La 3ème Congrégation

Oleh Apo-logie

29.3K 3.8K 335

La Province de Nauphela est divisée en quatre Ordres : Les Chevaliers, les Fées, les Sorciers et les Archers... Lebih Banyak

Prologue
Carte de Nauphela
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Chapitre 45
Chapitre 46

Chapitre 18

550 75 4
Oleh Apo-logie

Les visions semblent progressivement se multiplier, réduisant progressivement les délais entre chacune d'entre elles. Quelque chose d'étrange en moi se passe depuis la mort de Nikolaï. Mes pouvoirs semblent se réveiller, et j'ignore si les livres que Larsen m'a confiés seront suffisants pour apprendre à m'en servir.

Les Fées apprennent à travailler leur pouvoirs dès le plus jeune âge. Je n'ai malheureusement pas eu cette chance, étant donné que Madame Olga était contre l'utilisation de la magie. Elle nous avait élevés Nikolaï et moi comme deux Archers, nous interdisant à tout moment de chercher à utiliser nos pouvoirs. Pour ma part, ils ne s'étaient déclenchés qu'à la mort de Nikolaï, mais pour ce dernier, ce fut plus prématuré. Je me souviens encore des champs en feu. Ce jour-là, on a découvert qu'il était une Fée du feu. De toute évidence ce n'était volontaire, mais il n'avait pu se contrôler, même s'il avait fini par réussir à éteindre l'incendie.

Les pouvoirs des Fées sont différents de ceux des Sorciers. Les Fées contrôlent la plupart du temps les éléments de la nature, prenant appui sur l'énergie du soleil, alors que les pouvoirs des Sorciers sont plus sombres. Il contrôlent davantage les objets, les personnes, pouvant au contraire des Fées, avoir la capacité de tuer. Une Fée ne pourra jamais le faire directement. Le feu que produisait Nikolaï pouvait détruire les infrastructures, mais pas tuer les humains. Celui d'un sorcier aurait été différent.

On pourrait penser, de fait, que les Sorciers sont plus influents que les Fées. C'est en partie vrai quand on sait que leur magie est plus puissante, mais elle est tellement contrôlée par le Gouvernement, qui interdit maintes et maintes pratiques que finalement, les Fées ont plus de libertés et sont davantage écoutées, car plus inoffensives.

Les Sorciers peuvent développer un autre pouvoir qui les rend d'autant plus dangereux, celui du transplanage. Ce pouvoir leur permet de disparaître d'un endroit pour réapparaître autre part, de manière instantanée. Il demande une énergie considérable ainsi qu'une pratique de la magie extrêmement avancée, si bien que seuls les Sorciers les plus légendaires ont réussi un jour à le développer. Cette pratique pose des problèmes, parce qu'elle facilite drastiquement les actes criminels. Elle n'est pas complètement interdite, mais massivement contrôlée par les autorités. Il faut avoir un permis pour l'utiliser, et ne pas avoir eu de problème avec la justice.

Pour ma part, j'ignore encore aujourd'hui quel type de Fées je suis. Le seul pouvoir que j'ai à ma connaissance est celui des visions. Pas des visions futures, mais passées, exclusivement en lien avec Nikolaï pour le moment. Les livres de Larsen que j'ai lus indiquent que des types de Fées bien différents peuvent être marqués par des visions. Il m'est donc impossible d'en savoir plus pour le moment. Ils expliquent aussi que le déclenchement des visions peuvent parfois avoir un rapport au début avec une émotion puissante : quelque chose de sentimental, un traumatisme non résolu... Et que la manière la plus simple de les déclencher et de jouer sur ça. Mais, pour les arrêter, c'est bien plus compliqué. Cela nécessite une maîtrise de soi que je suis bien loin d'avoir.

Maintenant que j'ai lu une partie des livres que Larsen m'a apportés, j'ai envie de mettre les conseils que j'ai lus à exécution. Ce soir, on est samedi. Beaucoup de professionnels ne travaillent pas, et une partie des élèves sont sortis à l'extérieur, ce qui fait d'aujourd'hui une opportunité parfaite pour tenter d'avoir une vision supplémentaire à propos de Nikolaï. Dans l'une de visions passées, j'ai pu observer une altercation entre lui et Dimitris Silva. Nikolaï lui reprochait de ne pas être présent pour les élèves. Silva lui a proposé de le retrouver dans son bureau pour qu'ils puissent discuter de ce qu'il s'était passé. Je n'ai pas eu accès à plus d'informations, puisque la vision s'est arrêtée là. Je suis, depuis, obsédée par le simple fait de savoir ce qu'ils se sont dit lors de cette fameuse conversation.

