Tour de table

By MonNomEstTab

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Six adolescents du lycée Blaise Cendrars entourent la même table. Ils n'ont, en l'occurrence, rien à se dire... More

Avant-propos.
S♢ulivan
E♡glantine
C♢arl
R♡oxane
T♡abitha
S☆ECRET
Note de fin
Sondage
Projet important
À votre tour
Vérités et Sentiments

E♢mile

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By MonNomEstTab

Lorsque Monsieur Lefebvre nous a annoncés en quoi consistait cette activité, une boule de stress est apparue dans les abysses de mon ventre.

Comme tout le monde, j'avais directement pensé à quelque chose en particulier lorsque le géographe a mentionné le mot "secret" mais peut-être était-ce justement cela le problème. Je n'avais aucune envie de parler de cette stupide chose qui me tournait en tête depuis un long moment déjà.
J'étais persuadé qu'ils se bidonneraient pendant que je leur conterais cette histoire.
Surtout Carl.

Comme à peu près tous les autres, Carl était celui que je redoutais le plus, bien que ça faisait une bonne heure, voire deux que nous étions autour de la même table et qu'il avait réussi à prouver qu'il avait un coeur sous ses pectoraux en acier. Je le trouvais pourtant faux et avais l'impression qu'il cachait ses véritables ressentis.
Toutefois, je n'ai rien dit car je ne suis pas du genre à utiliser la méchanceté gratuite, et encore moins envers quelqu'un qui ne le mérite nullement.

Durant quelques fractions de secondes, je n'ai dit mot, trop concentré sur ma respiration et la façon dont j'allais formuler les choses.
Je fais toujours cela avant de raconter une histoire conséquente.

    -Je vous préviens d'avance que je n'ai rien de bien important à vous raconter, ai-je révélé, le sourire aux lèvres.

Je le prenais à la rigolade alors qu'intérieurement, j'en voulais à mon père de m'avoir donné un nom de famille commençant par une lettre après celui de Roxane. J'avais honte de passer après elle et d'être obligé de raconter une chose aussi stupide après son secret véritablement horrible à supporter.

    -Mon secret n'était pas vraiment intéressant, étant donné que tout le monde le savait, a dit Carl pour certainement me rassurer.

Je lui ai envoyé un regard gratifiant avant de faire de mon mieux pour reprendre confiance en moi. Il fallait que je cesse d'écouter, tranquillement assis sur ma petite chaise et que je me lance à mon tour pour jouer le jeu.
Bizarrement, je sentais les regards insistants des autres élèves du lycée Blaise Cendrars posés sur moi. Ils étaient avides de curiosité, au point de m'ôter du peu de confiance que j'avais en moi.

    -Bon, ce que je m'apprête à vous révéler est quelque chose de parfait pour alimenter une rumeur qui risquerait de me poursuivre durant les deux années qu'il me reste dans cet établissement, alors j'aimerais vraiment que vous gardiez tout cela pour vous, ai-je sérieusement expliqué.

Roxane m'a dit que je n'avais pas à m'inquiéter à ce sujet-là, qu'aucun d'eux ne ferait une chose aussi impolie que celle que j'appréhendais.
Eglantine a confirmé ses paroles à l'unisson avec Tabitha. Les deux garçons ne disaient mot mais ils devaient certainement être d'accord avec elles, ou du moins, je l'espérais.
Ils n'avaient pas de mauvaises intentions, du moins, pas Sulivan. Ce dernier semblait si réglo et n'était certainement pas du genre à lancer des rumeurs débiles à propos de personnes avec qui il n'avait jamais parlé auparavant.

    -Ne t'inquiète pas, Émile, nous n'avons aucun intérêt de créer des bruits de couloir à deux balles, a dit Tabitha en refaisant les lacets de ses bottines noires.

    -Oui, tu as certainement raison, Tab donc je vais me lancer, ai-je fini par prendre mon courage à deux mains. Alors, tout a commencé l'an dernier, durant les congés de Noël.

Des regards dubitatifs se sont formés sur les visages de mes acolytes. Ils avaient l'air de ne pas comprendre ce que je voulais sous-entendre et peut-être aurais-je aimé ne jamais avoir à leur expliquer quoi que ce soit.
Néanmoins, j'avais accepté de participer à ce jeu, bien que je n'avais pas vraiment eu le choix alors il me fallait continuer mon monologue à propos de cette chose qui allait changer le cours de ma vie.

