Tour de table

By MonNomEstTab

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Six adolescents du lycée Blaise Cendrars entourent la même table. Ils n'ont, en l'occurrence, rien à se dire... More

Avant-propos.
S♢ulivan
E♡glantine
C♢arl
R♡oxane
E♢mile
T♡abitha
Note de fin
Sondage
Projet important
À votre tour
Vérités et Sentiments

S☆ECRET

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By MonNomEstTab

Georges Lefebvre, l'homme qui avait inventé une activité bizarre pour la première au lycée Blaise Cendrars en l'an quatre-vingt-neuf aurait aimé que chaque table se rassemble une nouvelle fois, dix ans plus tard. Malheureusement pour lui, rien de cela ne s'est produit. Seul Jules Carikalis avait épousé Mary-Rose, l'une des jeunes filles qui s'était retrouvée à côté de lui lors de cette première expérience.
Lorsque le professeur avait été mis au courant quant à cette union, il s'est senti excessivement fier. Fier de lui et de ses idées toujours très audacieuses.

Néanmoins, il est vrai qu'il s'était senti à la fois inutile et peut-être un peu trop- comment dire?- optimiste. Avec du recul, le vieil homme se rendait compte que ça avait été trop espérer de croire qu'à près de trente ans, ses anciens élèves se souviendraient encore de cette après-midi forte en émotions et feraient de leur mieux pour se voir une dernière fois, se rassembler pour uniquement discuter et se remémorer l'ancien temps, la belle époque des années qu'ils avaient passées au lycée Blaise Cendrars.

Il a fini par ne plus y croire du tout. En tout cas, les élèves de la première expérience ne risquaient plus de se retrouver. Jusqu'au vingt-trois mai deux mille cinq. Alors que le soixantenaire prenait de manière anodine son courrier, il a remarqué une lettre interpellante.
Lorsqu'il l'a ouverte, quel ne fut pas sa surprise de lire qu'une table de quatre-vingt-neuf s'était retrouvée une dernière fois. Seize ans plus tard, qui aurait cru?
Quand Georges s'est rendu compte que Carl Haslemere en était l'auteur, sa surprise s'est amplifiée davantage et alors, il s'est rendu compte qu'il n'avait pas fait du mauvais boulot.

En effet, Carl a toujours été qualifié comme un fauteur de trouble, un je-m'en-foutiste alors l'ancien professeur, qui lui avait enseigné la géographie un an avait eu le temps de cerner le personnage et n'aurait absolument pas imaginé que ça serait lui qui aurait proposé une chose pareille.

Pourtant, Carl, alors âgé de trente-quatre avait envoyé un courriel à chacun de ses amis avec qui il avait partagé cette expérience après avoir fait des recherches via Internet.
Le jeune homme se sentait bien au vingt-et-unième siècle, l'ère des facilités technologiques.
Grâce à un réseau social sur lequel il s'était inscrit pour le boulot quelques mois plus tôt, il était tombé sur le profil de chacun de ses partenaires.
Sulivan Albenez. Eglantine Garzia. Roxane Martin. Émile Tonfalli. Tabitha Wathelet.

Il ne s'était pas réellement attardé sur leur profil, trouvant cela étant comme du voyeurisme. Bien que chacun mettait ce qu'il voulait être vu en ligne, Carl jugeait que regarder, alors qu'aucune relation privilégiée n'était échangée avec cette personne était très impoli. Alors il s'est contenté de leur écrire en leur donnant rendez-vous chez lui le huit mai deux mille cinq. Ils ont tous répondu et durant une semaine, le jeune homme était excité à l'idée de pouvoir discuter avec eux et leur expliquer la raison pour laquelle il leur avait proposé cela.

Le jour J, Carl avait demandé à son épouse de ne pas rentrer trop tôt, elle a compris et n'a pas méprisé sa demande. Elle l'a gentiment embrassé avant de quitter la maison en lui souhaitant bonne chance. Dès cet instant, son compagnon a commencé à stresser, comme lorsqu'il fumait dans sa chambre et était toujours effrayé à l'idée de se faire prendre par sa mère ou que celle-ci ne le dise à son grand-père.
Il s'est contenté de rester paisiblement assis dans son divan, en évitant les aller-retours de la cuisine au salon pour se destresser et a attendu l'arrivée des autres.

