L'Antichambre des Souvenirs

By ImanEyitayo

40 2 0

**Ouvrage édité, à retrouver partout en commande. Exemple amazon : http://amzn.to/2G1UrKK** "Le coma, un voya... More

Résumé
Partie 1 (2)

Partie 1 (1)

16 1 0
By ImanEyitayo



« If I die young, bury me in satin
Lay me down on a bed of roses
Sink me in a river at dawn
Send me away with the words of a love song... »

If I die young – The band perry


Paris, Mon Appartement.

Je serre Alex contre moi pour noyer mon chagrin. Ses caresses m'empêchent de pleurer, son odeur me rassure, et ses baisers me disent qu'envers et contre tout il m'aime. Il a sa façon bien particulière de me toucher, de me stimuler jusqu'à ce que je n'en puisse plus. Il me demande alors si je le veux et, fidèle à mes habitudes, je rougis en lui répondant que oui. Il exauce mon souhait et me prend avec douceur. Je l'enlace de toutes mes forces et me cale sur son rythme jusqu'à accéder au plaisir. Je suis essoufflée lorsque je renonce enfin à sa chaleur pour reprendre peu à peu une respiration normale.

Je me tourne vers le réveil, il est sept heures et demie.

— Il est tard, chéri. On va encore être en retard.

— Hum, OK, poupée. J'y vais en premier ?

— Oui, vas-y.

Alex se lève et se rend dans la salle de bains sans un coup d'œil dans ma direction. Il ne me regarde plus aussi souvent qu'avant, presque comme si le faire était devenu douloureux. Rien de plus normal quand on sait que je suis celle qui l'empêche d'avoir une famille. Y penser me donne d'ailleurs envie de rendre mon dîner de la veille. Je cours aux toilettes pour me soulager. Le bruit de la chasse d'eau alarme Alex, qui hurle tout en se brossant les dents :

— Ça va ? Tu vomis souvent ces temps-ci, tu ne penses pas que...

— Non. J'ai déjà vérifié.

— Ah... tu devrais consulter quand même, tu couves peut-être quelque chose.

— J'avais prévu d'y aller aujourd'hui.

Je m'essuie et jette un coup d'œil à mon reflet. Même si je reste grande et de corpulence moyenne, mon visage s'est un peu arrondi ces deux dernières années, mes joues ressortent davantage, et mes cheveux roux-orangé ont tellement poussé qu'ils me tombent dans le dos. Je les attache en queue-de-cheval et vais machinalement préparer le petit-déjeuner.

Je voudrais crier, mais je ne le fais pas. Alex a raison de se poser des questions, j'ai tous les symptômes. Seulement, depuis qu'on m'a annoncé quatre années plus tôt que j'étais stérile, les fausses alertes n'ont réussi qu'à nous détruire à petit feu. J'ai tout de même voulu vérifier dans un énième regain d'espoir, mais le résultat a encore été négatif. J'ai pleuré seule et n'en ai parlé à personne... jusqu'à ce matin.

Le plateau-repas servi, Alex descend, et je prends mon tour de douche. En une demi-heure, nous sommes prêts et quittons la maison, sans oublier de nous lancer le fatidique « Bonne journée », qui ne trahit que de la politesse. Pas de baiser, pas de mots d'amour, rien de tout ça. Notre couple tient encore, mais la routine et le vide créés par l'absence d'enfants ont pris le dessus. Parfois, je me dis que, sans le sexe, nous ne serions plus que l'ombre de nous-mêmes.

J'efface une larme lorsque j'arrive devant la clinique Sainte-Thérèse du dix-septième arrondissement à bord de ma petite Clio rouge. Je grogne pendant un bon quart d'heure, le temps de trouver une place pour me garer, puis j'enfile mes gants et me présente à l'accueil.

— J'aimerais parler au Docteur Linka, s'il vous plaît.

— Vous avez rendez-vous ?

— Non, mais j'ai appelé sa secrétaire hier soir, et elle m'a dit que je pourrais la voir entre deux consultations.

— Oh oui, vous devez être Madame Bell ! On m'a prévenue, en effet. On devrait pouvoir vous dégager une place autour de 9 h 45 par contre. Ça ira ?

— Merci, j'attends.

J'appelle immédiatement le cabinet pour les prévenir de mon retard, et je quitte le bâtiment pour aller boire quelque chose de chaud. Je finis par tomber sur un café sympa près du métro et m'y installe. Je commande un cappuccino que je savoure en intérieur, lis quelques revues sur mon iPad et retourne à la clinique pour 9 h 30.

