Je me suis souvent caché ici,
Parmi les bibelots et les vieilleries,
Les tableaux oubliés, les tapisseries,
Les châles effilochés, les broderies
La vaisselle fêlée de grand-mère
Les couteaux d'argent, les cuillères,
Les plats de porcelaine, les théières,
Aux parfums clairs, aux effluves légères
Ce lieu a une odeur d'aventure
Une odeur connue, qui rassure
Bien caché, entre les robes et les chaussures
Toutes ces babioles marquées par l'usure
Entassées avec les livres et les jeux,
Toutes ces vieilles choses dont plus personne ne veux,
Les journaux jaunissant, les fleurs séchées,
Les lettres d'amour d'un temps passé
Dont les mots bavent et s'effacent
Et dont il ne restera bientôt aucune trace
Et moi aussi je suis là, serré, coincé,
Entre ces souvenirs ternis et usés
Ces objets inutiles et brisés
Et j'ai peur de n'être qu'un de ces décombres
Qui gênent et qui encombrent
Qui finira par se fondre dans les ombres
Oublié de tous et peu à peu recouvert
Par une couche de poussière
J'aimerais tant sortir,
M'évader, m'enfuir,
L'extérieur me tente, mais il est si effrayant,
Ici au moins, je sais ce qui m'attend
Ma tranquillité tissée de mensonge et de mirage
Mon masque d'enfant docile et sage
L'indifférence des gens normaux,
Juste un quelqu'un parmi tant d'autre
Personne ne pourrait deviner
Qu'au coeur de mon jardin secret
Pousse une petite fleur
À sept couleurs
Alors parfois, par la porte entrebâillée,
Je me risque à admirer,
Ces sourires et ces mains enlacées,
Cette insouciance dans vos baisers
Qui s'envolent sous vos rires, si légers,
Et je rêve d'être comme vous,
Peut-être suis-je un peu jaloux
Le monde est si grand, et si beau
Mais je ne peux quitter cette prison sans barreau
Cette cage qui me fait prisonnier
Sans serrure, et sans clé
Alors je retourne me terrer dans le noir,
Au milieu de mon petit bazar,
Le regard usé, un peu hagard
Et je me berce de belles histoires,
Qui me raccrochent à ce futile espoir :
Un jour, je sortirai du placard.