Ce soir-là, aux alentours de minuit, je décide de me rendre dans le bâtiment administratif, situé en face de celui des Archers. Je pars du principe qu'il y a peu de chance que je trouve du monde ce soir-là, étant données les raisons évoquées juste avant. Je pars donc confiante.

Le bureau de Dimitris Silva se situe au quatrième étage, le dernier. Pour l'atteindre, après avoir monté les escaliers, il faut emprunter un long couloir, tourner à gauche, continuer, avant de l'atteindre. Je viens de sortir des escaliers et marche dans la première partie du couloir, n'ayant pas encore tourné. La nuit plonge dans l'obscurité le bâtiment déserte, qui n'est de ce fait pas éclairé. Économie d'énergie ? Ce ne serait pas étonnant quand on connaît le manque de moyens du Gouvernement pour entretenir ses infrastructures.

Ma confiance en la situation disparaît totalement quand, à mesure d'avancer, j'entends des voix, plus loin devant moi. Je comprends au son de leurs pas que des individus s'approchent vers moi. Sûrement une patrouille de nuit. Il sont encore dans la partie du couloir située après le virage, ce qu'il fait qu'ils ne me voient pas encore, mais ce ne serait tarder. Il est trop tard pour faire demi-tour, je suis trop loin des escaliers. Ils vont forcément me voir. Je commence à céder à la panique quand je me retrouve brusquement tirer en arrière. Une main se pose alors sur ma bouche pour m'empêcher de faire du bruit. Je me fige après un sursaut innatendu, sentant mon cœur bondir dans ma poitrine. Alors que je me retrouve dos contre l'individu, il me retourne vers lui, toujours une main sur ma bouche.

Je souffle quand je reconnais dans l'obscurité de la nuit le visage de Larsen, légèrement éclairé par la lueur de la pleine lune. Il pose l'index de sa main gauche sur ses lèvres pour me demander de continuer de me taire. Je hoche silencieusement la tête, lui indiquant que j'ai compris.

Il retire alors enfin sa main droite de la bouche et me saisit par le bras pour m'emmener vers une petite porte juste à côté de nous, qu'il déverrouille rapidement. On tombe alors dans un local dans lequel est stocké du matériel d'hygiène, et Larsen referme la porte derrière notre passage. Il récupère dans son blouson un télécommunicateur qu'il ouvre afin d'y diffuser une petite lumière pour ne pas nous laisser dans le noir. On reste pour le moment silencieux. Larsen, son oreille collé contre la porte, guette le passage de la patrouille de nuit. Le bruit des pas devient de plus en plus proche, puis semble ensuite s'éloigner, m'indiquant qu'ils sont passés devant la porte.

Je retiens mon souffle, alors que mon cœur semble être prêt à exploser dans ma poitrine. Le local est petit, je suis collée contre Larsen, tremblant de tout mes membres. Je sens son souffle contre moi, mais lui paraît beaucoup plus calme que je le suis.

Je lève les yeux vers lui.

— Un patrouille ? je murmure.

Larsen hausse un sourcil.

— Tu ignorais qu'il y en avait la nuit ?

— Je pensais qu'il y en n'avait pas le samedi.

— Erreur. Il y en a d'autant plus. Tu t'es mise en danger, petite Fée, me sourit-il, m'accordant un air espiègle.

Je lève les yeux au ciel.

— Je suis sure que ça t'amuse. Et puis, qu'est-ce que tu fais ici, toi ?

— Qu'est-ce que toi tu fais ici ? renchérit-il.

— Tu sais ce que je suis venu faire.

— Mmmh. Les visions, devine-t-il.

— Ne me dis pas que t'es venu toi aussi fouiner ?

Larsen esquisse un sourire mystérieux.

— Ou alors, je t'ai vu sortir du camp des Archers et te diriger vers le bâtiment administratif, et je me suis amusé à te suivre.

— Je n'y crois pas un mot. T'es venu pour fouiner toi aussi. T'as trouvé ce que tu cherchais ?

