ATLAZAS - A la Découverte d'u...

By PoppeyMimi

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Abordée par d'étranges créatures le soir même de son anniversaire, Kaya n'a pas d'autres choix que de les sui... More

Prologue
Chapitre I : Le commencement
Chapitre II : Une nouvelle vie
Chapitre III : ( Partie 1) Un nouveau monde, Atlazas.
Chapitre III ( Partie 2): Un nouveau monde, Atlazas.
Chapitre IV : L'arbre blanc (partie 2)
Publication non autorisée !
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ATLAZAS SOUS CONTRAT
Enfin une date !
ENFIN UNE DATE !!
📚SORTIE D'ATLAZAS !
Sortie du Tome 2 !! 🥰🥰
ATLAZAS, LE COEUR DE MEPHEORA

Chapitre IV : L'arbre blanc (partie 1)

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By PoppeyMimi

IV

L'ARBRE BLANC

Les cheveux grisonnant soigneusement coiffés en arrière, une barbichette lui arrivant au niveau du nombril, un homme vêtu d'un drôle d'uniforme blanc était penché sur mon bras. Les sourcils froncés par la concentration, il passait doucement sa main au-dessus d'une coupure assez profonde. Un fragment de la vitre que j'avais traversé, quelques heures plus tôt s'était planté dans ma peau.

Un mal de crâne vertigineux et la bouche pâteuse, j'avais l'impression d'avoir reçu un énorme coup sur la tête qui m'avait plongé dans un long sommeil. Les paupières lourdes, je luttais contre une forte envie de dormir. Mes souvenirs étaient un peu flous. Je me souvenais du baiser fougueux qu'Ike et moi nous avions échangés. Au souvenir de ses lèvres embrassant fiévreusement les miennes, une intense chaleur m'envahit. Puis la seule chose dont je me souvenais ensuite, c'était le visage mouillé de larmes de Rubi, sa rage. Un cri, moi volant à travers la pièce et le bruit de verre se brisant.

Une femme, les cheveux tirés en un chignon parfait, me souriait gentiment, d'un air confiant. Surement pour me rassurer. Elle contourna mon lit et s'adressa à Ike, qui hocha la tête en signe d'affirmation. Le teint livide, Ike posa un regard inquiet sur moi. Apparemment, Rubi n'était plus là. Malgré mon état quelque peu second, je la maudis et me promis de me venger dès que j'irai mieux. Ike se pencha vers moi, prit ma main valide dans la sienne et me chuchota :

- Si tu te sens un peu...bizarre, ne t'inquiètes pas c'est l'effet de l'antidote qu'on ta donnée.

Je voulu resserrer mes doigts sur ses mains, mais je n'y parvins pas. Mon corps ne voulait plus m'obéir. Sentant la panique m'étouffer, je constatai que je ne pouvais pas non plus prononcer le moindre mot, mes lèvres aussi semblaient figées. Un bourdonnement insupportable résonnait dans mes oreilles. Un râle s'éleva dans ma gorge tandis que je forçai sur mon corps pour bouger.

- Calme-toi, Kaya. Respire, dit Ike en caressant doucement mon front.

La poitrine se soulevant au rythme de ma respiration saccadée, je concentrai sur ce que Ike me disait. S'il était là, tout allait bien.

- Rubi t'a empoisonné, m'expliqua-t-il avec douceur. En te poussant à travers la fenêtre, elle a enfoncé ses ongles dans ta peau jusqu'au contact de ta chair et y a déversée son poison qui a paralysé ton corps. C'est une des spécialités des Nahuay, le poison.

J'écarquillai les yeux, folle de rage. « Sale garce ! Je jure que je me vengerai dès que je me serais rétabli !» pensai-je en tremblant de colère sur le matelas.

Ike esquissa un sourire, visiblement rassuré.

- J'étais sûr que tu réagirais comme ça, dit-il. Tes cheveux sont incroyables, ils ont repoussé à une vitesse hallucinante.

Je fronçai les sourcils. « Comment ça ?» pensai-je.

- Tu avais un éclat de verre planté à l'arrière de ta tête, expliqua-t-il en grimaçant. Pour un être humain c'est très grave comme blessure. Les soigneurs de l'hôpital ont appelé en urgence le spécialiste soigneur Alec qui a pu t'opérer très vite. Et pour ce faire, il a dû te raser le crâne.

Je devais être belle à voir.

Il sourit.

- Et en moins d'une heure, ils sont revenus à leur longueur habituelle. Ce serait apparemment dû à un surplus d'énergie qui coule dans tes veines. Tu vois ? Encore une preuve que tu es atlazasienne.

Je l'observai stupéfaite. Je savais bien-sûr que mes cheveux poussaient extrêmement vite. J'avais déjà essayé de les avoir court, mais dès que je les coupais même très court, en un an, ils me retombaient au-dessus des fesses. Mais jamais de toute ma vie, en moins d'une heure ils avaient repoussés. C'était impossible.

Une douleur aigüe et fulgurante se déclencha brusquement dans ma tête. Je poussai un cri étouffé effrayant qui ressemblait à un grognement et rebaissai les yeux vers Ike.

J'en ai déjà marre de cet état. Elle va me le payer.

Il m'adressa un sourire désolé et posa un baiser sur mon front. Au contact de ses lèvres, une chaleur douce m'envahit, et je frissonnai. Inquiet, les deux médecins levèrent les yeux vers moi, les sourcils froncés. La femme me colla un objet argenté ressemblant vaguement à thermomètre dans la bouche, qui s'exclama d'une voix mécanique, à ma plus grande surprise : « 39.02 °, température anormal, raison : augmentation du rythme cardiaque et de la circulation sanguine dû au contact d'un corps étranger ». La femme me regarda puis posa ses yeux sur ma main dans celle d'Ike avant de lui jeter un regard courroucé, les mains sur les hanches.

- Monsieur, pourriez-vous s'il vous plaît éviter de déranger la malade ?

Me sentant rougir de honte, je détournai le regard vers le plafond blanc de la chambre. Ike, lui, resta de marbre, totalement indifférent à l'infirmière qui mécontente, retourna auprès de son collègue en marmonnant des paroles en atlazasien. Le médecin en revanche, esquissa un sourire nostalgique puis se remit à son travail.

J'entendis une porte s'ouvrir. La réaction d'Ike fut vive. Il lâcha aussi ma main et se leva en un éclair accueillir le nouvel arrivant. Un vieil homme, dont les yeux verts aux éclats d'argent exprimaient l'inquiétude, s'approcha de moi. Il attrapa d'une main tremblante la mienne. En se penchant vers moi, le bout de sa longue tresse effleura le sol. « Je te croyais à une réunion ce soir » Je savais qu'Ike se chargerait de transmettre le message. Ce qu'il fit.

- Oui, elle vient de se finir, s'excusa-t-il, pardonne-moi de ne pas être venu plus tôt. Mais je ne pouvais en aucun cas décliner cette réunion sauf si bien-sûr Atlazas était attaqué. Je n'ai reçu le message d'Ike qu'une fois sorti du cercle. Par tous les dieux d'Atlazas, pourrais-tu me dire ce qui a pris à Rubi ? Ajouta-t-il en tournant vers Ike des yeux globuleux.

Ike et moi nous nous regardâmes puis détournâmes aussitôt les yeux, gênés. Cet échange n'échappa pas à l'homme à qui rien ne semblait échapper. Ike se racla bruyamment la gorge. Orphyll écarquilla les yeux de stupeur, puis fit un « O » parfait de sa bouche. Il resta dans cette position, muet, pendant plus de cinq secondes avant de retrouver l'usage de la parole. J'aurais probablement ri si je n'avais pas été paralysée.

- Es-tu sûr de toi ?

Je retins mon souffle, le regard rivé sur Ike. Allait-il faire machine arrière ? Me dire que c'était une erreur ? Orphyll m'avait prévenu qu'il était de sang noble, donc certainement privilégié. Pouvait-il se permettre de fréquenter une simple roturière comme moi ? Même Rubi avait éclaté d'un rire mauvais quand elle nous avait surpris tous les deux. Je sentis ma gorge se nouer alors que je guettais la réaction d'Ike.

- Oui Orphyll.

Le regard fixe sur Orphyll, il semblait sûr de lui. Le vieil homme fronça les sourcils, visiblement il lui en fallait plus pour être convaincu.

- Perek, kizaheï Ike ! Ena khama wa improsa.

Ike émit un grondement sourd en levant les yeux au ciel, apparemment agacé.

- Je sais, Orphyll. Je le très bien mais je ne vais pas m'empêcher de vivre pour autant.

- Et Rubi ?

- C'est de l'histoire ancienne. Il faudra bien qu'elle s'y fasse.

Orphyll le considéra longuement d'un œil anxieux dans un silence de plomb. Peut-être était-ce mon imagination, mais même l'infirmière et le soigneur semblaient suivre la conversation avec attention, l'oreille tendue discrètement.

- Est-ce la raison pour laquelle Rubi s'en est pris à Kaya ? devina-t-il perspicace.

A nouveau un silence gêné s'abattit dans la chambre. Orphyll lança un regard curieux à Ike.

- Elle est arrivée au mauvais moment, dit Ike tout bas.

Orphyll écarquilla les yeux, horrifié.

- Par tous les dieux, Orph', non ! Un baiser, rien d'affolant.

Mon tuteur lâcha un profond soupir de soulagement, une main sur le coeur. Je fermai les yeux, mortifiée. « Ne pourrait-on pas changer de sujet ? »

- Très bonne idée, approuva Ike.

Orphyll demeura silencieux encore un long moment. Visiblement, il n'approuvait pas le choix d'Ike. Cette histoire l'embêtait de toute évidence. Je ne pus m'empêcher de me sentir vexée. Le vieil homme lissa les poils de sa barbe, le regard braqué sur le mur blanc, l'air songeur.

- Orph ?

Il émergea brusquement de son état de rêverie, puis hocha plusieurs fois la tête.

- Qui suis-je pour vous empêcher de vous voir ? Vous êtes deux adultes...

C'est nouveau ça !

- Elle te fait remarquer que tu lui dis toujours qu'elle n'est qu'une gamine, se chargea de transmettre Ike avec un sourire.

Orphyll leva les yeux au ciel.

- Enfin, j'ai toujours su que ça arriverait.

Ike parut surpris.

- Que veux-tu dire ?

