Le mur de lave avançait dans un grondement tonitruant, avalant les rochers qui lui barraient la route. Les yeux écarquillés d'Antoine ne laissaient transparaître que l'horreur que la situation lui inspirait. A ses côtés, Ulrick hurla la seule chose censée en cet instant, à savoir :
- Fuyez !!!
Immédiatement, le chaos s'installa. Tout le monde fit demi tour, certains tournant sur eux mêmes habilement, d'autres dérapant dans les graviers, chacun cherchant du regard un abri inexistant. Alors qu'il courait à en perdre haleine, Antoine percuta une jeune fille rousse aux yeux caramel.
- Mince, excuse-moi...
L'inconnue le fusilla du regard avant de s'élancer... vers le danger.
- Hé, si tu veux survivre, c'est de l'autre côté! s'égosilla le jeune homme.
Mais alors qu'elle tendait les mains, paumes vers le ciel, il remarqua un imperceptible changement dans la vague de mort arrivant droit sur eux: elle ralentissait!
> Cette fille arrête la lave?!
Oui! Peu à peu, les rochers bouillonnants durcirent, s'immobilisant en une grande falaise inclinée. Ulrick avait foncé sur la rouquine et lui agrippa le bras, l'air profondément contrit.
> J'en connais un qui est en colère...
Antoine s'approcha, impressionné par l'audace de la fille (et espérant saisir quelques bribes de la conversation). Ulrick explosait.
- Mais enfin, qu'est ce qui t'est passé dans la tête? Tu aurais pu mourir!
Pour toute réponse, la rousse lui fit un sourire arrogant.
> Tiens, ça me rappelle un certain australien...
Au pied de la colline, les adolescents inquiets s'étaient regroupés, attendant leur pilote. Ce dernier entraîna avec vigueur la rebelle, encourageant aux passages les trainards à le suivre.
> Oh! C'est elle qui m'est rentrée dedans!
Durant le trajet retour, Ulrick n'avait pas dit un seul mot. Le visage fermé, il s'était contenté de les ramener au centre, et de les libérer.
> Délivrés! Enfin...
T'inquiète, on a tous compris l'idée.
Alors qu'ils se réunissaient à l'entrée, les huit compagnons échangeaient des regards d'incompréhension.
- Pourquoi diable a-t-il réagi comme ça ? Elle nous a sauvés! argumenta Amy.
- Au péril de sa vie, rappela Damian, ce qui n'est pas rien quand même.
Jess, pensive, se tourna vers ses amis:
- Ca fait drôle de ne plus être la seule... Différente, enfin, vous voyez, quoi...
- Et ce n'est que le début, commenta Sacha d'un ton las.
***
Loin de se tromper, la jeune russe semblait avoir deviner l'avenir. Un mois et demi s'était écoulé depuis l'incident Manjimo, et durant ce laps de temps, presque tous les Éléments avaient découvert leur pouvoir. Des séances d'entraînement spécifiques à chacun avaient été planifiées, permettant aux jeunes de découvrir l'ampleur de leurs capacités. Non content d'y assister, Antoine devait toutefois faire face à un triste constat: il faisait partie des derniers à ne pas savoir ce qu'il pouvait contrôler.
> Sentez-vous la tristesse de cette grande âme amenée à contempler la joie et l'excitation des autres sans pouvoir y prendre part?...
Aussi ce quarante-cinquième jour fut pour lui l'occasion d'entendre encore une fois le programme de ses compagnons, tandis que lui resterait à l'écart.
- Vous ne devinerez jamais, les gars! s'exclamait Amy. Aujourd'hui nous nous rendons dans l'océan primaire de Blackhell! On va faire de la plongée!
Elle souligna son excitation d'un bond en l'air avant d'interroger Damian sur son programme.
- Oh tu sais, comme d'habitude, je vais probablement courir dix à vingt kilomètres, et une fois qu'on sera bien crevés, la prof nous fera faire une quarantaine de pompes et cinquante tractions, ou quelque chose approchant.
-Toi au moins, tu as un véritable entraînement à suivre, fit remarquer Eloise avec regret.
Amy la dévisagea.
- Elo, on sait tous très bien que toi aussi tu pourrais apprendre à te maîtriser... Si tu le voulais.
La Petite fusilla son amie du regard. Une brise chargée des parfums de la forêt se mit à souffler alors qu'elle serrait les mâchoires, retenant visiblement une remarque acerbe.
> Comme chaque fois que quelqu'un mentionne son influence sur l'air.
En effet, malgré toutes les preuves du monde, elle se refusait à croire que le vent lui obéissait, à elle ou à ses émotions, prétendant qu'il "ne s'agissait même pas d'un véritable pouvoir". Elle préférait donc rester sur le banc de touche, diminuant au moins partiellement la solitude d'Antoine.
- Bon, commença Mike en se levant, c'est pas tout mais il y en a qui doivent apprendre à maîtriser la foudre.
Il cligna de l'œil et lança un petit éclair scintillant à Jess, qui le dissipa dans un souffle, avant de disparaître derrière le bâtiment principal.
> Pff, crâneur...
Mais chacun devait en effet retrouver son professeur; bientôt, il ne resta plus que les deux moutons noirs.
- Que va-t-on faire pendant ce temps? demanda Antoine.
- Peut être que le professeur Chain pourra nous dégoter un travail à la hauteur de notre talent.
- Que tes mots sonnent doux à mes oreilles! Allons-y!
En route vers le laboratoire, Eloise expliqua que finalement, ce n'était pas si mal d'avoir quartier libre toute la journée, même si cela leur coûtait un entretien des locaux du centre et quelques regards de travers de la part de leurs camarades.
