Malik : Scarifications

By Sirine-13

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Entre les murs. More

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By Sirine-13

Lettre

Mes journées ne sont plus les mêmes. Ta sale présence me manque. Ici, ils nous obligent à sortir nous « dégourdir les jambes » pour goûter à une liberté. Cette liberté j'en veux pas. Je me remets en question chaque jours un peu plus. Pourquoi je t'ai pas écouté ? Je fais toujours le con. J'ai fini entre ses quatre murs. Je m'en veux. De malade. Je suis qu'un pauvre imbécile. Tu m'as pourtant prévenu. Tout le monde m'a prévenu mais j'aime faire l'homme qui sait ce qu'il fait. Que dalle ! Je suis qu'une grosse pédale qui fait tout à l'envers quitte à blesser.

Ma mère. Elle vient me rendre visite. Dès qu'elle passe la porte, je baisse la tête. J'ose pas soutenir son regard. Je sais même pas comment elle fait pour rester aussi longtemps dans ce trou. Elle s'avance vers moi et j'ose pas la toucher. Je suis trop sale. Elle n'en fait qu'à sa tête. Telle mère, tel fils. Elle me donne une petite gifle. Je lève la tête. Elle est là en chair et en sang.. en sourire et en rire. Cette lumière qu'émet ses lèvres perce mon cœur. Je suis qu'un pauvre abruti. Elle m'a élevé et je la remercie en finissant dans ce merdier. Elle m'embrasse la joue. Je baisse la tête à nouveau. Comment effleurer son visage alors que j'ai commis l'irréparable ? Je peux pas. On s'assoit. Elle est en face de moi. Je me tiens droit comme un piquet. Je fais pas le môme mal élevé devant elle. Mon comportement est tout autre.

- T'es maigre.

Elle me fait la même réflexion chaque fois qu'elle vient ici.

- Ils te nourrissent pas c'est ça ? Ou tu te nourris pas ?

Si elle savait qu'ici on mange comme des chiens.. quoi que, les chiens sont mieux nourris que nous. On est traités comme les pires des pourritures.. ce qu'on est. L'inhumanité qui règne dans ces lieux me dégoûte à un point. Comme on dit, dès qu'on y met les pieds, on se rend compte de nos erreurs. Son regard insistant m'oblige à lever les yeux. Ses prunelles brillent. Elle est tellement belle. Tu sais, la beauté de ma mère m'a toujours rendu fière. Le complexe d'Oedipe dirait-on, mais non. Quel fils dirait de sa mère qu'elle ressemble à Shrek. Ceux qui le font ont de la merde à la place des pupilles.

Sonnerie.

La visite se termine. Elle me donne les mêmes conseils que d'habitude : « ne te comporte pas mal ici. Fais attention à toi. Si on te parle mal, ne répond surtout pas. Pas de bagarre. Je veux que mon fils ressorte entier. Quand tu seras à la maison, je te ferais ton plat préféré. Tu dormiras sur mes genoux. Et je te ferais mille bisous comme quand t'étais petit. Tu m'écoute ? Fais attention à toi mon fils.. tu.. » Elle parle tellement, qu'elle ne se rend pas compte que le maton veut qu'elle sorte. Elle m'envoie un baiser de loin. J'aurais aimé le réceptionner mais mes membres sont paralysés. J'y arrive pas. J'y arrive jamais.

J'ai besoin de toi. Cet endroit va me rendre complètement marteau. Regarde ce que j'écris. Non t'as pas mal lu, je te dis ce que je pense. Tu me manques ta race. Ta petite face. Ton sourire. Tes conneries. Ta voix. Je veux que tout revienne bourdonner dans mes tympans.

Je sais que tu m'attends.

Je m'attends aussi.

Ouais. Mon corps est dans ce trou mais mon cœur est avec toi. Je veux que tu me le rendes. Je sais que tu souries en ce moment même alors arrête de suite. Je rigole même pas. Et là, tu dois pleurer comme une conne. Je supporte pas et tu le sais. Heureusement que je te vois pas. T'aurais reçu une de mes bonnes treha dans la gueule.

Je sais : tu veux une lettre tous les jours.. mais malheureusement je suis pas une machine à écrire.

Malik.

Il me connaît tellement..

- Mia t'es où ?

