CARNET DE RAPPORTS DE REINA LYANGE, p.54
5ème fugue
Troisième rapport : 15/10/16 à 15h45
« J'ai dû me changer dans les toilettes d'un bar et me laver avec une serviette trempée d'eau. Mon hygiène reste à désirer et j'ai l'horrible impression que ma prochaine douche sera dans une auberge de jeunesse aux prix pas trop élevés.
Mon ventre gargouille depuis ce midi, en manque de nourriture, les biscuits ne suffisent pas.
Olivia et Neville gobent des pintes de bière sur le comptoir. Boire de la bière dans un climat quasi-hivernal, non merci. Sans mes mitaines, mes doigts seraient gonflés, rouges et sans espoir de pouvoir serrer un guidon un jour.
Mon déodorant sans aluminium à la pierre d'alun reste mon seul ami pour l'instant, l'acolyte de ma semi-propreté. Le reste de mes produits de soin m'ont l'air bien inutile dans ce climat hostile. Mon maquillage me manque un peu trop à la vue de mes horribles cernes de fatigue.
J'ai carrément une sale tête, en n'importe quelles circonstances et aujourd'hui, c'est toujours le cas. Mes cheveux bruns sont ramenés en un chignon mal fait, mes yeux verdâtres ressemblent à des soucoupes volantes et mes pauvres joues sans fond de teint sont incapables de cacher mes cicatrices d'ancienne acné vile. C'est affreux.
Se brosser les dents fait du bien, se rincer le visage m'arrange et me changer me donne moins l'impression d'être maintenant à la rue. Je suis en fugue et il faut que je m'en souvienne. Le village aux scouts est fabuleux pour son absence d'êtres humains dans les toilettes des bars, je pourrais facilement me taper quelqu'un ici ni vu ni connu mais ce n'est qu'un fantasme de séries beaucoup trop accrocheuses.
Lorsque je sortirai, le carnet dans le sac et les ampoules aux pieds, je suivrai sûrement Olivia et Neville dans un bus en direction de la ville à l'océan. Ça me fera du bien de voir la mer – ou océan d'après les géographes – d'un tout autre univers qu'est le mien. »