J'ai l'impression que plusieurs minutes s'écoulent avant que mes jambes veuillent m'obéir.
Sans prendre le temps de réfléchir, je fais demi-tour vers la cuisine. C'est la porte la plus proche et j'ai besoin de sortir de son champ de vision et me planquer. Je n'entends pas la suite du discours, je ressens juste mon cœur qui bat dans mes tempes, je distingue juste des rires et des salves d'applaudissements lorsque je pousse la porte.
Mike semble de bonne humeur, tout ce passe au mieux, il ne m'a pas vu presque m'écrouler sur les banquettes comme une idiote. Heureusement, il faut dire que j'aime beaucoup travailler avec lui et son équipe même si ce n'est que de temps en temps.
- « Ça va ma puce » me demande Lilie alors que je commence à retrouver un teint disons convenable dans un coin.
- « Oui ne t'en fait pas j'en ai fais d'autre ! » j'essaye de relativiser.
J'aurais pu renverser un plateau sur quelqu'un ou pire là c'était rien... Franchement, je ne suis pas complètement tombée, j'aurais pu m'écrouler et me cogner la tête contre un carreau, finir à l'hôpital avec un traumatisme crânien et une nouvelle gaffe de haut niveau à mon actif.
- « Dis-donc, tu n'as pas flashée sur n'importe qui ! Tu es sûre que c'était lui au cimetière ? »
- « Je n'ai pas flashée... mais j'en suis certaine, c'était justement pour l'enterrement de cette femme, l'auteur, j'ai dû lire la plus par de ces livres, je t'en ai sûrement parlé ? »
- « Peut-être, tu as lus plusieurs centaines de livres, je ne peux pas retenir tout les titres et encore moins leurs auteurs ! »
Ce n'est pas faux, j'adore lire, je peux passer des journées et des nuits entières le nez dans les bouquins. C'est ma façon de m'évader, imaginer, rêver, pleurer, rire... enfin c'est comme une drogue, j'en ai besoin autant qu'elle a besoin des potins qu'elle trouve dans ces magazines.
Je lui réponds en lui tirant la langue.
Avec Lilie, nous nous aimons autant que nous sommes différentes, je suis lecture, elle est cinéma, elle est plutôt thé, je suis accro au café, elle est plutôt salés, je suis sucrés, bon en fait, je ne suis pas contrariante en ce qui concerne la nourriture... Et tellement de choses comme ça qui font, pourtant, de nous des amies très proches.
- « Il ne t'a peut-être pas vu » me dit-elle rassurante. « Quoi qu'il a bien insisté dans ta direction.. »
- « Merci pour le soutien ma chérie »
- « Il ne t'a sûrement pas reconnue, on était en retrait, ce n'est pas très bien éclairé près des banquettes et en plus tu as changé de coiffure et de couleur »
C'est vrai que la semaine dernière sur un coup de tête, je suis passée de rousse aux cheveux longs à mon châtain naturel et j'ai opté pour un carré long plongeant très simple, sage et surtout facile à coiffer.
Pas le temps de répondre que Mike nous appel pour malheureusement retourner en salle, je suis si bien dans mon petit coin, cachée !
- « Merci à vous, vous faites un excellent boulot, continuez comme ça. »
Tout le monde sourit, c'est plaisant de ce dire qu'on fait bien son travail.
J'attrape mon plateau et m'apprête à sortir, suivant Lilie, quand Mike me rappel.
- « Tout ce passe bien Julia ? »
Mince, en fait, il a du me voir, il a peut-être cru que je me sentais mal. C'est un peu le cas mais certainement pas pour ce qu'il pense.
- « Très bien, merci encore d'avoir pensé à moi pour le remplacement. »
- « Tu fais du bon boulot. J'aurais, si tu acceptes besoin de toi pour d'autres évènements ? »
- « Bien sûr avec plaisir »
Je rougis légèrement, très fière de moi, ce n'est pas tous les jours qu'on me dit que je travaille bien. Surtout dans un domaine que je ne connais pas et ou il faut manipuler des bouteilles et des flûtes de champagne, quand je vais dire ça à Karl, je suis certaine qu'il ne me croira pas.
- « C'est super, tu peux aller rejoindre Mélissa la haut, les invités vont commencer à sortir prendre l'air. Lilie doit déjà y être. »
J'acquiesce en hochant la tête et passe la porte avec mon plateau vide à la main, j'observe autour de moi, pour voir si « il » est là, mais je ne le vois pas, il n'est plus sur l'estrade, la salle s'est légèrement vidée.