— Ça dépend, répond-il mystérieusement.

— Quoi, « ça dépend »?

— Ça dépend de ce que je cherchais.

Je pousse un soupire, me retourne et pose ma main sur la poignée pour sortir. Larsen me saisit la main pour l'empêcher de baisser la poignée.

— Ne sois pas autant pressée, petite Fée. Tant qu'ils ne sont pas sortis du bâtiment, il vaut mieux attendre.

Je lève de nouveau les yeux au ciel puis me retourne de nouveau vers lui, plantant ses yeux dans les miens. L'étroitesse du local fait qu'on se touche presque.

— Tu sembles en savoir plus que moi.

Larsen recherche véritablement quelque chose ici. Mais quoi ? De toute évidence, il ne semble pas encore disposé à me mettre dans la confidence, se délectant de l'image mystérieuse qu'il renvoie.

Larsen fixe son télécommunicateur, sur lequel il a activé un chronomètre, avant de répliquer.

— Ça fait des semaines que j'étudie l'organisation de la sécurité. Ils font des rondes de deux heures, et mettent cinq minutes à redescendre et à rejoindre l'extérieur une fois qu'ils sont montés jusque-là.

Je croise mes bras sur ma poitrine, dévisageant attentivement mon interlocuteur.

— T'es du genre de ceux qui préparent minutieusement leurs coups, toi, je déclare.

Larsen hausse un sourcil pour me toiser d'un regard espiègle.

— Tu me pensais amateur ?

— Je ne sais pas ce que je pense. Tu ne m'as rien dit sur toi.

— Parce que tu ne me l'as pas demandé, petite Fée, me répond-il mystérieusement, en esquissant un petit sourire.

Un long silence s'en suit alors. Je suis face à Larsen près de lui, mon visage à quelques centimètres du mien, sentant son parfum boisé me chatouiller le nez. Je me détends un peu. Il n'est peut-être finalement pas si terrible que ça.

— Merci. Merci de m'avoir sortie d'affaire ce soir, je finis par déclarer.

Il faut avouer que Larsen m'a aidé plus d'une fois. J'ai encore des doutes sur lui, mais pour le moment, il a plutôt été de mon côté. Je ne suis pas une ingrate, je sais reconnaître quand quelqu'un a pu se montrer utile pour moi. Et bien que ce soit de toute évidence intéressé, je lui en suis reconnaissante.

— Ne me remercie pas pour ça. Je n'ai encore véritablement rien fait pour t'aider, me répond Larsen, esquissant un petit sourire mystérieux.

Je détourne le regard, un peu gêné de me trouver si proche de lui, lors d'un temps que je trouve long. Je fixe son télécommunicateur dont le chronomètre avoisine les cinq minutes.

— On devrait y aller. Le temps est écoulé.

Larsen hoche la tête, puis saisit la poignée afin d'ouvrir la porte. On se retrouve de nouveau dans l'éternel couloir dans lequel on déambule à la lumière du télécommunicateur.

— Belle pièce. Tu l'as volé ? je demande sur un ton sarcastique, en désignant du menton l'appareil.

Larsen laisse échapper un petit rire.

— Eh non. Je l'ai payé. Cher, je le conçois, mais je l'ai payé. Je pourrais t'en avoir un pour un prix à abordable, si tu as besoin.

Je ne réponds pas. Pour le moment, je ne veux rien faire pour dépendre de lui. On arrive devant le bureau de Dimitris Silva, et je décide de m'asseoir par terre, dos contre le mur, attendant que les visions surviennent.

Larsen s'assoit à côté de moi, et me dévisage, voyant que je suis pensive.

— Tu n'aimes pas beaucoup que l'on t'aide toi.

—...

Je hausse les épaules mais ne répond pas.

— Tu es méfiante, ça se voit. Mais, tu as raison de l'être.

Je me livre alors. Sous l'effet de la fatigue et du contexte, c'est plus facile de dénouer les langues. Et de toutes les façons, on a le temps avant que les visions surviennent. Il faut bien s'occuper.

— La seule personne en qui j'avais confiance à l'époque, c'était Nikolaï. Il me répétait souvent de ne me fier qu'à personne. Et il avait raison. Quand tu vis en foyer, tu ne peux te fier à personne. Les adultes sont autant cruels que les enfants. J'ai donc appris à me débrouiller seule.

