Sapphire Immortality

By Lux0304

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La faiblesse humaine. Cette risible mortalité. Vous ne pourrez grappiller que quelques années sur Terre avant... More

Prologue d'une légende
II- Les démons du passé
III- Poison
IV- Ecarlate
V- Lui
VI- Captive, encore ?
VII- Tempête
VIII- Tatouages
IX- Eau de larme, eau de bain et folie
X- The missing book
XI- Lettre

I- Briser la chrysalide

270 30 17
By Lux0304

France,

Mai 1620

Demeure des Farells

    Le bruissement des feuilles de papier, puissamment parfumées à l'encre. La quiétude des lieux. La chaleur d'un feu de cheminée qui réchauffe tous les pores de ma peau. Je soupire de bien-être. La bibliothèque est mon refuge. Le seul endroit où je peux me permettre d'être moi quelques instants. Ces maigres minutes que je vole à la vie afin de me retrouver. Accoudée sur un fauteuil tendu de soie couleur anis je m'étire comme un chat, un sourire béat au coin de mes lèvres. Empêtrée dans une robe d'apparat rouge grenade je manque de m'étaler au sol dans un mouvement loin d'être gracieux. Mes journées sont mornes et ennuyantes. Recluse dans une demeure campagnarde loin des festivités de la cours de Versailles. Protégée. Sereine. Jouant un rôle dans ma propre existence.

    Je repose le livre de conte de fée que je relis pour la centième fois sur la table en bois marqueté, soudain lasse. Je me donne l'impression d'être prisonnière de mon propre corps. En proie à des idées sombres, je me redresse prestement et déambule dans les allées débordantes de milles et uns ouvrages incroyables. Ils relatent tous des péripéties extraordinaires. Parlent de rêves et de liberté alors que moi j'en suis privée. J'ai beau être une noble je ne peux pas agir à ma guise après tout je reste une femme. Parfois j'ai la sensation d'être née à la mauvaise époque. Celle ou être de sexe féminin vous rend inférieur et sans importance. Celle ou vous n'êtes pas plus intéressante qu'un vulgaire objet dont on dispose à sa guise.    

    Alors que mes talons claquent sur le sol en bois, je laisse mes doigts parcourir les ouvrages d'un air distrait. Si seulement on m'offrait l'opportunité d'agir. De prouver ce que je vaux. Mais ma mère ne me laisserait jamais participer à une soirée mondaine. Je suis bien trop fragile selon elle. Evidemment elle est persuadée que je vais me briser si le vent se met à souffler trop fort. Elle s'absente souvent pour de mystérieuses raisons et laisse de nombreux précepteurs se charger de mon éducation. Violon, harpe, piano, cours de danse, maintient. Tant de matières qui occupent mes journées et dont je n'ai que faire. L'art et la manière de se tenir et de se comporter sont d'un profond ennuie. 

    Heureusement je peux m'offrir ces quelques instants de répit, barricadée derrière les lourdes portes ciselées par des orfèvres hors pairs qui ont retracé certaines aventures des plus anciens héros, de certaines divinités grecques bien que cela soit interdit ou déconseillé par le clergé. Je ne devrais même pas savoir lire si on les écoutait. 

    Mes pieds sont meurtris à cause de ces escarpins qui me compriment. Je jette un rapide coup d'œil autour de moi pour m'assurer d'être la seule âme qui vive dans les parages. Rassurée, je les retire vivement d'un coup de pied. Délestée de cette entrave je remue le bout de mes orteils en souriant. Il n'y a personne pour me juger ni me réprimander. Gênée d'être vêtue si luxueusement je commence à délasser mon corset après m'être contorsionnée dans tous les sens. Tout le monde pense que je suis incapable de me vêtir seule ou même de choisir mes habits. Mais ils ont tort. Dans des moments comme celui-ci protégée par les murs de ma bibliothèque préférée je me laisse aller. Je sais que mes instructeurs se délassent dans d'autres pièces et ne penseront jamais à venir me chercher ici, ils me prennent pour une pauvre idiote qui ne fait qu'obéir aux ordres sans aucune intelligence ou talent quelconque. Je me suis personnellement assurée d'entretenir cette opinion qu'ils ont sur moi. Plus je serais discrète et plus je pourrais agir à ma guise. Même si c'est dans l'ombre.