La voix de mon père me sort de mon monde. J'essuie mes larmes. Je range toutes les lettres dans ma boîte à chaussure. Dans cette boîte, il y a toute ma vie. Je feuillette du regard chaque lettres s'y trouvant. Il y en a tellement. C'est dur de se débarrasser de souvenirs.. Je le pose tout en bas de mon placard. J'y dépose plusieurs couches de vêtements. Je ferme le placard.

Je me pose devant le miroir. J'arrange ma tenue.

Mon père entre dans ma chambre. Je le vois à travers le reflet de mon miroir. Il me regarde comme la première fois où les employés de Carrefour l'ont appelé pour lui annoncer que sa petite fille avait volé dans un magasin. Il était consterné. Je me rappelle de son regard quand il est venu me récupérer : déçu et énervé. Quand il s'énerve, il toujours un sourcil bloqué.

Aujourd'hui il me regarde de la même façon.

- Normalement, un père normal est heureux qu'un homme vienne demander la main de sa vilaine fille.

- Normalement. Il est heureux que si et seulement si sa vilaine fille est heureuse.

- Je suis heureuse, dis-je en esquissant un sourire.

- Je t'ai fais. Je te connais.

- Pour la première fois de ta vie, tu te trompes.

- Pour la énième fois dans ta vie, tu me mens.

- Arrêtes Papa..

- C'est toi qui doit t'arrêter Mia, crie-t-il. Un mariage ce n'est pas tes séries que tu regardes tout au long de la journée. Un mariage c'est une vie, un foyer, des enfants etc. Si tu penses comme une enfant, ça ne marchera jamais. On ne se marie pas sur un coup de tête mais par ne serait-ce qu'un peu d'attirance. Ce garçon, tu l'apprécies comme un simple ami et tu ne le vois pas comme un mari. Arrêtes de te voiler la face et de me faire subir ça. Je suis ton père et..

- Tu peux au moins pour aujourd'hui s'il te plaît, ne pas crier Papa. Je veux que cette journée soit parfaite. Je veux que tu sois heureux. Si tu commences en me criant dessus ça ne marchera pas.

- Deviens une femme et je te traiterais comme telle. Pourquoi tu fais ça ?

- Je veux être heureuse c'est tout. Et puis, l'amour ça se cultive, dis-je en me retournant. Tu veux que je me comporte comme une femme ? Comporte-toi comme le plus beau des pères et sois pas grincheux. Regarde-moi les manches de ton qamis, tu les as même pas arrangés. Laisse-moi faire.. ah je sais. Tu veux pas que je parte et te laisse seul c'est pour ça que tu fais cette crise de la cinquantaine. Respire. Expire. Aoutch ! Et c'est moi l'enfant ? Tu me pinces comme ça ?

- T'es vraiment..

- Incroyable. Je sais. Je tiens ça de toi.

- C'est fini les disputes ? s'exclame une voix derrière nous.

- Oh non, pas elle.. clamai-je.

- Fais pas semblant hmara. Tonton, ils viennent de traverser le seuil de la porte. Je crois bien qu'ils attendent le chef de la baraque.

- J'y vais.

- Papa..

- Quoi ?

- T'en fais pas.

Il s'en va.

Sarah ferme la porte à clef.

- T'es complètement timbrée Mia. Qu'est-ce que tu fous ?

- Tu viens aussi me faire la morale ?

- Il y a de quoi !

- C'est bon ça fait quatre ans !

- Quatre ans que tu gardes ses lettres, quatre ans que tu mates ton téléphone pour voir s'il pense à toi, quatre ans que t'y crois toujours, quatre ans que tu cauchemardes à cause de lui, quatre ans bordel !! et là du jour au lendemain tu décides de te marier ? Oh ! Il se passe quoi dans ta vieille tête ?

- Je passe à autre chose, c'est tout.

- C'est tout ? Tu te fous de moi ? Je sais que t'as un plan derrière la tête en faisant cette démarche.. tu..

- Dis-moi clairement ce que tu veux me dire qu'on en finisse au lieu de tourner autour du pot. C'est bon ! Stop ! Je connais ton speech par cœur. Il reviendra pas. Il t'a jamais aimé. C'est quelqu'un de mauvais. Il pue la défaite. C'est bon je sais tout ça. En quatre ans, tu as eu le temps de le descendre. Aujourd'hui, pour une fois, laisse-moi. Je pense pas à lui si c'est que tu veux entendre. Ça fait combien de temps que je ne t'en ai pas parlé ? Donc arrête s'il te plaît. J'ai vingt-trois ans, j'ai envie de fonder une famille.