— Vivre ce genre de chose aussi tôt est de toute évidence formateur.

En effet. Ça l'a été.

Mais à refaire, je ne le referai pas. Je choisirai de vivre dans une vraie famille.

Je me tourne alors vers lui, plantant les yeux dans les siens.

Larsen a de jolis yeux. Ils sont noisettes avec une bordure plus foncée tout autour, surplombés de longs cils plus foncés que ses cheveux blonds. Une lueur de mystère et de malice en émane.

— Et toi ? Il t'es arrivé d'accordé ta confiance en quelqu'un et qu'elle soit bafouée ? je finis par lui demander.

Larsen détourne le regard et se met à jouer machinalement de ses mains avec l'appareil.

— Mmmh, non.

Réflexion plus que rapide.

Je fronce légèrement les sourcils.

— « Non », tu n'as jamais accordé ta confiance en quelqu'un, ou « non », tu n'as jamais été déçu ?

— Je n'ai jamais été déçu. Je sais choisir les bonnes personnes, me répondit-il.

Il paraît sûr de lui, ce qui m'étonne un peu. On a tous été déçu ou trahi par quelqu'un. A moins de vivre dans une grotte en autosuffisance. Mais, je ne pense pas que cela ait été son cas.

— Et, est-ce que t'en es une, toi, de bonne personne ?

Larsen hausse un sourcil et plante de nouveau son regard dans mes yeux.

— Tu veux savoir si je peux révéler ton petit secret ?

Je me redresse afin d'évacuer la tension qui se loge dans le creux de mon estomac.

— Je veux savoir jusqu'à où tu es prêt à aller pour trahir ta parole.

— Quoique soit la réponse que je te donne, cela ne changera pas. Tu es obligée de me faire confiance, quand je t'affirme que je ne révélerai pas ton secret. Tu n'as pas le choix.

Il a raison. Et c'est particulièrement cela qui me tourmente.

— Et alors, tu trouves ça jouisif ? je rétorque.

Larsen secoue la tête.

— Non. Je ne me nourris pas de la vulnérabilité des autres.

— Tu te nourris de recherches et d'enquêtes ?

L'intendant laisse échapper un petit rire.

— Je te l'avais dit que j'étais aux prises de pulsions scopiques.

Je souffle alors, me détendant un peu plus. Finalement, sans que je ne lui ai demandé, Larsen est resté là. Je pense qu'il veillera à ce que personne me trouve en pleine transe si les visions reprennent.

— Est-ce que tu savais que Nikolaï et Inna Klava avaient eu une relation ?

Larsen se fige, écarquille les yeux, visiblement étonné. Mais, une certaine lueur se met alors à animer ses yeux.

— Intéressant.

— Secrète je pense. Il ne m'en a jamais parlé par correspondance. Je l'ai vu dans une vision, récemment. J'imagine que Formateurs et élèves n'ont pas le droit de sortir ou de coucher ensemble ?

Larsen secoue la tête.

— Tu ne peux pas avoir de relation avec quelqu'un qui as un pouvoir décisif sur toi. Formateurs et professeurs compris. Pour éviter les confits d'intérêt.

— Donc, Nikolaï a forcément dû tenir cette relation secrète.

Larsen tempère alors mes propos.

— Ne fais pas de déduction trop hâtive. C'était l'histoire d'un soir ou une vraie relation ?

— Je ne sais pas. J'ai juste vu...

Je ne termine pas ma phrase. Les images me reviennent en tête, alors que j'essaie de les chasser de mon esprit.

— Tu la connais bien, Inna ? je demande, afin d'évacuer les images que j'ai en tête.

— Non. Elle n'adresse pas la parole aux Intendants, sauf si c'est pour leur donner des ordres. On est tout en bas de la pyramide, il ne faut pas l'oublier, et elle nous le fait bien savoir.

Je suis presque déçue. Je sais que je ne dois rien attendre de Larsen, mais j'ai eu l'espoir pendant un instant qu'il puisse éclairer mes questions à ce sujet.

— Donc, tu ne pourras pas acquérir des informations à son sujet.

— Pas en passant par elle. Mais, ça ne m'empêche pas d'enquêter par d'autres biais.

