MIRABILIS

By tymlor

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Lors de l'exécution de la dernière enchanteresse des royaumes, celle-ci laisse en son souvenir une malédictio... More

La carte des royaumes
Mirabilis - A propos
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22

Chapitre 15

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By tymlor


                    Princesse d'Ilios, fille d'Afélis et d'Ilios, gardienne de la nuit, maîtresse des dragons.

    Princesse, là où le vent a porté nos voix se sont ouverts des négociations et la possibilité d'un accord qui mènera, je l'espère, aux prémices d'un commerce équitable.

    Rencontrez mon respect honnête et tous mes vœux d'une paix durable ce septième jour, à l'orée des bois de Nychta.

    Moi, Loukas Stratos, prince d'Afthonia, vous fais cette requête.

    Cette Nuit, la trêve se prolongera, nos hommes se reposeront.

    Là où nos armes se croisent, les cris feront place au silence.

    Où que nous mèneront nos échanges, je prie que les os de nos braves ne soient plus les pavés qui jonchent nos chemins.

    La Biche dormira, tranquille sur son lit de feuilles, l'œil clos, seule garante de notre volonté de se défaire du malin qui nourrit notre haine.

    S'est Éteinte la barbarie, puisse-t-elle ne jamais venir à nouveau troubler notre nuit.

Votre dévoué, Loukas Stratos, Prince d'Afthonia.



Mirabilis


— Tu as reçu une lettre, a dit Afélis d'une voix monotone.

    Sans attendre ma réaction, père m'a tendu ladite lettre à la hâte. Ses sourcils froncés et son air dubitatif en disait long sur sa volonté d'assister à ma lecture.

    Je l'ai lu.

    Je n'ai pas saisi le sens de ce charabia pompeux.

    Assise sur le fauteuil en velours brun dans le bureau du roi, je me perds dans la prose mesurée du prince d'Afthonia, cherchant la signification à tant de mots, phrases et fioritures inutiles. Le prince a usé de patience pour faire tenir au sein d'une feuille entière ce qui aurait pu être écrit en une seule phrase. Ce n'est qu'un jeu de politique, mais le comprendre aurait été pratique. Le tout ressemble à un appel à la paix, un rassemblement d'idées confuses sur l'avenir de nos royaumes qui m'a tout l'air utopiste. Le prince ne peut tout de même pas croire que cet accord mènera à la paix ? A moins qu'il soit aussi stupide qu'il en a l'air.

    Cette écriture ronde, les propos inscrits et la tournure des phrases ne vont pas avec son personnage. Il m'est autant dévoué que je suis stupide pour croire qu'il l'est. Sa formule de politesse pompeuse ne me trompe pas, ni tous les titres qu'il m'accorde.

    Il faut lui reconnaître une certaine maîtrise des mots. Là où la lettre pourrait n'être que douceur, le prince a réussi à prôner la paix tout en nous accusant par des caresses de sa plume d'avoir provoqué la guerre. Je suis presque vexé que ce soit si joliment dit.

— Nous nous rencontrerons donc le septième jour, c'est bien de cela qu'il s'agit ? je m'enquis auprès de père, posant la lettre sur mes genoux.

— Jamais Yvris n'a souhaité la paix. Je doute que son fils ait une politique différente.

— Crois-tu qu'il ait écrit cette lettre dans le dos de son père ?

    Il secoue la tête à la négative. Bien sûr que père ne peut imaginer une telle chose. De toutes les trahisons possibles, celle du sang n'en fait pas partie. C'est du moins ce qu'il croit. Personnellement, je ne pense pas que les ancêtres jouent un rôle déterminant sur notre futur. Il n'y aucune limite à la trahison, et si celle du sang est la pire, c'est bien parce que personne ne veut jamais y croire.

— Yvris lui dicte chacun de ses gestes, ces mots ne sont pas les siens et ne sont qu'hypocrisie et fausse politesse, le tout enrubanné dans du papier épais où figure le sceau d'Afthonia.

    Tandis qu'Afélis tourne nerveusement autour du bureau, sa colère fait grandir l'intensité de sa voix :

— Les enfants servent les desseins de leur père. Ce Loukas suit la route du sang impur qui fait battre son cœur de pierre. Il en paiera le prix.

    Je baisse la tête, contemplant la lettre où la parfaite calligraphie se détache du papier. Le monologue de père ne m'est pas vraiment adressé, mais sa signification me hérisse les poils plus que la neige et le vent glacial des monts de Chrysos. Nous, enfants d'un pouvoir qui nous dépasse, nous ne sommes que des instruments. Je ne suis qu'un instrument au service de la couronne. Une princesse que l'on exhibe aux yeux de tous, promettant son cœur et son corps à celui qui saurait le faire battre. Un avenir plus radieux m'a-t-il déjà été promis ?

