Je crois voir sur son visage de l'étonnement.
Oui, il est surpris. Même dans le noir, je le devine.
Je suis assise, sur une chaise métallique, en face d'une table toute aussi froide. Lui, est aussi assis. La seule chose qui nous différencie, ce sont ses menottes.
- C'est ce qui est écrit sur la feuille, Sarah ?
Je regarde la trame donnée par le médecin. J'hésite à mentir.
- Non. Avouai-je.
- Alors, pourquoi tu me demandes ça ?
- Tu voulais suivre la trame toi ? Répondis-je par une autre question.
Il sourit. Enfin, je crois.
- Commence par celles-là. On verra ensuite. Me dit-il fermement.
- Je ne peux pas. Je ne les ai pas apprises par cœur.
- Comment ça ?
- On est quasiment dans le noir complet Angelo, je suis incapable de les lire ses questions, avec cette obscurité. Mais si tu veux, on peut ouvrir un peu plus les volets, et je pourrais les lire. Lui proposais-je.
Il ne répond rien. Alors, au bout de quelques secondes, je décide de me lever pour aller les ouvrir.
- Non.
Je m'arrête.
- Pardon ?
- Ne les ouvre pas. M'ordonne-t-il.
- Mais je ne peux pas lire les questions du docteur, Angelo.
- Je répondrais aux tiennes. Lâche-t-il.
Je me rassois. Lentement. Très lentement. Je ne le lâche pas du regard. Je cherche à déterminer s'il plaisante, s'il ment ou s'il est sincère.
- Tu es sûr ?
Il acquiesce.
- Donc, je peux reposer ma question ? Celle sur tes prénoms ? Ou tu ne veux pas ?
J'ai l'impression de marcher sur des œufs.
- Oui. Tu peux la poser. Mais je n'y répondrais qu'à une seule condition Sarah.
- Laquelle ?
- Tu dois aussi répondre aux miennes. Dit-il sourire aux lèvres.
J'ai l'impression que c'est un piège. Mais je suis joueuse.
- Cela me parait honnête. Une réponse pour une autre. Dis-je.
Son sourire s'intensifie davantage. Je me demande quelles questions il va me poser.
- Qui commence ? Lançai-je presque trop enthousiaste.
- Tu commences Sarah.
Je m'exécute.
- Je te repose la question Angelo, pourquoi tu n'aimes pas qu'on t'appelle Lorenzo ?
J'entends qu'il ravale sa salive.
- Avant de te répondre, j'ai une question Sarah.
Je râle.
- Je veux juste savoir si on a le droit à un joker, ou non.
- À un joker ? Répétai-je.
- Oui. Un par personne. Pour chaque séance.
J'hésite. Je veux tout savoir de lui. Mais, est-ce que je veux qu'il sache tout de moi ? Quelles questions va-t-il me poser ? Quelles réponses je vais devoir donner ?
- Je n'ai rien à cacher. Affirmai-je, confiante.
- Donc, pas de joker ? Conclut-il.
- Non, pas de joker.
Peut-être que je regretterais ce choix.
- D'accord. Dans ce cas, je dois te répondre.
J'acquiesce, surexcitée. Je n'arrive pas à contenir ma joie.
Lui, est beaucoup moins enjoué.
- Je ne déteste pas le prénom Lorenzo.
Ah.
- C'est simplement que j'adore le prénom Angelo. Continue-t-il.
Il se moque de moi ?
- C'est tout ?
Il hésite avant de répondre.
- C'est aussi parce que c'est comme ça que ma sœur m'appelait. Quand elle est décédée, je ne supportais plus l'idée qu'on m'appelle autrement qu'Angelo. Finit-il par dire.
- D'accord. Dis-je simplement.
La surexcitation que je ressentais plutôt c'est en allait. En effet, j'avais oublié que les sujets qu'on allait aborder seraient aussi tristes. Je suis de retour à la réalité.
- À moi ? Lance Lorenzo d'un ton faussement enjoué.
Ma précédente question l'a attristé et je m'en veux. J'essaie de balayer ce sentiment, en prenant un air enjoué tout aussi faux que lui.
- Oui !
Je suis tendue. Que va-t-il me dire ?
- Pourquoi tu voulais savoir ça ? Demande-t-il.
Facile comme question.
- Je ne sais pas, c'est la première question que je me suis posée sur toi. Je trouvais ça intrigant.
Il acquiesce. Je suis presque déçue de sa question.
- Maintenant, j'aimerais savoir ce qu'il s'est réellement passé entre Milla et toi.
Il sourit. J'ai la vague impression qu'il préfère cette question à la première.
- Nous nous sommes embrassés une fois. Mais comme je te l'ai déjà dit, ce n'est pas ma petite copine. Avoue-t-il.
- Seulement une fois ?
- Oui, pourquoi ?
- Elle m'a dit qu'elle était ton premier amour, que vous étiez ensemble quand vous aviez 16 ans, je crois.
- Mon premier amour ? Répète-t-il.
- Oui, elle m'a dit ça hier.
- Mais elle est folle ! Elle m'a juste dragué, comme elle drague tous les autres. Lance-t-il.
- Tous les autres ?
Je ne comprends pas.
- Elle a le syndrome de l'hybristophilie.
- Je ne comprends toujours pas.
- Elle est sexuellement attirée par des personnes qui ont commis des crimes Sarah. C'est courant dans les prisons. Demande à Liam.
- Elle a couché avec Liam !? M'exclamai-je outrée.
- Un parmi tant d'autres. Dit-il amusé.
Je suis choquée. Scandalisée même !
- Donc c'est pas du tout ta première relation ? Concluais-je.
- Non, du tout. Je ne la connaissais pas avant qu'elle ne soit embauchée ici. Elle m'a simplement fait des avances quelques fois, et on s'est embrassé à la salle de sport.
- Pourquoi tu n'as pas couché avec elle, toi aussi ? Je veux dire, ce n'est pas comme s'il y avait beaucoup de choix.
Il sourit.
- C'est une question chacun, madame.
Je souris à mon tour. Il a raison.
- À ton tour alors, mais je la poserais tout à l'heure. Dis-je en tournant la tête, faisant semblant de lui faire la tête.
Il rit. Et moi aussi.
Maintenant, c'est à lui de poser une question.
- Tu as déjà été amoureuse ?