Nathanaël Porter. Nathanaël en mémoire de son premier et seul amour, son défunt mari. Et Porter parce qu'elle n'avait simplement rien trouvé de plus original commençant par la lettre P. Mrs Collins n'était de toute façon pas femme à perdre son temps à chercher.

Le froissement des draps de Nathanaël la firent sortir de ses pensées. Celui-ci s'était assis sur le bord de son lit, lui souriant de manière effrontée.

-Veux-tu cesser ton manège, gamin ? Ce n'est pas avec cette attitude que tu réussiras ta vie, dit-elle tout en sortant les affaires du garçon du coffre placé au bout de son lit. Et fais-moi le plaisir de te dépêcher, tu vas être en retard. Comme d'habitude !

Nathanaël la regarda s'affairer un moment tout en gardant le sourire accroché aux lèvres. Il joua un instant avec les manches de son pyjama puis pris les habits que lui tendait Mrs Collins et se dirigea vers les douches. Il s'arrêta au niveau de la porte et lui dit en riant :

-Je suis sûr que ça te manquerait de ne plus venir me réveiller tous les matins si je me levais à l'heure comme les autres.

Mrs Collins grogna.

-C'est ce que tu crois ça, allez vas te doucher, insupportable tête-brûlée !

Nathanaël se glissa lentement sous le jet d'eau tiède de la douche. Il arrivait toujours après les autres, ce n'était donc pas étonnant qu'il ne lui reste presque plus d'eau chaude. Il se savonna rigoureusement tout en chantonnant une comptine. Lorsqu'il sortit de la douche, il s'essuya en prenant bien garde à aller le plus lentement possible, il savait que cela horripilait Mrs Collins. Une fois sec, il passa son uniforme devenu trop petit car il avait beaucoup grandit ces mois-ci, et s'apprêtait à sortir de la salle de douche quand il entraperçut son reflet dans le miroir.

Il se dévisagea un instant. Ses cheveux noirs corbeau étaient comme à leur habitude en désordre. Ils se dressaient sur sa tête comme s'ils avaient la chair-de-poule. Il remit en place ses lunettes rondes sur son nez, elles étaient cassées à maints endroits et n'arrêtaient pas de glisser. Nathanaël n'avait d'autre choix que de les réparer avec le sparadrap que Mrs Collins lui donnait. Il souleva de sa main les cheveux qui lui tombaient sur le visage et fixa la cicatrice en forme d'éclair qui ornait son front depuis aussi loin qu'il s'en souvienne. Entre ses cheveux trop désordonnés, son nez trop fin, ses pommettes trop hautes et ses lèvres trop fines, Nathanaël n'aimait pas vraiment son visage. La seule chose qu'il n'aurait voulue échanger pour rien au monde restait ses yeux. Il les trouvait tout simplement magnifiques. Il trouvait vraiment dommage qu'il soit obligé de porter ces horribles lunettes qui cachaient ses yeux derrière leurs verres trop épais. Ses yeux étaient grands, bordés de cils fournis qui lui semblaient interminables. Ses iris avaient une très jolie couleur vert dioptase parsemées de paillettes dorées. Comme si une pluie d'or tombait dans ses yeux.

En secouant la tête, il sortit de la salle des douches et prit la sacoche que Mrs Collins lui tendait en grommelant.

-Tu finiras mal, espèce de petit cancrelat répugnant !

Oo

Nathanaël frappa doucement à la porte de la classe de Mrs Fridge, la mère supérieure, non sans une certaine appréhension. Bien qu'il ait coutume d'arriver en retard tous les jours, Mrs Fridge était assez impressionnante quand elle était en colère. Et cette fois-ci, il ne doutait pas une seule seconde qu'elle serait très mécontente de le voir arriver avec plus de vingt minutes de retard.

-Entrez ! fit Mrs Fridge d'une voix qui n'annonçait rien de bon.