    J'ai mis du temps à le comprendre mais maintenant je ne laisserais plus jamais un tel accident se produire. Je ne peux même plus songer à cette période de ma vie où je n'avais qu'un unique objectif me démarquer et prouver à ma mère tout ce dont j'étais capable sans sentir la bile me remonter dans la gorge. Être digne d'intérêt est parfois la pire chose qui puisse vous arriver. Je peux l'assurer. 

    Nettement plus à l'aise je secoue la tête comme pour en chasser les idées noires qui m'oppriment. Nana me dit que je réfléchie trop et qu'un jour cela pourrait me jouer des tours. Elle est la seule qui tienne sincèrement à moi. Elle est la seule qui m'aime sans rien attendre de ma personne. 

    Un bruissement non loin de moi me fait sursauter vivement. Une porte qui claque, des bruits de pas. Des voix qui retentissent dans les couloirs. A la hâte je me cache dans une alcôve, décontenancée par la soudaine agitation qui agite le domaine dans lequel je vis. Ma tenue est inappropriée, si on venait à me surprendre dans une telle position je n'ose pas envisager la sentence qui en découlerait. Je respire donc calmement en tendant l'oreille à l'affût d'indices à glaner.  Mais les murs sont trop épais et bientôt la discussion s'éloigne. Rassurée je porte la main à mon cœur pour en apaiser les palpitations et sur la pointe des pieds quitte ma cachette. Je ne dois pas me laisser submerger par de tels sentiments, des émotions négatives engendrent toujours des catastrophes. Je ne peux pas me le permettre. Pas maintenant. Ni plus jamais

    Garder le contrôle à tout prix. Ne pas paniquer, ni ouvrir les portes de mon cœur au désarroi. Le prix à payer, me serait insupportable. Car on ne peut faire confiance à personne. 

- En voilà des manières mademoiselle, retentit une voix masculine juste à mes côtés. 

    Découverte et surprise je sursaute violemment, et manque de m'étaler sur les chaussures que j'avais laissé en plein milieu du passage. Je me raccroche à une étagère de toutes mes forces. La tête haute je fais volte-face pour foudroyer du regard ce nouveau venu. Mon visage se ferme et je revêt le masque qui me cache à la vue de tous. L'air hautain, je le détaille à travers mes longs cils. Ses cheveux noirs de jais retombent sur sa clavicule en de légères boucles sombres. Et ses yeux polaire me font frissonner. Mais je ne baisse pas la tête pour autant.

- Si je ne m'abuse, rétorquais-je d'un ton glacial signifiant que son irruption dans mon havre de paix est des plus incorrect. Vous êtes ici dans ma demeure et c'est très impoli d'espionner une femme comme vous venez de le faire.

- Je ne voie guère de femme ici, tout juste une fillette. Et j'ai bien peur de détenir plus de droit sur votre manoir que vous-même. 

    Reste calme Lucy. Respire. Ne laisse pas cet inconnu te déstabiliser

    Il arbore un sourire en coin des plus insupportable et semble me mépriser comme si je n'étais que de la vermine à ses yeux. Néanmoins son âge doit être similaire au mien et même si sa tenue dénote un certain sens du goût et surtout une importante richesse, je ne suis pas la première venue et mon rang m'octroie un certain respect qu'il ne m'accorde visiblement pas. 

    J'époussette ma robe et m'affaire à resserrer mon corset pour avoir l'air plus présentable et surtout garder contenance. J'enfile prestement mes escarpin, concentrée sur le fait que je ne dois pas perdre la face même si cette situation est affreusement embarrassante et non conventionnelle.

- Dans tous les cas si vous avez su trouver l'entrée, repris-je une fois certaine que mon apparence est nettement plus acceptable, je ne vois pas l'utilité de vous conduire à la sortie. Vous la trouverez par vous-même.

