De retour à Onéon.
J'ai aujourd'hui un objectif bien précis en tête : rassembler des informations à propos de M.K auprès de Samael Hul, le Chevalier qui s'est retrouvé exclu de la formation de la Deuxième Congrégation. Onéon est la ville de l'illégalité. Ses habitants en savent très probablement beaucoup plus que nous sur les figures de la résistance. M.K en fait partie autant que Valefor, bien que plus discret que ce dernier.
Il est quatorze heure. Je fais l'hypothèse qu'à cette heure-ci, le bar du Chevalier est plus calme. Les duels ne commencent qu'à partir du coucher du soleil, ce qui me laisse le temps d'avoir toutes les réponses à mes questions.
Je pousse la porte de l'établissement. Comme je l'avais prédit, il est beaucoup plus déserté que la première fois que je suis venue. Samael est là, adossé au comptoir, en pleine discussion avec deux autres hommes. Quand il m'entend arriver, ses yeux se posent sur moi. Je vois dans son regard apparaître une petite lueur de malice, me faisant comprendre qu'il m'a reconnue.
— Tiens, c'est la mystérieuse combattante qui a beaucoup fait parler d'elle. Bien que ta venue m'enchante je n'allais pas jusqu'à l'espérer, initie-t-il.
Je pose mes yeux sur les deux autres hommes.
— On peut parler ? En privé, je demande à Samael.
Samael me fait signe de le suivre. On se met à l'autre bout du bar, sur une petite table. Il me tend un verre d'alcool que je décline. Je dois garder les idées claires. Je ne suis pas là pour boire.
— Je t'écoute.
Je sors de mon sac l'affiche de recherche de M.K que j'avais arraché à l'un des murs de la gare d'Akasas.
— Ce type, qu'est-ce que tu peux me dire de lui ?
Samael ne répond pas tout de suite. Il fixe l'affiche pendant un temps assez long avant de me répondre.
— Mmmh. Je déduis que tes questionnements font suite à l'attaque d'il y a quelques jours, finit-il par déclarer d'un air très mystérieux.
Il fait référence à l'explosion du palais de glace.
Je réitère ma question.
— Qu'est-ce que tu peux me dire de lui ?
Samael se verse un verre l'alcool, qu'il avale cul sec, retardant la délivrance de sa réponse. Le fait qu'il mette autant de temps pour répliquer m'agace un peu. Ce n'est de toute évidence pas anodin.
— Quelqu'un d'intelligent, qui a très bien compris comment les choses fonctionnent, finit-il par déclarer.
Sa réponse reste très évasive.
— Mais, encore ?
Samael hausse un sourcil, croise les bras et s'adosse nonchalamment sur sa chaise, me contemplant de son regard mystérieux.
— Qu'est-ce que tu veux que je te dise, belle inconnue ? Ce que je pense de lui ?
— Ce que tu sais sur lui.
— Qu'ils visent, lui et ses mystérieux compères, les grandes institutions, que son objectif est,!par le biais du piratage informatique, de faire éclater au grand jour la vérité sur le Gouvernement et ses membres.
— Qu'est-ce qu'il dit sur ses membres ?
— Que ce sont des opportunistes.
— Dimitris Silva est un opportuniste ?
— Ils le sont tous.
— Mais Silva n'est pas un membre du gouvernement pourtant.
— C'est le neveu du Gouverneur. Il collabore étroitement avec eux. Au fond, c'est pareil, rétorque-t-il, plus froidement.
— Et, qu'est-ce que tu penses de Silva ?
— Que c'est un con. C'est lui qui m'a exclu de la Formation de la Troisième Congrégation. Je ne vais pas l'aduler. Je pense que M.K a très bien fait de s'intéresser à son cas. Beaucoup s'y sont penchés sans rien trouver.
— Qu'est-ce qui fait la différence de M.K par rapport à tout ceux qui tentent de s'intéresser de très près aux dessous du gouvernement ?
— C'est un pirate informatique. Il peut œuvrer à des milliers de kilomètres, rester fourrer à Onéon, sans que personne ne découvre son identité. Il a déjà ciblé des personnes dans le passé, il ne les a pas épargné.
— Comment ça ?
— Il a détruit leur vie.
Je fronce les sourcils, intriguée.
— Il les a tué ?
— Tuer n'est pas la meilleure façon de détruire une personne, sourit mystérieusement le Chevalier.
Je hausse les épaules.
— C'est plutôt efficace, pourtant.