- La première fois que Kaya et toi avez franchi ensemble le seuil de la porte, j'ai vu dans la manière dont vous vous regardiez que brûlait déjà la flamme de l'amour, dit Orphyll d'un ton ému. Un jour, si la chance est de votre côté, aurais-je l'occasion de vous voir vous unir sous la bénédiction de Lutsumoon?

Ike se figea, plus gêné que jamais. Je détournai le regard vers la fenêtre d'où le rideau en voile vert anis volait avec légèreté, une jolie couleur que je n'avais pas remarqué en arrivant chez Ike. A cet instant, j'aurai voulu que la terre sous mes pieds – ou du moins sous les pieds de mon lit – s'ouvre et m'engloutisse tant j'avais honte. Orphyll se mit à glousser alors que les oreilles d'Ike rougissaient à vue d'œil.

- Nous n'en sommes pas là Orphyll, répliqua Ike en calmant les ardeurs de mon tuteur qui avait déjà presque la larme à l'œil.

Il nous regarda avec stupéfaction.

- Vraiment ? Le mariage ce n'est pas votre truc vous les jeunes ? dit-il.

Pitié...que l'on me foudroie sur place.

Orphyll poussa un profond soupir en marmonnant sur les jeunes d'aujourd'hui qui oubliaient les bases de l'amour et le sacrement du mariage. Comment avait-il pu changer aussi vite d'avis sur nous ? Une seconde plus tôt il semblait pourtant voir d'un mauvais œil une éventuelle relation entre Ike et moi, et voilà que maintenant, il nous poussait au mariage. Orphyll était vraiment un drôle de personnage, parfois difficile à suivre et à comprendre.

- Cela dit, dit-il soudain les yeux écarquillés, un doigt en l'air.

Il me fit bondir...enfin façon de parler vu mon état actuel.

- Sachez que je n'approuve pas votre relation.

Bien, j'étais perdue. Ike s'approcha d'Orphyll, tapota son épaule.

- Merci Orph pour ton soutien, dit-il avec ironie.

Le soigneur Alec s'excusa auprès d'Orphyll et Ike, puis se rapprocha de moi avec un sourire confiant. S'ensuivit une série d'examens : le soigneur Alec me fit tousser, palpa mon abdomen, mon dos puis passa sa main au-dessus de mon corps, les sourcils froncés. Enfin, il vérifia ses points de sutures sur mon crâne avec attention, puis finalement il m'administra une dernière dose d'antidote plus forte que la précédente en plantant une aiguille d'une longueur effrayante dans la peau du creux de mon bras. Je faillis tourner de l'œil en voyant l'épais liquide rosâtre s'infiltrer dans mes veines.

- Oh là, on reste éveillé ! s'exclama gentiment le soigneur Alec en tapotant doucement ma joue.

Le bras engourdi et étrangement froid, je luttai contre l'effet soporifique de l'antidote. Le soigneur sourit.

- C'est normal que vous ayez envie de dormir, mais patientez quelques instants, cet effet va très vite s'estomper. Ce sera d'ailleurs l'effet contraire qui se produira, vous aurez un excès d'adrénaline. En gros : vous péterez la forme ! dit-il avec humour.

Dans le dos du soigneur, Orphyll me regardait avec une inquiétude qui plissait son front. Il se racla bruyamment la gorge puis s'exprima d'une voix rauque :

- Soigneur Alec, quand pensez-vous qu'elle pourra à nouveau bouger ?

Je savais qu'Orphyll pensait à la cérémonie qu'organisait l'empereur en mon honneur. Paralysée, je pourrais difficilement y participer. Le soigneur Alec réfléchit quelques instants avant de répondre :

- En prenant en compte son organisme humain, je dirai que d'ici un quart d'heure elle sera comme neuve.

Vraiment ? C'est incroyable.

Orphyll soupira, l'air profondément soulagé. Il sortit un mouchoir de sa poche intérieure et tamponna son front en souriant d'un air joyeux.

- C'est une excellente nouvelle.

Ike parut lui aussi soulagé.

- Bien, je vous laisse, j'ai d'autres patients qui m'attendent.

- Je vous raccompagne, dit Ike.

- Oh, non. Ne vous embêtez pas, je connais le chemin, dit le soigneur Alec avec un sourire.

Le soigneur referma d'un coup sec sa mallette noire, rangea son stylo dans sa poche avant puis sortit de la chambre avec un signe de la main suivit de près par l'infirmière. Ce n'est qu'en voyant l'épaisse double-porte noire en vitre se refermer que je réalisai que je ne me trouvais pas dans la chambre d'ami d'Ike. Je baissai les yeux sur les draps en soie doux et noirs, puis sur l'immense tête de lit qui longeait presque entièrement le mur, en bois noir. Cette chambre était beaucoup plus vaste et mieux décorée que l'autre. Les meubles brillaient d'un noir sombre, des spots dans le plafond blanc éclairait faiblement la pièce, une porte entrebâillée dans le coin de la chambre laissait apercevoir un long dressing bien garni bien que plongé dans l'obscurité. C'était sobre et très masculin, encore une fois sans aucune photo ou signe personnel : la chambre d'Ike sans aucun doute.

La prédiction du soigneur Alec s'avéra juste : une quinzaine de minutes après son départ, je retrouvai progressivement la mobilité de mes membres. Seulement, je ressentis aussi toutes les courbatures et les douleurs de mon pauvre corps meurtri. Ike se précipita à mon chevet pour m'aider à me relever. Je passai mes bras fébriles autour de son cou et lui, me tint fermement par la taille. Je posai doucement un pied sur le parquet noir de la chambre puis l'autre et me mis debout avec précaution. Mes os semblèrent craquer à chacun de mes mouvements aussi doux fussent-ils.

- Doucement, murmura Orphyll tout près.

Je souris devant leurs airs inquiets.

- Je ne vais pas briser les gars.

- Les humains sont des êtres très fragiles, rétorqua Orphyll

Je n'insistai pas. A les écouter, on croirait que les humains étaient faits de verre. A la moindre de mes grimaces, ils s'affolèrent et insistèrent pour que je me recouche, mais il était hors de question que je dorme. Je n'avais plus du tout sommeil, l'effet soporifique de l'antidote avait laissé place à un excès d'énergie qui semblait exploser en moi, tout comme l'avait prédit le soigneur Alec : je pétais la forme. J'entendis Ike pouffer de rire dans mon dos.

- Il faut que tu dormes, dit Orphyll buté en tirant les draps du lit et tapant les oreillers.

- Hé oh ! Une cinglée a essayé de me tuer, d'accord ? J'estime avoir le droit de faire ce que je veux ! Il est..., dis-je en cherchant l'heure des yeux sur les murs vides. Euh... il est quelle heure ?

- Il est exactement deux heures dix-sept du matin, me répondit Orphyll en jetant un coup d'oeil à sa montre. Demain tu dois te lever très tôt car nous devons être devant le portail de l'empereur à l'aube. Tu dois être en parfaite état donc tu dors ou bien je t'assomme.

Furieuse, je le foudroyai du regard prête à lui faire entendre ce que je pensais de sa menace et où il pouvait se la mettre quand Ike s'exclama, d'un ton très sérieux :

- Tu plaisantes Orph ?

Je tournai des yeux pleins de reconnaissance vers lui, contente d'avoir un allié de mon côté. Orphyll ne pouvait pas quand même pas m'obliger à dormir rencontre ou non avec l'empereur à l'aube. Mais je remarquai très vite au regard goguenard qu'il posa sur moi que je me trompais.

- Il lui faudra au moins trois bonnes heures pour se préparer ! S'esclaffa Ike. Non sérieusement mon vieux, il vaut mieux qu'elle ne dorme pas et qu'elle commence déjà à se préparer si tu mon avis.

Je réprimai mon envie de lui enfoncer mon poing dans la figure.

- C'est vrai que les femmes autant atlazasiennes qu'humaines prennent du temps à se préparer, soupira Orphyll.

Deux idiots, j'avais à faire à deux sombres idiots.

- Quoi ? Au moins, tu n'as pas l'obligation de dormir, dit-il avec un air innocent devant le regard glacial que je lui lançais.

- Où est la salle de bain ?

Orphyll me lorgna d'un regard stupéfait puis éclata de rire. Ike s'étonna :

- Je plaisantais Kaya.

- Dis-moi où est cette fichue salle de bain Ike, aboyai-je.

Il me désigna une porte au de la chambre. Sans dire un mot, je titubai lentement vers la salle de bain et claquai la porte en refermant derrière moi, pestant contre Ike et Orphyll.

En levant les yeux sur mon reflet dans le miroir, je sursautai : j'avais vraiment une sale tête. Le teint blême, des poches violacées sous les yeux et une bosse que je n'expliquai pas sur le front, je ressemblai à un zombi. Prenant appui sur le bord du lavabo, je me penchai vers le miroir et écartai mes cheveux pour jeter un coup d'œil à ma cicatrice. Seulement, je ne trouvai pas une seule trace de cicatrice, juste une petite douleur au moment où mes doigts passèrent sur la zone endoloris. Je me demandais où étaient passés les points de suture du soigneur Alec. Collant mon nez contre mon bras, je grimaçai en prenant une forte odeur de médicament. Il y avait aussi pleins de brindilles d'herbes dans mes cheveux et des traces de boues séchées sur ma peau, comme si on m'avait roulé dans la terre. Et dire qu'Orphyll voulait me renvoyer au lit dans cet état !

Dans le reflet toujours du miroir, mon regard dériva sur la baignoire qui brillait d'un or massif étincelant comme une invitation dans mon dos. Sur une étagère dans le mur juste au-dessus de la baignoire, était posé une grande bouteille de gel douche et une fleur de douche bien mise en évidence. Ike avait visiblement pris soin de mettre le gant à un endroit sans risque, de fait que je n'aurai qu'à tendre la main pour l'attraper. J'esquissai un sourire.

Une fois la baignoire bien remplie, je me glissai doucement dans l'eau fumante et pleine de mousse. Je m'enfouie sous l'eau et frottai mon visage, mes cheveux et ma peau pour enlever toute la boue avant d'émerger ma tête à la surface. Sur mes bras, les quelques égratignures et coupures des bouts de verre m'arrachèrent des petits cris de douleurs. L'eau savonneuse piquait et tirait sur les blessures. C'était vraiment désagréable, je maudis intérieurement une nouvelle fois Rubi.

