Excursion.
Il faisait presque jour.
J'ai pris cette décision sur un coup de tête, cet acte n'a été aucunement réfléchi.
J'ai bien vu qu'elle n'était pas du tout sereine, ni rassurée. Elle était stressée.
J'ai roulé jusqu'au bois de Vincennes.
Son esprit devait être surchargé d'idées sombres mais je ne lui ferais aucun mal.
- Où est-ce qu'on va?
- Tu verras!
- Dis-moi là tu me fais peur!
- T'as dit ne pas me connaître non? je vais te dévoiler une partie de ma vie.
Elle se tait à mon plus grand bonheur.
Je suis perplexe à l'idée de retourner sur ce fameux lieu. Mais je pense qu'il est important que je tourne enfin cette page.
Après une quinzaine de minutes, nous sommes arrivés. Lorsque j'ai coupé le moteur, j'ai vu dans ses yeux une once de peur. Je lui ai fait signe de descendre.
Elle a longuement hésité.
- Mais descends putain.
- Attends! Pourquoi tu t'énerves?
Ça y est, j'allais descendre là.
- Parce que tu prends tout ton temps. T'as chaud de moi, toi aussi, c'est ça? Tu me crains? Tu crois que j'te veux du mal?
Cette atmosphère me rendait austère.
Ça me rappelait de mauvais souvenirs.
Je sentais qu'elle me craignait, qu'elle n'avait pas totalement confiance et c'est ce qui me mettait encore plus les nerfs.
Pourquoi tout le monde me craint?
Cette situation en devient lassante.
Faut qu'elle se détente pour que je le sois également, j'ai besoin d'ondes positives.
- Non non Jaffar, j'ai pas peur de toi, je sais que tu me veux aucun mal.
C'est juste ce lieu qui ne me rassure pas.
- Avec moi tu n'as rien à craindre.
Mon ton rauque a dû lui faire du bien,
elle m'a rejoint à la suite de ces mots.
Alors, elle marchait naturellement à mes côtés tout en examinant cet environnement dans les moindres détails.
Il faisait frais.
D'ailleurs,
j'aurais bien aimé foutre mes mains dans mes belles burnes pour me réchauffer mais ma tenue n'était pas très adéquate.
Plus nous avancions, plus nous nous enfoncions dans le fin fond des bois.
Nous étions seuls, il n'y avait pas un bruit. Le seul bruit qu'on pouvait entendre, représentait les éléments de la nature. Les légères agitations du vent, les feuilles mortes, les feuilles volantes, les craquements de branches, les oiseaux...
J'ai toujours apprécié le calme.
Le calme de cette nature, m'apaisait auparavant et encore maintenant.
Plus nous avancions, plus elle s'inquiétait et moins elle comprenait ce qu'on faisait ici, tous les deux, au lever du soleil.
Rita n'était pas bien.
Elle n'a même pas eu besoin de me le dire, je le sentais, je sentais qu'elle était tendue. J'ai attrapé sa main et elle m'a regardé avec étonnement. C'était notre premier contact, j'ai sentis que c'était le moment. Moi qui suis loin d'être tactile, j'étais obligé. Il fallait qu'elle soit «relax».
- Je suis là.
- Cet endroit ne... j'aime pas, ça me... remémore de mauvais moments.
- Ouais moi aussi
et c'est pour ça que je t'ai ramené ici.
- Pourq...
- Il n'y a pas mieux de faire un saut dans le passé de quelqu'un pour créer un truc, pour en savoir plus sur la personne.
Nous sommes arrivés, là où tout a commencé, là où tout s'est terminé. Je lui pointe du doigt, un arbre, un marronnier.
- Tu vois ça, là-bas?
- Le grand arbre? demande t'elle
- C'est à cet endroit même que j'ai rencontré une fille spéciale. La seule fille avec qui j'ai vraiment été sincère.
- Tu l'as rencontré dans les bois?
- Original hein. dis-je pour essayer de la faire sourire, ce qui a bien sûr fonctionné
- Donc tu n'as eu qu'une seule vraie relation? Comment votre rencontre s'est déroulée? Fin c'est un peu bizarre ici...
- Ouais. À cette période je venais de quitter la rue j'avais trouvé un foyer mais j'avais déjà passé quelques nuits sous cet arbre et ça m'arrivait d'y retourner juste pour y être au calme tu captes?
Elle secoue la tête timidement.
- Et un jour j'y étais tranquillement posé, des bénévoles pour les sans abris sont venu m'accoster, elle faisait parti du groupe. Je les ai gentiment remballé mais Yasmine a attendu que tous les autres s'en aillent pour revenir seule vers moi et puis s'est passé ce qu'il devait se passer.
- Vous avez? Enfin tu l'as? Euh vous...
- Non on a malheureusement pas BAISÉ dès la première fois sous ce bois même si j'aurais kiffé j'me suis contenu.
- Putain Jaffar!
- Elle est seulement restée avec moi à discuter. On a parlé pendant des heures jusqu'à ce qu'il fasse nuit. Puis on se revoyait assez régulièrement jusqu'à ce que ça devienne sérieux entre nous.
- C'est beau !
- C'était.
- Je... je suis désolée.
