« Bip » « Biip » « Biiip » ...
Mais quel est ce bruit infernal qui essaye de me tirer de mes rêves ? Une cloche, Lilie qui a fait griller ces toasts et déclencher l'alarme incendie ?
Non, simplement la sonnerie de mon portable, qui me sert de réveil. Pourquoi je m'obstine à le poser si loin de moi ? C'est vrai, c'est pour être sûre de ne pas l'éteindre avant d'être sortie de mon lit. Merci maman, qui me le déplaçait la nuit pour que je le cherche le matin, elle sait qu'une fois que j'ai mis le pied par terre je n'aime pas me recoucher.
J'étais si bien dans les bras bien musclés de mon bel inconnu, depuis presque une semaine, que je l'ai maladroitement (le mot est faible) croisé, mes rêves se sont comment dire «réchauffés », il me suffit de penser à son regard lagon, ces beaux cheveux noirs. Ça barbe parfaitement taillée qui lui donnait un air si classe qui je suis sûre cache une part de rébellion ou de secret malgré son beau costume...
J'avoue dans mes rêves il est bien rare qu'il porte grand-chose et moi non plus d'ailleurs et mon corps est bien différent.... C'est beau de rêver un dieu pareil avec une fille quelconque comme moi, maladroite, un peu, même probablement complètement folle, avec des formes, un petit ventre et des fesses bien rembourrées. J'avoue que ces dernières sont très utiles pour amortir les chutes malencontreuses.
J'essaie tant bien que mal de discipliner ma tignasse, mes cheveux sont devenus trop longs et je commence à me lasser de ce roux. Après ma rupture avec Jimmy, j'avais besoin de changer de tête, c'était une sorte de thérapie post-rupture, post-cœur brisé et cette couleur fait ressortir mes yeux verts, enfin ça m'avait fait du bien sur le coup, mais je crois qu'il est temps de revenir à la normale mes cheveux châtains me manquent.
Note à moi-même : Penser à aller au coiffeur.
Aller, pas le temps de rêvasser, ce n'est pas le bon jour pour la grasse mâtinée, il faut vraiment que je me lève, que je me bouge les fesses...
Annie va finir par m'attendre. On est samedi, le soleil commence juste à se lever, une belle journée s'annonce, la saison des mariages commence. J'avoue que j'aurais bien passé la mâtinée enroulée dans ma couverture à dormir ou peut-être même lire quelques chapitres, mais ce n'est pas au programme, aujourd'hui un couple va s'unir et les fleurs vont permettre de rendre ce jour encore plus radieux, et accessoirement de garder mon job. Il est hors de question que je perde mon principal revenu et que je déçoive Annie, j'ai trop d'estime pour elle.
Ma camionnette est pleine de fleurs, des roses blanches pour la plupart, seulement agrémenter de quelques roses rouges, ce couple à vraiment bon goût, les compositions d'Annie sont magnifiques, comme toujours, sobre avec une pointe d'originalité, c'est certainement ce qui fait son succès. Il y a aussi des petits bouquets pour décorer les tables, des roses pour les témoins et demoiselles d'honneur, et bien sûr le bouquet de la mariée en double exemplaire.
J'aurais presque choisie les mêmes couleurs pour mon propre mariage, il me manque juste une chose et pas des moindres, « le mari » j'en imagine bien un, gentil, drôle, grand, corps de rêve, visage parfait brun aux yeux bleus....
Arrête de rêver et reviens sur terre. Tête en l'air !
Pff il fait chaud dans cette camionnette tout à coup...
Il est midi, quand je quitte salle de réception, après avoir vidé et installé la totalité des fleurs aidée par l'organisatrice du mariage, légèrement autoritaire et aigri. Je ne sais pas si, c'est l'absence d'alliance à son annulaire qui lui fait cet effet, mais je peux comprendre qu'organiser des mariages si on est seule ou que son chéri ne fait pas de demande ça peut devenir pesant voire même démoralisant. Enfin, après tout, je n'en sais rien, elle a peut-être fait vœu de chasteté, ou peut-être que la future mariée est une vraie tortionnaire, qu'elle a passé son temps à hurler, trop exigeante et jamais satisfaite, stressée par tous ces préparatifs.