La dernière fois que j'avais dû être opéré de la tête, une voiture m'avait renversé de plein fouet alors que je traversai la rue pour rejoindre la pâtisserie, avant de prendre la fuite en me laissant pour morte. Ma tête avait violemment heurté le sol, mon sang avait sombrement peint le béton de la rue. Sans aucun souvenir de l'accident, je me réveillai quelques heures plus tard. Shelley pleurait à chaudes larmes sur mon chevet, le mascara dégoulinant sur son visage. Je m'étais retrouvée à la réconforter. Elle avait vu la voiture me rentrer dedans dans un crissement assourdissant de pneu, mon corps voler dans les airs avant de retomber sur le sol. Je me rappelais qu'elle était inconsolable. Bizarrement, quelques jours plus tard, le conducteur avait été retrouvé sans vie au milieu d'une rue juste en face de notre pâtisserie. Encore un événement qui alimenta les rumeurs selon lesquelles j'étais une sorcière.

Toujours dans l'eau chaude de mon bain, j'immobilisai mon bras, la fleur de douche dans les mains. Non, ça ne pouvait pas être eux. C'était un pur hasard, me persuadai-je en replongeant mon gant dans l'eau.

J'avais l'impression que des années s'étaient écoulées depuis la dernière fois que j'avais vu Shelley. Tant de choses s'étaient produit entre ce soir-là au restaurant sur la plage et aujourd'hui. Avec un pincement au cœur, je me rendis compte que j'avais oublié à quel point elle me manquait. Son visage défiguré par la peur en voyant mes pupilles changer de couleur me revint en tête aussi vivement que si elle se trouvait devant moi. Avec un doute, je me redressai un instant vers le miroir. Mes yeux étaient les mêmes que d'habitude, le même regard perdu aux pupilles ambrés.

Avec un soupire, je sortis de l'eau et m'enveloppai dans un peignoir avant de regagner la chambre. Sur le lit était posé une jolie robe blanche cousue de fil d'or et au décolleté plongeant. A côté, ronflait doucement Ike, apparemment profondément endormi. Je lui jetai un regard méfiant, me souvenant encore de la fois où il avait prétendu dormir. Je m'approchai à pas de loup de lui et penchai la tête près de son visage détendu. Son souffle était régulier mais ce n'était pas suffisant pour me convaincre. Alors lentement, j'approchai mes doigts près de ses narines, prête à lui boucher le nez. Quand il attrapa subitement mon poignet et me fit basculer sur le lit. Je poussai un cri de surprise.

- J'en étais sûre ! m'exclamai-je en redressant sur le matelas. Tu n'es vraiment qu'un gamin.

- Dixit celle qui s'apprêtait à me boucher les narines, rétorqua-t-il en se remettant debout.

Le vent frais du matin caressa mes cheveux, l'aube pointait son nez teintant le ciel d'une jolie couleur rouge orangé qui s'étendait sur plusieurs kilomètres, à l'horizon. Les oiseaux survolaient nos têtes en chantant joyeusement l'arrivée du soleil. Le parfum du matin, des fruits frais et des croissants me chatouilla agréablement les narines. C'est à toute vitesse que j'engloutis mon petit-déjeuner dans la cuisine étincelante de propreté d'Ike. J'osai à peine prendre une bouchée de croissant tant j'avais peur de mettre des miettes partout enfin, jusqu'à ce que je le vois engloutir en deux secondes chronos deux pains au chocolat sans avoir peur de salir sa table en verre installée dans l'herbe du jardin. Une fois le ventre plein, je jetai un œil à mon reflet dans la vitre de la porte d'entrée. La robe me seyait à merveille mais je la trouvais un peu moulante, les manches longues, la jupe aussi était très longue et mon décolleté était un peu plongeant. Au dernier moment, j'avais fait un nouveau tour dans la salle de bain munie de ma trousse de maquillage pour camoufler les énormes poches sous mes yeux et les traces de fatigue de mon visage.

- Tu es parfaite.

La silhouette d'Ike était apparue debout à côté de mon reflet, lui aussi s'était habillé pour l'occasion. Sa tunique était plus somptueuse, noire et aux coutures d'argent. Ses cheveux soyeux lui retombaient sur les épaules. Rougissant de plaisir, je le remerciai. L'heure était venue. Ike vérifia qu'il avait bien verrouiller la porte de chez lui puis me rejoignit à l'arrière de la voiture-carrosse. Lhinck était venu très tôt aussi pour nous emmener au palais. Je le regardai refermer la portière de la voiture avec un nœud dans le ventre, stressée à l'idée de rencontrer l'empereur et les quatre familles nobles qui dirigeaient ce monde.

Dans un mouvement brusque, la voiture démarra en direction du château de l'empereur. Plus on s'en rapprochait, plus je me sentais nauséeuse. La voiture vola au-dessus de la ville puis traversa une longue forêt dense et sombre, quelques collines et enfin, commença à perdre en altitude au bout d'une quinzaine de minutes de vol à grande vitesse. Lhinck abaissa la petite fenêtre teintée qui nous séparait des sièges avant pour nous prévenir que nous arriverions dans moins de cinq minutes au palais impérial.

Mes doigts se resserrèrent sur les sièges de la voiture, mon estomac émit des gargouillements qui ne présageaient rien de bon. Depuis la fenêtre, je voyais le toit du palais qui m'éblouie dès que j'eus posé les yeux dessus. Les tuiles du toit semblaient être recouverts de feuilles d'argent. Les rayons du soleil ricochaient sur le sommet du palais ce qui lui donnait des faux-airs de bijou.

Enfin la voiture atterrit lentement sur la terre ferme. Avec un mélange de curiosité et de peur, je descendis les quelques marches de la voiture. Se dressait devant mes yeux un immense portail en or massif, aux décorations en forme de flèches aux pointes aiguisées rendant l'accès au palais sans autorisation pratiquement impossible pour quelqu'un comme moi. Ike sortit à son tour de la voiture et renifla en posant les yeux sur le portail. Je devinai que son dernier échange avec les membres de la noblesse le laissait encore amer. Je tressaillis en repensant à l'entaille qu'ils lui avaient fait, je demandais lequel d'entre eux avait pu lui infliger une telle blessure. Les Prynix peut-être, selon Orphyll, ils étaient plus cruels. D'ailleurs, où était-il ?

- La ponctualité n'est pas le fort d'Orph.

Je n'en revenais pas, lui qui avait été si insistant sur l'importance d'être ponctuel ce jour-là. Ike me prit la main et m'attira vers l'allée menant au château qui s'ouvrait devant nous dans le vaste jardin du palais. Un gigantesque arbre planté au milieu attira immédiatement mon regard, ses branches brillaient sous la lumière naissante du soleil. Majestueux, il imposait sa présence dans le jardin qui paraissait beaucoup plus petit maintenant, faisant de l'ombre aux autres arbustes. Je m'arrêtai de marcher pour l'observer.

- Qu'est-ce qui se passe ? me demanda Ike.

- Je...il est beau cet arbre, murmurai-je en arrivant pas à en détacher mon regard.

- Magnifique, dit-il en jetant un bref regard à l'arbre. Bon, attends-moi ici, je vais leur prévenir que tu es là étant donné qu'Orphyll n'est pas là.

Un peu perplexe, je haussai les épaules.

- D'accord, je t'attends ici.

Je le regardai emprunter le petit chemin de pierre qui montait en pente sur le terrain haut du palais. Puis mon regard se posa alors sur de longs murs en marbre blanc étincelant de mille feux, sur les poteaux qui se dressaient sur la large terrasse qui s'étendait le long du palais impérial puis s'élevait majestueusement sur plusieurs mètres de hauteur. Magnifique était le mot parfait pour le décrire. Le manoir de mes parents était une plaisanterie comparée au palais de l'empereur. Sa construction rappelait un peu les châteaux japonais mais en beaucoup plus grand et dans un style plus moderne. A l'entrée, étaient posés deux magnifiques et géants oiseaux aux longues ailes fabriqués en un matériau transparent, le bec pointé fièrement vers le ciel : des phénix, comme le symbole des Golkindor. Du verre ? J'en doutais. C'était bien trop éclatant pour être le cas. La large porte d'entrée semblait aussi faite de ce même matériau. Du cristal ? Des diamants ? Non, quand même pas. Aucun diamant de cette taille n'avait jamais été découvert, c'était impossible.

Je m'arrachai à la contemplation de la demeure impériale et laissai courir mon regard sur le jardin aussi grand que celui du château de Versailles. La pelouse taillée au centimètre près, tout comme les branches des arbustes disposés dans un ordre parfait. Une grande fontaine ornait le terrain et quelques bancs étaient placés à chaque coin d'ombre. Je perçus le son d'un écoulement d'eau mais ne trouvai pas sa provenance, devinant que peut-être derrière le palais se trouvait un cours d'eau ou une petite rivière. J'admirai un moment ce beau tableau, subjuguée par la beauté des lieux.

Une large feuille d'un blanc nacré vola jusqu'à mes pieds. Je me baissai pour l'observer de plus près. Malgré sa taille, elle semblait très légère, comme une plume. Elle appartenait à l'arbre qui avait retenu mon attention en arrivant. Ses feuilles aussi grandes que des feuilles de palmiers, bougeaient lentement, bercées par le vent. Un parfum doux et poudré s'en échappait. Je m'étonnai de ce parfum. Il m'était étrangement familier. Ne résistant plus à l'envie, je m'avançai doucement vers l'arbre. Ike n'aurait aucun problème à me trouver. De près, il était vraiment très large mais plutôt court comparé aux autres arbres. Je posai mes mains sur le tronc aussi large qu'une maisonnette et hoquetai de surprise. Cet arbre était vivant. Littéralement, vivant. Je le sentais respirer sous la paume de la main, je sentant son tronc chaud se remplir d'air puis l'expirer doucement. Son tronc se gonflait au rythme de sa respiration à vue d'oeil.

- Kaya ? m'interpela une voix familière.

Je fis volte-face, le cœur battant à tout rompre comme prise en flagrant délit. Orphyll se tenait debout sur l'allée, l'air épuisé et visiblement étonné me trouver là.

- Orphyll, vous êtes en retard. Qu'est-ce qui s'est passé ? lui demandai-je en allant vers lui.

- Mais enfin, que fais-tu ici ?

- J'attends Ike, il est allé prévenir l'empereur que je suis arrivée.

Orphyll tourna brusquement la tête vers moi, l'air soudain affolé.

- Que dis-tu ?

- Ike est allé prévenir l'empereur de mon...

Je m'interrompis en prenant conscience de ma naïveté. Pourquoi est-ce que l'empereur aurait besoin d'être averti de mon arrivée puisqu'il m'avait lui-même convié ? Nous nous précipitâmes dans un même mouvement à l'entrée du palais.