   -Durant les congés de Noël, j'ai travaillé dans un magasin de décoration en tant qu'étudiant. J'avais des horaires assez abordables et aimais beaucoup voir, à longueur de journée des personnes croyant à la magie de Noël. Je bossais avec une jeune femme qui devait avoir la trentaine et qui était enceinte jusqu'au fond des yeux. Elle se prénommait Frida et était d'une gentillesse rare de nos jours.

   -Et qu'est-ce qu'il s'est passé?, m'a curieusement questionné le blond en remettant sa chevelure en place. Tu as couché avec?

J'ai ricané pour me moquer et lui faire comprendre que ce n'était pas un humour approprié vu qu'il ne savait même pas ce que j'allais dire. Ce n'était pas mon secret mais si ça l'avait été, j'aurais été très mal à l'aise et me serait totalement fermé.

    -Oh ça va, rigole, Émile. Sois pas coincé comme mademoiselle Wathelet, a ri Carl en provoquant Tabitha.

Cette dernière l'a foudroyé du regard, comme pour lui faire comprendre qu'il avait intérêt à la fermer s'il ne voulait pas de problèmes. Et bien que la gothique ne soit pas gigantesque et qu'elle était d'un poids normal, elle était presqu'effrayante.
Étrangement, il s'est tu et a arrêté de faire des remarques incessantes pour des raisons stupides. Depuis qu'il nous a avoués que sa mère était atteinte d'une maladie mortelle, Carl semblait calmé avec Tabitha. En tout cas, il est moins piquant qu'au début de l'activité.

    -Continue, Émile, m'a conseillé Roxane, qui voulait éviter tout conflit.

J'ai hoché de la tête plusieurs fois, afin de remettre mes idées en place pour mieux reprendre la narration de mon secret.

   -Donc, je reprends..., ai-je repris la parole.

A peine ai-je de nouveau eu le courage pour continuer que je m'arrêtais déjà. En effet, j'avais remarqué Monsieur Lefebvre faire le tour du self ainsi que Madame Kaling, une professeur de mathématiques au sourire radieux.

J'avais peur que l'un d'eux ne vienne encore une fois nous déranger dans notre élan comme le professeur de géographie l'a fait plusieurs fois durant les deux heures que nous avons passées autour de cette table.
Heureusement, ils ont chacun été attirés par un groupe autre que le nôtre.
J'ai alors pu de nouveau me concentrer sur ce que j'essayais de développer depuis une dizaine, voire quinzaine de minutes.

    -Continue avant que le vieux ne débarque pour la trentième fois, s'est empressé de me lancer Carl.

    -Alors, je disais que j'avais travaillé dans un petit magasin avec une certaine Frida, ai-je récapitulé pour moi-même avant de sérieusement reprendre. Là-bas, j'ai rencontré énormément de personnes dont deux adolescents qui m'ont fortement marqué l'esprit. Ils se nommaient Pamela et Quentin. A force de venir au magasin, nous avons fini par presque nous lier d'amitié. Alors, mon dernier jour, nous nous sommes donnés rendez-vous dans le parc près de chez moi après mon service. J'y suis allé et seul Quentin s'y trouvait, une cigarette au bec.

    -Et qu'est-ce qu'il s'est passé ensuite?, m'a interrogé Eglantine.

    -Je suis simplement allé vers lui et ai fumé pour la première fois, et ce en sa compagnie, ai-je commencé à narrer. Il m'a appris toutes les techniques pour éviter de crapoter et nous avons passé toute la journée ensemble. J'ai alors ressenti quelque chose de nouveau et de carrément merveilleux.

   -Je veux tous les détails, m'a chuchoté Eglantine à l'oreille.

J'ai envoyé un sourire radieux à la petite blonde. Elle était si mince, si frêle mais pourtant, elle semblait si grande. Grande de connaissances, de sentiments. Je ne connaissais nullement Eglantine avant ce jour-là, ou du moins, je ne lui avais jamais parlé mais j'ai pu rapidement me rendre compte que c'était une très belle personne, quelqu'un avec une histoire excessivement touchante.
Je me sentais flatté et chanceux d'avoir été placé à la même table qu'elle. J'étais certainement fait pour traverser son chemin et avoir la possibilité de discuter avec elle, bien que ça ne soit pas de manière intime. Je voyais presque cela comme une chance extraordinaire.

Essayant de me reconcentrer, j'ai déplacé mon regard de l'adolescente en question afin de recommencer, de remettre mes idées au clair sans être distrait par ses grands yeux bleus.