Je hoche la tête, n'osant pas lui demander de quel biais il parle, et laisse passer quelques secondes de silence avant de répliquer.

— Et qu'est-ce que tu sais d'elle ?

L'intendant hausse les épaules.

— Pas grand chose, hormis qu'elle a été une élève de la garde rapprochée de Silva. Il l'a formée pour intégrer son armée, il y a dix ans de cela. Inna est une Archère hors pair, une guerrière impitoyable, mais, une véritable garce.

Je laisse échapper un petit ricanement.

— Je suis davantage d'accord pour le dernier qualitatif.

Larsen esquisse sourire presque imperceptible.

— Mais, ce qui la rend vulnérable c'est son arrogance. Elle ne soupçonnera jamais un simple intendant de mener l'enquête sur elle.

Et c'est très fortement probable.

Larsen semble penser beaucoup de choses à propos de la situation, mais vouloir tout de même les garder pour lui. Il se livre un peu à moi, mais semble contrôler tout ce qu'il dit. Il reste volontairement évasif, laissant transparaître quelques points intéressants, qui me frustrent un peu. J'ai davantage envie de poursuivre la conversation avec lui, alors qu'au début, la seule chose que je désirais c'était de m'éloigner de lui, parce que je ne le trouvais pas net.

— Tu crois qu'elle aurait pu être au courant de ce qu'est arrivé à Nikolaï ?

Larsen semble hésiter. Il laisse échapper de longues secondes avant de répondre.

— Je pense qu'elle avait des secrets. Les gens capables de cacher une relation sentimentale secrète au sein d'un établissement aussi contrôlé que celui-ci, sont de toute évidence capable de cacher bien plus.

Je hoche la tête, attentive. Il a sans doute raison. Je pense qu'on est bien loin d'imaginer tout ce qu'il s'est tramé ici lors de la Formation de la Deuxième Congrégation.

Je ramène mes genoux vers mon buste, me mettant à frissonner. Le bâtiment est mal isolé, laissant passer des courants d'air froid. Je ferme alors les yeux, espérant qu'une vision pointe le bout de son nez. La fatigue se fait ressentir autant de son côté que du mien. Il commence à se faire très tard.

Je rouvre un œil, pour adresser un regard à Larsen, jusqu'alors très calme.

— Tu crois que je vais passer des heures à attendre ?

Larsen hausse les épaules.

— Difficile à prévoir. Ça peut prendre quelques minutes comme des heures, ou même ne jamais venir.

— Tu t'y connais un peu en vision ?

— Pas vraiment. J'en ai entendu parler, comme tout le monde, j'ai un peu lu. Mais je pense qu'un Sorcier ou une Fée serait plus à même de répondre à tes questions.

— Je ne connais pas de Fée ou de Sorcier susceptible de m'aider.

Larsen laisse échapper un petit rire espiègle.

— Non, en effet. Les seules personnes qui pourraient t'aider sont des Archers. Ça tombe plutôt mal.

Il me tend contre toute attente sa main. Je lève un sourcil, confuse.

— Oui ?

— Prends-la.

— Je te demande pardon ?

— Pour déclencher des visions il faut pouvoir avoir atteint une sérénité et une paisibilité suffisante. Les Fées ressentent les énergies des autres et peuvent entrer en synchronicité rien que par le toucher. Essaie, me propose-t-il, en désignant d'un regard pourtant rassurant sa main.

Je suis dubitative face à sa demande. Après quelques secondes d'hésitation, et parce qu'il m'accorde un regard de confiance, je place ma main dans le creux de la sienne. Larsen referme ses doigts dessus, et je ferme les yeux. Au bout de quelques secondes, je me me mets à ressentir comme des vibrations à l'intérieur de tout mon corps, émanant de ma main. Je sens que mon rythme cardiaque ralenti considérablement, faisant disparaître progressivement ma nervosité.

Je rouvre les yeux, complètement stupéfaite par ce qu'il vient de se passer.

— Wow...qu'est-ce que tu as fait...? je murmure déconcertée.

Larsen m'adresse un sourire mystérieux.

— Moi ? Je n'ai rien fait. C'est toi, me répond-il.

Je frissonne alors, perplexe, ne comprenant pas ce qu'il essaie de me dire.

— Comment ça, c'est moi ?

Je vois dans son regard comme la satisfaction d'avoir trouvé quelque chose. Mon cœur se met alors à s'emballer.