En haut des marches, nous attendait une femme aux cheveux violet foncé et aux formes généreuses qui se tenait aussi droite qu'une règle. Quand elle nous vit, ses lèvres peintes en noirs s'étirèrent un sourire trop parfait.

- Vous voilà enfin, votre ami est déjà sur la terrasse arrière. Je me présente : je suis Mala Marbleduc et je suis la conseillère personnelle de l'empereur. Veuillez me suivre je vous prie, je vais vous emmener auprès des autres convives.

Sans perdre une minute de plus, la femme se mit à marcher à vive allure. Le claquement de ses talons hauts vertigineux résonnait en écho entre les grands murs. Ce fut une longue ligne droite où quelques fois j'aperçus à travers de large arcade dans les murs d'autres vastes pièces décorées avec goût. Des tableaux de portraits des empereurs et impératrice précédents étaient accrochés aux murs sur tout le long du couloir. Puis la femme poussa une épaisse porte en verre et nous nous retrouvâmes sur une autre terrasse, beaucoup plus grande et plus belle que celle qui se trouvait à l'entrée du palais. Le soleil tapait de plein fouet sur l'arrière du palais, brillant magnifiquement dans le ciel dont les rayons ricochaient sur l'eau qui s'écoulait sous nos pieds à travers le sol en verre, puis longeait le long de la terrasse, pour finir dans une petite rivière. Ça me ramena instantanément au moment où j'avais marché sur l'eau pour rejoindre la Porte d'Atlazas. Un moment magique. La vue du grand balcon était imprenable : elle donnait sur une vaste place de fête près de l'océan. Un oiseau de la taille d'un hippopotame se tenait dans le jardin face à la terrasse et grignotait des petits fruits bleus dans un arbre.

La conseillère Mala m'invita à avancer avec toujours ce même sourire figé. Les jambes en coton, je m'avançai lentement, réprimant la grande envie de prendre mes jambes à mon cou. Je remarquai à ce moment que l'air était devenu un peu plus opaque, difficile à respirer. Quelques atlazasiens étaient installés nonchalamment sur les fauteuils, seulement trois d'entre eux avaient préférés se tenir debout, droit et immobile. Ils me firent penser à des statues, j'eus même l'impression qu'ils ne respiraient pas. Je repérai Ike qui fixait des yeux les familles, une lueur de défi dans le regard.

Ces personnes étaient sans aucun doute les nobles, les atlazasiens les plus craints et respectés d'Atlazas. Je sentis aussitôt un regard perçant sur ma nuque. Une belle femme, quoiqu'un peu trop maigre, les cheveux longs et noirs coiffés en arrière, m'observait ostensiblement. Les joues creuses, les pommettes saillantes, elle portait une longue robe noire à col roulé qui moulait son corps très mince et faisait ressortir sa peau très pâle légèrement scintillante. A ses côtés, se tenait un homme, les cheveux noirs et soyeux, à qui ma venue ne semblait faire ni chaud ni froid. Ils étaient assez impressionnant mais ce qui me marqua le plus, c'est la ressemblance de leurs yeux et ceux d'Ike. En tout cas, je n'eus aucun mal à les identifier. Orphyll m'avait parfaitement bien décrit le clan Prynix. Ils m'avaient l'air tout à fait hostile.

A leur gauche, il y avait un autre couple dont l'appartenance au clan Nahuay fût une évidence. Je crus pendant un court instant que c'était Rubi assise sur le fauteuil blanc, ses longues jambes croisées. Mais ce n'était bien évidemment pas elle, juste une version d'elle avec quelques années en plus. La Rubi plus âgée portait une longue robe rouge aux coutures d'argent. Quand elle croisa mon regard, elle esquissa un sourire qui ne me parut pas très amicale. L'air hautaine, elle chuchotait quelque chose à l'homme qui avait les mains posées sur ses épaules, debout derrière elle. Lui aussi avait les cheveux et les yeux rouges, il était aussi très grand. Il me sembla différent de sa femme, plus aimable et même, bienveillant.

Le représentant du clan Kamylah était une représentante, visiblement seule. C'était une femme de grande beauté. Elle portait une épingle à cheveux en or dans ses boucles frisées en forme de flamme. Sa robe dans les nuances nacrées, mettait en valeur sa peau foncée et satinée. Elle leva ses grands yeux couleur bronze piqués d'éclats d'argent vers moi et m'adressa un sourire en inclinant légèrement la tête sur le côté pour me saluer. Ils étaient tous vraiment très beaux et visiblement, puissants.

- Bonjour, Orphyll, dit la femme de la famille Prynix. En retard, comme toujours.

- Je suis vraiment désolé, s'excusa Orphyll avec un sourire. Il se trouve que j'ai eu un empêchement de dernière minute avec la CTT.

Elle claqua de la langue.

- Tu profites un peu trop des avantages que t'offre ton amitié avec l'empereur.

Orphyll inclina la tête pour s'excuser une nouvelle fois.

- Ça suffit Némésis, s'éleva une voix grave dans mon dos.

L'atmosphère se fit tout à coups beaucoup plus pesante. Je sentis mes jambes s'alourdirent, comme si quelqu'un de très lourd, s'amusait à prendre appui sur mon dos. Je levai les yeux vers les autres, mais j'étais apparemment la seule touchée par ce phénomène. Orphyll, les mains derrière le dos gardait les yeux rivés sur le mur, tandis qu'Ike fixait les nobles, le visage de marbre.

Une porte coulissa et un homme de quelques années vêtu d'une tunique ample, aux cheveux blancs, très longs apparut. Sa barbe nattée de fil d'or et d'argent balançait au rythme de ses pas, à ses pieds nus sur le verre du sol. Il avait le teint très pâle scintillant, ses yeux étaient d'un blanc surprenant, l'iris était entourée d'un anneau d'argent. A son cou, pendait une longue chaîne avec un gros médaillon en or, frappé du sceau des Golkindor : un phénix. La dénommée Némésis, se tût immédiatement, non sans lancer un regard noir à l'homme que je reconnus aussitôt comme étant l'empereur. La pression était trop forte, je sentis mes jambes flancher et mes forces me quitter. C'en était trop. Plus l'empereur s'approchait, plus il me devenait difficile de respirer. Ike s'en aperçut et intervînt aussitôt.

- Certess, dit-il en se tournant vers l'empereur. Comme vous le savez, le corps de Kaya ne s'est pas encore réadapté à notre monde.

L'empereur me considéra longuement comme s'il venait de se rendre compte de ma présence. En un instant, le poids lourd que je ressentais s'évapora. Reprenant peu à peu mon souffle et mes forces, je compris alors que cet air irrespirable et cette soudaine pesanteur étaient dû à la puissance de ce vieil homme. Tremblant légèrement mais cette fois de peur, je n'osai pas le regarder dans les yeux, préférant nettement mieux admirer le plexiglass épais sous mes pieds. De longs doigts fins entrèrent dans mon champ de vision et relevèrent doucement ma tête. Je déglutis en posant les yeux sur le visage souriant de l'empereur

- La dernière fois que je t'ai vu, tu n'étais qu'un bébé Kaya.

J'esquissai un sourire timide, le saluai respectueusement. Son sourire s'élargit, puis il se tourna vers un homme noir, grand et chauve, qui se tenait juste derrière lui droit comme un piquet, le visage de sans aucune expression. Son visage m'était familier mais je ne me souvenais pas d'où.

- La cérémonie se déroulera sur la place Dorgol, va et préviens tout le monde de s'y réunir Thorn, ordonna l'empereur, les mains jointes.

Les yeux ronds, j'observai Thorn que je n'avais pas reconnu. Je me souvins alors que les seules fois où je l'avais vu, son corps était d'argent. Il devina mes pensées et me salua brièvement de la tête sans un sourire avant de s'éclipser en clin d'oeil. Je retins un soupir, il n'y avait aucun doute, il ne m'aimait pas.

- Je vais brièvement te faire les présentations, si tu le veux bien.

L'empereur me désigna les Prynix.

- Voici : Micklaus et Némésis Prynix.

Les deux Prynix inclinèrent la tête poliment. Il se tourna vers les Nahuay :

- Lindfor et Ivy Nahuay.

Le dénommé Lindfor me sourit.

- Enchanté, Kaya, me dit-il d'une voix étonnamment douce.

- Moi de même.

Et enfin, l'empereur donna la main à la femme du clan Kamylah qui lui adressa un sourire éblouissant.

- Xandra Kamylah, quelqu'un pour qui j'ai un très grand respect.

- Je suis très heureuse d'enfin te rencontrer ma chère Kaya, dit Xandra en me prenant dans ses bras.

Surprise par cet élan d'affection, je bégayai quelques remerciements et sentiments partagés à la femme. L'empereur alors se tourna enfin vers moi :

- Je suis Galford Lune du clan Golkindor, se présenta-t-il d'une voix grave.

Je me sentis soudain mal à l'aise devant tant de respect et surtout venant de l'empereur d'Atlazas en personne. Je ne savais plus quoi dire, ni comment réagir alors je me contentai de rester poli et de sourire tant, que j'en eus mal aux joues.

Après m'avoir fait les présentations, l'empereur m'entraîna à l'intérieur du palais. Il me fit ensuite entrer dans un immense hall, où le plafond était si haut que j'avais le sentiment d'être une fourmi. Une statue représentant une femme, la tête levée vers le plafond, un sourire aux lèvres, était placé au centre du hall. Un grand miroir dont le cadre était d'or occupait une place contre un mur. Nous traversâmes le hall, tandis qu'avec grâce, l'empereur avançait devant nous, suivi de près des chefs des familles nobles. Orphyll et Ike étaient tous deux à côté de moi, l'un l'air jovial, lançait des regards curieux un peu partout, et l'autre, le visage renfrogné, fixait un point invisible droit devant lui ou peut-être était-ce l'empereur qu'il visait ? Je préférai l'ignorer afin de ne pas déclencher la fureur qu'il contenait déjà difficilement.

Nous traversâmes une autre pièce qui me sembla être un salon. Une domestique était occupée à lustrer un magnifique vase dont les motifs noir et rouge représentaient des signes semblables à ceux de la lettre que j'avais tenté en vain de lire à l'insu d'Orphyll. Quand, elle nous aperçut, elle s'inclina maladroitement, ses deux nattes lui fouettèrent le visage. Je réprimai mon envie de rire en me mordant l'intérieur de la joue. L'empereur m'expliqua avec fierté que le vase était dans sa famille depuis des siècles. Fascinée, je jetai un dernier coup d'oeil au vase.