Dommage j'aurais bien admiré encore quelque secondes le visage parfait de cet homme ! Peut-être est-il déjà parti. Non c'est mieux en fait, je n'ai pas besoin de me ridiculiser une fois de plus, j'ai déjà assez donné.
Arrivée en haut, je constate que l'air c'est bien rafraîchit. Il fait nuit, mais le bateau est bien éclairé que ce soit par des guirlandes lumineuses qui font le tour ou avec les bougies posées un peu partout. Il y a des parasols chauffants qui heureusement réchauffent un peu l'atmosphère. La vue est magnifique la red eye est illuminée, je ne pensais pas qu'elle le restait la nuit ou est-ce occasionnel.
Je retrouve Lilie qui me sourit dès qu'elle me voit, je n'ai pas le temps d'aller la voir pour le moment, je me dirige vers la tonnelle du fond ou se trouve toujours Mélissa.
- « Tout va bien ? Mike m'envoie aussi pour t'aider. »
- « Merci » me répond celle-ci visiblement soulagée.
En effet, le toit est bien remplit, en majorité par des hommes. Certains profitent de l'extérieur pour fumer une cigarette ou même un cigare. Ils ont abandonné leurs femmes pour discuter affaires ou golf. Après tout, je ne sais pas de quoi ils peuvent parler peut-être de leurs futures vacances dans un endroit paradisiaque, du prix de leurs maisons, je suis sûre qu'il joue à celui qui aura la plus grosse, c'est un truc de garçon, enfin d'homme...
- « Je te prépare un plateau avec champagne et bourbon avec et sans glace, tu peux aller voir à la table là-bas ? » me désignant du menton une table d'hommes d'âge disons mur pour être polie. Vieux machins péter de tune, ça ne ce dit pas, ça se pense uniquement.
- « Ok, je suis là pour ça ».
J'attrape mon plateau et me dirige vers la table en question.
- « Bonsoir messieurs, vous désirez boire quelque chose ? »
- « Merci mademoiselle » me lance l'un d'entre eux, avec un clin d'œil, j'évite de trop me pencher, je n'ai pas envie de lui offrir une vue plongeante sur mes seins.
Le client lourd de la soirée ! TROUVE ! Ce n'est pas une médaille que je voudrais lui remettre...
- « Sans glace »
Il a l'air légèrement éméché, mais tant qu'il reste poli tout va bien, c'est un homme d'une cinquantaine d'années, je dirais même un peu plus, un beau costume, certainement quelqu'un d'important, ça ce voit à la façon qu'ont les autres de l'écouter, il l'admire presque.
Je suis certaine que si je renversais une goutte sur ces mocassins immonde, je suis obligée de le préciser, je pourrais lancer les paris sur celui qui se lèvera le plus vite pour lui essuyer.
Ma méchanceté est de retour, c'est un moyen de me calmer, je ne le pense pas vraiment, mais c'est plutôt efficace par moment, aller, on se reprend et on se CONCENTRE...
Après avoir servi tout le monde, je m'éclipse discrètement en leur souhaitant à tous une bonne soirée, politesse oblige.
- « Vous aussi, ma jolie »
« Ma jolie » en effet, il doit même être complètement ivre ! Je ne réponds rien, je me contente de sourire poliment encore une fois et retourne auprès de Mélissa sans les regarder.
- « Ça va ? Ils ne t'ont pas ennuyé ? »
- « Non, pourquoi ? »
- « En fin de soirée, il arrive que certains deviennent lourds, mais il faut prendre sur soit et rester calme ! Même si on a juste envie de leur envoyé le plateau à la figure ! »
- « Ne t'en fait pas, je sais me défendre » lui montrant mes biceps complètement inexistants !
J'attrape de nouveau mon plateau, uniquement rempli de bourbon, apparemment le champagne est boudé par la gente masculine, pour continuer à servir. Lorsque je recule pour faire demi-tour, je sens un obstacle derrière moi, je perds l'équilibre. Tant bien que mal, j'essaye de retenir mon plateau quand une main se pose sur la mienne pour m'aider à le maintenir droit. A ce contact un courant me parcourt, je n'y prête pas attention, surement l'adrénaline, la peur...
