Je suis surprise par cette question, je ne m'y attendais pas du tout.
Je ne suis ni gênée, ni contrariée. Simplement, étonnée.
Mon cœur est tiraillé par deux idées. La première répondre rapidement et honnêtement à cette interrogation, afin d'éviter qu'il remarque qu'il m'ait déstabilisé.
Ou alors, prendre mon temps et sur analyser sa question.
Pourquoi l'a-t-il posé ?
Qu'attend-il comme réponse ?
Je choisis d'arrêter ma réflexion ici, et de choisir la première option. Répondre vite et franchement.
- Oui, j'ai déjà été amoureuse, une fois. Répondis-je finalement.
- De qui ? Surenchérit-il.
Je souris.
- On a dit une question par personne.
C'est à son tour de sourire.
- C'est vrai, à ton tour. Admit-il.
Je souris de plus belle.
- Alors, pourquoi tu n'as pas couché avec elle ? Tu n'as pas répondu tout à l 'heure. Dis-je en faisait référence à Milla.
Il semble réfléchir quelques instants.
- Je savais qu'elle était attirée par moi qu'à cause de mon crime. Donc je l'ai repoussé. Je ne voulais pas qu'elle sexualise le décès de ma mère. Dit-il très sérieusement.
- Je comprends.
- De qui alors ?
- Pardon ?
Je comprends immédiatement le sens de sa question. Simplement, j'ai été surprise par la rapidité avec laquelle il a changé de sujet.
- De qui tu es tombée amoureuse ?
Je fais mine d'avoir une révélation.
- Je ne me souviens plus de son prénom, j'étais très jeune à l'époque. C'était pendant les vacances d'été, sur la Côte d'Azur, avec mes parents. Chaque année, tous les mois d'août, ma famille et moi partions au camping fêter mon anniversaire. Dis-je nostalgique.
- Une année, mes parents avaient sympathisé avec un autre couple du camping, ils avaient aussi des enfants, dont un garçon. On passait tout notre temps ensemble et je suis tombée folle amoureuse de lui ! M'exclamais-je amusée par ce souvenir.
Il rit, mais je ne relève pas.
- Il était petit et il avait une dent cassée, mais je le trouvais trop beau. Dis-je en riant avec lui.
- Il m'avait même offert un cadeau pour mon anniversaire ! Continuai-je.
- C'était quoi ? Demande Lorenzo toujours amusé.
J'hésite à lui rappeler les règles de ce jeu. Mais je me rétracte.
- C'était un sachet de lavande avec mon initiale dessus. Dis-je en me remémorant ce souvenir.
- De la lavande ? Pourquoi ? Demande-t-il très sérieusement.
- Parce que le violet est ma couleur préférée. Dis-je honteuse.
Il rit.
Je lève les yeux au ciel.
- Il était très attentionné ! Le défendis-je.
- Oui enfin pas assez pour que tu te souviennes de son prénom. Répond-il en plaisantant.
Je feins l'indignation.
Il rit encore.
- À moi maintenant, tu as posé trop de questions. Dis-je plus sérieusement.
C'est à son tour de simuler l'indignation. Et au mien de rire.
J'attends quelques minutes afin de poser ma question.
- Quand as-tu été diagnostiqué bipolaire ?
Il répond assez rapidement.
- C'était pendant mon procès. Mon avocate a exigé que je fasse une analyse psychologique, et le psychiatre m'a diagnostiqué bipolaire. Dit-il sommairement.
- Tu l'étais depuis toujours ?
Il semble réfléchir.
- Non, je ne crois pas. J'ai toujours été hyperactif quand j'étais enfant. Mais de là à dire que j'étais bipolaire, je ne sais pas. Ou alors si c'était le cas, je n'en avais pas conscience. Ce dont je suis sûr, c'est que c'est ce jour-là, que la situation s'est empirée. Conclut-t-il.
J'acquiesce. Inutile qu'il précise de quel jour il parle.
- Ça te dérange que je sois bipolaire ? Demande-t-il sincèrement.
- Tu me demandes si ça me dérange que tu sois bipolaire ? Répétai-je.
- Oui.
- Évidemment que non, mais j'aurais préféré que tu ne sois pas malade Angelo. Parce que ça reste un trouble grave, qui t'affecte. Mais non, ça ne me dérange pas. Dis-je sincèrement.
- Tu n'as pas peur ?
- De toi ? Non.
Étonnamment, pensai-je. Lui aussi visiblement.
- Surprenant quand on sait que je suis un détenu, un meurtrier, et un malade mental, non ? Me reproche-t-il presque.
Aïe. Parfois, j'oublie.
- Oui, surprenant. Avouai-je.
- C'est comme ça que tu te vois Angelo ? Repris-je.
- C'est ce que je suis, Sarah. C'est un fait.
- Je n'ai pas dit que tu ne l'étais pas. Mais tu ne vois rien d'autre chez toi ?
- Plus maintenant, non.
- C'est triste. Finis-je par dire.
Oui, ça l'était. Tout l'était.
Mais je choisis de ne pas m'étendre dessus. Je décide donc, de tout de suite enchaîner avec une autre question.
- Comment tu t'es fait cette cicatrice sur ton visage ?
Instinctivement, il la touche. Il semble surpris par ma question.
- Je l'avais oublié. Se justifie-t-il.
Je décide de ne rien répondre.
- C'était pendant mon procès aussi. Répond-il à ma question.
Je ne comprends pas.
- Tu ne te l'es pas fait en prison ? Sur ton dossier, il y a une photo et tu n'as pas cette cicatrice.
- Je crois que la photo dont tu parles date du jour de mon arrestation. Ma cicatrice, elle, date de mon jugement en Cour d'appel.
- De ton jugement en Cour d'appel ?
- Oui, mon avocate avait fait appel de la décision du Tribunal de première instance. Elle la jugeait trop sévère.
Je le laisse continuer.
- Comme pour le premier jugement, mon père était là.
- Quand je suis passé à côté de lui, il m'a sauté dessus avec un bout de miroir. Et ça m'a entaillé. Il visait mon cou, mais c'est ma joue qu'il a touchée. Dit-il très calmement.
Je suis bouche bée. Je ne sais pas quoi dire. Quel père affreux !
- Dire qu'il visait ton cou est une jolie manière de dire qu'il voulait te tuer Angelo.
- J'ai tué l'amour de sa vie, Sarah. C'est compréhensible.
- Non, rien ne l'est.
Il ne répond rien avant un temps. Il semble à la fois triste et détaché.
- Ça te dérange qu'on change de sujet ?
- Non du tout. Pose une autre question, c'est à ton tour. Répondis-je tout aussi calmement que lui.
Il sourit légèrement. Puis, me pose sa question.
- Tout à l' heure, je t'ai demandé si tu avais été amoureuse auparavant.
J'acquiesce.
- Et tu m'as dit que tu l'avais été qu'une seule fois.
J'acquiesce à nouveau.
- Après l'épisode du camping, tu n'es jamais plus tombée amoureuse ?
- Non.
- Pourquoi ?
Je connais la réponse. Mais j'hésite à la donner.
- J'étais assez solitaire au collège et au lycée. Dis-je vaguement.
Il semble attendre une autre réponse.
- Quand mon père s'est suicidé, toute ma vie a ...
Je n'ai pas le temps de terminer ma phrase qu'il me coupe.
- François s'est suicidé ?