- Il est magnifique, dis-je en regardant le vase que tenait maintenant l'empereur entre ses longs doigts fins.

- N'est-ce pas ? Les familles ont tendance à se passer des bijoux de génération en génération mais pas chez les Golkindor, dit l'empereur d'un œil pétillant. Ce vase que tu vois là mon enfant, est plus vieux que moi-même et Lutsumoon sait que je ne suis plus tout jeune.

Je souris poliment en cachant ma stupéfaction. L'empereur Galford était bien plus ridé et marqué par le temps qu'Orphyll. Curieuse, j'essayai de deviner son âge en comptant le nombre de ride et de tâches de vieillesse qui constellaient son visage.

- Poursuivons, veux-tu ?

Il me fit faire une visite exclusive de sa demeure tout en me parlant et en me demandant de lui parler de ma vie humaine ainsi que de ma famille.

- Et donc, tu ne t'es fait aucun ami humain durant toutes ces années ? s'étonna-t-il stupéfait en marchant d'un pas léger dans une vaste bibliothèque où s'élevaient plusieurs grandes étagères remplies de livres qui longeaient les murs arrondis.

- J'ai bien eu quelques amis mais en grandissant, les gens changent.

L'empereur médita sur ces paroles puis échangea un regard avec Orphyll qui nous suivait en silence. J'étais beaucoup plus détendue qu'en me levant ce matin. L'empereur s'avérait être quelqu'un de tout à fait normal, gentil et poli. Il avait tout de suite su me mettre à l'aise.

Après avoir fait le tour des salles les plus passionnantes du palais selon l'empereur, nous empruntâmes un couloir que je n'avais pas encore vu. L'empereur poussa une lourde porte en or massif qui s'ouvrit sur une autre vaste terrasse plus classique. Je devinai qu'il s'agissait d'un côté de du palais. S'étendait sur plusieurs longs mètres, un balcon surplombait une vaste place noire de monde. Un bourdonnement de conversations, de rires et de la musique s'élevait de la foule. Le cœur battant à tout rompre, je ralentis le pas. Que faisait tout ce monde ici ? L'empereur esquissa un grand sourire.

- Voilà près d'une semaine que tu es parmi nous Kaya. Viens avec moi, je me dois de te présenter au peuple d'Atlazas.

Il me fallut quelques secondes pour comprendre ce qu'il venait de me dire. Mes entrailles se tordirent à nouveau dans mon ventre. Que venait-il de dire ? Personne ne m'avait parlé d'une telle chose ! L'empereur Galford me poussa vers le balcon sous les yeux inquiets d'Ike. Le nombre de personne réunis pour me voir me coupa le souffle. En-dessous du vaste balcon, se tenait des milliers d'atlazasiens scandant mon nom, poussèrent des cris et applaudirent quand ils me virent. J'en eus le vertige. L'air frais était plus que bienvenue. Mon regard balaya la foule d'atlazasiens qui les mains levées en l'air sifflaient et m'appelaient. Certains dansaient au son des sons des tambours et trompettes qui ambiançait la place. J'étais abasourdie, mes parents avaient dû être des gens exemplaires, de véritables héros pour le peuple d'Atlazas. Les mains posées sur la balustrade peinte en or, je me surpris à sourire et apprécier leur accueil, émue.

Des familles, des soldats, des marchands, des vendeurs ambulants étaient tous réunis sur la place des fêtes. Plusieurs enfants essayaient de voler vers la balustrade pour me toucher les mains, leurs petites ailes battant furieusement dans les airs. Je tendis les mains vers eux, attendrie. L'empereur se plaça au centre du balcon tandis qu'Ike, appuyé sur la clôture, lui lançait à présent sans essayer de se cacher, des regards noirs, les bras croisés. Avec une indifférence superbe, l'empereur lui adressa un bref sourire avant, de me tendre la main.

- Pehito koko wa Certessa Kaya.

Des cris de joie s'élevèrent dans la foule ainsi que des sifflets.

Je ne compris pas grand-chose à cet échange et n'y prêtai guère plus d'attention, l'empereur avait toujours la main tendue vers moi. Je l'attrapai et me plaçai à ses côtés, avec un léger sentiment de fierté. Après tout, il s'agissait quand même du dirigeant de ce monde qui ne s'adressait pas à n'importe qui ! Et moi, grâce aux exploits que mes parents avaient accomplis, je me retrouvai sous sa protection.

Tout à coup, la porte s'ouvrit grand et une trentaine de personne firent apparition. Des rivières de cheveux rouges rejoignirent leur clan, des gens le visage de marbre, les cheveux noirs rejoignirent les Prynix, d'autres le sourire aux lèvres, rejoignirent les Kamylah dans une lueur bronze, or et enfin, les derniers, les cheveux blancs, se placèrent juste à côté de l'empereur et moi. Plusieurs d'entre eux saluèrent Ike et Thorn, mais aucun membre de Prynix ne daigna adresser un regard dans leur direction. Parmi la petite foule qui nous avait rejoint, je reconnu Rubi, cachée derrière son sosie que je soupçonnai être sa mère.

Bien, maintenant que nous sommes au complet, nous allons pouvoir commencer la cérémonie, déclara l'empereur en se tournant ensuite vers la place Dorgol. Cerdea Pehito, vici memso atez haëté, kendi prodig, ena kahma, ajouta-t-il en me poussant face aux atlazasiens, Kaya Gauthier, Narka's kahma !

La foule explosa de sifflements, d'applaudissements et de cris de joie. Mais après tout, Orphyll m'avait déjà prévenu que la célébrité de mes parents me retomberait dessus mais je ne pensais pas que ce serait à ce point. Je ne pouvais pas m'empêcher de sourire, peut-être était-ce dû au stress. L'empereur continua à s'exprimer dans son langage. D'après le ton plus sérieux de sa voix, je sentis qu'il s'agissait de quelque chose d'important. Je me tournai vers Orphyll, dans l'espoir qu'il me serve d'interprète mais il avait les yeux rivés sur la foule, tout comme Ike, les sourcils froncés. L'empereur se tourna ensuite vers les membres de la famille noble.

- Deté Rubi Nahuay ! dit-il en fixant Rubi. Et implore le pardon.

Elle sortit du groupe, une colère douce sur l'expression du visage. Je me figeai. Elle se plaça juste en face de l'empereur et moi, les yeux baissés. Une légère brise fit voleter quelques-unes de ses mèches de cheveux rouges. Puis avec grâce, elle s'agenouilla par terre, le front collé au sol.

- Ô Certessa, paardiso am por ena kizuk ! Je t'implore le pardon, S'exclama-t-elle d'une voix forte d'où perçait une évidente colère. Tous les regards se tournèrent ensuite vers moi. Je restai sans rien dire, ne sachant quoi faire. Je n'avais pas compris un seul mot de ce qu'elle venait de dire mais de toute évidence ils m'étaient destinés. Thorn, dont je n'avais pas remarqué la présence, se pencha vers moi et me chuchota qu'elle venait de me demander pardon pour m'avoir balancé par la fenêtre. Et que maintenant, on attendait une réponse de ma part.

- Que décidez-vous ?

Je ne répondis pas tout de suite, considérant longuement du regard la femme qui avait failli me tué dans un excès de colère. Je lui en voulais, je la détestais aussi. Il me souffla ce qu'il fallait que je réponde.

- Am paardiso yôe, m'entendis-je dire avec un parfait accent qui me surpris.

Rubi se releva dignement, les yeux larmoyant de fureur, légèrement tremblante. Elle me tuerait un jour, j'en avais la certitude. Sans un regard pour moi, elle tourna les talents et se replaça derrière Ivy Nahuay. Toute la colère que je ressentais pour elle s'évapora, une telle humiliation méritait que je lui pardonne. Cependant, elle ne serait jamais mon amie.

Puis frappant des mains, l'empereur annonça qu'il était temps de festoyer mon retour en profitant des victuailles, des boissons, des gâteaux, des spécialités du monde des humains en mon honneur. Des cris et des applaudissements retentirent et de la musique assez rythmée commença à jouer. Des serveurs placèrent une grande table et plusieurs chaises sur la terrasse du balcon.

Je fus invitée à m'asseoir aux côtés de l'empereur. Ike s'installa à côté de moi avant un jeune homme du clan Nahuay, qui avec un sourire dragueur avait voulu s'asseoir sur la chaise à côté de la mienne. Une femme du clan Kamylah, avec des yeux de chat, s'installa en face de moi et regardait avec curiosité une grande paëlla. Tous goûtaient ces plats qui pour moi n'étaient pas une découverte. Seuls les Prynix n'y touchèrent pas, et se servir des plats bien atlazasien, je fis de même mais certainement pas pour les mêmes raisons.
Némésis Prynix chuchotait à l'oreille d'une autre jeune femme tout en jetant des regards dégoûtés aux autres. Orphyll et l'empereur discutaient dans un atlazasien trop rapide pour que je puisse même distinguer chaque mot. Ike lui entamait une discussion avec Thorn et deux autres jeunes hommes du clan Nahuay et Kamylah. Soudain, je sentis un regard lourd posé sur moi, un regard plein de haine et de rancœur. Rubi, assise à l'autre bout de la table, me fixait d'un regard meurtrier. Ivy Nahuay, visiblement de mauvaise humeur lui donna un coup sec pour qu'elle cesse de me regarder mais Rubi l'ignora. Je lui rendis son regard furibond et fourrai un morceau de viande dans ma bouche que je mâchai à toutes vitesses.

- Ne prêtes pas attention à elle, me dit la jeune femme assise en face de moi. Je m'appelle Alyssa, je suis du clan Golkindor, la famille impériale, ajouta-t-elle avec un grand sourire dévoilant une dentition parfaite.

Je restai bouche bée devant la jeune femme. Ses longs cheveux blancs et soyeux lui retombaient sur ses frêles épaules dénudées. Sa peau très pâle semblait être enduit d'une huile pailletée comme pour la plupart des atlazasiens nobles. Mais c'étaient ses yeux qui étaient le plus surprenant : sa pupille blanche entourée d'un anneau d'argent me rappelait ceux de la femme enceinte de mon rêve. Je savais qu'il ne s'agissait pas d'un simple rêve. C'était la première fois que je rencontrai des Golkindor et lorsque je m'étais évanouie après ma chute dans la baignoire, jamais encore je n'en avais vu. Elle avait maquillé ses lèvres d'un rose pâle brillant qui s'harmonisait parfaitement à sa robe, rose pâle elle aussi. Prenant conscience que je devais paraître pour une demeurée à l'observer ainsi, j'avalai mon énorme morceau de viande et me dépêchai de lui répondre.