Nathanaël prit son courage à deux mains et abaissa la poignée. Il poussa lentement la porte en bois et entra dans la salle de classe aussi silencieuse qu'un cimetière d'éléphants. Tous les regards étaient tournés vers lui. Ça aussi il avait l'habitude. Des ricanements se firent entendre au fond de la classe, c'était très certainement Blaise et sa bande. Eux n'étaient pas orphelins, ils avaient une famille et ils suivaient simplement les cours que dispensaient gratuitement l'orphelinat pour les familles ayant peu de moyen. Ils détestaient Nathanaël depuis qu'ils s'étaient rencontrés. Nathanaël était trop bizarre, pas comme les autres. Toujours dans son monde, la tête dans les nuages.

-C'est à cette heure-ci que vous daignez venir en cours, Mr Porter ?

Mrs Fridge le regardait avec des yeux noirs de colère, les mains sur les hanches, comme elle le faisait chaque fois qu'elle grondait un pensionnaire. Nathanaël se ratatina sur lui-même en murmurant un inaudible « Désolé ».

-On ne dit pas « désolé », Mr Porter, mais « je vous prie de bien vouloir m'excuser ». Combien de fois va-t-il falloir que je vous le dise ? A l'évidence une fois de plus ! Quand comprendrez-vous l'importance de la ponctualité et du respect envers votre corps enseignant ? Ce n'est pas avec cette attitude que vous trouverez quelqu'un pour vous adopter. Allez à votre place. Immédiatement !

Nathanaël piqua un fard monumental. Mrs Fridge avait touché la corde sensible. Il savait très bien que personne ne viendrait l'adopter. Cela faisait plus de dix années qu'il attendait et espérait qu'un gentil couple vienne le prendre avec eux. Plus de dix années qu'il rêvait que ses parents frappaient à la porte de l'orphelinat pour lui dire que c'était fini, qu'ils ne l'abandonneraient plus jamais, qu'ils l'avaient enfin retrouvé.

Il s'assit à sa place et écouta attentivement le cours de français qu'expliquait Mrs Fridge. Mais L'Odyssée ne retint pas longtemps son attention. Son regard s'échappa vers la fenêtre qui donnait sur un champ verdoyant. Et le voilà parti avec de fiers compagnons imaginaires dans une longue quête l'emmenant dans des contrées sauvages, tantôt il était guerrier, tantôt ensorceleur.

-Mr Porter, le fit revenir à la réalité Mrs Fridge, pouvez-vous me faire un résumé de ce que je viens d'énoncer ? A moins que vous n'étiez –encore une fois- plongé dans vos pensées...

Blaise et sa bande ricanèrent et se moquèrent de la « tête à l'ouest » comme ils l'appelaient. Natanaël rougit et fit une grimace gênée à Mrs Fridge.

-Je...je ne sais pas, Mrs Fridge. Je n'ai pas entendu.

Mrs Fridge le fixa.

-Vous n'avez pas entendu ou plutôt n'avez-vous pas écouté ? Ce sont deux choses bien distinctes Mr Porter. Vous viendrez me voir après les cours à 17h précises. Vous êtes puni.

Nathanaël soupira mais fit un effort de concentration durant le reste du cours.

Oo

-Hé Tête-à-l'Ouest ! Nid de Corbac !

Nathanaël n'eut pas besoin de tourner la tête en direction des cris qui lui étaient une fois de plus adressés pour savoir que Blaise et sa bande d'idiots venaient dans sa direction. Il avait souhaité très fort qu'ils le laissent tranquille rien que pour cette récréation mais apparemment ses prières étaient tombées dans l'oreille d'un sourd. Il inspira longuement et soupira encore plus longtemps. Tous les jours les mêmes batailles, tous les jours les mêmes ennemis. Ne s'en lassaient-ils pas ?

-Que me veux-tu encore, Blaise ?

Celui-ci se posta juste devant Nathanaël qui était assis sur le rebord d'une des fenêtres donnant sur la cour de récréation. Il croisa les bras sur sa poitrine, ceux-ci reposant presque sur son ventre rebondi. Il souriait d'un air méchant.