- Essayez-vous de me chasser de ces terres ? s'enquiert l'individu une note quasiment imperceptible d'amusement dans sa voix suave.

- Pour cela il aurait fallu que vous y soyez le bienvenu à la base, arguais-je en m'éloignant déjà peu encline à rester plus longtemps avec cet homme qui semble prendre un malin plaisir à vouloir me faire sortir de mes gongs.

    Revenue auprès du sofa que j'occupais un peu plus tôt, je récupère prestement l'ouvrage que j'avais laissé traîner là, avant de le remettre à sa place toujours suivie par cet étrange individu qui examine chacun de mes gestes avec une attention déconcertante. Exaspérée et réalisant que non seulement il n'a rien à faire dans ma demeure mais qu'il peut aussi s'avérer dangereux, je le surveille furtivement.

- Bon, soupirais-je face à son soudain mutisme et au fait qu'il n'a pas obtempéré à ma demande, qui êtes-vous à la fin ?

    Serait-il à l'origine de l'agitation que j'ai perçue plus tôt ? A quel point dois-je me méfier ? Que me veut-il ? Comment me sortir de ce pétrin ? Mes instituteurs ne me seront d'aucunes aides ils se terrent dans une autre partie du manoir et les domestiques ont été congédiés dans leur appartement sous la demande de ma mère. Seul le majordome est toujours en service mais il pourrait être n'importe où.

    Inquiète, je m'empare d'un autre bouquin, très épais à la couverture abîmée par le temps. Je reconnais que ce n'est pas une arme très meurtrière mais un bon coup de livre dans la figure peut décourager bien des malins.

- Si vous comptez m'assommer avec cet ouvrage, se moque l'intrus en riant. Vous pouvez oublier, je n'ai aucune intention de vous nuire.

    J'arque un sourcil pour l'inviter à développer sa réponse. Il ne fait certes pas preuve d'agressivité mais je n'en suis pas dupe pour autant. Il veut quelque chose. Il a une raison pour être ici. Personne n'a d'acte désintéressé et ma famille possède des titres de noblesses, ce qui fait de nous des cibles de choix.

- Lord Alexander, intervient une voix féminine que j'identifie comme étant celle de ma gouvernante attitrée.

    La femme âgée d'une bonne quarantaine d'années, fatiguée par une vie de labeur avance à pas feutrés dans la pièce. Elle traite mon interlocuteur avec une courtoisie qui me surprend. Mais qui peut-il bien être pour être autant admiré ?

    Soufflant face au manège que se livrent les deux individus je me détourne, tant de faux semblants et de manières m'écœurent. Mon employée lui fait clairement de l'œil et il se laisse flatter. C'est tout bonnement répugnant.

    Cependant un détail attire mon attention, les rayons du soleil qui embrasent de leur douce chaleur printanière le bois vermeil du sol. Certains livres sont éclairés par cette chaleureuse lumière. Mais la hauteur du soleil éveille en moi un sentiment d'urgence. Je vais être en retard. Affreusement en retard. Paniquée à l'idée de rater ce rendez-vous quotidien, je rassemble mes jupons dans une main et abandonne là ma gouvernant et ce dénommé Alexander après tout il semblait attendu même si visiblement personne n'a jugé bon de m'avertir.

- Mademoiselle Lucy, s'écrie dans mon dos ma tutrice alors que je cours pour quitter la demeure.

    Je manque plusieurs fois de trébucher au sol à cause de cette satanée robe mais je ne ralentie pas la cadence y compris quand je croise le jardinier occupé à tailler les haies. Le souffle coupé je finis enfin par m'écrouler sur un banc en marbre dans un petit kiosque de mon jardin caché des regards des curieux, bien que vivre dans un endroit reculé m'en préserve déjà selon moi.