   -Quentin et moi avons alors beaucoup parlé, au point d'apprendre des choses très personnelles au sujet de la personne en face de nous. Évidemment, il s'est bidonné comme un enfant amusé lorsqu'il a appris que je n'avais eu aucune relation sexuelle malgré mes seize ans. Il avait deux ans de plus que moi mais trouvait cela quand même très triste. Il m'a expliqué que pouvoir se retrouver dans un endroit clos avec un être que l'on aime ou même, qui nous attire simplement est une chance merveilleuse. Pouvoir la toucher, l'embrasser, tendrement lui parler... Il m'a franchement décrit le meilleur ébat sexuel qu'il avait eu la chance de partager avec une certaine Florine, à l'âge de seize ans à peine.

Carl riait de bon coeur, assis à ma gauche. Il semblait amusé par les dires qu'avait eu Quentin quelques mois plus tôt. Peut-être les confirmait-il ou alors, il les trouvait plutôt stupides mais dans tous les cas, ce n'était certainement ce grand blond aux yeux impressionnants qui risquait de n'avoir jamais vécu ce genre de moment d'intimité.
En effet, lorsque j'observais autour de moi et émettais des hypothèses quant à la vie sexuelle des étudiants, j'avais la tendre impression d'être l'unique qui était encore vierge à l'âge de dix-sept ans. Marie-Camille, ma meilleure amie trouve que je suis pathétique quand je me sens nul de n'avoir jamais touché qui que ce soit en-dessous des vêtements mais je n'aime pas son avis, car elle n'est plus dans le même cas que moi. Son jugement est donc inutile et complètement subjectif et moqueur.

J'étais vraiment désarçonné par Carl, en vérité. J'étais incapable de mettre un jugement concret sur ses sentiments, ses ressentis. Ou du moins, jamais avec certitude. Ni son attitude mentale, ni les traits de son visage me permettaient de juger qui il était et surtout ce qu'il ressentait.
C'était dommage que mon subconscient s'en méfiait car il n'avait pourtant pas l'air méchant ou mal élevé. Juste beau, trop spontané et par moment, un peu trop franc, piquant dans ses propos.

   -Cette journée avait été si agréable que nous nous sommes donnés rendez-vous durant toute la semaine suivante, ai-je repris la parole. Pamela ne s'est jamais repointée et à cause de ça, je suis bêtement tombé amoureux. Amoureux de Quentin. De sa personnalité, de sa sincérité, de sa spontanéité.

Le sourire de Roxane s'est élargi. Elle devait trouver cette histoire belle.
Le regard d'Eglantine, par contre s'est faiblement assombri à l'entente de cette explication. Je ne comprenais pas, elle devait être homophobe mais si c'était le cas, elle descendait dans mon estime en flèche.

Cela m'a déçu mais j'ai pourtant essayé de suivre le fil rouge que je m'étais imposé pour raconter cette histoire sans prendre la réaction des autres trop à coeur.

   -Au début, j'étais très gêné par rapport à cette histoire. Jamais auparavant je n'avais ressenti quoi que ce soit de ce genre pour une personne alors que la première fois soit pour un garçon fut un choc. J'en ai parlé avec Marie-Camille, ma meilleure amie et cette dernière m'a conseillé d'en discuter franchement avec le premier concerné. Il ne l'a pas mal pris, il m'a embrassé. Une relation privilégiée s'est alors produite entre nous et nous sommes sortis ensemble durant plusieurs mois. Cinq, pour être tout à fait précis et c'est lui qui a eu le bonheur, le privilège de me faire vivre ma première fois.

Je racontais cela avec beaucoup d'enthousiasme et de tristesse à la fois car c'était fini, notre couple avait très rapidement vu la fin. Toutefois, j'étais un peu mal à l'aise que des personnes comme celles à mes côtés soient au courant alors que dans mon entourage, uniquement deux filles le savaient.

  -Conclusion, tu aimes les hommes, a synthétisé Sulivan.

Je pensais ce garçon un peu plus subtile mais j'ai confirmé ses paroles. Il avait raison, j'aimais les hommes sans pour autant rester indifférent face aux femmes.

   -Je conclurai en disant que je suis hyper polyvalent. Ou dans un langage plus argotique, je suis bi.

Eglantine a souri. Ses petites lèvres se sont retroussées au-dessus de ses dents bien alignées et d'une couleur très blanche. Ensuite, elle m'a regardé dans les yeux durant une demi fraction de seconde.

Et durant ce court instant, mon estomac s'est serré. Sans même que je ne pense à Quentin.
Je me suis alors senti chanceux d'avoir été placé à la même table que mademoiselle Eglantine Garzia.

   -À toi, Tabitha!

La petite blonde a très détourné le regard ainsi que la conversation mais ce n'était pas pour autant que je ne comptais pas aller lui parler après cette activité inédite au lycée Blaise Cendrars.

🔷E M I L E🔷

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