-Alors le Corbac, on arrive encore en retard ? Comme l'a dit Mrs Fridge, c'est pas comme ça que quelqu'un t'adoptera ! ricana-t-il en regardant ses compagnons qui rigolaient eux aussi de la mauvaise fortune de Nathanaël. Avec tes grosses binocles et ta petite taille tu fais plus peur aux parents qu'autre choses ! C'est pas étonnant que tes parents t'aient abandonnés il y a dix ans !

C'en fut trop pour Nathanaël qui se jeta sur l'enfant en lui assénant des coups de poings. Il criait de rage et de désespoir. Peut-être était-ce la raison pour laquelle il avait été abandonné ? Peut-être était-il trop laid, trop petit, trop maigre et trop fluet pour faire le bonheur de ses parents ? Entendre que la même conclusion était arrivée à l'esprit de son camarade de classe tant haï lui déchirait le cœur.

Dans sa rage, les yeux brouillés de larmes, il ne sentit quasiment pas qu'on le saisit sous les bras pour le séparer du jeune Blaise. Il ne sentit pas non plus qu'on l'amena dans le bureau de la mère supérieure. Cependant il sentit la claque retentissante qui lui fouetta le visage avec force. C'est en se tenant la joue qu'il reprit ses esprits et fixa Mrs Fridge. Il attendit le sermon qui viendrait forcément par la suite.

-Je ne pense pas vous avoir appris à vous comporter ainsi Mr Porter ! murmura dangereusement Mrs Fridge. Je suis extrêmement déçue de votre comportement. Attaqué ainsi un élève dans la cour de récréation ! A quoi pensiez-vous donc ? Rien, apparemment !

Nathanaël ne songea pas un seul instant à se défendre et à expliquer son geste. Il savait que Mrs Fridge de l'appréciait guère et qu'elle ne l'écouterait pas.

-Bien, je vais donc vous donner votre punition dès maintenant en plus de celle que je vous devais ce matin. Vous serez de corvée de courses durant un mois à partir de ce soir. Tous les jours. Même les week-ends. Allez-vous en maintenant. Je ne veux plus revoir votre tête d'insolent avant le souper.

Nathanaël sorti le dos voûté et les épaules basses du bureau de la mère supérieure. Il était de corvée de courses. C'était la pire des punitions. Il lui faudrait aller au village pour aller chercher les aliments nécessaires aux repas tous les jours. Le village se trouvait à plus de deux kilomètres de l'orphelinat et il devrait y aller à pied. Comment allait-il porter tous les achats ? Il lui faudrait trouver une solution très rapidement s'il ne voulait pas se démettre le dos. C'est sur ces pensées moroses qu'il rentra dans le dortoir des garçons – vide, à son plus grand soulagement – et qu'il monta sur son lit où il s'assit, le dos contre la tête de lit. Il ramena ses genoux à son torse et les entoura de l'étreinte protectrice de ses bras.

Ce fut dans cette position que Mrs Collins le trouva quelques heures plus tard, la tête sur les genoux, endormi. Elle sourit légèrement, et lui donna une tape sèche sur le coin du crâne qui eut pour effet de le réveiller en sursaut.

-Aïe ! cria-t-il en se tenant l'arrière de la tête et lui jetant un regard furibond. Qu'est-ce que j'ai fait encore ?

-Alors comme ça tu t'es battu dans la cour de récré ? le rouspéta Mrs Collins puis elle continua en faisant la moue. Je te pensais plus intelligent que ça. Il faut croire que je te surestimais.