- Je m'appelle Kaya. Enchantée.

Elle rit.

- Oui, je sais. Tout le monde le sait. D'ailleurs, ça fait un bout de temps que nous t'attendons tous. Je ne t'imaginais pas comme ça. Tu es vraiment très jolie. C'est aussi pour ça que l'autre spolm ne t'aime pas.

Alyssa me désigna Rubi du bout de sa fourchette.

- Rubi ?

- Mmmh...oui, elle est considérée comme l'une des plus « belles » filles d'Atlazas, fit Alyssa en mimant les guillemets. Personnellement, je ne la trouve pas si jolie. Et puis elle n'attire pas tant que ça les hommes. Je jetai un coup d'oeil vers Rubi, et vis une dizaine de garçons lui lancer des regards pleins d'espoirs qui en démontrait le contraire. Enfin, maintenant que toi, tu es arrivée, tout ça va changer, ajouta-t-elle.

- Je ne crois...commençai-je gênée.

Quand une fille sauta juste à côté d'Alyssa et m'adressa un grand sourire.

- - Déjà en train d'embêter notre nouvelle recrue Alyssa ? dit-elle d'une jolie voix cassée.

- Ah, ah ! répondit Alyssa en lui tirant la langue dévoilant un petit bijou avec l'emblème de la famille impérial.

Je m'imaginai soudain avec le même piercing sur le bout de la langue.

- Bon retour parmi nous Kaya, je suis Chell, se présenta la jeune femme. Je fais partie du clan Kamylah comme tu l'auras sûrement deviné.

- Enchantée Chell.

Son apparence me laissa pantoise. Elle était tout simplement magnifique. Je m'affaissai légèrement sur ma chaise en soupirant. Elle aussi était d'une grande beauté, sa peau foncée satinée brillait légèrement de bronze. Ses cheveux composés de petites boucles châtain lui retombaient comme des ressorts sur les épaules. Ses grands yeux noisette semblables à ceux d'un chat, étaient piqués d'éclats d'argent. Comment étais-ce même possible d'être aussi belle ? En dépit de quelques similitudes, les atlazasiens étaient en tout point différent des humains.

Chell sauta soudain avec légèreté sur la table, s'empara d'un fruit blanc qui ressemblait à une pomme et revint à sa place, à côté d'Alyssa, avec l'agilité d'un félin. Personne ne sembla surprit de voir quelqu'un marcher sur la table, j'en déduis qu'ils avaient l'habitude.

- Alors qui était la cible de vos commérages ? Némésis ? Ou sa fille Nahlia ? Oh ! Je sais vous parliez du bel Ike ? ajouta-t-elle en croquant dans son fruit, le regard pétillant.

J'avalai de travers mon champagne.

- Ike ? répétai-je en m'étouffant.

- Tu le connais déjà ? s'étonna Chell en haussant les sourcils. On peut dire qu'il ne perd pas de temps celui-là. Il n'y a pas une seule femme à Atlazas qui ne craque pas pour Ike Le Magnifique.

Je reposai lentement ma coupe sur la table, étonnée.

- Ike Le Magnifique ?

Chell hocha la tête en souriant.

- J'en connais même une qui serait prête à lui donner toute sa fortune juste pour un baiser de lui, tu te rends compte ? Mais bon, il est extrêmement difficile. Alors, je peux te dire que celle qui conquerra ce bourreau des cœurs, devra surveiller ses arrières.

- Je vois, murmurai-je en sentant mes joues s'empourprer. Et toi, il t'intéresse ?

Elle éclata de rire en envoyant sa tête en arrière.

- Oh, il fût un temps où j'aurais fait n'importe quoi pour pouvoir sortir avec lui, excepté lui donner ma fortune, j'aime beaucoup trop le shopping. Mais c'est du passé maintenant, répondit-elle en croquant une nouvelle fois dans son fruit. Tu vois le mec assis à la gauche de Thorn, tu connais Thorn ? – j'acquiesçai en hochant la tête- d'accord, ben ce beau gosse à côté de lui, c'est mon petit-ami, le meilleur ami d'Ike, Ange Nahuay.

L'intéressé tourna aussitôt la tête vers nous, et fit signe à Chell. Il avait les cheveux aussi rouges que ses yeux et portait une robe blanche, semblable à celle de Rubi mais pour homme.

- Il est mignon.

- N'est-ce pas ? dit Chell en le couvant des yeux. Alors ? C'était bien Ike le sujet de votre conversation ?

- Non, on parlait du spolm rouge, répondit Alyssa en prenant une poignée de petites graines rouge dans le bocal juste en devant elle. Ce sont des bonbons Swamy, tu veux les goûter ?

J'acceptai d'en goûter un. Une incroyable sensation de fraîcheur et de fraise pétillèrent sur mes papilles. C'était délicieux. Je plongeai ma main dans le bol de bonbon pour en prendre une poignée.

- Ah, oui bien-sûr ! s'exclama Chell en jetant un regard discret dans la direction de Rubi qui repoussait violemment un de ses prétendants. Elle n'a pas l'air de beaucoup t'apprécier. C'est vrai qu'elle a essayé de te tuer ?

- Je ne pense pas qu'elle en avait réellement l'intention, dis-je en avalant un nouveau Swamy.

Alyssa et Chell ne parurent pas convaincues.

- Quoiqu'il en soit, je plains la future copine d'Ike. C'est une vraie furie celle-là, elle serait prête à la tuer.

- La massacrer, renchérit Alyssa.

- Enfin, si tant est qu'il veuille une.

Elles pouffèrent de rire. Je fis pareil, bien que je ne trouvasse pas cela drôle et je m'étouffai avec mon bonbon. Décidément. Le bonbon passa enfin dans mon œsophage après plusieurs gorgées de champagne.

- Mmmh...toi, il te plaît, n'est-ce pas ? dit soudain Alyssa en lançant un regard perçant de ses grandes pupilles blanches.

Je détournai le regard du pouvoir ensorcelant de ses yeux.

- Non, mentis-je effrontément.

Elle fit la moue, dubitative mais n'insista pas.

- Eh bien laisse-moi au moins te dire ça : prend garde à toi. Cette fille est folle et si elle t'a déjà dans le collimateur pour x raison, ce...

- Tiens ! Salut Rubi ! Comment ça va ? s'exclama d'une voix forte Chell, les yeux rivés au-dessus de nos têtes.

Une lueur méprisante dans ses pupilles rouges, Rubi se tenait juste dans le dos de ma chaise. Elle se pencha vers moi m'embaumant avec son parfum à la rose, et prit appui sur la table, posant sa main parfaitement manucurée entre nos assiettes.

- Ne vous emballez pas les filles, je viens juste voir Ike.

Elle tapota l'épaule de ce dernier, assis juste à côté de moi, en pleine discussion avec ses amis. Il s'interrompit et me regarda interrogateur, pensant que c'était moi qui l'avais appelé. Puis il leva enfin les yeux sur Rubi penchée entre nous deux. Il se rembrunit.

- Qu'est-ce que tu veux ? lui demanda-t-il sèchement.

- Du calme, fit-elle en riant étrangement sereine. Je voulais juste m'excuser d'avoir blesser ton amie, dit-elle en insistant bien sur le dernier mot. Je me figeai. Oh ? Vous ne le saviez pas ? ajout-elle en s'adressant à Chell et Alyssa. Ce sont de très bons amis ces deux-là ! N'est-ce pas, Kaya ?

Quelle petite emmerdeuse celle-là.

- Et alors ? répliqua Alyssa, incrédule. C'est quoi le problème ? Ils sont amis et après ?

- Vous m'avez mal compris je cr...

Elle s'interrompit, soudain immobile en croisant le regard glacial de l'empereur à l'autre bout de la table. Un étrange silence s'abattit autour de la table. Le visage livide, elle tourna les talons sans prononcer un mot. Le claquement de ses talons résonna dans le silence plat pendant quelques secondes puis le fil des conversations reprit, comme si de rien n'était.

Choquée, je lançai un regard interloqué à Ike.

- Qu'est-ce...qu'est-ce qui vient de se passer ?

- Elle a failli te tuer.

Le brusque grincement d'une chaise sur le sol fit hérisser les poils de ma nuque. Quelques secondes plus tard, Ivy Nahuay rejoignait Rubi dans la pièce d'à côté, les traits déformés par la colère. Elle ne manqua pas de claquer la porte derrière elle. Gênée, je plongeai mon nez dans ma coupe de champagne alors que sa réaction laissa indifférente l'assemblée.

Je passai le reste de la journée en compagnie d'Ike, Alyssa, Chell et Ange, qui s'avéra être tout le contraire de sa sur : gentil. La nuit était tombée mais la fête continuait de battre son plein et plusieurs chanteurs étaient venus pour apporter une ambiance musicale. Les membres des familles vinrent presque tous – même les Prynix pourtant très hostiles – étaient venus me parler, soit pour me souhaiter la bienvenue ou tout simplement pour me saluer. Tous exceptés les Nahuay. Ils n'avaient surement pas digéré l'humiliation publique d'un membre de leur clan. Ivy Nahuay n'avait eu cesse de me foudroyer du regard derrière le verre de sa coupe de champagne. Après sa sortie fracassante de table, elle était finalement revenue reprendre sa place à côté de son mari. Mais elle n'avait plus pipé mot de la soirée, enchaînant les coupes de champagnes une à une. Elle vida d'un trait sa coupe pleine et en attrapa une autre sur le plateau que le serveur passait entre les convives.

- Hé ! Tu m'écoutes ? m'interpela Ange en claquant des doigts devant mon visage.

- Quoi ? ah...euh oui, excuse-moi Ange, dis-je en détournant mes yeux d'Ivy qui hoquetait à présent. Qu'est-ce que tu disais ?

- Fiche-lui la paix ! s'exclama Chell. Qu'est-ce qu'on en à faire du monde des humains ? Surtout que tout ce qui t'intéresses ce sont les femmes ! Je ne comprends pas cette nouvelle tendance à vouloir sortir avec une humaine.

- C'est juste de la curiosité ! se défendit Ange.

- Bien-sûr ! Tu ne veux juste pas avoir l'air ridicule le jour tu iras dans leur monde, enfin si un jour tu y vas. Tu es pathétique !

- Bon ça suffit vous deux ! trancha Alyssa tandis qu'Ange s'apprêtait à répondre.