Pourquoi j'ai toujours besoin de m'imaginer la vie des gens, ça ne pourrait pas être calme un peu plus dans ma tête, on ne s'entend plus.
Le temps de retourner à la boutique, manger rapidement un sandwich, il est plus d'une heure, et c'est reparti, il me reste quelques livraisons de bouquets pour des anniversaires ou des hommes très amoureux et attentionnés pour leurs femmes et malheureusement parfois leurs maitresses.
Ça m'est déjà arrivé et je ne peux rien dire, juste regarder les femmes s'extasier tour à tour devant le bouquet souvent commander à l'identique. C'est triste, pourquoi faire subir ça à ces femmes! Mais je ne peux que me taire et me forcer à sourire, alors que j'ai envie de lui crier de quitter cet abruti, ce pauvre con, qu'elle trouvera bien mieux ailleurs, aucune femme ne devrait vivre une trahison de ce genre.
Enfin bref, il y a des abrutis partout! J'en connais un pas mal d'ailleurs, dont je tairais le prénom vivant tout proche de mon petit village au cœur de la France...
Heureusement mon téléphone sonne et me change les idées, c'est Annie.
« Salut ma puce, quand tu auras fini, il y aura un dernier bouquet à passer prendre à la boutique, livraison de dernière minute, dans la même rue que ton appartement, tu auras qu'à prendre ta voiture et rentrer directement chez toi si tu veux ? »
« Merci, Annie, j'arrive tout de suite, tu es sûre que tu n'auras plus besoin de moi après ? »
« Ne t'en fais pas, profite plutôt de ta soirée, sors et trouve-toi un gentil et bel homme pour prendre soin de toi »
Touchée !
Apparemment, le néant de ma vie amoureuse ne passe pas inaperçu, même auprès de ma patronne...
« Oui maman » je l'entends rire et nous raccrochons.
****
18H30, livraisons terminées, je passe la porte de l'appartement. Lilie est déjà là. Je n'ai pas le temps de poser mes clefs dans le vase sur le petit meuble d'entrée qui nous sert plus de fourre-tout que pour des fleurs, qu'elle me saute dessus.
- « Enfin, je t'attendais, ma chérie »
- « Ohh ! Mais que me vaut cet honneur ? »
- « Ce soir on sort ? » me suppliant du regard, les mains liées comme si elle priait, ajoutant même un petit « S'IILLL TTTEEE PLAIIIIT », pour finir de m'amadouer.
De toute façon, j'allais lui proposer la même chose, ça tombe bien !
- « Tu veux aller où? »
Lilie éclate de joie et sautille sur place, on pourrait croire que nous ne sommes pas sorties depuis des mois à voir sa réaction, pourtant je me souviens encore de ma migraine dimanche dernier en me réveillant.
Je sais l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, mais on n'a qu'une vie et je compte bien en profiter et c'est assez rare surtout depuis que nous sommes à Londres.
Nous avons toutes les deux presque vingt-deux ans, je suis d'un mois plus jeune, ça n'a pas d'importance maintenant, mais dans quelques années, je serais contente d'avoir ce petit moi en moins ! Nos mères ont vécue leurs grossesses ensemble, c'est peut-être là que nos liens se sont crées ! Enfin bref, à notre âge, on profite et on s'éclate, je ne veux pas vivre avec des regrets toute ma vie.
- « Je ne sais pas encore, les garçons doivent être rentrés, on va leur proposer de fêter ça »
Les garçons occupent l'appartement du dessus, ils sont très rapidement devenus nos amis, on prend soin de Toby, le poisson rouge d'Anthony, quand ils s'absentent, heureusement, il est plutôt autonome et silencieux. On n'a absolument rien en commun à première vue, mais on les adore, nos petits geeks. Ils voyagent souvent pour leur travail, ils créent des applications pour les smartphones, choses auxquels Lilie et moi ne comprenons pas grand-chose, je dirais même rien. Enfin je suis bien contente de les utiliser, mais comment elles arrivent sur mon portable, c'est un autre sujet.
Tout a commencé lors de notre aménagement, ce sont les seuls à nous avoir aidés, je pense surtout que Lilie leur a tapé dans l'œil, et on a peut-être ce jour-là profitées de ces atouts.
Enfin bref, le soir même, on les a invités à un apéritif dinatoire à l'appartement pour les remercier et faire connaissance. Je me rappelle leur surprise le jour où ils ont rencontré Elena, une des amies intimes de passage de Lilie.