Nathanaël détestait quand Mrs Collins faisait la moue. C'était une grimace qu'elle avait l'habitude de faire quand il la contrariait vraiment ou qu'il l'a decevait. Elle le regardait d'un air désapprobateur et relevait légèrement le coin supérieur de sa lèvre gauche en pinçant les lèvres. Le tout donnait un air arrogant à son vieux visage. Un air de « je te l'avais bien dit ». Et quoi qu'il en dise Mrs Collins était ce qui se rapprochait le plus d'une figure maternelle pour lui. Elle avait toujours été là pour lui. Avec lui. Il la considérait un peu comme une grand-mère ou une vieille grand-tante un peu folle. Folle mais sage. Pour faire court, il adorait Mrs Collins. Aussi, entendre la déception dans sa voix le fit se sentir terriblement idiot.

-Je suis désolé, je me suis emporté. Il a dit des choses que je n'ai pas pu supporter, murmura-t-il d'une si petite voix que Mrs Collins ne fut pas sûre d'avoir bien entendu.

Elle s'assit alors près de lui et le serra dans ses bras.

-Nathanaël, sais-tu pourquoi je t'ai donné ce prénom ?

Il secoua la tête et elle reprit.

-C'était le nom de mon défunt mari. Le seul homme que j'ai aimé de toute mon âme. Nathanaël était un homme bon, sage et réfléchi. Il avait une éthique et n'y dérogeait jamais. J'ai toujours admiré la façon qu'il avait de tenir sa ligne de conduite quoiqu'il lui en coûte et surtout quoiqu'en pense les autres. Peut-être était-il juste têtu ? Toujours est-il qu'il est mort pour ses convictions, pour ce en quoi il croyait. C'était un grand homme. Et je ne dis pas ça parce que c'était mon mari, hein !

La vieille femme s'interrompit en souriant comme plongée dans ses souvenirs. Elle s'assit au pied de Nathanaël et lui caressa le visage.

-Je t'ai donné ce prénom pour la force de caractère qu'il représente. Pour son courage, pour sa gentillesse, pour sa sagesse. Lorsque je t'ai trouvé cette nuit-là devant la porte de l'orphelinat, lorsque j'ai vu tes yeux si verts, j'ai tout de suite su que tu deviendrais quelqu'un de grand. Que tu ferais de grandes et belles choses. Alors je t'ai donné ce prénom à la hauteur de tes actions futures. Le fait que tu sois orphelin et que ta famille t'ait abandonné devrait être une force pour toi et non une faiblesse. Ils t'ont abandonné. C'est la vérité mais cette vérité cache sûrement une multitude de secrets. Ne te laisse pas abattre par des hypothèses et dès que tu le pourras pars à la recherche de ton passé. Vas chercher des réponses et si celles-ci ne te conviennent pas vis d'une belle vie et meurs d'une mort encore plus belle. Mais surtout, n'oublies pas que quelque part dans ce monde cette vieille Mrs Collins t'attend et pense à toi.

Nathanaël ferma doucement sa bouche qu'il n'avait pas senti s'être entrouverte au fur et à mesure du monologue de la vieille femme. Mrs Collins n'avait jamais été femme à ouvrir son cœur et pourtant la voilà qui venait de dévoiler entièrement son amour et son attachement pour lui. Les larmes coulèrent sans qu'il ne puisse rien faire pour les retenir. Quelqu'un l'aimait. Quelqu'un croyait en lui. Un sentiment fort et bienveillant lui réchauffa alors le cœur et le corps et il sourit à la vieille femme entre ses larmes et la morve qui coulait de son nez.

-Merci Mrs Collins, tu verras je vais y faire bien attention à mon prénom ! Je vais devenir la personne que tu as vue en moi et quand je serais devenu cette personne je reviendrais te chercher ici et on ira vivre tous les deux dans un joli chalet dans les montagnes !

Il la serra fort contre lui et il l'entendit marmonner qu'elle n'avait jamais aimé la montagne et qu'elle ne voyait pas pourquoi elle devrait vivre avec un gamin insolent et mal peigné. Il sourit encore plus à ces mots.

