Appuyée contre la table, mes yeux farfouillent tout autour de moi, afin de vérifier que personne ne fait attention à moi. Pour une fois, maman n'a pas les yeux rivés sur mon frère ou moi. J'en profite donc pour attraper le verre solitaire qui se trouve sur la table, et de me glisser sous la nappe.
Je m'installe bien sagement en tailleur, avant de porter le verre à mon visage pour sentir le liquide ambré. Je plisse le nez, ne trouvant pas cette odeur si géniale. Pourtant, tous les gens que j'ai croisé avec ce genre de verre dans les mains semblaient plus qu'heureux. Et lorsqu'ils en buvaient, leurs visages prenaient un air extatique.
C'est pour ça que j'ai demandé à maman de me faire goûter son verre, mais elle na' pas voulu. Elle m'a dit que ce n'était pas pour les petites filles.
Alors comme maman ne voulait pas, je me suis décidée à en voler une. Ça faisait déjà cinq minutes que j'avais repéré la coupe qui était seule sur cette table. J'ignore à qui elle est, mais en tout cas, maintenant, elle est à moi.
Je m'apprête à porter la coupe à mes lèvres lorsque la nappe en face de moi bouge avant de se relever complètement. Mes yeux se posent alors sur un géant.
– J'espère que ce qu'il y a dans ton verre n'est pas ce que je crois petite chipie !
J'ai toujours eu plus ou moins peur des hommes. D'après ce qu'avait l'air de dire maman, il ne faut pas trop s'approcher de ses bêtes là. Mais étrangement, celui-là ne semblait pas méchant.
Pourtant, je n'hésite pas à planter mon regard dans le sien, le défiant de m'empêcher de goûter à ce nectar que tout le monde semble apprécier. Le géant m'envoie alors un énorme sourire qui me cloue sur place.
– Qui te l'a donné ?
Je ne décolle pas mes lèvres. Je sais que c'est un adulte, et que s'il est là, c'est pour m'empêcher de boire ce verre. Mais j'ai tellement envie de goûter.
Je regarde son visage se figer légèrement avant qu'il ne laisse tomber la nappe derrière lui et se glisser à mes côtés. Je lève les yeux vers lui, le trouvant vraiment grand. Et plutôt pas mal aussi.
Je suis une vraie fille qui aime les belles choses, et bien que je ne sois pas bien vieille, je sais faire la différence entre les hommes agréables à regarder et les autres.
Par exemple, le mari de tante Laura, ne fait pas forcément partie des plus beaux, mais il a ce petit truc en plus qui donne envie de le connaître davantage.
Le géant m'envoie un autre sourire et je resserre mes doigts sur ma coupe.
– Je m'appelle Rowan et toi ?
Le nom fait tilt dans mon cerveau. Maman n'a pas arrêté de le critiquer avec tante Laura. De toute évidence, cet homme faisait tout pour se faire détester de maman. Il me semblait plutôt sympathique à moi.
– C'est toi le monsieur que maman aime pas ?
– Je crois bien oui.
Je me mis à rire toute seule en pensant à la tête de maman si elle me trouvait sous cette table avec cet homme. Je crois qu'elle ne me le pardonnerait jamais.
Je sais qu'il ne me laissera pas boire le verre que je tiens toujours. D'après ce que je sais de lui, il n'est pas le genre de personne à laisser les enfants boire de l'alcool. Parce que j'ai beau être jeune, je sais que le liquide contenu dans ce verre et de l'alcool.
Je baisse la tête, défaitiste avant de lui tendre la coupe. Il la prend dans sa grande main en me faisant un grand sourire. Un sentiment de joie emplit mon ventre et je lui rends son sourire. Il me tend ensuite la main, et nous sortons tous les deux de sous la table.
Aussitôt, maman se jette sur moi, le regard apeuré, les yeux légèrement humides.
– Hope enfin te voilà ! Je commençais à m'inquiéter.
Maman me serre contre elle avant de me repousser pour plonger son regard dans le mien. Je vois tout de suite qu'elle n'est pas contente, et je baisse la tête, honteuse. Ma mère à cette faculté de me faire me sentir mal avec un seul regard. Je force mes larmes, afin d'attendrir maman, mais le seul a qui ça fait de l'effet est l'homme qui m'a sortie de sous la table.
– Je pense qu'elle a compris maintenant. Ça ne sert à rien de continuer à la sermonner.
Je regarde maman se redresser vivement pour fusiller l'homme du regard. Je fais en sorte de ne pas rigoler. Il ne sait pas à qui il s'est frotté. Maman est une vraie tigresse lorsqu'il s'agit de ses enfants.