Je prends place dans la salle d'attente et regarde les flocons s'entasser sur les rebords de fenêtres. Il ne fait pas très froid pour un mois de décembre à Paris, mais les chutes de neige sont sans précédent. Les routes de l'Île-de-France étant de plus en plus recouvertes de verglas, je dépends de ma tablette pour suivre l'évolution de la circulation et m'adapter en conséquence. Alex a pour sa part décidé de ne prendre que les transports en commun par ce temps. Je n'ai pas pu me résoudre à faire le même choix. La foule, les odeurs, les bousculades, l'énervement général, le stress, la course après le métro et l'impression en arrivant au travail qu'on a couru un marathon sous la pluie... non, merci. Après avoir une fois passé dix minutes dans le noir, collée à un petit pervers en manque sans pouvoir me dégager, je me suis acheté une voiture. On ne me la refera pas.

— Madame Bell ? Dana Bell ?

Je me lève à l'appel de la secrétaire et la suis. Je me retrouve rapidement en face de mon médecin, à qui j'explique mes récents symptômes. Elle est peu surprise vu le nombre de fois où cela s'est produit ces dernières années et me demande machinalement si j'ai bien fait un test de grossesse au cas où. Sa question m'exaspère, mais je lui réponds posément par l'affirmative. Elle annonce alors qu'il vaudrait mieux effectuer quelques vérifications en rajoutant que ce n'est sûrement rien de grave. Je me soumets à tous ses examens avec détachement, jusqu'à ce qu'à l'échographie la main du Docteur Linka se fige.

— Qu'y a-t-il ?

— Je... c'est impossible...

— Qu'est-ce qui est impossible ?

Je me redresse, et ce que je vois me fait trembler à mon tour. L'image dévoile une masse, assez diffuse mais identifiable. Un bébé ! Il — ou elle — bouge au rythme d'un bruit que je devine être celui des battements de son cœur. Je ne peux alors m'empêcher de verser des larmes, aussi bien de tristesse que de joie. Cela fait quatre ans qu'on m'a annoncé que je ne serai jamais mère, quatre ans que j'ai vainement attendu un miracle. Alex a évoqué l'adoption l'an dernier, mais j'ai refusé. Je n'acceptais pas l'idée d'être incapable d'enfanter, de ne pouvoir donner une descendance à mon mari et être une femme à part entière. Face à mes nombreux échecs, j'étais récemment prête à changer d'avis. Et voilà qu'on m'annonce que mon attente a payé ! Est-ce que, malgré tout, mon rêve se réalise enfin ?

— Je... je suis enceinte ? Je... comment est-ce possible ? Je suis stérile et le... le test était négatif !

— C'était sûrement un faux négatif, finit par lâcher le médecin qui semble tout aussi choquée que moi. En tout cas, il n'y a aucun doute possible, vous êtes bien enceinte, et de trois mois en plus !

— Je... trois mois ? J'ai... j'ai bien vu que mes règles étaient absentes, mais elles sont tellement irrégulières que je n'ai pas relevé. Mon Dieu... mon Dieu... je n'y croyais plus !

— Il aura finalement entendu vos prières, sourit-elle avant de me donner une liste de choses à faire et ne pas faire, ainsi qu'une série de rendez-vous que je me dois d'honorer pour qu'il n'arrive rien au fœtus.

J'avoue avoir vaguement écouté tant je suis estomaquée. Je sors un peu sonnée de la clinique, mais aux anges.

Une fois dans ma voiture, je souris malgré moi, et je ne résiste pas à l'envie d'appeler immédiatement mon mari. La sonnerie retentit à plusieurs reprises, et je tombe sur sa boîte vocale. Je lui annonce d'une voix chantante que j'ai une excellente nouvelle et qu'il devrait me rappeler au plus vite. J'allume ensuite la radio dont j'apprécie la musique un instant puis j'hésite à rentrer pour célébrer mon état avec un énorme pot de glace, devant la saison trois de la série « Once Upon a Time ». J'ai téléchargé l'épisode onze en version originale hier — oui, je sais que ce n'est pas bien — et ai hâte de le voir !

Après un long conflit interne, je finis par choisir la voie de la raison. Et puis, ce n'était pas une journée à passer seule, super série télé ou pas. Je démarre alors ma Clio en direction de Vélizy.