Oo

Grand dieu qu'il faisait chaud ! Nathanaël n'en était qu'à la moitié du chemin – enfin, il le supposait – et il était déjà couvert de sueur. Bien qu'étant seulement âgé de dix ans trois quarts il aurait dû se douter qu'en plein mois de juin, à seize heures, il ferait chaud. Mais il n'avait pris ni casquette ni bouteille d'eau. Et son voyage ne venait que de commencer. Il tirait péniblement la brouette en fer que lui avait conseillée de prendre Mrs Collins pour qu'il puisse transporter les courses plus facilement. Il devait avouer qu'il aurait certainement beaucoup moins de mal avec celle-ci que sans. Mrs Fridge lui avait donné la liste des courses à faire pour le repas du soir, du petit-déjeuner et du déjeuner du lendemain. Il serait vraiment chargé sur le chemin du retour. Au bout de vingt-cinq minutes, il commença à apercevoir le clocher de la vieille église du village. Il accéléra alors la cadence si bien que vingt autres minutes plus tard il parvînt à l'entrée de la ville, dégoulinant de sueur.

Nathanaël poussa la brouette dans la rue – il avait cessé de la tirer, les bras tétanisés par l'effort –, indifférent aux regards inquisiteurs des villageois. Sur la grande place, il vit une fontaine et la vue de l'eau fraîche lui rappela que son palais était complètement desséché. Sans plus attendre il abandonna la brouette et trottina vers la fontaine imaginant déjà l'eau couler entre ses lèvres. Il ne s'attendait donc pas du tout au coup de canne qu'il reçut en plein ventre le stoppant net dans sa course. Ce sont les fesses parterre qu'il regarda, abasourdi, un homme sans âge lui faire barrage de sa canne finement ouvragée. L'homme le fixa, les yeux rieurs. Il avait d'ailleurs de très jolis yeux verts d'eau, une couleur surprenante. Nathanaël fronça les sourcils et lui jeta son regard le plus noir mais ne bougea pas d'un pouce. L'homme ricana. Il était assis sur un tabouret, habillé d'un étrange habit vert de cadmium – ou était-ce une cape ? – et avait de très longs cheveux noirs corbeau. Etait-ce aussi une fine couronne en argent qui trônait élégamment sur sa tête ?

- Courageux mais pas téméraire, fiston ?

Il avait une voix douce mais froide. Qui était cet étrange personnage ?

-Que voulez-vous ? répliqua farouchement Nathanaël, piqué au vif.

L'homme ramena doucement sa canne entre ses jambes et posa son menton sur le pommeau représentant ce que Nathanaël pensait être un serpent.

-Je veux bien des choses, jeune ignorant. Et toi, que veux-tu ?

Nathanaël se redressa et épousseta ses habits désormais couverts de poussière. Mrs Collins ne sera vraiment pas contente se dit-il en regardant l'état de son pantalon.

-Je veux boire à cette fontaine, il fait chaud et j'ai soif, fit-il en s'approchant de nouveau de celle-ci.

Il se retrouva de nouveau parterre les mains sur le ventre avant même de finir sa phrase. Un nouveau coup de canne. L'homme souriait de toutes ses dents.

-Mais vous n'allez pas bien ? hurla Nathanaël à son agresseur. Vous avez un sérieux problème, ma parole !

L'homme fronça les sourcils, ses yeux se plissant, ne laissant voir qu'un fin trait vert et lui demanda d'une voix sifflante :

-Petit, si je te prenais ta brouette sans permission, serais-tu d'accord ?

-Bien sûr que non !

-Alors tu comprendras sûrement ma réticence à partager l'eau de ma fontaine avec un morveux mal éduqué, asséna-t-il d'une voix hautaine.

Nathanaël vit rouge. Il se releva d'un bond et balança un coup de pied rageur dans la si précieuse fontaine de cet homme insupportable. Ni une ni deux, il fit demi-tour, attrapa sa brouette et couru jusqu'à l'étal du marchand de légumes, deux rues plus loin. Il ne vit pas l'homme le regarder d'un œil sournois, les lèvres remontées en un sourire arrogant.