— Mais, ça n'est pas autant jouisif que ce qu'il fait. M.K est un joueur, le meilleur de tous. Il piège les gens, il révèle au grand jour tous leurs secrets, ils les manipulent comme eux manipulent les foules. Il agit en parfait miroir, et c'est ça qui rend fou.
— Tu sembles soutenir ses actes.
— Je ne soutiens pas les Sans-Visages parce qu'ils tuent des innocent en commettant leurs attentats. M.K, lui, se fiche des civils. Il n'a pas besoin d'eux pour déstabiliser le gouvernement. M.K agit avec son groupe pour le bien de tous les civils, ce qui n'est pas le cas de Valefor
— Comment peut-on le rencontrer ?
Samael laisse échapper un petit ricanement mystérieux.
— Rencontrer M.K ? Un Sorcier ultra-puissant qui se cache de tous ? C'est impossible. Il ne cherche pas à ce qu'on le rencontre de toute façon.
Je sens alors once de déception prendre part en moi. Je sais que j'ai été trop ambitieuse, mais j'ai besoin de lui parler en personne, qu'il m'aide à découvrir la vérité sur les Congrégations.
— Donc, c'est impossible ? Personne ne peut le contacter ? je lâche.
— Je n'ai pas dit que ce n'était pas possible de le contacter.
Silence.
Je plonge mon regard dans le sien, sentant mon cœur commencer à s'emballer.
— Samael... Est-ce que tu sais comment contacter M.K ? je murmure alors.
Le Chevalier se ressert un verre et détourne le regard.
— Peut-être bien, finit-il par déclarer.
Je fronce les sourcils, agacée qu'il continue de rester très évasif. J'ai l'impression qu'il ne répond pas complètement à toutes mes questions et qu'il s'amuse de ça.
— Peut-être bien ?
— J'ai quelques contact qui pourrait aider à cela, me répond-il après avoir avaler de nouveau le contenu de son verre.
— Est-ce tu penses qu'ils pourraient lui passer un message ?
Samael s'accoude sur la table et avance son buste vers moi afin de positionner son visage juste en face du mien.
— Que me demandes-tu exactement, belle inconnue ?
— De lui faire parvenir une demande. Il doit bien faire payer ses services,?non ?
Samael finit par hocher la tête.
— C'est envisageable.
— Et, qu'est-ce que tu demandes en échange ?
Je sais qu'on n'a jamais rien sans rien. D'autant plus à Onéon, la ville du vice et de l'illégalité.
Samael semble pourtant plutôt étonnée de question. Il hausse un sourcil avant de répondre.
— En échange ? Je peux te faire ça gratuitement. Pourquoi tu veux entrer en contact avec lui ? me questionne-t-il.
— Objectif personnel. J'ai besoin qu'il enquête sur un décès mystérieux, en lien étroit avec une grande institution. Est-ce que tu penses que ça peut être jouable ?
— Je sais que M.K a pu établir des contrats avec plusieurs personnes, en échange d'argent ou de faveurs diverses. Mais, ça ne veut pas dire qu'il sera intéressé par le partenariat que tu lui proposes.
Je sors de mon sac le télé-commicateur de ma poche.
— Qui ne tente rien n'a rien. Est-ce que je peux prendre ton contact pour que tu me préviennes si tu as du nouveau ?
Samael sort son propre appareil. Il l'ouvre et établit une connexion magique avec le mien. Les deux appareils sont désormais reliés. Qu'est-ce que j'aime la technologie magique.
— Est-ce que je peux au moins avoir un nom pour savoir qui est la demoiselle qui me demande un service tel ?
— L'Inconnue fera très bien l'affaire, je rétorque.
— Qui que tu sois, Inconnue, fais très attention à toi. En contactant M.K, tu mets un pied dans ce qu'il y a de plus sombre dans tout Nauphéla. Ces gens là sont pour la plupart des criminels, dont on ne peut complètement se fier. Si un jour, tu tentes quelque chose contre eux, même si vous vous êtes alliés, ils anéantirons ton existence comme ils l'ont fait avec tant d'autres.
— Je suis prête à courir le risque.
Samael m'adresse un sourire terriblement mystérieux.
— Alors, bienvenue à Onéon.
***
Acheter un billet de train à la gare d'Akasas est un véritable casse-tête. Des machines fonctionnant à la magie ont été très récemment mises en place pour remplacer les guichets. Jusqu'alors, il en restait au moins un me permettant d'éviter d'utiliser ces appareils diaboliques. Mais, ce soir, il n'y a personne au guichet, m'obligeant à faire autrement. Je pianote nerveusement sur l'écran, ne parvenant pas à trouver ce que je cherche.