    Jamais.

    A l'époque où mère était reine, je n'étais qu'une enfant cloîtrée dans un château. Je n'entendais que les reproches de celle qui haïssait m'avoir donné la vie, et les sermons de celui qui me reprochait de manquer de respect à la première. Il n'y avait aucune échappatoire, rien qui puisse me faire croire à un monde meilleur. Unique héritière d'un monde où les hommes sont seuls capables de détenir le pouvoir, j'étais une hérésie que mes parents cachaient à l'aide de grandes capuches et présence en fin de cortège. Je passais mon temps dans la bibliothèque en attendant qu'on me raccompagne à mes appartements.

    A la mort de mère, la haine à mon égard s'est amplifiée. Le peuple tout entier ne pouvait supporter qu'un sang magique circule dans mes veines. Il n'y avait aucun risque que je devienne enchanteresse à mon tour, mais personne ne voulait rien savoir. Personne n'aurait cru en la protection des pouvoirs de Zulia. Personne ne pouvait savoir qu'elle me haïssait au point de rejeter la magie qui aurait pu m'être accordée. Je n'étais rien pour elle, pas plus que je l'étais après. Aujourd'hui encore, l'amour absent me rappelle que l'attention de père ne m'est portée que pour garantir la survie du sang des Dekara.

    Se pourrait-il que le prince d'Afthonia soit traité de la même manière ?

— Le conseil se rassemblera dès la deuxième douzaine, nous traiterons de nos réserves d'or et de la possibilité d'un commerce, continue Afélis, passant à côté de tous mes silences.

— Afthonia n'a que faire de notre or.

— Tu troqueras l'or contre des kilos de viande à n'en plus finir.

    Je relève la tête, surprise. Cette négociation ne me semble pas être la bonne, et pour la cause ; la viande est une denrée périssable. Il faudrait voir sur le long terme et faire revivre le commerce.

— Ne voulais-tu pas débloquer le commerce autour de la retenue d'Emporia afin d'y développer la pêche ? Les fermes de Salakis se situent sur les îles du nord, dans les landes d'Efforos. Il faudrait des jours pour acheminer les provisions et aucun roi ne serait prêt à sacrifier des réserves si bien gardées.

    Afélis s'avance vers moi et s'arrête quand son ombre danse à la flamme des bougies sur mon visage. Sa voix gronde plus encore que le ciel dans ses mauvais jours :

— De la viande, rien que de la viande, en quantité astronomique. Tu éveilleras la curiosité du prince jusqu'à ce qu'il comprenne qu'elle nous est utile pour nourrir nos dragons. Alors il acceptera notre or, notre victoire et s'en remettra à Yvris avant de ployer le genou devant Ilios.

— Père, notre mensonge ne pourra traverser les âges.

    Une fois la paix obtenue, il y aura bien un idiot qui ira jusqu'aux grottes de lumière dans l'espoir de rencontrer un de nos fameux dragons – il y a bien des hommes qui mangent les fleurs de mirabilis maudites en pensant m'impressionner. L'homme tombera alors nez-à-nez avec Freud, déçu de ne voir ni ailes ni écailles, et notre mensonge sera porté à la connaissance des Afthonniens.

    Pendant tout ce temps, nos Hommes mourront encore de faim.

— Il nous donnera la victoire, n'est-ce pas tout ce que nous souhaitons ? me questionne père.

    Je ne réponds pas. Ce n'est pas ce que nous souhaitons. Aucun citoyen d'Ilios ne souhaite la victoire plus que le retour du soleil. Aucune mère n'a l'ambition curieuse de gagner quand son enfant dort sous la terre. Aucun homme ne souhaite donner la mort plus que son ventre réclame un repas convenable.

    Le combat du roi n'est pas celui de son peuple. Le combat du roi n'est pas le mien. A défaut d'être la couronne, je suis le peuple, et le sang peut alors trahir celui qui est le sien.

— Mira. L'impression première est celle qui nous mènera à la victoire, notre mensonge est le balbutiement de notre victoire.

    J'acquiesce, troublée par les mots de père qui font échos à ceux que le prince m'a tenu la veille. Alors je relis la lettre en laissant Afélis déblatérer inutilement. Je la relis encore et encore, cherchant dans la rondeur des lettres la réponse à mes questions.

    Les majuscules dansent majestueusement, placées en début de phrase, sur un mot – puis deux. Elles dansent et se détachent du papier, rendant l'évidence visible, faisant trembler mes mains et battre mon cœur plus fort que le son de la voix de père :

Princesse, rencontrez-moi cette nuit, là où la biche s'est éteinte.

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