La première personne a avoir sonné à sa porte était une grande femme longiligne, aux longs cheveux merveilleusement ondulés et aux formes presque divines. Premièrement, il a cru que quelqu'un venait lui demander de l'aider pour trouver un voisin mais lorsque la jeune trentenaire s'est présentée, il a été surpris d'entendre le nom Roxane. Cette dernière était déjà jolie en quatre-vingt-neuf mais entre temps, elle semblait avoir gagné davantage de beauté.

Ils n'ont même pas eu le temps de s'échanger trois mots que deux autres personnes se dirigeaient déjà, bras dessus dessous, vers la villa.
Roxane a directement reconnu Émile et Eglantine, et la jeune femme n'a pu retenir une exclamation en demandant si ces deux-là formaient un couple.
Bizarrement, le blondinet s'était posé exactement la même question au même moment.
Lorsqu'il est allé ouvrir aux deux nouveaux arrivants, une atmosphère de souvenirs est apparue.
Il leur a proposés de prendre place autour de la table de la salle à manger, comme dit dans le courriel.
Durant quelques instants, ils se sont souris, comme des inconnus et n'ont fait que parler de la pluie et du bon temps.
Heureusement, Sulivan a fait son apparition quelques minutes plus tard, seulement. Il portait un costume très propre et très classe, et était tout aussi souriant qu'il ne l'était quelques années plus tôt.

L'hôte de maison a gentiment proposé au dernier venu de s'installer à leurs côtés.
Durant un long moment, un énorme calme a plané au-dessus de ces cinq têtes que les années avaient changées.

   -Elle a répondu positivement à ton invitation, Tabitha?, a curieusement demandé Eglantine à l'égard de Carl.

Ce dernier a automatiquement baissé les yeux, à l'entente du prénom de cette fille qui avait été son amie durant quelques années.
Ils l'ont évidemment regardé avec de grands interrogatifs, ne comprenant pas la raison pour laquelle le garçon si dur qu'il était avait réagi de cette manière.

   -Tabitha ne viendra pas et c'est à ce propos que j'ai essayé de vous rassembler, s'est-il difficilement expliqué.

Personne n'a parlé. Puis, Émile a posé sa main décorée d'une bague sur le dos du trentenaire blond, comme pour l'encourager à s'exprimer.
Emile semblait avoir pris énormément de confiance en lui. Tout le monde se souvenait de lui comme étant un adolescent érudit, préférant cacher toutes ses connaissances au Monde et réfléchissant beaucoup avant de n'oser dire quoi que ce soit.

Carl n'est pas parvenu à ouvrir la bouche pendant trois secondes, préférant les regarder chacun à leur tour pour prendre un peu de courage, se sentir accompagné.

   -Tabitha s'est suicidée il y a un mois et demi, a-t-il recommencé avec courage. Je suis allé à son enterrement car je l'ai appris par son cousin que j'affectionnais. Il y a une semaine, en retrouvant le carnet d'hommage de son enterrement, j'ai repensé à cette après-midi de quatre-vingt-neuf. Je me suis alors dit que ça serait une bonne idée de vous revoir pour savoir comment les choses avaient évolué pour chacun de vous.

Personne n'a réagi au petit monologue que Carl avait pris le temps de faire, et ce sans même verser une larme. Ce dernier pensait que les autres s'étaient tous arrêtés d'écouter après les premiers mots. Oui, Tabitha s'était suicidée et ça lui avait fait le même effet qu'eux, amplifié deux fois.

   -Oh mon dieu!, s'est exclamé Roxane. Putain, j'en reviens pas! Je l'avais revue en début d'année et elle semblait épanouie.

   -Ça a toujours été bonne actrice. Elle vivait avec un jeune homme très bien mais ce dernier était soldat et a été tué en septembre. Ensuite, son père est décédé de vieillesse. Ne supportant pas cela, elle a préféré mettre fin à ses jours, alors qu'elle était enceinte de sept mois.

Le visage de la jeune femme qui avait réagi la première était devenu livide. Elle avait l'air surprise, étonnée et extrêmement triste face à cette histoire.
Carl a remarqué du coin de l'oeil qu'Emile avait rapidement confectionné le signe de croix, comme pour dire adieu à la jeune femme. Carl en a été étonné et s'est retenu pour ne pas regarder plus longtemps, se rappelant que sa mère était elle-même très croyante et avait tendance à faire le même genre de choses.

   -Bref, c'est un moment très triste et je regrette énormément l'amie que m'a été Tabitha mais je ne nous ai pas rassemblés pour faire une après-midi de silence, a relancé le jeune homme, avec désinvolture. Parlez de vous. Quêtes-vous devenus?