S'ensuit une vive discussion entre les adultes, avant que l'homme ne claque ses talons l'un contre l'autre portant sa main droite à sa tempe. Cette fois-ci, je ne peux retenir le rire qui m'est monté dans la gorge. Je vois les yeux de l'homme pétiller en me regardant.
Il fait une légère grimace en voyant l'air furieux de maman avant de m'ébouriffer les cheveux et de partir comme il était venu.
Je garde les yeux sur lui, et le vois rejoindre les deux hommes qui lui ressemblent énormément. Laura Lee m'avait dit un jour que tout comme elle avait une jumelle, ses frères étaient trois en tout. Je trouvais ça fascinant. J'aurais aimé avoir quelqu'un d'aussi proche.
Mes yeux se posent alors sur mon frère qui est venu nous rejoindre et je me dis que j'ai déjà de la chance de l'avoir à mes côtés. Angel sera toujours là pour moi.
Je regarde Rowan monter sur la scène alors que nous venons à peine de rentrer de l'église et sens une peur sourdre au fond de mon cœur. Cette peur s'envole, rapidement remplacée par l'espoir. Il tient un papier dans ses mains tremblantes, qu'il donne à maman.
Ma mère se met à lire doucement le document, avant que sa voix ne flanche et que Rowan soit obligé de prendre sa place. Lorsqu'il finit, Angel et moi nous regardons avant de nous ruer sur eux, et de les serrer contre nous.
Je n'ai jamais vraiment connue mon père, et pendant des années, j'en ai voulu à maman de nous avoir séparés de lui. Elle ou Angel ne m'avait pas expliqué les atrocités dont il avait fait preuve sur nous alors que nous vivions encore ensemble.
Je l'avais découvert malgré moi. Le jour où il était arrivé dans notre petit appartement, et avait violemment frappé maman, la laissant pour morte sur notre carrelage. Je crois que cette image restera gravée dans ma mémoire à tout jamais.
À mon âge, je ne pensais pas que les adultes pouvaient être aussi méchants entre eux. Et également avec les enfants. La claque que m'avait donné cet homme lorsque j'avais voulu me ruer sur maman à ce moment-là, m'avait fait mal. Parce que c'était la toute première que je recevais de ma vie.
J'avais alors pris peur, serrée dans les bras de mon frère. Et pour la première fois de ma vie, j'avais remercié ma mère de nous avoir sauvés de cet enfer.
Un soulagement sans nom m'avait étreint lorsque j'avais vu Rowan entrer dans la chambre d'hôtel minable où nous avait emmené cet homme. Je n'avais même pas été choquée en le voyant le frapper de la sorte. Je trouvais ça normal après ce qu'il avait fait à maman.
Mais aujourd'hui, tout est fini. Nous allons vivre avec un homme merveilleux qui aime maman et prend soin d'elle. Et qui nous aime également. Il nous l'a prouvé ce jour-là.
Je lève la tête vers Rowan et mes yeux s'embuent alors que je réalise que je viens de gagner un papa. Mon papa.
Je regarde la femme qui me fait face, mon ventre contracté par la honte. Je ne pensais pas tomber aussi bas.
Lorsque j'ai intégré la prestigieuse école de mode, je pensais sincèrement en faire mon métier, mais cette femme m'annonçait aujourd'hui que je n'avais rien à faire dans ce domaine.
J'étais trop petite pour être mannequin, même si j'avais un corps parfait et un visage tout à fait intéressant. Mes idées concernant mes créations étaient nulles et n'étaient absolument pas innovantes. Et je n'avais aucun don pour la photographie.
En bref, je n'avais plus rien à faire ici !
Elle me signifiait donc sans détour qu'à la fin de l'année scolaire mon inscription ne serait pas renouvelée et que je devais m'orienter vers un autre cursus.
Seulement, le problème était là ! J'avais déjà eu du mal à choisir une voie pour faire des études, et après maintes réflexions, décidée de me diriger vers le milieu de la mode. Tout simplement parce que j'aimais les fringues et tout ce qui allait avec. Mais de toute évidence, ce n'est pas parce qu'on aime une chose, qu'on est doué pour la créer.
Je hoche doucement la tête, retenant mes larmes. Je ne dois pas lui montrer qu'elle me fait mal.
Je me souviens avec une certaine nostalgie lorsque j'étais plus jeune, je rêvais de devenir hôtesse de l'air. Mais avec le temps, ce métier ne m'avait plus du tout attirée. Ensuite, en voyant Candy, j'avais voulu faire comme elle, avocate. Mais en voyant les études difficiles, j'avais abandonné l'idée. Ce n'était pas pour moi.
Je n'ai jamais vraiment été douée pour une chose en particulier. Je suis le petit canard noir de la portée.