J'entends quelqu'un rire derrière moi. Je comprends rapidement que ça m'est destiné.
Génial.
— Alors, si tu ne cliques pas au bon endroit, c'est sûr que ça ne va pas marcher, s'amuse l'étranger.
C'est un homme, plutôt jeune, entre vingt-cinq et trente ans a peu près, de l'âge de Larsen environ.
— Merci de ta perspicacité. Ça fait avancer la chose, je rétorque froidement.
L'inconnu passe son bras d'une manière franche devant moi, sans me demander, pour faire la démarche à ma place. J'aurais juste préférer qu'il m'aiguille au lieu de tout faire seul. Un soupçon d'exaspération s'empare de moi.
— C'est bon, tu peux payer, réplique-t-il, une fois la manipulation terminée.
Je cherche dans mon sac mes dernières pièces et tente de les insérer dans une fente, mais sans succès.
Le jeune homme éclate de nouveau de rire. Je trouve sa réaction un peu exagérée pour pas grand chose, franchement.
— Quoi encore ? je tonne, un peu sèchement.
— Si tu mets tes pièces au niveau de la sortie, là où tu dois normalement récupérer ta monnaie, c'est sûr que ça ne va pas marcher.
Je récupère mes pièces et les insère un peu plus haut, agacée.
— Là, ça va ? je lance avec désinvolture.
— Tu ne serais pas une Archère, toi ? lance-t-il sur un ton et un sourire arrogant qui frise la condescendance.
La machine compte les pièces très lentement, ce qui m'empêche de mettre fin rapidement à la discussion. Je n'attends que ça.
— Pourquoi ?
— Les Archers sont souvent maladroits et n'ont pas l'habitude de ce genre de technologie. Ils vivent normalement dans des...
— Trous paumés ? Merci pour tes stéréotypes, je le coupe froidement.
— J'allais dire dans des villes reculées, sans magie.
La machine génère enfin mon billet. Je l'arrache d'un coup sec et me retourne vers l'inconnu, lui adressant un regard très bref.
— Merci de ton aide.
Je le contourne, ne le laissant pas répliquer, me dirigeant vers les quais. Une fois dans mon train, je peux souffler. Ce genre de gars m'agace particulièrement. Ceux qui veulent vous donner des leçons sans que vous leur avez demandez, ceux qui ricanent face à vos difficultés. Aujourd'hui, je n'ai aucune patience et aucun humour. Je suis fatiguée. La journée a été longue et prévoit de l'être encore. Je n'ai pas vraiment la foi de faire la discussion avec un parfait inconnu qui semble mépriser les Archers.
Une fois rentrer au Camp d'Otrance, je décide de déposer mes affaires dans ma nouvelle chambre. Sinan m'intercepte dans les escaliers.
— Silva organise une petite assemblée dans la salle des fêtes. Dépêche-toi, tu vas rater le début.
Une assemblée ? En quelle honneur ? Il est rare que Dimitris organise un événement. Il est même peu courant de le croiser dans l'enceinte de l'établissement, généralement. Il est souvent enfermé dans son bureau ou à Akasas. S'il a organisé quelque chose, ce doit être important. Je me hâte donc d'y être.
— Attends-moi deux secondes. Je mets mon uniforme et j'arrive.
Sinan finit par accepter, me montrant tout de même son impatience, et quelques minutes plus tard, nous voilà en route pour le centre du Camp, là où se trouve la splendide salle des fêtes. Il y a tous les étudiants, de chaque Ordre. Tous discutent entre eux, attendant que Dimitris arrive. Un buffet est dressé sur les côtés, proposant toutes sortes de mets succulents. Personne ne semble savoir ce qu'on attend.
Le directeur parvient enfin dans la salle, accompagné.
Accompagné par quelqu'un que je reconnais tout de suite : le type de la gare. Je n'ai pas eu le temps d'analyser son visage, mais c'est bien sa tenue. Il est grand, athlétique, les cheveux châtains foncés et épais, ainsi qu'un teint hâlé qui fait ressortir ses yeux noisettes. Il est plutôt bel homme, et je ne suis pas la seule à l'avoir remarqué. Les filles posent leurs yeux immédiatement sur lui, adressant de grands sourires et chuchotants aux oreilles de leurs copines.
Et là, particulièrement, je me rends compte que j'ai déjà vu son visage quelque part. Sur une photo ou quelque chose comme ça. Mais où ? Je n'arrive pas à m'en rappeler tout de suite. J'ai un trou de mémoire. Je glisse alors un mot à l'oreille de Sinan, qui connaît tout sur tout le monde. Il soit forcément savoir de qui il s'agit.
