Elle remettait sensuellement sa chevelure en place tandis que j'arrangeais méticuleusement ma tenue. Ce péché que nous venions de commettre ensemble dans cette voiture resterait entre nous. Personne ne pouvait le soupçonner, mis à part quelques personnes ayant traîné dans les alentours. Ils avaient sûrement dû penser que j'étais en train de la violer ou que nous étions un couple peu regardant sur la pudeur. En tout cas, personne n'avait osé nous déranger.
— Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? me demanda-t-elle, inquiète.
— On retourne à l'intérieur, la soirée est loin d'être terminée, répliquai-je, assez indifférent de ce qui venait de se passer.
Elle semblait légèrement déstabilisée, mais me suivit tout de même. La fête battait son plein. Tout le monde parlait avec tout le monde, un verre à la main ou un canapé, tout en négociant le moindre contrat, gérant ses affaires.
Rapidement, Lisa s'éloigna, prétextant que c'était urgent. Je profitai de son absence pour balayer la salle du regard. Beaucoup de visages connus pour la plupart. Une soirée comme une autre en somme... Du moins, ça aurait dû l'être. Les évènements ne cessèrent de se bousculer. Encore une fois, ce fut le cas quand cette blondasse que je connaissais si bien s'approcha de moi.
Jessica avait été pendant de très longues années ma concurrente lorsque je travaillais pour North, puis lorsque j'avais repris son entreprise, elle avait été la première personne que j'avais virée, et ce, sans le moindre scrupule.
— Triaghan, j'aurais dû m'attendre à te revoir ici ! s'exclama-t-elle d'un ton méprisant.
Visiblement, la hache de guerre n'était toujours pas enterrée. Après tout, j'avais mieux réussi qu'elle, même si j'ignorais totalement ce qu'elle était devenue entre-temps. En tout cas, j'étais persuadé que ce serait toujours moins bien que moi.
— Et moi je m'attendais à ne pas te voir ici parce qu'on sait tous que tu n'as pas sucé les bonnes bites, renchéris-je sur le même ton.
— Tu n'as pas changé à ce que je vois, espèce d'enfoiré, persifla-t-elle.
— Il n'y a que toi qui n'as pas changé, en particulier dans le milieu professionnel, rétorquai-je d'un ton assez ironique.
Elle serra fermement ses poings. Cette femme n'avait jamais su contrôler sa colère et frappait sur tout ce qui bouge. Elle était capable de s'en prendre à moi dans l'immédiat, mais désormais que j'avais de l'argent et suffisamment de pouvoir, je pouvais me permettre de la démonter en moins de deux, elle ne tiendrait jamais face à mes avocats.
— Je ne comprendrai jamais comment tu as pu succéder à North, soupira-t-elle. Comment il a pu te choisir toi plutôt que moi ? J'ai toujours été bien plus douée que toi ! Je réussissais toujours mieux que toi !
Visiblement, elle était encore bloquée dessus et n'avait pas réussi à tourner la page. À sa place, si quelqu'un m'avait fait un coup comme je le lui avais fait, il aurait perdu son poste dans la semaine. Et elle osait parler de talent... La preuve qu'elle n'en avait aucun, j'étais toujours ici.
— Jessica, ce n'est pas que je m'ennuie, mais j'ai des personnes bien plus importantes à parler avec, des personnes qui ont un vrai travail, elles.
Elle pouffa de dégoût, comme à son habitude. À chacun de ses pics, je ne me gênais pas pour répliquer comme je l'avais souvent fait, quitte à m'en prendre littéralement plein dans la gueule. Heureusement, aucune de ses attaques n'avait été suffisamment puissante pour me faire du mal.
Alors qu'elle allait répliquer pour envenimer la situation davantage, Lisa me rejoignit. Elle se rendit immédiatement compte de la tension qui s'était installée entre Jessica et moi, elle était loin d'être une idiote et fit comme si elle maîtrisait la situation, que ce soit réel ou qu'une apparence pour masquer sa maladresse. En tout cas, elle était douée.
— C'est qui cette pouffiasse ? Encore une que tu te tapes dans ton bureau quand tout le monde a le dos tourné ? demanda-t-elle sans espérer la moindre réponse.
Lisa leva brièvement ses sourcils, mais c'était comme si elle en était faussement étonnée. Après tout, c'était ce que nous faisions, sauf que cette fois-ci, tout le monde l'ignorait.
— Lisa Sterling, son assistante, se présenta la concernée.
— Et vous l'avez eu comment votre travail ? En le suçant ?
— C'est quoi votre problème ? s'enquit Lisa tout en tentant de garder son calme.
Alors que l'une serrait les poings plus forts que jamais, l'autre croisait les bras et la regardait d'un air hautain. Jessica devrait vraiment se remettre en question, personne n'engageait une femme au tempérament trop fort, et encore moins, lorsque celle-ci frappait à la moindre altercation sans se remettre en question.