Par réflexe, de ma main libre, je m'accroche derrière moi à ce que je peux.
Pourvu que se soit un parasol ou une table que je n'ai pas vue ou qui vient juste d'être déplacée juste derrière moi.
Merde. C'est un bras, un bras d'homme, ou de cette femme aux multiples bracelets très musclée !
J'arrive à me stabiliser et jette un coup d'œil dans mon dos pour voir qui m'a cette fois-ci sauvée de la catastrophe !
Je regarde ou ma main gauche est agrippée, une manche de costume bleu, je manque de m'étouffer, je n'ose pas lever la tête pour vérifier.
- « Faites attention à vous »
Merde, merde et re-merde... Ce n'est pas possible, le sort s'acharne !
Plus de doute, c'est lui, je reconnais sa voix, la même que ce jour inoubliable au cimetière, la même qu'il y a encore quelque minutes pendant le discours.
Mon regard se plonge dans le sien, je dois être complètement blanche ou rouge, je ne sais pas trop encore une fois. Son regard dans le mien m'électrise complètement, ces yeux si turquoise semble me transpercer, un frisson parcourt ma colonne vertébrale.
M'a-t-il reconnu ?
Il sourit, ces lèvres charnues laissent apparaitre des dents parfaites.
Je reprends le contrôle de mon corps et lâche son bras. Sa main droite est toujours posée sur la mienne, continuant à diffuser une douce et agréable chaleur.
A contrecœur pour ma part, il retire sa main. Je me retourne et me retrouve face à lui.
Je n'arrive pas à lâcher son regard, nous nous fixons sans rien dire durant de longues minutes ou plutôt environ trois secondes. Nous sommes plus que lui et moi....enfin du moins dans mon imagination.
Il s'apprête à dire quelques choses, quand un homme arrive derrière lui pose ces mains sur ces épaules et l'attire vers lui, me faisant sursauter.
Retour à la réalité !
- « Aller viens, on est attendus »
- « C'est vrai une seconde. »
Il me regarde à nouveau.
- « Ça va aller ? » me demande t-il simplement.
Un « oui « à peine audible sort de ma bouche, la gorge encore nouée. C'est moi, ou il semble très proche de son ami, serait-il.... Gay ?
Non ce n'est pas possible... C'est du gâchis enfin non, je me fais des films, je suis encore sous le choc... et si c'est le cas, félicitation aux hommes, vous avez chopé le gros lot...
Je crois qu'il ne m'a vraiment pas reconnue, heureusement. En même temps, c'est quelqu'un d'important qui doit côtoyer les filles les plus belles qui existent, pourquoi se rappellerait-il de moi la banale Julia ! Je n'ai rien d'une miss ou d'un mannequin. Et rien d'un homme non plus.
Je ne peux que le regarder, alors qu'il s'éloigne déjà avec son ami qui, il faut bien l'avouer est plutôt mignon, un look assez différent et décalé, mais qui lui va très bien. Si c'est le cas, ils forment un joli couple. Avant de descendre les marches, il me jette un coup d'œil rapide mais tellement sexy, surement pour vérifier que je suis encore debout ou que j'ai repris mon travail.
Ne te fais pas de film ma pauvre ! Il est intouchable !
Une fois hors de ma vue, je reprends rapidement mes esprits l'air de rien.
Mélissa me propose de m'asseoir une seconde pour reprendre des couleurs en me rassurant.
- « Tu sais, ça peut arriver à tout le monde. J'ai renversé une bouteille de champagne presque pleine sur les genoux d'une convive une fois, alors la, rassure toi ce n'était rien »
J'aperçois Lilie qui nous regarde loin, je ne pense pas qu'elle ai vu tout ce qui s'est passé. Sinon elle n'aurait pas pu s'empêcher de rire la connaissant, je lui souris, avant de me lever pour retourner travailler, pourvu que le reste de la soirée soit calme et sans embûches.
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De retour à la maison, vers deux heures, je tombe sur mon lit, par la suite, tout c'est très bien passé, je n'ai pas recroisé ce bel inconnu et heureusement, je ne sais pas ce que j'aurais pu faire cette fois-ci. A peine emmitouflée sous ma couverture, je m'endors et m'envole vers le doux pays des rêves rapidement rejoint par les bras fort et puissant d'un beau brun aux yeux turquoise.
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