Il a fallu plusieurs secondes avant que les quatre invités commencent à se décoincer. Sulivan a évidemment été le premier alors que Tabitha l'aurait directement fait sans même patienter. Mais Tabitha n'était pas là donc Sulivan s'en est chargé.

   -J'ai fêté mes trente-trois ans il y a un mois de ça et je vis avec mon épouse, Catherine ainsi que notre petite fille, Lyxie, a commencé le jeune homme. J'ai commencé des études de droits l'année après celle où l'on s'est rencontrés et exerce mes fonctions d'avocat depuis plusieurs années déjà.

Sulivan était un type sérieux depuis ses douze ans et chaque personne étant tombée à la même table que lui imaginait déjà à cette époque que ce dernier aurait une belle carrière. Il avait l'air de réussir tout ce qu'il tentait d'entreprendre. Il avait même compris les fonctions réciproques en même pas vingt minutes. Alors cette révélation n'étonnait pas réellement les autres.

   -Et ta soeur?, a curieusement questionné Eglantine, se rappelant chaque secret révélé seize ans en arrière.

Un sourire radieux a illuminé le visage déjà attirant de Sulivan. Ce dernier était fier de la personne qu'était devenue sa cadette et il avait fait un énorme travaille sur lui pour faire avancer les choses.

   -Ma petite soeur est allée durant plusieurs années dans une université de cinéma, a-t-il conté, le sourire aux lèvres. Elle a réussi haut la main et est maintenant scénariste. Elle a écrit un film qu'elle essaie de monter avec un petit budget.

   -Elle est toujours en chaise roulante?, s'est tourné Émile.

   -Non, elle a pris les choses en main et s'est faite opérer. Ce n'est pas impeccable mais elle vit mieux qu'avant. Et puis, j'ai beaucoup discuté avec ma mère et en effet, elle s'est longuement sentie coupable.

Eglantine a souri, fière d'avoir vu juste la première fois que cette histoire avait été mise sur la tapis.

  -Et toi, Eglantine, qu'es-tu devenue?, s'est tourné Sulivan vers elle.

Ce dernier, sans même s'en rendre compte, avait repris les hostilités dans le même ordre que ce jour de quatre-vingt-neuf où Roxane avait eu la bonne idée de faire les choses correctement et donc dans l'ordre alphabétique.

   -Moi, j'ai grossi, a rigolé la blonde.

C'était premièrement de l'humour mais c'était vrai et c'était certainement la chose qui comptait le plus. Le meilleur changement de sa vie.

   -J'ai fait de nombreux concours et en ai gagnés deux. Puis, j'ai décidé ne plus être dépendante mais plutôt d'apprendre ma passion pour la danse classique à des jeunes filles. J'ai longuement parlé avec Madame Petraeus: je l'ai remerciée pour tout ce qu'elle m'a amenée et lui ai fait part du mal qu'elle m'avait causé. Nous sommes sorties de cette conversation en bon terme.

   -Et maintenant, tu es professeur de danse?, a voulu savoir Carl.

Elle a affirmé les paroles du jeune homme aux yeux magnifiquement bleus et a ajouté qu'elle ne donnait cours qu'aux adolescentes qui ont fait ce choix tard et qui de plus, sont un peu enveloppées. Roxane a applaudi ce projet mis sur pied avec toute la bravoure de la fragile Eglantine.

   -Mais dites-moi, est revenu Carl au pas de charge, Émile et toi formez-vous un jeune couple?

Cette question a été accueillie par des éclats de rire de la part des concernés. Carl s'est alors vite rendu compte que sa question devait être excessivement stupide, mais il a tout de même attendu plus amples explications avant de pouvoir en être sûr.

   -Nous sommes simplement devenus amis. J'ai raté ma dernière année au lycée Blaise Cendrars et lui était un an en-dessous de moi. De plus, nous avons fini dans la même classe alors une amitié s'est formée et nous l'avons entretenue, a expliqué la danseuse.

Carl, Sulivan et Roxane écoutaient avec concentration, tous les trois étonnés que Lefebvre soit parvenu à créer une amitié grâce à cette activité inventée en trois minutes. Peut-être était-ce la meilleure chose qu'était ressortie de cette après-midi.
Carl a fait un commentaire comme quoi cela l'étonnait dans le bon sens du terme.

À peine a-t-il eu le temps d'argumenter cette opinion, on lui demandait déjà de parler de lui, de se présenter à eux.
N'ayant pas réellement changé en seize ans, il s'est défilé en proposant du café à ses invités. Ces derniers ont refusé à l'unisson. Certains en mouraient d'envie mais leur curiosité était bien plus forte que leur besoin de caféine.