— Absolument aucun, soupira-t-elle d'un air dédaigneux.
Elle me fusilla du regard une fois encore puis partit sans même prendre la parole une dernière fois. Assez étonnant venant d'elle. D'habitude, il fallait toujours qu'elle ait le dernier mot et généralement, elle finissait par user de la force. Elle avait sûrement eu de nombreux problèmes avec ces dernières années, ça avait dû la calmer.
— C'était qui ? m'interrogea aussitôt Lisa.
— Une ancienne collègue. Rien de bien important en tout cas.
— Elle semblait vraiment t'en vouloir, me fit-elle remarquer.
— Normal, je l'ai virée, déclarai-je sans la moindre honte.
Elle tourna son regard vers moi, totalement interloquée par cette révélation. Dans le fond, elle n'aurait même pas dû en être étonnée. Des gens, j'en avais viré des tas. Je n'avais aucun scrupule à le faire. Tout simplement parce que je ne travaillais toujours qu'avec les meilleurs.
— Qu'avait-elle fait pour que tu la vires ? demanda-t-elle, soudainement curieuse.
— Il fallait que je vire quelqu'un dès le premier jour aussi cruel que ça puisse paraître. Dans le monde des affaires, on ne survit pas en faisant de l'humanitaire.
Son visage sembla exprimer une légère forme de dégoût, mais avant qu'elle ne puisse le dire de vive voix, Nash s'approcha de nous. Au moins, j'allais sûrement éviter une quelconque leçon de morale encore une fois totalement inutile.
— Alors Cole, tu fais de bonnes affaires ce soir ou tu ne viens que pour t'amuser ? demanda-t-il pour lancer la discussion.
— Je ne serais pas venu s'il ne s'agissait pas un tant soit peu de travail. Alors j'ai déjà négocié quelques contrats, je suis plus ou moins tranquille pour le reste de la soirée.
— Où est Heather ? s'enquit-il.
— Elle est restée à la maison avec Clyde, elle était fatiguée, prétendis-je.
En réalité, nous en avions à peine parlé et quand elle l'avait appris par le biais de son père, elle s'était désistée, préférant s'occuper de Clyde. Pendant un instant, j'avais voulu la convaincre de venir, mais je n'en avais pas eu la force. Je regrettais de ne pas avoir insisté.
— Ce n'est pas grave, relativisa-t-il d'un air calme. De toute manière, on en reparlera demain.
Soudainement, je me souvins de ce repas organisé chez les parents de Heather que j'avais accepté à contrecœur et que j'avais aussitôt oublié. J'étais même bourré quand elle me l'avait annoncé. Je me souvins qu'elle avait dit que sa famille lui avait mis la pression pour rencontrer Clyde. Tout le monde était vraiment obsédé par ce gosse.
— Bien évidemment, rétorquai-je accompagné d'un faux sourire.
Nash partit aussi rapidement qu'il était venu, ne rallongeant pas cette discussion plus que pénible.
— Je vois que le nombre de mensonges explose ce soir, constata-t-elle.
— Ça ne change pas d'habitude. Ces soirées-là sont un gouffre à mensonges...
*
Comme je m'en doutais, Heather dormait paisiblement dans le lit. Du moins, elle avait vraiment le sommeil léger ce soir puisqu'elle ouvrit lentement les yeux dès que je franchis le seuil de la chambre.
— Je croyais que tu rentrerais plus tôt, me fit-elle remarquer.
En jetant un bref regard à l'heure, je pus constater qu'il était bel et bien assez tard. Minuit étant passé depuis longtemps et je croyais, à tort, que ce serait suffisant pour ne pas subir la moindre discussion.
— Ça s'est éternisé bien plus longtemps que prévu, mentis-je. Tu sais bien que c'est toujours comme ça. On prévoit de n'y rester qu'une dizaine de minutes, mais impossible...
Elle semblait comprendre que je lui mentais, mais tentait toujours de se refuser d'y croire. Elle devait se trouver des excuses, alors qu'elle savait depuis bien longtemps ce qui se tramait derrière son dos. Et la peine dans son regard était bien trop douloureuse pour que j'en reste insensible. J'avais envie de me mettre à genoux et de tenter de me faire pardonner, mais au lieu de ça, je restais à quelques pas du lit, incapable de bouger.
Alors que j'enlevai ma veste, elle me regardait d'un air à la fois dépité et fatigué. Je détestais vraiment la voir ainsi et je fus assez soulagé de voir qu'elle finit par fermer les yeux pour se rendormir.
Je savais que bientôt je paierais les frais de cette mascarade tout en espérant que ce jour n'arrive jamais...