Chell et Ange se fusillèrent du regard, silencieux. Puis brusquement, Chell repoussa sa chaise et déclara qu'elle avait besoin d'un bon verre avant de prendre le chemin du bar. Ivy Nahuay me lançait toujours des regards furibonds et ça commençait sérieusement à m'agacer.

- Est-ce qu'elle compte me dévisager toute la soirée ?

Ange suivit mon regard et soupira.

- Elle se sent humiliée parce-que ma sœur a dû implorer ton pardon devant tout le peuple. Ce que je trouve parfaitement normal étant donné qu'elle a failli te tuer. Et il y a moi qui te parle comme si tu ne venais pas d'humilier mon clan. Pire encore, vous êtes assez proches vous deux ? ajouta-t-il en nous regardant successivement Ike et moi.

Un peu pompette, j'eus brusquement envie de crier sur tous les toits la véritable raison de l'explosion de rage de Rubi.

- Pour tout te dire, nous...

- Elle me haïssait mais finalement, nous avons réussi à devenir amis, me coupa Ike.

Mon sourire se crispa.

- Ah bien, c'est un mauvais point en moins sur ton compte, s'esclaffa Ange.

Je fis semblant de trouver sa remarque amusante et finis en une gorgée le restant de ma coupe, tandis que mon cœur cognait contre ma poitrine. Ike évitait soigneusement de me regarder.

- Pour une raison obscure, ma mère voit en Ike le gendre parfait, poursuivit-t-il en piochant une olive dans le bol posé en face de lui. Elle ne sait pas à quel point il peut être un parfait imbécile.

Ange ricana et avala son olive sans remarquer mon changement d'humeur. Il fit aussitôt une grimace, écœuré et but plusieurs gorgées de son verre.

- Beurk ! Qu'est-ce que c'est que ça ?

- Une olive, répondis-je d'un ton plus froid que je ne l'aurais voulu.

Ange secoua la tête en jetant un regard noir au bol d'olive. Puisqu'il évitait ostensiblement mon regard, je décidai d'ignorer Ike. Il se rendrait vite compte que j'étais aussi douée à ce jeu.

- Donc Rubi est ta sœur, vous êtes tellement différents.

Ange accusa le coup en hochant la tête.

- Oui, je sais. C'est une vraie petite garce mais bon, c'est ma sœur donc je n'accepte aucune mauvaise critique sur elle.

- Peut-être mais il n'empêche qu'elle reste une pauvre conne, égoïste et prétentieuse, rétorqua Alyssa en rejetant son rideau de cheveux blanc pur en arrière.

Ike lâcha un rire moqueur me rappelant son existence, je le foudroyai du regard : « Je peux savoir à quoi tu joues Ike ? C'était quoi ce « on est juste amis » ? ». Son sourire s'affaissa légèrement, et il me fit un très discret signe de tête pour me faire comprendre que ce n'était pas le moment. Geste qui eut pour effet d'attiser ma colère. « D'accord, très bien. Nous sommes amis alors ! » pensai-je avec un sourire mauvais. Je posai d'un geste un peu brusque ma coupe sur la table et me levai sous le regard inquiet d'Ike.

Balayant les convives du regard, je ne tardai pas à repérer le bel homme qui m'avait fait des avances plus tôt dans la soirée. D'un pas un peu vacillant, je me rapprochai de lui. Il verrait de quel je me chauffais Ike. Puisque nous étions des amis, il n'y avait pas de raison que je me refuse un si beau morceau.

- Tu nous abandonnes ? Me lança Alyssa. Je lui adressai un clin d'œil et lui montrai discrètement ma cible. Elle écarquilla ses yeux blancs et me rejoignit aussi vite que possible. Je croyais qu'il ne t'intéressait pas ?

- J'ai changé d'avis, dis-je en mordant les lèvres. C'est quoi encore son nom ?

- Nathan, mais on l'appelle tous Nate, me souffla-t-elle tandis qu'on observait ledit Nathan. Il est de la famille Kamylah comme tu as pu le constater en regardant son teint doré, très sexy ! Moi, c'est son grand frère, Noah qui m'intéresse. Je crois que je vais passer à l'attaque moi aussi !

Alyssa gloussa puis prenant mon corps pour se cacher, elle plongea une main dans son soutif pour mettre plus en avant ses petits seins. Choquée, je me figeai et vérifiai qu'autour de nous personne n'avait remarqué son petit manège. Le résultat était surprenant. Alors je l'imitai et bombai ma poitrine déjà volumineuse, en jetant un coup d'oeil discret à Ike. La mâchoire crispée, il m'observait le regard noir tandis qu'Ange continuait de parler sans se rendre compte qu'il ne l'écoutait plus.

- Tu es superbe. Bon maintenant, une autre coupe de champagne Château d'Atlaz, le meilleur de tout Atlazas, dit Alyssa en me tendant une coupe remplie à ras bord. Je la soupçonnai de l'avoir servi elle-même.

A peine avais-je eu le temps de commencer mon verre, qu'Alyssa avait déjà disparu de mon champ de vision. Je la retrouvai quelques mètres plus loin en compagnie de Noah dont les yeux louchaient sur sa poitrine. Le visage en feu, je me sentis soudain moins sûre de moi. Finalement, je n'avais pas trop...

- Tu es ravissante.

Je fis volte-face sur le beau Kamylah, qui m'adressait un sourire éblouissant.

- Nathan ! m'exclamai-je d'une voix aigüe.

Son sourire s'élargit.

- Tu te rappelles de mon nom ? dit-il flatté.

J'avalai une gorgée de la boisson pétillante, les joues douloureuses à force de me forcer à sourire.

- Alyssa m'a dit que tu me cherchais.

Merde !

- Vraiment ? dis-je ma voix montant d'une octave.

Il rit. Zut ! Bon, maintenant que j'étais là, autant poursuivre.

- Alors tu es un Kamylah ? On dit que vous êtes les plus gentils et amicaux. En plus, vous êtes plutôt mignons, ajoutai-je en affichant mon plus beau sourire.

- Et nous sommes aussi, la deuxième famille. Juste après la famille impériale, ajouta-t-il le regard brillant de fierté. Je te trouve vraiment superbe, je comprends pourquoi autant de mes amis s'intéressent aux filles du monde de l'autre côté de la porte, bien que tu sois différente des autres. Jolie bracelet, commenta-t-il en montrant mon poignet.

Le bracelet que ma mère - enfin Nicole - m'avait offert à mon anniversaire. J'avais pris l'habitude de le porter. Il m'arrivait même d'oublier que je l'avais au poignet. Je touchai par réflexe, le pendentif qui m'avait autrefois mordu.

- Je peux le voir ? me demanda-t-il en prenant avec douceur, ma main dans la sienne. C'est bizarre, j'ai l'impression de l'avoir déjà vu. Les symboles de la noblesse. Tu veux qu'on aille se promener ? me proposa-t-il à voix basse en se mettant à caresser du pouce le dos de ma main.

Non, lâche ma main.

- Il y a beaucoup trop de monde ici, insista-t-il.

J'étais sur le point de refuser sa requête quand mes yeux tombèrent sur le sourire goguenard qu'affichait maintenant Ike depuis la table.

- Pourquoi pas.

Les yeux étincelant de bonheur, Nate ne sembla pas en croire sa chance. Il glissa un bras autour de ma taille et m'attira à lui, puis rapprochant sa bouche près de mon oreille, il me susurra :

- Dès que je t'ai vu, j'ai su qu'on s'entendrait bien.

Il fallait que je calme ses ardeurs.

- Je...

Mais soudain, Ike déboula comme un boulet de canon. Il m'empoigna le bras et m'entraîna plus loin en slalomant entre les gens, laissant un Nathan pantois. Il me plaqua contre le mur et m'observa, l'air furieux.

- Qu'est-ce que tu veux ?

Il gronda en me décochant un regard noir.

- Comment ça, qu'est-ce que je veux ? Tu flirtes ouvertement devant moi avec un minable ! chuchota-il furibond.

J'en restai bouche bée. Comment osait-il se mettre en colère ? Je pointai un index vers lui en renversant la moitié du contenu de ma coupe de champagne et répliquai froidement :

- Tu te fiches de moi ? Je suis visiblement libre de faire ce que je veux puisque nous ne sommes que des « amis » !

Sa mâchoire se crispa, il demeura silencieux. Ah ! Je lui avais cloué le bec.

- Quescequisepasse ?

Alyssa les joues rosies, un sourire béat aux lèvres, titubait vers nous. Elle avait échangé sa coupe pour une bouteille de champagne.

Soudain les portes coulissantes du palais s'ouvrirent à la volée. Une jeune femme, le teint étincelant d'argent, tomba brutalement sous nos yeux, le corps couvert de coupure nette et longue.

- Dar...ken..., dit-elle avant de s'évanouir.

Pendant quelques secondes, il eut un silence sourd. Nous restâmes à l'observer comme figés dans le temps. Puis soudain, ce fut la panique. Une femme poussa un hurlement strident qui résonna en écho dans la nuit. Ange se rua sur la jeune femme qui tremblait sur le carrelage.

- Chell ! hurla-t-il en la prenant dans ses bras.

La voix de ténor de Thorn s'éleva derrière nous :

- Emperor preamoru !

Dans un même mouvement, des gardes en armure se mirent en bouclier encerclant l'empereur, les lances pointées vers l'avant. Un autre groupe de gardes se placèrent devant nous, formant un mur entre la porte et nous, mené par Thorn. Des familles disparaissaient dans des éclairs de lumière blanc, rouge, doré et noir après avoir échangé des brefs regards entendus. En un instant, le balcon se retrouva vide, la plupart des convives avaient pris la fuite en dehors des chefs de famille.

- Reste près de moi Kaya, me souffla Ike le regard braqué sur l'endroit d'où venait Chell.

Je me rapprochai de lui en hochant la tête, la peur faisait tant trembler mes jambes que mes genoux s'entrechoquaient. Deux soigneurs personnels de l'empereur avaient rejoint Ange qui avait déjà commencé à prodiguer les premiers soins à Chell avec l'aide d'Alyssa. Après quelques minutes, un des deux soigneurs fit comprendre à Thorn d'un signe de tête qu'il pouvait approcher.

- Une attaque au poison ? devina-t-il en se penchant vers Chell qui avait repris connaissance.

Le soigneur acquiesça, l'air préoccupé.

- Nous avons réussi à le neutraliser. Monsieur Thorn, c'est un poison très dangereux. Si nous étions arrivés cinq minutes plus tard, la Certessa Chell serait morte.