Oo

Archibald Brisefer, cinquantenaire, était un homme bon-vivant, joyeux et toujours enclin à la rigolade. Tout le village le connaissait : il y était né, y avait grandi et y mourrait. Il avait repris le commerce très florissant de marchand de primeurs de son père et de son grand-père avant lui. Ses légumes étaient les meilleurs de la région, de ça il n'avait aucun doute. Il passait des heures dans ses potagers à prendre soins d'eux et à les élever avec amour.

Il ne faisait aucun doute non plus qu'il adorait son métier. Il avait d'ailleurs repris les rênes de l'entreprise acceptant avec ceux-ci le contrat qui liait sa famille à l'orphelinat St-Thomas depuis maintenant trois générations. Ce contrat consistait à lui vendre ses légumes à moitié prix. Il avait continué avec bienveillance l'engagement qu'avait signé un jour son grand-père avec le précédent directeur de l'orphelinat. Archibald adorait les enfants et bien qu'il ne put encore en avoir avec sa douce Marysa depuis l'accident de celle-ci il n'avait songé à en adopter un. Cependant, quand il le pouvait, il donnait du travail aux plus grands d'entre eux lors de la cueillette des légumes.

Il était bientôt dix-sept heures, l'heure à laquelle Mr Grumbler, l'homme à tout faire de l'orphelinat, venait généralement récupérer les légumes pour le souper. Une main au-dessus de ses yeux, il scruta les rues environnantes dans l'intention de repérer ledit personnage. Tout ce qu'il vit fut un jeune garçon - de pas plus de dix ans à en croire sa taille – courir dans sa direction, traînant une brouette derrière lui. Le jeune garçon stoppa net devant son étal, un sourire aux lèvres.

-Bonjour M'sieur, vous êtes M'sieur Archibald Brisefer ?

Il regarda le jeune petiot et acquiesça.

-Cool ! Vous êtes bien le marchand de légumes ? (Il hoche la tête encore une fois) Génial ! C'est Mrs Fridge qui m'envoie. Je suis puni, donc pendant un mois je suis de corvée de courses M'sieur Brisefer. Vous me verrez tous les jours, ça va vous changer de Mr Grumbler !

L'enfant ricana. Il fallait avouer que Mr Grumbler était particulièrement peu avenant et râleur. Il se plaignait sans cesse à Archibald des marmots et de leurs bêtises, des courses et des travaux à faire dans l'orphelinat.

-Bonjour mon p'tit gars ! s'exclama Archibald. T'as fait quoi pour être puni comme ça ? C'est que ce n'est pas du gâteau de se trimballer les courses sans camionnette !

-Ah ça M'sieur, je ne vous le fais pas dire, souri le garçon, rien que pour venir ici avec la brouette vide c'était du sport ! Mais bon, vous savez c'est pas parce que je suis petit pour mon âge que je ne vais pas y arriver. Je ne lui donnerai pas ce plaisir à Mrs Fridge !

Au ton déterminé de cette graine de petit homme Archibald le trouva attendrissant. Il avait dû faire une sacrée bêtise pour que la mère supérieure le punisse si sévèrement.

-Viens donc te mettre à l'ombre, petit. Il fait bien chaud en ce moment. Assieds-toi le temps que je remplisse ta brouette. Sers-toi de l'eau fraîche ! fit-il en lui désignant la carafe tout juste sortie du frigo. N'hésite pas !

Il vit le jeune garçon lui faire un si grand sourire qu'il pensa une seconde qu'il resterait coincé ainsi. Il grimpa sur la chaise d'Archibald et se servit un grand verre d'eau.

-Vous êtes vachement sympa M'sieur ! Pas comme l'horrible bonhomme près de la fontaine !

Archibald mettait un à un ses légumes dans la brouette de l'enfant. Il posa une courgette et se redressa en appuyant ses mains sur ses hanches douloureuses.