- T'as pas à l'être! Elle s'est tuée à l'endroit même où tu es à l'instant.
Rita s'est automatiquement déplacée en étant tout autant estomaquée. Elle n'en revenait pas, pourtant c'était bien vrai.
- Quoi? Mais non! Arrête tes bêtises, si t'essayes de me faire peur c'est rater.
- Et vas y je cherche pas à te faire peur ni rigoler avec ces choses là! elle s'est vraiment suicidée ici devant mes yeux. J'ai même été condamné pour homicide.
Elle ne réagit absolument pas.
Je savais que cette annonce allait sûrement la déstabiliser. À quoi est-ce que je m'attendais? Je me suis lancé, j'irais jusqu'au bout, je ne vais certainement pas m'arrêter en cours de route. Puis je n'ai RIEN à y perdre!
- Elle a ôté sa vie devant moi, je n'ai pas su l'arrêter, j'avais son sang sur mes mains, son arme entre mes doigts.
- Mais tu étais innocent, pourquoi ils...
- J'étais innocent aux yeux de la justice mais en vrai si elle s'est donnée la mort, c'était totalement à cause de moi.
- T'es fou, dis pas ça s'il te plaît!
- C'est la stricte vérité.
- Mais non, t'as pas pu causer son décès. Tu l'aimais cette fille.
J'hausse les sourcils avant de soulever l'arrière de ma chemise. Tout va trop vite, je lui en ai assez dit mais je ne parviens pas à m'arrêter. J'ai la sensation de me libérer rien qu'en me dévoilant à moitié.
- Tu sais ce qu'est un poison?
- Où tu veux en venir?
- C'est ce que j'étais pour elle, j'étais nocif, je l'ai bouffé à petit feu.
- Comment ça?
- Je lui ai fait beaucoup... énormément de mal. Tu vois cette cicatrice?
Elle acquiesce de la tête.
- C'est elle qui me l'a faite et c'est rien comparé à tout ce que j'ai pu lui faire.
- Tu... la battais?
- Physiquement non,
mais je l'ai quand même détruite.
- Je sais pas quoi dire... c'est pour ça qu'on t'appelle l'achimiste?
- Non ça n'a rien à voir, c'est encore une autre histoire. Tout ça pour te dire y'a un tas de choses que tu ne sauras jamais sur moi, j'suis infréquentable.
- Mais où tu veux en venir? T'essayes de me faire comprendre que j'ne pourrais pas te fréquenter, qu'il ne se passera rien?
- Je te dis seulement que tu me connais pas, tu ne dois pas être attirée par moi. Je suis pas un mec fait pour ces choses. Faut pas que tu t'attaches, tu finiras par souffrir et tu as déjà assez de soucis.
- Et tu es au courant que ce n'est pas moi qui décide? Que cette alchimie se pointe seule sans demander mon avis?
- C'est du charabia. On est digne de choisir et contrôler tout ce qu'on veut tant que le mental est assez fort.
- Toi tu l'es peut-être, moi pas! J'suis pas une personne forte et ça tu le sais bien.
- Il suffit de le vouloir putain.
Rita tu l'es tout autant que moi mais tu n'en t'es pas encore rendu compte. Tu penses vraiment que si tu n'aurais pas été forte tu aurais pu me plaire?
Ses yeux scintillèrent, je n'avais pas mesuré mes propos. Je viens de lui dire explicitement qu'elle m'intéresse.
Ses lèvres m'appelaient, elles m'appelaient à plusieurs reprises me demandant de les effleurer. Je n'ai pas l'habitude de faire ce genre de choses là, mon cerveau est toujours en ébullition, mes neurones ne cessent de bosser mais là... il n'est plus question de calculs.
Délicatement,
je me suis approché d'elle.
Nos lèvres se sont réunies rapidement.
Ce timide baiser se fut sensuellement.
Silencieusement,
je me suis éloigné d'elle.
- On... je...
- Je vais te ramener chez Mimi.
- Non je...
- Faut que t'ailles dormir Rita.
- Attends mais tu viens de m'inciter à t'oublier en quelques sortes fin tu m'as comprise et juste après tu m'embrasses?
Ça n'a carrément aucun sens, je...
- Et vas y tu es assez intelligente pour comprendre où je voulais en venir et pour ce qui s'est passé... dis-toi que cet acte nous est interdit! On est pas fait pour se côtoyer en dehors du boulot.
- C'est une blague là? Tu recommences! ARRÊTE DE FUIR JAFFAR C'EST CHIANT, À UN MOMENT PREND TA PAIRE DE COUILLES ET ASSUME UNE BONNE F..
Je l'ai attrapé sèchement par la taille.
J'étais partagé, rongé, par l'émotion de la colère et par celui de l'envie également.
Elle me rendait fou et cela malgré moi.
- Hausse pas ta voix sur moi.
- Tu me pousses à le faire.
- Regarde moi.
Elle refuse de le faire.
Je soulève alors son menton,
son regard se perd manifestement dans le mien. J'attrape sa nuque afin que son visage termine à proximité du mien.
Et je termine en l'embrassant.
- Suis-moi, on y va! Inutile de dire que tout ce qui s'est passé reste entre nous.