Je frissonnai d'effroi.

- Nous allons la garder en observation, dit la deuxième soigneuse en refermant sa mallette.

Ange aida Chell à se relever, prêt à suivre les deux soigneurs à l'hôpital mais celle-ci l'interrompit.

- Attendez, il y avait un espion de Darken, dit Chell d'une voix faible. Il a tué Guor Lopal et a pris son apparence.

Ike jeta un regard féroce à l'empereur qui l'ignora et se pencha vers Chell.

- Guor ? Demanda-t-il les sourcils froncés. Il tenait un restaurant près du quai ?

Chell acquiesça en silence. Le souvenir d'un visage joyeux d'un homme examinant une petite pierre rouge me revint. Guor s'était excité lorsque j'étais tombée sur le petit rubis trouvé dans un poisson, me contant avec de grands gestes les périples de Jean Lachance. Je laissai échapper un petit cri, une main sur la bouche.

- Donc nous ne connaissons pas l'auteur de...s'interrompit Ike, en écarquillant les yeux comme s'il avait eu une révélation. Une expression de haine et de colère sur le visage, il donna un violent coup de poing sur le sol marbré du balcon qui se fendit sous le choc. Kei...siffla-t-il.

- Kei ? répéta l'empereur, les sourcils légèrement froncés. Il aurait la capacité de se métamorphoser ?

- Oui, il lui faut pour cela, juste vous toucher un certain nombre de temps, lui expliqua Ike, le visage crispé par la haine.

Cette révélation jeta un froid dans l'assemblée.

- Cela ne nous arrange pas, déclara l'empereur en caressant sa barbe. Décidément, ce clan est vraiment doté de pouvoirs stupéfiants, ajouta-t-il en posant un regard insistant sur Ike.

- Il y a plus important, majesté, dit Ange. Comment, par tous nos nobles ancêtres, a-t-il fait pour traverser Le Mur ?

- Je vous avais pourtant prévenu ! S'exclama Ike avec colère, le doigt pointé vers l'empereur. Je vous ai dit qu'il y avait un très gros risque, mais vous n'en avez fait qu'à votre tête !

L'empereur lui jeta un regard glacial, l'air se fit soudain plus pesante.

- N'oublie pas qui je suis mon garçon, tonna-t-il.

Je sentis mon cœur dégringolé au niveau de mon nombril, s'il continuait l'empereur finirait par le tuer pour de bon.

- Ike, sil-te-plaît ! Chuchotai-je en essayant de le calmer. Mais il n'y avait rien à faire, Ike défiait l'empereur du regard.

Puis tout à coup les lumières de la terrasse éclatèrent. Je laissai échapper un petit cri, en me protégeant la tête des petits bouts de verre des ampoules. Mon corps arborait déjà une quantité de petites coupures dû à la tentative de meurtre de Rubi sur ma personne, je n'en avais besoin d'autres ! L'atmosphère devint soudainement beaucoup pesante. D'abord, je crus que c'était l'empereur mais mon regard tomba sur une silhouette, plongée dans la pénombre de la nuit. Un homme apparut debout sur le perron du balcon dans un nuage de fumée noire. Telle une parfaite statue d'argent, il se fendit d'un sourire éclatant de blancheur, ses yeux piquetés d'étoiles braqués sur moi avec fascination. L'homme pencha sa tête sur le côté, ce qui lui donna un côté sauvage. Je sentis un liquide glacial couler dans mes veines, était-ce de la peur ? L'empereur, le visage impassible, fixait l'homme, silencieusement. A côté de moi, je sentis Ike se tendre brusquement, les poings serrés et le regard meurtrier fixé sur le nouvel arrivant.

- Bonsoir Kei, le salua tranquillement Orphyll, les mains derrière le dos. Que nous vaut l'honneur de ta visite ?

Le sourire du dénommé Kei s'élargit, les pupilles de ses yeux se tournèrent vers Orphyll. Il leva un index d'argent vers moi.

- Elle, répondit-il simplement, d'une voix douce et grave. Une rumeur selon laquelle l'enfant que l'empereur cherchait depuis des années se trouvait à Atlazas, en sécurité circulait depuis peu dans le Mundus Oblivionis.

Ike la mâchoire serrée, lança un nouveau regard noir à l'empereur qui l'ignora froidement. Je resserrai mes doigts sur son bras pour l'intimer de garder son calme sans le regarder. Mes yeux restaient collés sur ledit Kei, comme si une force maléfique m'empêchait de détacher mon regard de cette créature. Quelque chose chez lui, m'attirait et m'effrayait en même temps, un sentiment bien étrange et déconcertant. Quand bien même je plissai des yeux, l'obscurité m'empêchait de discerner les traits de son visage. Seule la lumière de la lune éclairait quelques parties de son corps couvert d'un long manteau noir. Une aura sombre émanait de cet homme. Cependant, au lieu de vouloir le fuir, quelque chose semblait me pousser dans ses bras. Était-ce une de ses capacités ?

- Tu es donc venu nous montrer à quel point tu es un traite et un lâche ? dit Ike, une expression de profonde haine sur le visage. Je ne sais pas ce qui me retient de te tuer !

L'homme se fendit d'un sourire suffisant.

- La différence de niveau. Tu sais parfaitement que tu prendrais la raclée de ta vie.

- Quoi ? gronda Ike en avançant d'un pas.

Orphyll posa une main sur sa poitrine.

- Du calme Ike.

- Oui, du calme, Ike. Je ne suis pas venu pour me battre, juste vérifier les dires, dit Kei en se levant. Debout sur le perron, il épousseta son manteau d'un geste nonchalant. Maintenant que j'ai vu que Kaya – il leva les yeux vers moi – se trouve bien ici, je vais pouvoir faire mon rapport. Nous nous reverrons très certainement...dans un avenir proche.

Il se tourna vers le ciel, prêt à prendre son envol quand l'empereur l'interrogea :

- Comment as-tu fait pour franchir Le Mur ?

Kei posa son regard sur l'empereur.

- Le Mur ? s'esclaffa-t-il. Un jeu d'enfant. Un petit conseil gratuit, en souvenir du bon vieux temps, si c'est lui votre protecteur, dit-il en pointant l'empereur du doigt. Vous êtes mal barré !

- Comment oses-tu ? s'indigna Alyssa les joues roses mais cette fois mais de colère.

Kei ricana à nouveau, déploya ses immenses ailes noires et s'envola aussi vite qu'une fusée dans les airs. Ike voulu le poursuivre mais Orphyll l'en empêcha.

- Ce serait inutile.

Il poussa un grondement sourd et envoya valser contre le mur la chaise la plus proche. Elle se fracassa en plusieurs morceaux.

Chell émit un petit gémissement de douleur. Malgré les premiers soins que lui avait prodiguer les soigneurs de l'empereur, elle semblait encore bien mal en point. Ange la souleva dans ses bras.

- Thorn, escorte les à l'hôpital, ordonna l'empereur.

Il s'exécuta immédiatement. Une bourrasque de vent plus tard, trois silhouettes survolaient le ciel, scintillant comme des étoiles dans la nuit.

- Ike, tu devrais ramener Kaya chez elle, dit l'empereur avec un regard soutenu. Orphyll et moi, devons-nous entretenir. Quant à toi, Alyssa, tu peux si tu veux rejoindre Ange et Chell.

Orphyll m'observa attentivement. Je me frottai mes bras, les yeux baissés sur le sol en tremblant de tous les membres de mon corps. Une phrase me hantait, tournant en boucle comme un disque rayé dans ma tête : « il a tué Guor Lopal ». Ce Kei avait tué Guor Lopal juste pour prendre son apparence et s'infiltrer sur la place Dorgol. Tout ça dans le seul et unique but de vérifier les rumeurs concernant mon arrivée à Atlazas. Quelque chose clochait. Une main se posa avec douceur sur mon épaule, je sursautai dans un brusque mouvement de recul. C'était Orphyll.

- Ce n'est pas ta faute, me dit-il doucement.

Je fermai les yeux.

- Je sais que tu en as marre, que tu as des questions, poursuivit-il. Mais je ne pense pas qu'il te soit nécessaire d'en savoir plus pour l'instant.

Je me massai les tempes, épuisée, à bout de nerfs. Il m'agaçait à répéter tout le temps la même chose. C'était ridicule.

- Il y a des choses que tu n'es pas prête à entendre, dit Orphyll d'un ton hésitant.

Je levai brusquement les yeux sur lui, tremblante de colère.

- Comment ça « je ne suis pas prête » ? Comment pouvez-vous en juger ?

Silence.

- Peut-être, est-il temps de lui dire ? suggéra l'empereur.

Le teint d'Orphyll devint livide.

- C'est hors de question. Ike je t'en prie, Kaya a besoin de se reposer.

Ike fit un mouvement vers moi mais je le repoussai.

- Je finirai par savoir tout ce que vous me cachez un jour où l'autre.

Avec un dernier regard noir pour mon tuteur, je quittai d'un pas furieux le palais. Etre seule dehors me fit du bien, mais je ne pus m'empêcher de lever les yeux au ciel afin de vérifier que le sous-fifre de Darken n'était pas dans les parages. Depuis quand ces attaques, les meurtres et les redoutables ennemis étaient devenus mon quotidien ?

Je m'arrêtai sur une pierre. Illuminant dans l'obscurité de la nuit, les feuilles de l'arbre blanc dansaient au rythme du vent, dans un léger bruissement. J'aimais bien cet arbre. Juste en le regardant, un sentiment de bien-être m'envahissait. Tout comme la mer. Je m'assis doucement près de l'arbre. Je posai doucement ma main sur le tronc et comme tout à l'heure, je le sentis respirer sous la paume. Je m'adossai au tronc et levai les yeux vers le ciel étoilé en repensant à vie en Martinique, à la métropole. J'avais l'impression qu'il s'était passé des mois depuis ce fameux soir au restaurant. Mes doigts jouaient distraitement avec le bracelet qui avait plus ou moins changé ma vie. Je poussai soupir. Pourquoi Orphyll ne voulait-il rien me dire sur moi ? C'était absurde ! Qui étais-je ? Qu'est-ce-que j'avais ou j'étais de particulier ? Ce Kei, m'intriguait. Kei, je ne savais même pas à quoi il ressemblait vraiment. Son regard, sa manière de parler, sa façon d'être me faisaient peur mais pourtant, quelque chose me poussait vers lui. Quelle sorte de sortilèges avait-il utilisé ? Non, les sorciers n'existent pas...ou peut-être que si...

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