— Est-ce que c'est...? je ne finis pas ma phrase.
— Steren Morozov ? Je crois bien que oui, réplique-t-il sans quitter du regard le nouveau venu.
Ça y est. Ça me revient. Je me connais son identité. C'est l'élu des Archers de la Deuxième Congrégation. J'ai vu son visage quand j'ai étudié la promotion de la Formation précédente. C'est donc quelqu'un de très important, ainsi qu'un ancien camarade de Nikolaï. Intéressant.
— Qu'est-ce qu'il peut bien faire ici ? je chuchote à l'oreille de mon voisin, qui ne détache pas ses yeux du nouveau venu.
— On ne va pas tarder à le savoir.
Dimitris, demande alors le silence et se place au centre de la salle avec Steren Morozov. Tout le monde se place autour d'eux, fixant la scène avec grand intérêt et excitation.
— Bonsoir, chers élèves. Cet événement est un peu inattendue, vous m'en excuserez, mais sera pour vous une véritable opportunité. Certains l'ont peut-être déjà reconnu : Voici Steren Morozov, Archer de la Deuxième Congrégation. Steren travaille habituellement dans la sécurité de la capitale au niveau des remparts entourant Akasas, mais a accepté de vous faire le don de sa présence pour quelques semaines. Steren, je te laisse peut-être te présenter.
Steren hoche la tête, visiblement parfaitement à l'aise de parler devant autant de monde. En même temps, on n'est pas un public très difficile. On le fixe avec de yeux grands ouverts et admiratifs. J'ai même l'impression que des les filles à ma gauche vont s'évanouir. Pouvoir rencontrer l'un des Élus est une chance inouïe pour nous, eux qui sont généralement si occupés. Ce sont habituellement de véritables modèles pour les élèves, qui suivent à la lettre leur vie et leur actualité. Beaucoup sont fans d'eux, espérant un jour incarner le même prestigieux statut qu'eux.
Un tonnerre d'applaudissements se fait entendre. Steren balaie la foule un regard de gratitude.
— Merci Dimitris, et merci à vous pour votre chaleureux accueil. Je suis très heureux de pouvoir vous rencontrer et partager ces prochaines semaines avec vous. Retourner dans ce magnifique lieu cinq ans après est un peu troublant, je l'admets. Sachez que vous avez une chance immense de côtoyer des professeurs aussi talentueux que Dimitris Silva qui vous apprendrons sûrement bien plus que vous n'avez pu apprendre jusqu'alors, sourit-il en se tournant vers le directeur.
Ce dernier poursuit.
— Steren sera donc parmi nous pendant quelques semaines afin de vous partager son expérience riche d'élu. Les élèves de tous les Ordres sont les bienvenus à aller lui parler. Profitez pleinement de cette opportunité. Il est rare que des Élus se déplacent et pour une durée aussi longue, ici.
Steren acquiesce.
— En effet, n'hésitez pas à venir me parler, si vous me croisez dans les couloirs, dans les jardins, ou près des salles de cours. Il est évident que j'aurais davantage tendance à m'infiltrer dans les activités des Archers parce que j'en suis un, mais, le dispositif des Congrégations est un moyen de profiter des différences de chacun. Donc, je serai aussi amené à me mêler aux autres Ordres.
Dimitris réplique.
— On m'a rapporté le besoin d'avoir plus d'entraînement chez les Archers. Steren aura donc une véritable fonction d'entraîneur durant ces semaines. Profitez-en donc un maximum. Je ne vous embête pas plus. La soirée peut commencer.
Les élèves applaudisse frénétiquement, acclamant le nouveau venu. L'ambiance est à la fête, ce soir.
Steren semble faire l'unanimité. C'est un très bon orateur, parfaitement à l'aise devant les foules, un visage expressif, habillé d'un magnifique sourire lumineux. Il est évident qu'il attire les regards.
De la musique se fait alors entendre. Les élèves se fondent entre eux, et Steren se fait d'ores et déjà assaillir de tous les côtés. Delilah fait partie de ceux qui l'agrippe déjà. Je la vois déjà jouer de ses charmes avec lui, battant de ses longs cils noirs recourbés. Elle n'était pas en couple avec Taniel ? Il semble bien que ce dernier regarde la scène avec hostilité, à l'écart, et les dents serrées.
