Partie 1

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Lettre

Mes journées ne sont plus les mêmes. Ta sale présence me manque. Ici, ils nous obligent à sortir nous « dégourdir les jambes » pour goûter à une liberté. Cette liberté j'en veux pas. Je me remets en question chaque jours un peu plus. Pourquoi je t'ai pas écouté ? Je fais toujours le con. J'ai fini entre ses quatre murs. Je m'en veux. De malade. Je suis qu'un pauvre imbécile. Tu m'as pourtant prévenu. Tout le monde m'a prévenu mais j'aime faire l'homme qui sait ce qu'il fait. Que dalle ! Je suis qu'une grosse pédale qui fait tout à l'envers quitte à blesser.

Ma mère. Elle vient me rendre visite. Dès qu'elle passe la porte, je baisse la tête. J'ose pas soutenir son regard. Je sais même pas comment elle fait pour rester aussi longtemps dans ce trou. Elle s'avance vers moi et j'ose pas la toucher. Je suis trop sale. Elle n'en fait qu'à sa tête. Telle mère, tel fils. Elle me donne une petite gifle. Je lève la tête. Elle est là en chair et en sang.. en sourire et en rire. Cette lumière qu'émet ses lèvres perce mon cœur. Je suis qu'un pauvre abruti. Elle m'a élevé et je la remercie en finissant dans ce merdier. Elle m'embrasse la joue. Je baisse la tête à nouveau. Comment effleurer son visage alors que j'ai commis l'irréparable ? Je peux pas. On s'assoit. Elle est en face de moi. Je me tiens droit comme un piquet. Je fais pas le môme mal élevé devant elle. Mon comportement est tout autre.

- T'es maigre.

Elle me fait la même réflexion chaque fois qu'elle vient ici.

- Ils te nourrissent pas c'est ça ? Ou tu te nourris pas ?

Si elle savait qu'ici on mange comme des chiens.. quoi que, les chiens sont mieux nourris que nous. On est traités comme les pires des pourritures.. ce qu'on est. L'inhumanité qui règne dans ces lieux me dégoûte à un point. Comme on dit, dès qu'on y met les pieds, on se rend compte de nos erreurs. Son regard insistant m'oblige à lever les yeux. Ses prunelles brillent. Elle est tellement belle. Tu sais, la beauté de ma mère m'a toujours rendu fière. Le complexe d'Oedipe dirait-on, mais non. Quel fils dirait de sa mère qu'elle ressemble à Shrek. Ceux qui le font ont de la merde à la place des pupilles.

Sonnerie.

La visite se termine. Elle me donne les mêmes conseils que d'habitude : « ne te comporte pas mal ici. Fais attention à toi. Si on te parle mal, ne répond surtout pas. Pas de bagarre. Je veux que mon fils ressorte entier. Quand tu seras à la maison, je te ferais ton plat préféré. Tu dormiras sur mes genoux. Et je te ferais mille bisous comme quand t'étais petit. Tu m'écoute ? Fais attention à toi mon fils.. tu.. » Elle parle tellement, qu'elle ne se rend pas compte que le maton veut qu'elle sorte. Elle m'envoie un baiser de loin. J'aurais aimé le réceptionner mais mes membres sont paralysés. J'y arrive pas. J'y arrive jamais.

J'ai besoin de toi. Cet endroit va me rendre complètement marteau. Regarde ce que j'écris. Non t'as pas mal lu, je te dis ce que je pense. Tu me manques ta race. Ta petite face. Ton sourire. Tes conneries. Ta voix. Je veux que tout revienne bourdonner dans mes tympans.

Je sais que tu m'attends.

Je m'attends aussi.

Ouais. Mon corps est dans ce trou mais mon cœur est avec toi. Je veux que tu me le rendes. Je sais que tu souries en ce moment même alors arrête de suite. Je rigole même pas. Et là, tu dois pleurer comme une conne. Je supporte pas et tu le sais. Heureusement que je te vois pas. T'aurais reçu une de mes bonnes treha dans la gueule.

Je sais : tu veux une lettre tous les jours.. mais malheureusement je suis pas une machine à écrire.

Malik.

Il me connaît tellement..

- Mia t'es où ?

La voix de mon père me sort de mon monde. J'essuie mes larmes. Je range toutes les lettres dans ma boîte à chaussure. Dans cette boîte, il y a toute ma vie. Je feuillette du regard chaque lettres s'y trouvant. Il y en a tellement. C'est dur de se débarrasser de souvenirs.. Je le pose tout en bas de mon placard. J'y dépose plusieurs couches de vêtements. Je ferme le placard.

Malik : ScarificationsWhere stories live. Discover now