On ne peut pas dire que Lilie soit une grande romantique, au contraire de moi, même si je me cache bien. J'avoue rêver du prince charmant, pas de cheval, ni de couronne juste de l'amour de la joie, de la sincérité, du bonheur, l'amour avec un grand A, le truc cucul la praline qu'on essaye de nous faire avaler dans les Disney et les contes de fées. Ma meilleure amie profite et je suis contente pour elle, le plus important à mes yeux, c'est son bonheur, je suis certaine qu'elle rencontrera un jour la personne qui lui fera voir la vie autrement...
Tout le monde a très bien pris sa bisexualité, il lui arrive d'avoir des petits copains, enfin il lui est arrivé, ça fait un moment qu'elle ne m'a pas parlé d'un homme. Sa famille et nos amis sont plutôt ouverts d'esprit, tout le monde n'a pas cette chance. Et heureusement, car sous mes airs de rigolote, délurée, maladroite se cache une lionne équipée de griffes aiguisées et je ferais tout pour elle, c'est ma meilleure amie après tout, je lui dois beaucoup.
- « Et si on allait se préparer ? »
- « Je ne te plais pas comme ça ? » prenant la pose.
J'avoue avoir fait simple aujourd'hui, une tunique verte longue sur un jean foncé, confortable pour courir toute la journée.
- « Bien sûr que si, pour aller bosser, mais si tu veux, tu peux aussi remettre ta robe bustier » me lance-t-elle avec un clin d'œil.
Je souris en repensant à ce jour... maintenant j'arrive à en rire sans avoir envie de me cacher sous mes draps, ou de m'enfuir sur une île déserte.
- « À éviter, si je ne veux pas être obligée de venir me chercher au poste pour attentat à la pudeur avec ma robe sur les chevilles ! »
- « Oui garde là pour ton monsieur supercanon ! »
En riant, nous nous dirigeons dans notre petite salle de bain.
À peine une heure plus tard nous sommes prêtes, presque un record pour nous, en même temps, nous avions que quelques retouches à faire, le plus difficile c'est de s'arrêter de parler, quand on est lancées, rien ne peut nous stopper et ça peut rapidement nous faire perdre une demi-heure voir bien plus.
Et pia pia pia... mon frère dit souvent qu'on est pire que nos pintades, je le crois, et pourtant elles font un sacré boucan.
Lilie est magnifique, comme toujours, même au réveil elle est superbe, ce n'est pas facile à vivre tous les jours surtout quand je vois ma tête le matin au réveil. Elle porte un pantalon noir simple avec son petit top blanc à bretelles tressées qu'elle a fait avec un vieux-t-shirt usé, avec le perfecto que je lui ai offert pour son anniversaire l'année dernière. Elle a remonté ces longs cheveux blonds en une simple queue-de-cheval, elle garde rarement ces cheveux détachés, pourtant ils sont si beaux et lisses, je l'envie avec mes cheveux épais et indisciplinés.
Un dernier coup d'œil au miroir, je ne me trouve pas trop mal, maquillage simple, un trait d'eye-liner et du mascara pour marquer le beau vert de mes yeux, cheveux relâchés, ondulés, un top asymétrique rouge foncé qui dévoile ma poitrine sans vulgarité, et un jean foncé, pour camoufler mon gros derrière. Avec mes petites sandales compensées. Simple, pour passer une bonne soirée, on va sûrement encore bien s'amuser, les soirées ici sont bien différentes de celles de notre petit village, elles sont plus délurées et plus folles.
Nous sortons de la salle de bains pour nous installer sur notre canapé, les garçons ne devraient plus tarder, ils finissaient de se préparer, eux aussi, avant de nous rejoindre, leur plus gros dilemme étant de choisir quel t-shirt porter, il ne porte que des jeans.
À peine le temps d'entamer une discussion que l'on frappe à la porte, Lilie court presque pour leur ouvrir. Elle a vraiment envie de sortir ce soir.
- « Waouh salut les filles » s'exclament-ils en cœurs. « On ne vous a pas trop manqués ? »
- « Si, la semaine a été bien tranquille sans vous. »
Nous nous embrassons rapidement et quittons aussitôt l'appartement.
****