Un autre se trouve à l'écart, le visage fermé, c'est Larsen. Silva vient de lui planter un beau couteau dans le dos. C'est Steren qui va replacer désormais ses entraînements bénévoles auprès des archers. Je l'ai compris au discours implicite de Dimitris.
Je vais me positionner juste à côté de Larsen, qui fixe la scène au loin, muré dans un profond et amer silence.
— Alors, Monsieur Stanov, on a un nouveau rival ?
J'ai tout de suite envie de le taquiner. Il aime tellement le faire avec moi, que c'en est tentant.
— Steren n'est pas un rival, rétorque-t-il sans un seul sourire, continuant de projeter son regard au loin.
— En tout cas, il est sans doute un très bon entraîneur, je lance sur un ton espiègle.
Larsen tourne son visage vers moi et lève un sourcil me toisant du regard.
— Tu veux que ce soit lui ton entraineur, maintenant ?
Je laisse échapper un petit rire acquiesce.
— Tu te sens en concurrence ?
— Je n'ai pas de concurrent. Et surtout pas un type comme Morozov qui vit aux antipodes de ce que subissent les Archers au quotidien.
— Comment tu sais ?
— Steren n'a pas grandi dans les villes reculées du Nord. Issu d'une famille riche, il a fréquenté les plus grandes écoles et les universités les plus élitiste d'Akasas. Il n'a jamais été confronté aux problématiques des Archers. La pauvreté et l'exclusion, il ne les a jamais connues.
— Et, c'est quel genre de gars ?
— Oh, ce n'est pas moi qui vais te dresser le portrait le plus élogieux. C'est quelqu'un qui peut se montrer capricieux et arrogant quand il n'a pas ce qu'il désire. Forcément, il a été éduqué à tout avoir.
— Et, c'est un bon Archer ?
— Excellent, l'un des meilleurs même. Steren est aimé des autres Ordres parce qu'il ne représente pas les Archers du Nord. Il est fidèle à l'armée et au gouvernement. Un parfait petit soldat.
Je hoche la tête, un peu prise par mes pensées, le regard maintenu sur lui.
— Steren m'intéresse.
Larsen hausse un sourcil.
— Ah oui ?
J'acquiesce.
— Il a été un camarade de Nikolaï. Il l'a connu. Si je me rapproche de lui, il me livrera sans doute ce qu'il sait.
Larsen me tempère un peu.
— Sois prudente, Katherina. N'oublie pas que c'est un Archer hautement talentueux. Il pourrait aisément te démasquer. Méfie-toi de lui.
Je lui adresse un sourire amusé.
— Comme je me suis méfiée de toi au début ?
— Katherina...
— Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, mais notre collaboration n'est pas aussi fructueuse qu'il le faudrait. On piétine autant du côté des visions pour moi que du côté des recherches pour toi.
Larsen s'agace légèrement. C'est très rare de le voir le faire, lui qui parait toujours si sûr de lui.
— Eh, tu crois que c'est facile de s'infiltrer comme ça et de fouiller partout ? Je n'ai pas de super pouvoir hein, je ne sais pas faire sauter les cadenas comme ce que tu essaies d'apprendre, je n'ai pas de magie pour devenir invisible ou transplaner comme les grands Sorciers d'Onéon. Je ne suis qu'un Archer, avec les moyens du bord que j'ai. C'est long, je te l'accorde, mais j'ai quelques pistes.
Je lui accorde un regard sincère pour le rassurer. Je ne pensais pas qu'il prendrait ma remarque autant à cœur.
— Tranquille, Larsen. Je ne te faisais pas un reproche. J'essaie juste de prendre en compte toutes les possibilités d'avancement. Ce serait trop bête de passer à côté de l'opportunité que m'offre Steren.
— Fais comme tu veux. Fais juste attention à toi, c'est tout, finit-il par lâcher.
— Je le ferai.
La discussion avec Larsen se termine. Je décide de profiter de la soirée avec Sinan, un peu à l'écart, n'osant pas encore m'approcher de Steren, déjà massivement sollicité par ses demoiselles, notamment la princesse Delilah.
Les heures passent et l'envie de dormir se fait ressentir. La soirée a pris un autre tournant. Les gens dansent entre eux. Je me dirige vers la sortie, ne faisant plus attention à personne jusqu'à que mon chemin croise celui de Steren. On échange un regard appuyé alors qu'il me sourit mystérieusement. Sourire que je lui rends. Il m'a reconnue.
Finalement, je ne suis pas si mécontente de l'avoir croisé à la gare.
Steren Morozov deviendra de toute évidence une pièce indispensable de mon puzzle.