Dans l'immense serre régnait une douce chaleur, presque réconfortante. Le père d'Ulrick les accueillit à bras ouverts, bien qu'il ait oublié l'identité de ses visiteurs... Apres un petit rappel des faits, il leur proposa d'aller cueillir les pétales d'une Arithia Enphitalis, une petite plante grasse jaune vif qui poussait non loin d'un des sentiers tracés par les jeeps.
- Vous n'aurez pas à vous éloigner de beaucoup, et puis vous me rendriez un sacré service! Notre dernier spécimen a été abîmé lors du transport par un collègue indélicat!
Il avait haussé le ton à la fin de la phrase, et un homme au visage rond qui passait derrière lui soupira fortement.
> Sûrement le « collègue"...
Après avoir remercié l'exobiologiste, Antoine et Eloise sortirent de l'espace sécurisé d'Epsilon pour rejoindre la route la plus au sud, où ils étaient supposés trouver la fameuse plante. Seulement, vingt minutes après le début des recherches, toujours rien. A quatre pattes sur le sol, de la terre jusqu'aux coudes, le blondinet finit par remarquer:
- On a dû se tromper de chemin, ce n'est visiblement pas ici qu'on...
Il s'interrompit soudain. Un bruit de froissement venait de lui parvenir. Il fit signe à son amie de tendre l'oreille, mais celle-ci avait apparement aussi entendu. Désignant un arbre devant eux, elle chuchota:
- Ca vient de là!
D'un regard, ils consentirent d'aller jeter un œil.
> Le sien alors s'il te plait. Je ne tiens pas à ressembler à Nick Fury non plus!
Désespoir ô désespoir...
S'approchant à pas de loup, Eloise et Antoine ne tardèrent pas à encercler l'arbre, mais lorsqu'ils se rejoignirent de l'autre côté, aucun d'eux n'avait vu quoique que ce soit. La jeune fille haussa les épaules, prête à renoncer, quant le son étrange réitéra. Levant les yeux, elle découvrit avec effroi un énorme scorpion au corps luisant perché sur une branche haute. Il fixa ses futures victimes avant d'étirer toutes ses pattes, révélant une mince toile noire reliant ses membres.
- IL VOLE!! hurla Antoine quand la bête fonça sur eux.
Prenant ses jambes à son cou, il ne se retourna que pour vérifier qu'Eloise avait pris la même direction que lui. Derrière, les yeux noirs de l'insecte semblaient briller de rage.
> Ou de faim...
La route lui parut éloignée comme jamais, et c'est les poumons en feu et le sang battant aux tempes qu'il parvint en zone dégagée. Réunissant alors toute la hardiesse dont il pouvait faire preuve, il fit volte-face, ouvrit son sac à dos, et jeta la petite hache qu'il contenait sur le prédateur toujours plus proche. L'arme rebondit contre la carapace brune.
- Oups.
Près de lui, la hollandaise s'était saisie d'un grappin, qu'elle envoya valdinguer... à dix centimètres du scorpion.
-Re-oups.
A cours d'idée, son acolyte jeta le sac de toile sur leur poursuivant. Bingo! La anse s'était coincée sur l'un des mandibules qui coiffaient sa tête, l'aveuglant momentanément. Chavirant a droite et à gauche, l'attaquant finit par s'écraser au sol.
> Et bim, et bim, mange ça!
Antoine échangea un regard de soulagement avec Eloise.
- Il s'en est fallu de peu!
-On ferait mieux de rentrer, approuva la Petite.
Alors qu'ils ramassaient leurs affaires et rebroussaient chemin, un râle rauque leur annonça que le scorpion n'était pas aussi sonné qu'il en avait l'air. Tournant la tête, le jeune Élément le vit fondre sur lui à une vitesse fulgurante. Il leva alors les bras devant son visage en signe de protection.
-Croiiick!
...
Desserrant les paupières, ce qu'il vit le fit reculer d'un pas : le prédateur se tenait à quelques centimètres de son visage, mandibules largement écartés, prêt à n'en faire qu'une bouchée - si un pic de glace de deux mètres de haut ne le transperçait pas de part en part.
-Oh mon dieu! lâcha-t-il.
-Antoine, on va voir Ulrick. Maintenant.
Tournant les talons, les deux amis s'empressèrent de rejoindre les bâtiments et leurs protecteurs. Dans les couloirs, Antoine criait à qui voulait l'entendre qu'il avait tué un scorpion en mode Elsa. Devant surgit Chain, réprimant un sourire.
- J'imagine que vous n'avez pas trouvé d'Emphitalis...
- Non m'sieur, mais bien mieux : mon pouvoir!!! Merci!
Le biologiste lui fit un clin d'œil avant de les dépasser, les bras chargés de tubes à essai, révélant ainsi Amy et un jeune garçon qui suivait les mêmes cours qu'elle.
> A savoir?...
La maîtrise de l'eau.
- Hey! J'ai entendu que tu avais trouvé ton pouvoir?
- Oui, répondit-il plein de fierté. Je contrôle la glace.
- Mais c'est génial ca! ( Contre toute attente, elle ajouta:) On a quasiment le même pouvoir! Eau, glace, c'est un signe...
Elle éclata d'un rire cristallin avant de lui adresser un petit sourire en coin qui lui fit douter de la véracité de ses paroles.
- Enfin, maintenant que je suis un Élément, le véritable entraînement va pouvoir commencer.
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[ Hey! Voici la suite, j'espère qu'elle vous plaira. A très vite! ]