-Aïe, je me fais plus tout jeune moi. Tu parles de Sal ? Haha, il faut savoir le prendre, ce bougre d'âne ! Pas fichu de partager sa fontaine... Au fait, tu as un nom ?

Il vit le garçon relever le menton et lui répondre fier comme un paon qu'il s'appelait Nathanaël Porter.

-Dîtes-moi, M'sieur, il est toujours aussi méchant ce Sal ? Parce qu'il m'a quand même frappé deux fois avec sa satanée canne !

Archibald le dévisagea, le visage du jeune Nathanaël s'était teinté de rouge au fur et à mesure qu'il lui racontait ses déboires. Archibald rigola et se dit que ça lui apprendrait à être moins impulsif.

- Comme je te le disais, ce n'est pas un mauvais bougre. Et saches qu'il ne fait rien sans raison. Tu devais le mériter. Il vit Nathanaël froncer les sourcils. Le prends pas mal, petit, mais cet homme sait ce qu'il fait. Ça doit bien faire dix ans qu'il s'est installé dans le village. C'est quelqu'un de sage. Si tu en as l'occasion, vas-t'excuser. Tu serais étonné de ce qu'il pourrait t'apprendre.

Nathanaël pensait les yeux dans le vague, la bouche en équilibre sur le bord du verre froid.

-Mouais, si vous le dites. C'est vous l'adulte après tout.

-Haha ! Petite tête-brûlée ! Allez, va voir le boucher maintenant !

Nathanaël sauta de la chaise, le remercia pour le verre d'eau et poussa tant bien que mal la brouette qui commençait à se faire lourde en direction du boucher. Archibald Brisefer retourna à ses occupations, un sourire joyeux sur les lèvres.

Oo

Cela faisait à peine trente minutes qu'il avait quitté le village et ses bras n'en pouvaient plus. Qu'il pousse ou tire la brouette, celle-ci se faisait de plus en plus lourde au fur et à mesure qu'il avançait sur le chemin caillouteux. Après un rapide tour chez le boucher, Mr Tallson, un immense bonhomme d'au moins deux mètres d'après Nathanël, il avait été chercher le pain chez la gentille boulangère Mrs Painchaud - une petite dame rondelette et souriante d'origine française - qui lui avait offert une petite collation composée d'un jus d'orange frais et d'un pain au chocolat. Il avait était alors dix-huit heures et sachant qu'il lui faudrait sûrement une heure pour tirer la trop lourde brouette jusqu'à l'orphelinat il avait traversé le village sans plus tardé. Il n'avait cependant pas manqué de tirer puérilement la langue au méchant homme de la fontaine. Celui-ci lui avait d'ailleurs répondu en tirant la sienne qui était...fourchue. Prenant ce qu'il avait vu pour la manifestation de sa fatigue, il n'avait pas fait grand cas de la chose.

Mais là, tout de suite, il aurait tout donné pour avoir une force herculéenne. Il s'assit, découragé, au pied d'un arbre, à l'ombre. Il ferma les yeux un instant et soupira à s'en fendre l'âme. Pensant au discours de Mrs Collins sur son avenir plus que prometteur il se dit que ces voyages au village étaient une occasion pour se muscler et se remettant sur ces deux pieds il se prépara à pousser de nouveau cette fichue brouette.

Quelle ne fut pas sa surprise quand celle-ci se déplaça sans qu'il n'ait besoin de forcer ! Elle semblait ne peser pas plus qu'une plume. Il avait l'impression que s'il le voulait il pouvait la décoller du sol sans aucun problème. Étrange... Très étrange. Mais il aurait été sot de s'en plaindre ! Remerciant le petit Jésus d'avoir écouté sa prière -pour une fois- il se mit à courir en traînant la brouette derrière lui. Il se sentait terriblement fort. Terriblement puissant. Et il adorait cette sensation. En moins de cinq minutes il arriva devant la porte de l'orphelinat. Il ne comprenait pas ce qu'il venait de se passer mais se jura de réessayer le lendemain.


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