Tout le monde dans la famille Westhawk a un don particulier. Mon père et mes oncles arrivent à dénicher la moindre preuve susceptible d'aider leur client. Ma cousine Candy est douée dans un tribunal. Mon cousin Naël est un maître des mots. Mon propre frère est un dirigeant né. Je pourrais continuer la liste indéfiniment. Mais je ne veux pas me faire plus de mal.
Je me lève après avoir fait un signe de tête à la femme en guise d'au revoir et me dirige d'un pas lent, le cœur au bord des lèvres vers ma classe. Comment vais-je pouvoir dire ça à mes parents ? Ils vont tellement avoir honte de moi !
Alors que je parcours les couloirs de cette prestigieuse école, je sens ma résolution faiblir. Après tout, pourquoi est-ce que je finirais l'année ? Qu'est-ce qui m'oblige à retourner dans cette salle de cours alors que je sais pertinemment que je ne pourrais pas continuer ?
Je remonte mon sac sur mon épaule et sort de l'enceinte de l'école, le cœur comprimé dans ma poitrine.
Afin de faciliter mes études, mes parents me payent le loyer de mon appartement. Mais si je ne suis plus étudiante, ils vont mettre fin à ses paiements. Je serais alors obligée de retourner vivre chez eux, avec mon petit frère.
Je me laisse tomber contre un mur derrière moi, et cette fois-ci, je laisse couler mes larmes doucement. Je suis vraiment une ratée. Je n'arriverais jamais à rien dans ma vie.
Je relève alors les yeux et tombe sur une pancarte indiquant qu'on cherche un plongeur dans le restaurant d'en face. La paye ne doit pas être mirobolante, et le travail ingrat, mais au moins, ça me permettra de continuer à payer le loyer lorsque les parents ne le feront plus.
Je me relève et pousse la porte de l'établissement. Aussitôt, une bonne odeur de cuisson parvient jusqu'à mes narines, faisant gronder mon ventre. Je me dirige vers la jeune femme derrière le bar avec mon sourire commercial.
– Puis-je vous aider ?
– J'ai vu que vous cherchiez un plongeur.
La jeune femme me regarde des pieds à la tête avec une petite moue. Quoi ? Ce n'est pas parce que je suis blonde et bien habillée que je ne suis pas capable de faire la vaisselle !
– Je ne pense pas que vous ferez l'affaire.
– Y a-t-il une raison particulière ? Vous ne m'avez même pas demandé mon CV !
Je vois la jeune femme serrer la mâchoire dans un geste d'énervement contrôlé avant qu'elle ne me demande de la suivre. Je remonte donc une fois de plus mon sac sur mon épaule, avant de la suivre à l'arrière du restaurant.
Nous atterrissons dans une grande cuisine, où seul un jeune homme est présent, en train de récurer de grosses marmites. Je ne lui donnerais pas plus de dix-huit ans, voir peut-être même plus jeune.
En nous entendant, il tourne la tête vers moi, et je vois sa bouche s'ouvrir en grand lorsqu'il me voit. C'est bien souvent le premier effet que je fais aux gens. Ensuite, comme je suis une vraie blonde, ils pensent que je suis stupide, et ne font plus attention à moi.
Quelle erreur !
- Vous n'avez qu'à donner un coup de main à Norman. On verra comment vous vous débrouillez.
Cette sale garce me dit ça avec un sourire supérieur que j'ai bien envie de lui faire bouffer. Pourtant, je me retiens de lui refaire le portrait et lui envoie un sourire prétentieux, comme moi-seule je sais les faire. Une fois de plus, un muscle tressaute sur sa mâchoire, et je rigole doucement lorsqu'elle tourne le dos.
Je regarde alors le jeune homme qui est reparti la tête dans sa marmite, et remonte mes manches. Bien que je n'apprécie pas du tout l'autre pimbêche, j'ai besoin de ce boulot. Et j'ai plutôt intérêt à l'avoir.
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Hello mes poulets ! Chose promit, chose due !
Nous voilà de retour au cœur de notre chère famille Westhawk ! Je dois avouer que cela me fait du bien de publier de nouveau ( bien que les votes et les commentaires n'ont pas cessés sur les autres histoires !) parce que j'ai hâte de découvrir vos réactions face à notre petite Hope.
Et comme annoncé lors du dernier opus, je vais insérer plus de vie familiale dans les chapitres, tout en avançant sur l'histoire principale !
Comme vous avez pu le voir dans le résumé, étant donné que je suis nulle pour faire des couvertures, je me suis fait aider sur ce coup. Dites-moi ce que vous en pensez !
Et comme je dis toujours, haut les cœurs les amis !