    Tout en tentant de réguler ma respiration j'apprécie le spectacle qui s'offre à moi. C'est mon petit coin de paradis avec la bibliothèque. Face à moi une fontaine en honneur de Neptune, le dieu des eaux vives et des sources. Les deux jets d'eau éclaboussent la verdure alentour. Des arbres sont disséminés autour de moi pour me dérober à la vue de tous mais aussi pour répandre la douce senteur des fleurs de cerisiers et d'oranges.

    Le clapotis de l'eau. Le chant des oiseaux. Cette délicieuse chaleur qui pénètre mon épiderme. Comme dans la bibliothèque auparavant. Si j'adore rester enfermée des heures entières à lire, ces petits moments en harmonie avec la nature revêtent une importance tout aussi capitale dans ma vie.

- Bonjour mon petit oiseau, chantonne une belle femme à la longue chevelure de feu et aux yeux émeraude.

    Je lui saute dans les bras et me blottie contre elle. Ma grand-mère, Nana comme je me plais à la nommer. Elle dégage une odeur de pins et de fruits des bois. Je n'ai pas le droit de la voir. Je ne connaissais pas son existence jusqu'à ce qu'elle me retrouve. Elle est la seule qui m'accepte telle que je suis. Elle est la seule qui me connaisse et se soucie de moi.

- Nous n'avons pas beaucoup de temps, me repousse avec douceur Nana. Il est l'heure de se mettre au travail.

    Je lève les yeux au ciel. Nous nous retrouvons pour éviter qu'un accident ne se produise. Elle m'aide à me canaliser. A maîtriser ma particularité. Parfois je souhaiterais que nous puissions seulement rester assises sur ce banc à parler. Mais c'est pour ma propre sécurité.

- Allons allons mon trésor, ne tire pas cette tête tu sais que c'est important. Je n'admettrais pas qu'il t'arrive quoique ce soit, tu dois être en mesure de te contrôler et de te défendre quand le temps viendra.

- Je sais Nana, soupirais-je en nouant ma chevelure dans une tresse serrée à l'aide d'un ruban rouge. Quelques mèches blondes s'échappent de ma coiffure et j'essaie de les discipliner en râlant.

- Tu es tendue, remarque ma grand-mère.

    Elle a cette manière d'affirmer les choses qui me déconcerte, elle devine et pressent certaines de mes émotions. Cela me perturbe toujours autant même après tant d'années.

- J'ai fait une rencontre, racontais-je en m'installant sur le rebord de la fontaine les mains tendues vers l'eau sachant d'avance ce que je dois faire.

- Un jeune homme je présume ?

- Si présomptueux et arrogant, révélais-je piquée au vif en repensant à son aplomb et à la situation dans laquelle il m'a trouvé.

- Il n'a pas fui devant ta froideur, me taquine Nana. C'est pourtant très intéressant est-ce ce qui te dérange tant ?

- Pas du tout... tempérais-je alors que je sais qu'elle ne me croit pas, car je n'y crois pas non plus.

- Concentre toi Lucy, me rappelle à l'ordre mon institutrice pour quelques instants.

    Je l'écoute. Je fais le vide dans mon esprit et me focalise sur le bruit de l'eau. Sur le clapotis de chaque goutte. Sur leur musique. Sur leur présence. Je plonge mes mains dans la fontaine. La fraîcheur de l'eau. Sa texture. Son odeur. Et quand j'ouvre les yeux brusquement je lève mes mains. Et des bulles composées d'eau s'élèvent lentement dans les airs. Je croise le regard empli de fierté de mon aïeule. Mon sang s'enflamme et je le sens couler dans mes veines. Ce pouvoir. Ma magie.

    Car je suis une sorcière et mon secret me coûterait bien plus que la vie. Et que le bûcher. Je suis la petite fille de Jeanne d'Arc et je suis capable de vous ensorceler prendrez-vous le risque ?

La suite la semaine prochaine... 

N'hésitez pas à commenter si vous lisez, je ne vous demande pas un pavé juste un petit commentaire pour me dire si vous aimez ou non c'est toujours motivant et qui sait la suite pourrait sortir plus vite. 


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