Après dix minutes de route, je suis encore en ville lorsque mon téléphone se met à sonner. Un coup d'œil me signale qu'il s'agit d'Alex. Je souris, mais je m'interdis de lui parler avant le prochain feu rouge. Une fois à l'arrêt, je compose son numéro et tombe de nouveau sur son répondeur. Ce concours de circonstances m'aurait énervée en temps normal, mais, en cette magnifique journée de décembre, mon humeur est au beau fixe. J'attends.

Alex me rappelle au moment où j'entre sur l'autoroute. J'hésite à décrocher en pleine conduite, mais je ne peux résister à l'envie de partager ma joie. Par souci de prudence tout de même, j'active le haut-parleur :

— Poupée ? Qu'est-ce qui se passe ? J'ai cru comprendre à ton message que c'était urgent ?

— Ça l'est, chéri. Devine ce que le médecin a dit !

— Je ne sais pas... que c'est rien de grave, je suppose ? Tu as l'air de bonne humeur.

— C'est mieux que ça, je suis enceinte !

Il y a un silence de l'autre côté du combiné.

— Comment ça, enceinte ?

Il se fiche de moi... ou quoi?

— Euh... enceinte comme enceinte. Tu connais une autre définition pour ce mot ? Écoute, en tout cas, tu avais raison pour mes nausées matinales ! Ça fait déjà trois mois !

Alex dit quelque chose que je n'entends pas à cause du cinglé derrière moi qui klaxonne pour que j'avance plus vite. Je ne réagis pas et incite Alex à répéter :

— Je disais... tu n'as pas dit ce matin que tu avais vérifié ?

— Si, si, mais c'était un faux négatif, ça m'a induite en erreur. L'échographie montre vraiment quelque chose, et son... son cœur bat ! Je te jure que ce n'est pas une blague !

Un autre silence s'immisce entre nous. Cette fois-ci, il me paralyse.

— Alex ? Chéri, tu es là ? Dis-moi que tu es là !

Le connard qui me colle l'arrière-train klaxonne de nouveau. Je descends ma vitre et lui crie qu'on est sur une pente, qu'il y a des voitures devant, et que je ne peux pas aller plus vite que la musique. Je la remonte ensuite et reprends ma conversation :

— Tu es sur la route, poupée ?

— Oui, je vais au boulot. Mais tu ne dis rien... tu n'es pas heureux ?

— Si, si ! Je suis juste sonné, tu comprends ? Je ne m'attendais pas à...

Un nouveau klaxon. Je perds patience. Je demande à Alex de garder la ligne et je redescends ma vitre pour apprendre les bonnes manières à mon voisin de derrière.

Les Parisiens sont d'une impatience, c'est pas croyable! Des fois, je me dis que même les chiens sont plus disciplinés!

J'entends alors des cris de panique et je vois le véhicule derrière moi, aidé par un camion glissant dangereusement sur du verglas, me foncer dessus.

Une forte douleur à la tête m'arrache très vite à cette vision. Je heurte brutalement le volant pendant que les tonneaux s'enchaînent. Je n'ai aucune idée de ce qui se passe autour, mais les violents impacts meurtrissent mon corps dans un océan de souffrances.

Sous le bruit des vitres qui se pulvérisent, je distingue des gémissements et des alarmes de pompiers. Les éclats de verre me déchirent la peau, mais je ne ressens plus rien. J'entends Alex qui hurle mon nom de l'autre côté du combiné. Je regarde mon téléphone, intact, plongé dans une mare de sang, et j'ai un dernier rictus : je n'aurais jamais pensé qu'un smartphone puisse survivre à un tel impact.





Continue Reading

You'll Also Like

293K 51.2K 69
🌹Histoires 💖 chrétienne🌹 L'homme quittera son père et sa mère et s'attachera a sa femme et les deux ne feront qu'une seule chair. Éphésiens 5:31�...
160K 16.9K 48
𝐍'𝐃𝐎𝐖𝐀 - Mariage. 𝐉é𝐫é𝐦𝐢𝐞 29 : 11 - « Car moi je connais les plans que j'ai conçus en votre faveur , déclare 𝐋'𝐄𝐭𝐞𝐫𝐧𝐞𝐥 , ce sont de...
3.4M 165K 57
Histoire sur la religion musulmane, cette histoire a pour but de renforcer votre foi, j'espère qu'elle vous sera utile et qu'elle me sera utile à moi...
259K 26.1K 27
Dans un monde où les femmes ne sont que les porteuses des générations futures, sans droit, ni choix. Danae, jeune fille intelligente va passer le GeX...