  -Moi, j'ai dépassé la trentaine depuis bientôt quatre ans et je partage ma vie avec une femme merveilleuse depuis maintenant six ans, a-t-il bêtement commencé, comme s'il se présentait à des inconnus.

   -Raconte-nous plutôt ton évolution, tes changements, a demandé l'une des deux filles.

   -Trois ans après l'activité au lycée, alors que je n'avais que vingt-et-un, la maladie a emporté ma mère. Je me suis alors retrouvé seul et n'avait plus que deux choix qui s'offraient à moi: soit je me détruisais à la clope, soit je me soignais en me créant un bon projet de vie. J'ai choisi la deuxième possibilité, pour ma mère. J'ai pris mon courage à deux mains et suis allé dans un centre de désintoxication. Ensuite, je suis rentré dans une école pour apprendre la carrosserie. J'ai maintenant mon garage avec un ami.

Carl était excessivement fier de cette partie de sa vie. Durant toute son cycle secondaire, personne n'avait cru en lui. On le jugeait souvent à son comportement perturbateur et à ses notes catastrophiques, mais il n'en pouvait rien de ne jamais avoir été très intellectuel. Alors, le jour où il a eu le bonheur d'ouvrir son propre garage, une joie extrême s'est emparée de lui. Il a alors pensé à tous ces connards qui n'avaient cessé de le rabaisser et à sa mère, la seule personne qui avait cru en lui tout au long de son existence.

   -Tu t'en es bien sorti, Carl, a jugé Roxane. Ça fait plaisir de te voir si épanoui et je suis vraiment désolée pour ta Maman.

Le jeune homme s'est contenté de répondre d'un geste de la tête comme pour dire qu'il recevait la prière que l'on venait de lui donner avec énormément de gentillesse.
Néanmoins, il a très vite changé de sujet en demandant à Roxane de parler à son propos.
Cette dernière ne s'est pas faite prier et a directement enchaîné.

  -Moi, je vis tranquillement avec deux enfants et mon époux. Je n'ai plus jamais revu Sven et ne l'ai jamais mis au courant quant à l'enfant que nous avions failli avoir, a-t-elle raconté sans grande difficulté. Je bosse dans le lycée Charles Baudelaire et y suis professeur de physique et géographie.

Lorsqu'elle a dit ce dernier mot, un fou rire s'est formé dans le groupe, en repensant à Georges Lefebvre, le prof de géo, complètement fou de Blaise Cendrars. Ce dernier n'enseignait plus depuis longtemps mais n'avait pourtant pas quitté l'esprit des ces anciens étudiants.

   -Émile, tu es marié, toi?

Roxane a très vite changé de sujet, une fois le fou rire bien entamé. Elle avait un rendez-vous médical avec son fils et bien qu'elle prenait énormément de plaisir autour de cette table, elle n'oubliait pas du tout le dos de Louis.

   -Je suis fiancé, en effet, a-t-il souri. Il s'appelle Arthur et nous vivons ensemble depuis plus de dix ans.

Émile avait assumé son homosexualité et cela faisait partie des bonnes nouvelles de cette après-midi de l'an deux mille cinq.

   -Nous n'allons certainement jamais adopté mais comptons nous marier en août, en Espagne car là-bas, le mariage homosexuel est légal, a-t-il assuré.

Émile n'avait pas vraiment changé et n'avait pas grand chose à dire à son sujet. Il restait plutôt secret mais ses dernières paroles avaient rendu l'atmosphère légère et riche en bonnes nouvelles.

Les trentenaires ont fini par prendre place dans le grand divan et avaient accepté le café de Carl.
Pendant plus de deux heures, ils se sont remémorés le bon vieux temps. Leur merveilleuse jeunesse passée dans les couloirs de la même école.

Puis, Émile a remarqué qu'une photo de Tabitha traînait sous la table basse. Elle avait dû malencontreusement tomber de la mallette de Carl quelques jours plus tôt.
Il l'a attrapée et s'est rendu compte que c'était le livret de son enterrement.

   -Une pensée à Tabitha dont l'histoire m'a ému pendant trois jours, a jugé le plus jeune du groupe en levant au ciel son poing qu'il avait embrassé.

Les autres ont calmement suivi le geste d'Émile et une minute de silence est née, pour rendre hommage à Tabitha qui avait quitté le monde trop tôt.

Fin.

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