- T'es ma meilleure shab et je sais quand tu mens. Ton placard est mal fermé. Je sais que t'as lu une de ses lettres ou je ne sais combien d'autres. Tu te voiles la face.

- Personne peut comprendre.. tu sais quoi, j'ai pas envie de me prendre la tête.

- Malik reviendra que dans tes rêves. Il a pourri au hebs. Il est sorti. Il a disparu. Ça veut tout dire. Ces lettres.. dit-il en pointant du doigt mon placard.. c'est que des bouts de mensonges. Il s'ennuyait et pour passer le temps, il t'écrivait. C'est tout. On le connaît pas réellement ce type.

- Tu le connais pas. JE le connais.. c'est de l'histoire ancienne. Allez c'est bon !

- Pleures bordel ! Regardes en quoi il t'a transformé. J'ai l'impression tu ressens plus rien.

- J'ai pas de raison de pleurer. Bref, on nous attend.

- Mia..

- Tais-toi Sarah, c'est bon merde !

On descend.

Ils semblent tous heureux.

Une heure. Cela fait une heure que je suis cloîtrée dans cette salle de bain. Mon corps est présent en train de brosser mes cheveux tandis que, mon esprit est ailleurs. Il divague. Cette soirée que je viens de passer était épuisante. Mais la joie qui s'en dégageait me laisse sans voix. Je ne savais pas qu'une simple robe blanche pouvait rendre des proches heureux. J'en ai la preuve aujourd'hui.

Les choses se sont déroulés tellement vite. Cette robe. Cette coiffure. Ce maquillage. Ce mari. Ce maire. Cette union. Cette implosion de joie. Cette mère en pleure. Ce père fière. Des pleurs. Même quand on est heureux, on pleure. C'est comme si lorsqu'on est triste, on rigole. Un paradoxe extraordinaire.

Les Hommes sont déjantés. Cette réflexion je me la fais souvent. Cette fin de soirée encore plus que d'habitude.

Tel un fantôme, je pose ma brosse.

J'ai sa photo entre mes mains. Une photographie que j'ai caché dans la poche de ma veste pendant la cérémonie.

Tous nos souvenirs viennent se nicher dans ma tête. Je me demande bien comment j'en suis arrivée là. J'étais un bout de femme plein de rêve et je me retrouve là. Ici. Pathétique : avec sa photo en mains. Je sourie. Il m'a dit de visualiser son visage quand il me manque et l'idiote que je suis s'exécute après quatre ans.

Je sursaute. Quelqu'un frappe à la porte. Je range la photographie dans mon soutien-gorge. J'arrange mes cheveux et mon pyjama. Je ferme les yeux. J'avale ma salive. Je me dirige vers la porte. J'ouvre.

- J'avais raison. Vous les femmes, passez toujours mille ans dans la salle de bain ! C'est ouf quand même.

- Pardon.

- T'inquiète.

- ...

Il est posé sur le cadre de la porte, les bras croisés à m'observer. Comme à ma putain d'habitude, j'ai la tête frôlant les carreaux de l'appartement. Les secondes défilent à une lenteur pas croyable, j'aimerais pouvoir bouger et partir mais mes membres ne suivent pas. J'ai peur. Peur de la manière dont les événement se sont déroulés. Tout s'est passé à une vitesse phénoménale. Je veux retrouver ma maison, mon père.

Il relève ma tête. Il affiche un sourire qui me laisse de marbre. J'arrive pas à le lui rendre.

- Tu pourrais au moins faire semblant d'être heureuse.

- Je suis heureuse..

- Mensonge.

- Je me serais pas marier avec toi sinon..

- Encore un autre mensonge. Tu sais que c'est pas bien ?

- J'ai appris à bon école..

- Tu me reproches toujours la même chose à ce que je vois ; ton chat j'ai dis qu'il était mort alors que je l'avais perdu, c'est tout comme.

- Je te reproche rien du tout. Laisse mon chat où il est. J'ai sommeil.

- Je te laisse passer seulement si tu me donnes un sourire.

- Karim.

- Oui c'est moi.

- Laisse-moi passer s'il te plaît, je suis K.O.

- Un sourire.

- S'il te plaît..

- Non.. tu vois, un sourire ne fais aucun mal. Surtout ça réchauffe mon petit cœur.