— Je n'en étais pas sûr jusque-là mais je pense que tu es un type de Fée très rare, poursuit-il sans répondre directement à ma question.

Rare ?

— Une Fée de l'esprit.

— Une Fée de l'esprit ? je murmure, décontenancée.

— Les Fées de l'esprit sont un type vraiment très particulier de Fées. Elles ne contrôlent ni le feu, les océans, la foudre, mais un élément bien plus discret. Ce pouvoir, s'il est maîtrisé fait d'elles des créatures qui peuvent devenir extrêmement influentes. Ce sont des Fées de l'invisible. Elles contrôlent ce qu'on ne peut pas percevoir par les sens.

Je hoche la tête, attentive.

— D'où les visions.

Larsen poursuit ses explications.

— Les Fées de l'esprit ne sont pas les seules à pouvoir vivre des phénomènes de visions. Mais, les leurs sont plus intenses, plus longues, plus lourdes de sens.

Une monde de mystère se noient dans ses yeux noisettes.

Je me redresse, aux prises de plusieurs questionnements.

— Comment peux-tu être sûr que c'est ce que je suis ?

— Les Fées de l'esprit sont capables de ressentir l'invisible, de jouer avec, de contrôler et de se laisser contrôler par lui. Elles sont les seules à capter l'énergie des personnes, à y réagir un miroir. D'un seul toucher, elle peuvent avoir accès à des informations. Elle peuvent se synchroniser à l'énergie des autres.

Tout devient alors plus clair. C'est donc pour ça que j'ai eu une vision la première fois qu'il m'a serré la main, chez Ota.

— Comment tu sais que je parviens à me synchroniser à ton énergie ?

— Parce que je le sens. Et, tu fais bien plus que te synchroniser à mon énergie. Tu la draines.

— Et ça, n'importe qu'elle « cible » peut le sentir ?

Larsen secoue la tête.

— Non. Pas n'importe qui.

Je plisse les yeux, suspicieuse.

— Donc, visiblement toi tu peux.

— Oui, je le peux parce que j'ai à mon actif des années et des années d'entraînement à la méditation. Je ressens tout ce qu'il se passe à l'intérieur de moi. C'est un travail de longue haleine, mais n'importe qui peut apprendre à percevoir en soi ce genre de choses. Même les Ordres sans magie.

Je viens alors une intuition très forte.

— C'est donc à ça que te servais Ota. Il a été ton professeur. Il t'a appris à méditer, je murmure alors.

Larsen détourne son regard et ne répond pas.

— Les Fées de l'esprit deviennent puissantes si elles ont acquis une véritable conscience d'elles même. Je t'apprendrai un jour, finit-il par déclarer, sans me répondre.

Il me tend de nouveau sa main. Prise par une curiosité soudaine et une envie d'en savoir plus, je dépose la mienne entre ses doigts et ferme de nouveau les yeux.

Je frisonne à son contact. Larsen a une énergie si particulière. Il semble si calme, si apaisé, comme si aucune crainte ne l'avait jamais habité. C'est très étrange comme sensation. Moi qui pensait qu'il portait un masque... En fait, il est réellement comme ça. Je ressens dans tout ce que je perçois une réelle authenticité. Je me demande combien d'années d'entraînement lui ont été nécessaires pour atteindre une sérénité telle.

Et c'est là que les visions ont commencé.

Lanjutkan Membaca

Kamu Akan Menyukai Ini

29.3K 3.8K 48
La Province de Nauphela est divisée en quatre Ordres : Les Chevaliers, les Fées, les Sorciers et les Archers. Pour établir une harmonie entre chacun...
Gifts Oleh WonderDany

Misteri / Thriller

14.1K 1.4K 34
Kole Morgan, un inspecteur respectable de la ville de Chicago, reçoit un cadeau anonyme le soir de Noël. Le contenu du paquet ravive les souvenirs le...
11.6K 2.2K 56
| Urban Fantasy | MxM | 2 publications par semaine Dans l'Atrium, capitale lumière où les cinq races cohabitent presque en harmonie, la police humain...
70.3K 1.9K 34
La Reine Emma d'Auradon va aider ses amis à chercher Mal sur l'île de l'oubli et a secourir son frère des pirates. Mais a la fin, tout va changer, po...