Il dégage le passage. J'avance. Il me bloque contre la porte. Je retiens ma respiration. Qu'est-ce qu'il fout ? À quel jeu il joue ? Il me regarde dans les yeux avec insistance. J'essaie de me dégager mais j'y arrive pas. Il a tellement de choses dans le regard et ça me fait terriblement peur. Ses lèvres sont à un centimètre des miennes. Je sens sa respiration haletante. Son index trace son chemin sur mon cou. J'ai l'impression que c'est une lame qui traverse ma peau. Je lâche une larme. Il dépose un baiser sur ma joue.

- T'as peur de moi ?

- Non..

- Encore un autre mensonge.

- Karim..

- T'es ma femme et je te ferais aucun mal.

- Je sais.

- Relaxe-toi alors, dit-il d'un ton enfantin en me relâchant. Allez, va dormir.

Je file dans la chambre. Je prends le drap du lit et m'essuie le cou.

Je pleure. Je peux encore pleurer. Je ne le fais pas devant mes proches mais je sais encore pleurer.

Je replonge dans nos souvenirs en reprenant sa photographie. Je me demande comment il réagirait en sachant que cet homme s'est marié avec moi..

J'espère que cette mascarade m'aidera à l'oublier.. à oublier qu'il a existé dans ma vie. Je sais que Sarah a raison mais je me force à me mentir à moi-même. J'aimerais qu'il revienne tout en sachant que s'il est parti c'est pour ne plus revenir. Mais pourquoi j'en paie les pots cassés ? Je n'ai rien demandé.

La porte de la chambre s'ouvre. Je cache rapidement la photo sous le lit et essuie mes larmes. Karim et moi sommes amis depuis de longues années. Mon père et ses parents sont très amis. On a grandi dans le même quartier. On est passés par les mêmes professeurs au collège et au lycée.

Je m'assois.

Dès qu'il met les pieds dans la pièce, je lève les yeux. Il a les cheveux mouillés. Il les essuie avec une serviette. Il ne me calcule pas. Il s'épie dans la glace.

- Genre tu me regardes ?

- Quoi ?

- Je te vois hein.

- N'importe quoi.

Il se retourne. Je baisse la tête. Il s'avance et s'assoit à côté de moi.

- T'as sommeil ? demande-t-il.

- Non.

- Pareil. Tu veux parler ?

- De quoi ?

- Du pourquoi t'as accepté alors que depuis le temps que je te cours après tu m'as jamais calculé.

- Ah ouais ? Tu me courais après ? J'ai jamais remarqué.

- Fais pas genre.

- Si ne jamais me parler et perdre mon chat c'est me courir après, désolée de n'avoir jamais remarqué.

- C'était une technique, belhani, je te calcule pas pour t'avoir.

- T'es nul de chez nul gros.

- Sérieusement, pourquoi ?

- T'es un gentil garçon et puis mon père t'aime bien et je te connais.

- Menteuse.

- Depuis qu'on est rentrés dans cet appart tu me traites de menteuse !

- Parce que tu sais pas mentir, c'est tout.

- Tu veux que je fasse quoi pour que tu me croies ?

- T'es sûr que tu veux savoir ?

Il m'observe avec insistance. Il me prend la main et joue avec mes doigts. Je ne sais ni quoi faire, ni quoi dire. J'ai juste envie qu'il me lâche.

- Tu trembles Mia..

- ...

- Je vais rien te faire.

- ...

- Bonne nuit, dit-il en s'allongeant ma main dans la sienne.

Gênée, j'essaie d'enlever ma main.

- C'est la première fois que je m'endors avec toi, laisse-moi en profiter non ?

Il est dos à moi. Je le regarde un moment. Je me fais du mal à moi-même et certainement à lui. Je n'ai pas été surnommé la malheureuse pour rien. Tout ce qui me passe par la main se transforme en cendre.

Je m'allonge.

J'essaie de garder mes distances mais il ne voit pas les choses de la même manière que moi. Il se tourne pour m'avoir dans sa ligne de mire. On est face à face. Voyant que je ne suis pas réceptive. Il me prend dans ses bras. Je ne ressens rien.

- Tu sens bon.

- ...

- T'inquiète pas je suis pas un chien, je te ferais rien sans ton accord.

Il éteint les lumières et m'étreint à nouveau.

Je ne trouve pas sommeil.  



Laïli Mohamed.  

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